LA FORMATION DANS LA FONCTION PUBLIQUE : DÉPENSE OU INVESTISSEMENT?



Documents pareils
Pour la prospérité : investissons dans le développement social du Québec

LA DETTE PUBLIQUE DU QUÉBEC ET LE FARDEAU FISCAL DES PARTICULIERS

Mémoire pour les consultations de la Communauté métropolitaine de transport sur le financement du transport collectif

Consultations prébudgétaires

Modernisation des programmes d aides techniques du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)

Pour une vision globale et efficace dans le domaine des TIC. avril 2015

MÉMOIRE CONSEIL QUÉBÉCOIS DU COMMERCE DE DÉTAIL SUR LE DOCUMENT DE CONSULTATION VERS UN RÉGIME DE RENTES DU QUÉBEC RENFORCÉ ET PLUS ÉQUITABLE

Étude sur les efforts requis pour gérer les offices d habitation de moins de 100 logements Société d habitation du Québec

En fonction de sa proposition, Hydro-Québec s attend à ce que la nouvelle tarification soit effective au début de l année 2007.

Vous aider à rendre votre milieu de travail sécuritaire. Vous aider à éviter les lésions professionnelles et sauver des vies

ANALYSE DU PROJET DE LOI NO 42

Planification stratégique

«Pour une pleine participation des retraités et des ainés au développement régional le modèle coopératif»

Soutien aux projets structurants de valorisation de transfert Direction du Soutien à l innovation technologique et sociale

MISE À JOUR ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DE L AUTOMNE 2014 QUÉBEC

LA FINANCIÈRE AGRICOLE DU QUÉBEC PLAN D ACTION DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

SCARM Direction de l approvisionnement Ville de Montréal Mars 2013

SOMMAIRE DU RAPPORT ANNUEL 2013 DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

Veille stratégique au gouvernement du Québec - Une intelligence à partager

Pour l exclusion des offices d habitation des décrets sur le personnel d entretien des édifices publics

SYNTHÈSE HISTORIQUE VÉCU DE L'AAR PARTIE 2

Une vision d avenir. Il était deux petits navires. Mise en contexte. Rapport Perrault. Forum des générations (2004) En bref...

GUIDE SUR LES INDICATEURS DE PERFORMANCE DANS LES UNITÉS DE VÉRIFICATION INTERNE

LES ÉVÉNEMENTS INTERNATIONAUX MONTRÉALAIS Programme de soutien de Tourisme Montréal

Curriculum Vitae : Stéphanie Le Rouzic

La sécurité civile, une responsabilité partagée

RIGUEUR RESPONSABILITÉ DANS LA GESTION DES DÉPENSES

ENTENTE À INTERVENIR. entre d une part : LE GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. et d autre part :

Regroupements de travailleurs d un même secteur d activités avec possiblement des différences au niveau des :

STRATÉGIE DES DÉPENSES DE GESTION RIGUEUR ET RESPONSABILITÉ

LES PRESTATIONS D ASSURANCE TRAITEMENT (Pour une invalidité de 104 semaines et moins)

Parce que la retraite ça se prépare!

BULLETIN QUESTIONS-RÉPONSES PROGRAMME D ÉQUITÉ SALARIALE

MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ DE TRANSPORT DE MONTRÉAL

GUIDE SUR LES MUTUELLES DE FORMATION. Règlement sur les mutuelles de formation

Équité salariale. 21 décembre e Équité salariale

Le Pacte de responsabilité et de solidarité

Régime à cotisation déterminée. On sait ce qu on met dedans; ce qu on retirera à la retraite dépend du rendement.

Consultation sur le référencement entre assureurs de dommages et carrossiers. Commentaires présentés à L Autorité des marchés financiers

Le pacte de responsabilité et de solidarité

Plan stratégique Horizon 2017

CFP 059M C.P. Rapport D Amours

Le réseau FADOQ plaide pour une réelle adaptation du Régime de rentes du Québec

VOTRE RÉGIME COLLECTIF d assurance salaire de longue durée

Mise en place et consolidation de la fonction de vérification interne dans les ministères et organismes Guide

RÉSUMÉ POINT SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU QUÉBEC. Par : Service de fiscalité

Association pour la Promotion de l Assurance Collective Clauses de désignation et de migration

Le 15 décembre 2014 ADOPTION DE LA LOI FAVORISANT LA SANTÉ FINANCIÈRE ET LA SUIVEZ RETRAITESAI SUR. Numéro 14-22

CONFIANCE DANS L INDUSTRIE AGRO-

Le SPPMM œuvre dans le secteur

LISTE DES REPRÉSENTANTS ET DES SECTIONS DE TRAVAIL au 19 novembre 2014

Se donner les moyens d assurer la réussite du transport collectif

RÉSUMÉ DES MESURES FISCALES DU BUDGET DU QUÉBEC DU 26 MARS 2015

Québec:: Rapport de la Commission de révision permanente des programmes. Novembre 2014

Association canadienne de la construction. Mémoire prébudgétaire 2015

Rédaction d un Plan d affaires

Conseil de recherches en sciences humaines du Canada

Rapport du comité d experts du Québec sur les moyens de pérenniser le système de retraite

le QuEbec POUR Enrichir Affirmer les valeurs communes de la société québécoise

Guide sur les mutuelles de formation. Règlement sur les mutuelles de formation

Guide explicatif Nouveau barème d allocation des UFC

Orientations. gouvernementales. en matière. d agression. sexuelle. Plan d action

RAPPORT EXÉCUTIF DE LA FIRME DE CONSULTANTS GARTNER

Gouvernement du Québec Ministère de l Éducation, du Loisir et du Sport, ISBN (version imprimée) ISBN

Mémoire relatif au Règlement sur le dépannage et le remorquage des véhicules sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal

PROJET - POUR DISCUSSIONS SEULEMENT AUCUNES RECOMMENDATIONS À CE STADE-CI. Université de Moncton

Proposition n o 6 Abrogation de la cotisation supplémentaire. Résumé des faits

LE 16 FÉVRIER 2015 Mémoire présenté au Conseil d experts sur les contributions d assurance automobile dans le cadre de la consultation publique

MÉMOIRE L ORGANISATION DU TRANSPORT COLLECTIF DANS LA MRC DE L ASSOMPTION

Devenir un gestionnaire de personnes

Politique de services en matière de sécurité sociale

pour le trimestre qui a pris fin le 30 juin 2014

SFPQ. express. Forum récréotourisme. AUGMENTATION DE TAXES (contrat Desjardins)

Compétences de gestion et leadership transformationnel : les incontournables liés au nouveau contexte environnemental

INFORMATION A07-CFS-I-D6

PRIORITÉS POUR LE BUDGET FÉDÉRAL DE 2012

Particulier. activités Investisseur Ajout d un quatrième palier à. Entreprise

I. - LES FAITS NÉCESSITANT LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCÉDURE SPÉCIFIQUE D URGENCE A.

E N T E N T E DE P A R T E N A R I A T R É G I O N A L EN T O U R I S M E

PROGRAMME DE MENTORAT

5.11 Programme de subventions aux entreprises adaptées

Le Fonds de solidarité FTQ : Partie prenante à la solution pour l industrie du capital de risque au Canada

Note de présentation générale. Secrétariat général du Conseil d orientation des retraites

Professeur Rémi Quirion, Scientifique en chef

Caisse de retraite du Régime de retraite du personnel des CPE et des garderies privées conventionnées du Québec

Réalisez vos rêves de carrière

Observations sur l avant-projet de loi, Loi sur l aménagement durable du territoire et l urbanisme

Une école adaptée à tous ses élèves

Western Climate Initiative, inc. Budget révisé pour l année civile 2015 et dépenses prévues en mai 2015

FRAIS DE VOYAGE ET DE DÉPLACEMENT

Le risque de négociation dans la gouvernance des régimes de retraite

Les Politiques macro-économiques

Fiche entreprise : E12

Rapport sur l intérêt des producteurs maraîchers de la région de Montréal quant aux modèles associatifs de mise en marché en circuits courts

Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications

Vos stratégies d attraction et de rétention vous permettent-elles d attirer et de fidéliser les meilleurs talents?

Comment est fixé. Qui administre. Comment calcule-t-on la rente. Quelle est la différence entre. le taux de cotisation? votre régime de retraite?

Une grande équipe. Le conseil d administration. Un travail précieux et sérieux. Le personnel. Les 3 axes d intervention. Rapport annuel

Demande de permis Candidats du cheminement CPA, CA

August ASSOCIATION CANADIENNE DE LA CONSTRUCTION MÉMOIRE PRÉBUDGÉTAIRE 2015 Comité permanent des finances

Transcription:

LA FORMATION DANS LA FONCTION PUBLIQUE : DÉPENSE OU INVESTISSEMENT? Présenté par : Richard Perron Pierre Riopel 7 janvier 2015 7, rue Vallière, Québec (Québec) G1K 6S9 Téléphone : 418 692-0022 1 800 463-5079 Télécopieur : 418 692-1338 1001, rue Sherbrooke Est, bureau 300, Montréal (Québec) H2L 1L3 Téléphone : 514 849-1103 1 800 463-6341 Télécopieur : 514 842-5281 Courriel : courrier@spgq.qc.ca Site Internet : www.spgq.qc.ca

La formation dans la fonction publique : dépense ou investissement? Les employeurs les plus performants ont compris que la formation n est pas une dépense, mais plutôt un investissement productif et un levier d accroissement de la performance. Hélas, le gouvernement du Québec va dans la direction opposée. Dans la fonction publique du Québec, la formation continue est considérée comme un avantage consenti aux employés 1 ainsi qu une dépense compressible, et non comme un investissement productif. Avec l annonce récente de compressions budgétaires majeures prévoyant entre autres une réduction des effectifs pour les ministères et organismes (M/O), par M. Martin Coiteux, président du Conseil du trésor, on peut se douter que cet «avantage» sera passablement amoindri. De fait, dans le cadre de son chantier de rénovation de l État québécois, annoncé le 25 novembre dernier et visant à faire plus et mieux avec moins à l interne, le gouvernement demande aux M/O «de ne pas autoriser au-delà du 1 % exigé par la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main d œuvre les dépenses en formation et requérir leur autorisation par le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme». De plus, dans une directive (CT 214373), le Conseil du trésor précise que, pour ces dépenses, l on doit privilégier les formations à faible coût additionnel (impliquant uniquement le salaire de l employé). Un investissement rentable et essentiel Selon une étude réalisée par Moktar Lamari du Centre de recherche et d'expertise en évaluation de l ENAP qui s appuie sur une revue de littérature intégrative de plus de 72 études publiées sur le sujet, un investissement planifié en formation continue dans les organisations gouvernementales s avèrerait rentable et essentiel à l accumulation du capital humain 2. Il en va ainsi pour reconstruire l expertise interne et pour contrer les problèmes majeurs d attraction et de rétention de la relève dans la fonction publique, auxquels s ajoute une 1 Voir l article 6-7 (Développement des ressources humaines) de la Convention collective des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec 2010-2015 à l adresse suivante : http://www.spgq.qc.ca/default.aspx?page=38&lang=fr-ca. 2 M. Lamari (2011). «Mesurer l incommensurable : quels défis et quels rendements pour les investissements en capital o humain dans les organisations gouvernementales?», Télescope, vol. 17, n 3, p. 1-30. Le SPGQ a déjà fait la synthèse de cet article dans la revue L Expertise du mois de mars 2012, que nous reprenons dans le présent article : http://www.spgq.qc.ca/default.aspx?page=105&amp%3blang=fr-ca. 2

complexification croissante des tâches et des mandats attribués aux professionnelles et professionnels. Parmi les principaux enjeux liés à la formation dans la fonction publique, M. Lamari mentionne les nombreux départs à la retraite de «compétences» au cours des prochaines années. En l absence de mécanismes efficaces de transmission et de renforcement de ces savoir-faire, ces départs pourraient causer une importante perte de savoirs et d expertises stratégiques. Or, comment peut-on prétendre faire plus et mieux avec moins en coupant dans la formation, comme indiqué dans le chantier de rénovation de l État québécois, considérant la perte d expertises et de compétences dans plusieurs domaines stratégiques, à la suite de ces départs à la retraite de «compétences»? La réalisation d investissements planifiés pourtant essentiels en formation continue va directement à l encontre de ce que le gouvernement avait mis de l avant dans son Plan d action pour la réduction et le contrôle des dépenses 2010-2014 axé sur le retour à l équilibre budgétaire. Une cible de réduction de 25 % des coûts de formation des M/O avait alors été fixée. À ce sujet, la Société de l assurance automobile du Québec (SAAQ) précise dans son rapport annuel de gestion de 2013 qu elle «est toujours dans l obligation de réduire les dépenses de formation, de déplacement et de publicité dans le cadre du projet de loi 100, qui vise le retour à l équilibre budgétaire»; obligation qu elle a bel et bien suivie. Un besoin fondamental Pour plusieurs M/O, la formation s avère fondamentale pour le maintien et le développement de leur expertise, surtout dans le contexte de nombreux départs à la retraite réalisés et à venir. Depuis le récent dépôt patronal le 17 décembre 2014, comprenant des modifications importantes au régime de retraite des employés du gouvernement du Québec, ces dernières contribueront à accélérer davantage l'exode de l'expertise en incitant des milliers de professionnelles et professionnels expérimentés à prendre leur retraite plus tôt avant que les règles changent et deviennent plus désavantageuses en janvier 2017. Dans certains domaines comme celui du secteur juridique, la perte de nombreux médiateurs et enquêteurs expérimentés réduira la qualité des services à la population. En conséquence, certains M/O n ont donc pas réduit leurs dépenses de formation, mais les ont même augmentées, et ce, malgré la directive gouvernementale susmentionnée. Le tableau ci-dessous en témoigne puisqu il illustre le pourcentage des dépenses en formation sur la masse salariale 3

des principaux M/O du gouvernement du Québec au cours des trois dernières années, selon leurs rapports annuels de gestion respectifs. 2011 ou 2011-2012 2012 ou 2012-2013 2013 ou 2013-2014 Ministère de la Sécurité publique 2,0 % 2,7 % 3,9 % Ministère des Transports 2,9 % 4,0 % 3,8 % Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) 3,9 % 4,0 % 3,7 % Régie de l assurance maladie du Québec (RAMQ) 2,6 % 3,1 % 2,3 % Financière agricole du Québec (FAQ) 2,2 % 2,4 % 2,2 % Ministère des Finances (+ Économie en 2012-2013 et 2013-2014) 1,7 % 1,7 % 2,1 % Curateur public du Québec (CPQ) 1,2 % 1,4 % 1,9 % Société d habitation du Québec (SHQ) 2,0 % 1,8 % 1,8 % Ministère du Développement durable, de l Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (+ Faune et Parcs) Ministère de la Culture et des Communications (+ Condition féminine en 2011-2012) 1,0 % 1,5% 1,8 % 1,5 % 1,3 % 1,8 % Secrétariat du Conseil du trésor 1,5 % 1,8 % 1,7 % Société de l assurance automobile du Québec (SAAQ) 2,4 % 2,0 % 1,6 % Centre de services partagés du Québec 1,7 % 1,8 % 1,6 % Ministère de l Agriculture, des Pêcheries et de l Alimentation Ministère des Relations internationales et de la Francophonie 1,8 % 1,3 % 1,5 % 2,0 % 2,8 % 1,4 % Ministère de la Justice 1,5 % 1,8 % 1,4 % Ministère des Affaires municipales et de l Occupation du territoire 1,4 % 1,0 % 1,4 % Ministère de l Emploi et de la Solidarité sociale 1,4 % 1,3 % 1,3 % Ministère de l Énergie et des Ressources naturelles (- Forêts en 2013-2014) Ministère de la Famille (+ des Ainés en 2011-2012) 2,0 % 1,7 % 1,3 % 2,0 % 1,7 % 1,2 % Ministère du Tourisme 1,2 % 1,3 % 1,1 % Ministère de la Santé et des Services sociaux 0,4 % 1,0 % 1,0 % Ministère de l Immigration, de la Diversité et de l Inclusion Ministère de l Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science 0,9 % 0,9 % 0,9 % 0,6 % 0,8 % Ministère du Travail 0,5 % 0,4 % 0,6 % Ministère de l Éducation, du Loisir et du Sport 0,8 % 0,7 % 0,6 % Ministère du Conseil exécutif 0,6 % 0,3 % 0,5 % 4

À titre d exemple, le ministère des Transports (MTQ) a connu une forte augmentation en 2012-2013, suivie d une légère baisse en 2013-2014. Pour cette dernière année, le Ministère a investi 5,8 millions de dollars en formation et en perfectionnement pour reconstruire son expertise et renforcer sa capacité organisationnelle. Ces hausses du coût de la formation font suite à la mise en œuvre du plan Actions concertées pour renforcer la lutte contre la collusion et la corruption, paru en octobre 2011. Rappelons que la collusion et la corruption sont apparues au MTQ lorsque la sous-traitance est devenue importante, au point de provoquer une perte d expertise. Cette dernière, à son tour, a engendré une forte dépendance envers les firmes privées, une diminution graduelle de la concurrence et des dépassements de coûts importants. Le plan d action comportait l embauche de 970 employés afin de justement reconstruire l expertise au MTQ. Ce plan nécessitait inévitablement une bonne dose de formation et de perfectionnement pour les nouveaux venus, mais également pour remédier à la perte d expertise des employés du MTQ. Le haut taux de formation dans un autre ministère, celui de la Sécurité publique, repose également en partie sur la formation de nouveaux employés. En considérant les exigences du président du Conseil du trésor, on se demande comment plusieurs organismes gouvernementaux comme la CSST, la RAMQ, la FAQ, le CPQ, la SHQ et la SAAQ pourront maintenir et développer leurs expertises s ils doivent réduire considérablement leurs dépenses en formation. Selon des sondages réalisés par le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), les dépenses en formation de certains de ces organismes devraient plutôt doubler, et ce, uniquement pour maintenir leur expertise à l interne et pour limiter leur dépendance envers les sous-traitants l expertise externe. Il en est de même pour plusieurs ministères qui devront également réduire ou continuer à réduire leurs dépenses en formation, alors que leurs besoins en cette matière sont toujours très importants. Un rempart contre la sous-traitance abusive Le 25 novembre dernier, en même temps que la limitation des frais de formation, le gouvernement annonçait qu il «souhaite aussi réduire de façon significative la dépendance contractuelle donnée à l externe». À ce sujet, plusieurs récents documents produits par le SPGQ, dont son mémoire déposé à la commission Charbonneau 3, ont démontré la grande dépendance du gouvernement du 3 Vous pouvez consulter le mémoire sur le site du SPGQ à l adresse suivante : spgq.qc.ca. 5

Québec envers la sous-traitance dans des domaines stratégiques comme le génie et les technologies de l information. Cet état de fait a engendré une perte d expertise dans les M/O. Ainsi, plus de 50 % des dépenses afférentes à la main d œuvre en technologies de l information des M/O depuis dix ans sont des acquisitions de services professionnels auprès de fournisseurs privés 4. La valeur des contrats de services professionnels de plus de 25 000 $ au gouvernement du Québec, excluant les réseaux de la santé et de l éducation, a dépassé les deux milliards de dollars en 2012-2013, dont près de 800 millions de dollars seulement dans les technologies de l information. Le développement et le maintien d une expertise interne par le biais de l embauche et de la formation demeurent un rempart important pour contrer la sous-traitance, dont les coûts moyens sont souvent deux fois supérieurs à ceux des travaux réalisés à l interne dans les technologies de l information 5. Comment reprendre le contrôle à l'interne des services livrés par les sous-traitants sans l embauche de «compétences» et une offre adéquate de formation continue de la main d œuvre? Annoncer à la fois la fin de la dépendance envers la sous-traitance et des coupes tant dans les effectifs que dans la formation est absurde : cela va carrément à l encontre des pratiques de saine gestion! D ailleurs, M. Coiteux semble le reconnaître, car il stipule qu il s appuiera au besoin sur une expertise externe pour réaliser son repositionnement de l État. Même le Conseil du trésor n a pas l expertise requise pour rénover l État québécois! Dans le cadre du renouvellement des conventions collectives, le SPGQ propose au chapitre de la formation de soutenir davantage le développement des compétences des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec en augmentant le nombre de jours de formation. Le SPGQ suggère aussi de prioriser ceux et celles qui n ont pas bénéficié de formation depuis une période de trois ans dans leur champ d activité. Le SPGQ demande également l élaboration d un plan de développement des ressources humaines et de son suivi dans chaque M/O. C est d ailleurs en ce sens que le SPGQ a déposé un grief à la suite de la demande de M. Coiteux aux M/O «de ne pas autoriser au-delà du 1 % exigé par la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la 4 Voir le Rapport annuel du Vérificateur général du Québec à l'assemblée nationale 2012-2013, tome 2, chapitre 5, p. 26-27. 5 Voir le mémoire du SPGQ présenté à la Commission des finances publiques : Consultations particulières concernant les auditions publiques sur le projet de loi n o 15, Loi sur la gestion et le contrôle des effectifs des ministères, des organismes et des réseaux du secteur public ainsi que des sociétés d État, novembre 2014, sur le site du SPGQ à l adresse suivante : spgq.qc.ca. 6

main d œuvre les dépenses en formation», car cela viole notre convention collective, qui garantit trois jours de formation annuelle aux professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Par ailleurs, l'association des économistes québécois vient tout juste de publier un avis à la Commission de révision permanente des programmes mentionnant que «le gouvernement doit faire en sorte que les traitements et les programmes de formation continue dans la fonction publique soient suffisamment incitatifs pour inciter les personnes compétentes et talentueuses à y faire carrière. Il y va, à moyen terme, de la capacité de l État québécois à bien assumer ses responsabilités.» Enfin, mentionnons que, dans l article de Moktar Lamari cité auparavant, ce dernier explique que le rendement sur l investissement et la rentabilité économique liés à la formation continue sont d environ 8 %, ce qui est loin d être négligeable. Quant aux retombées de la formation continue des employés, elles se situent principalement sur le plan de la productivité renforcer les performances et réduire les coûts (ce qui ne devrait pas déplaire à M. Coiteux ) et de la satisfaction envers leur emploi, leur employeur, leurs clientèles et leurs partenaires. Sans formation continue, les apprentissages et les compétences détenus par le capital humain gouvernemental s érodent à un taux d obsolescence pouvant atteindre une moyenne de 5 % par an. En s appuyant sur un autre chercheur 6, Moktar Lamari en vient à la conclusion que «la formation continue des fonctionnaires ne doit pas être une variable d ajustement et de compression dans les processus de réduction des déficits budgétaires. Elle doit figurer du côté des solutions pour la lutte contre le déficit et constituer des leviers de performance pour générer de la valeur, améliorer les services et ultimement réduire les déficits publics.» Nous sommes convaincus que cette vision de la formation serait beaucoup plus efficace, rentable et profitable pour les contribuables du Québec. Rédigé par : Richard Perron, président du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) et Pierre Riopel, Conseiller à la recherche au SPGQ 6 W. H. Agor (1986). Intuition in Organizations: Leading and Managing Productively, Newburk Park, Sage Publications. 7