Les épilepsies post-traumatiques Dr. Cécile MARCHAL Neurologue, CHU Bordeaux 1 avril 2014
Introduction L épilepsie post-traumatique représente 5% des épilepsies, 10 à 20% des épilepsies symptomatiques L épilepsie post-traumatique aggrave le pronostic fonctionnel et les séquelles traumatiques
Définitions Crise d épilepsie : ensemble de signes cliniques visibles ou perçus par le patient, liés à une décharge simultanée d un groupe de neurones. Peut être spontanée ou provoquée Epilepsie : maladie caractérisée par la récidive de crises spontanées 0,5 à 0,8% de la population est épileptique 5 à 10% des adultes feront 1 crise au moins une fois dans leur vie
Crises provoquées : Ne se reproduisent pas spontanément, donc pas de traitement au long cours Liées à une agression cérébrale aiguë : Accident vasculaire cérébral à la phase aiguë Traumatisme crânien dans les 7 premiers jours Encéphalite aiguë (virale, bactérienne ) Trouble métabolique (hyponatrémie, hypocalcémie ) Certains médicaments (antidépresseurs, neuroleptiques) Sevrage (benzodiazépines, alcool +++)
Crises spontanées Surviennent en dehors de tout contexte pathologique aigu Même si elles peuvent être favorisées par Le manque de sommeil Fatigue, surmenage, stress Modifications du traitement Leur répétition = maladie épileptique
trois catégories Crises immédiates (<24h) non épileptiques Crises précoces (< 7ème jour) = crises provoquées Epilepsie tardive : au moins une crise spontanée après le 7 ème jour
Risque de récidive après la 1ère crise 86% ont une 2ème crise dans les 2 ans (Haltiner et al, 1997)
Épilepsie post-traumatique Fréquence selon la gravité du trauma survenue d une épilepsie dans les 10 ans: (Annegers, 98) trauma léger: ratio = 1,5 (1-2,2) max à 5 ans trauma modéré: ratio = 2,9 (1,9-4,1) trauma sévère : ratio = 17 (12,3-23,6) tous: ratio = 3,1 (2,5-3,8)
Fréquence et facteurs de risque à Taiwan (Yeh et al, JNNP 2012) Étude de cohorte retrospective, suivi 5 à 8 ans : 19 336 TC âgés de plus de 15 ans 540 322 contrôles Risque relatif de développer une épilepsie : Fracture du crâne : 10,6 Trauma cranien sévère : 5,05 Trauma cranien léger : 3,02 Facteurs de risque : Sexe masculin, lésions hémorragiques
Fréquence selon le type de trauma Traumatisme crânien pénétrant (guerre) 50% d épilepsie post-traumatique Traumatisme crânien non pénétrant, avec contusion hémorragique +/- HSD ou HED 30% d épilepsies post-traumatiques Traumatisme crânien fermé, avec lésions axonales diffuses et lésions hippocampiques Épilepsies temporales, fréquence?
facteurs de risque (Eglander, 2003) contusions bipariétales plaie craniocérébrale (os, métal) neurochirurgies multiples contusions sous corticales multiples hématome sous dural opéré shift >5mm ligne médiane contusions corticales multiples (Scheid, 2010) IRM Contusions Pas les lésions axonales diffuses isolées Pas les microbleeds
Délais d apparition 100% 80% 60% 40% 20% 0% < 1an < 2 ans < 5 ans < 10 ans
Clinique Crises partielles, stéréotypées chez un même sujet Simple: sans trouble de la conscience Complexe: avec rupture du contact Secondairement généralisée (convulsive) Signes fonction du point de départ puis de la propagation de la décharge Souvent multifocale, crises d allure généralisée convulsive
Clinique (2) Epilepsie partielle: frontale (motrice, crises en salves, nocturnes, généralisations fréquentes) temporale (ruptures de contact, automatismes) pariétale (sensitive, vertiges) occipitale (hall. visuelles, généralisations fréquentes) souvent multifocale, crises d allure généralisée
Electro-encéphalogramme Peut être normal Confirme le diagnostic, latéralise le foyer Valeur prédictive quand: ondes lentes diffuses au départ puis apparition d un foyer d ondes lentes puis d un foyer de pointes Elimine d autres types d épilepsie
La neuro-imagerie : TDM et IRM TDM +/- IRM précoces : lésions initiales IRM tardive: confirme les lésions séquellaires élimine d autres lésions peut être normale (1 / 20) ou ne montrer que des séquelles de lésions axonales diffuses (2 / 20 : Messori, 2005 séquences de tenseur de diffusion, tractographie
IRM 57 épilepsies post traumatiques (Hartzfeld et al, 2008) Sclérose mésiale : 16 Hypersignal T2/FLAIR 9 Gliose periventriculaire 7 Atrophie cérébrale diffuse 5 Encéphalomalacie 3 Normale 6
IRM : techniques approfondies IMR fonctionnelle : rapports entre lésions et fonctions principales (langage, motricité ) suivi de la récupération Tenseur de diffusion, tractographie Mise en évidence des lésions axonales diffuses
Imagerie fonctionnelle : SPECT, PET Mise en évidence du foyer épileptogène Prédiction de la survenue d une épilepsie (hypodébit temporal)
Traitement Traitement anticonvulsivant préventif? utile dans les 7 premiers jours (phénytoïne IV) inutile et souvent néfaste après
Traitement anticonvulsivant (2) début par une monothérapie titration lente dose minimale efficace surveillance des effets secondaires inutilité des dosages sanguins, sauf doute sur l observance signes de toxicité, intolérance inefficacité associations médicamenteuses
Autour du traitement: Hygiène de vie: Sommeil suffisant, Alcool avec modération, Traitement: prises à heures régulières, effets secondaires fréquents ou rares mais graves interactions avec la pilule contraceptive risques tératogènes
Effets secondaires des médicaments: cognitifs: ralentissement, trouble de l attention, troubles de la mémoire, somnolence... comportement: excitation, irritabilité, insomnie prise de poids, gingivite hypertrophique, perte des cheveux, tremblements, hypertrichose anorexie, amaigrissement
CAT devant une crise tonico-clonique Mettre en PLS, éloigner les objets contondants, ne pas sortir la langue Attendre le retour à la conscience, rassurer Vérifier l absence de traumatisme (face), luxation (épaules), tassement vertébral Intervention médicale uniquement si : Crise inhabituelle (durée > 5mn, symptômes nouveaux) Deux crises sans retour à la conscience Retour à la conscience trop lent, Traumatisme
Et le rivotril/valium/buccolam? A pour but de prévenir un état de mal, devant : Crise convulsive durant plus de 5 mn Deux crises sans retour à la conscience Patient sujet aux crises répétées ou aux états de mal en IR chez le petit enfant en IVD lente, surveillance respiratoire Jamais de valium IM per os quand le patient est conscient
Pharmacorésistance: Persistance de crises malgré 2 modalités de traitement bien conduites (ILAE) «pseudo» résistance: Non observance du traitement, mode de vie Crises non épileptiques Doses ou médicament inadaptés
Traitement chirurgical: curatif Cortectomies : Ablation de la zone corticale à l origine des crises quand elle est unique et non fonctionnelle et pharmacorésistance avérée Très bons résultats (>90% sujets sans crise) dans l épilepsie temporale
Traitement chirurgical palliatif Stimulateur vagal Intervention simple, sous anesthésie locale Diminue de moitié la fréquence des crises, en moyenne Ne remplace pas le traitement médicamenteux
STIMULATEUR VAGAL
Pronostic : Traumatismes de guerre 53% ont une épilepsie active à 15 ans Plaies crânio-cérébrales à 5 ans: (Caveness, 1979) 50% guéris (sans crise et sans traitement) 25% stabilisés sous traitement 25% non stabilisés malgré le traitement Eftekhar (2009) vétérans guerre Irak : 75% gardent des crises 21 ans après le début Lésions spécifiques «blast-injury» plus complications du ramassage (anoxie, hypodébit )
Pronostic : Traumas de la vie civile Wang 2008 : crises précoces ou tardives, 170 pts 38% sans crise et sans traitement 35% sans crise sous traitement 5% crises rares non invalidantes 22% crises régulières sous traitement pronostic meilleur chez l enfant
Conséquences de l épilepsie : Scolarité (exclusion scolaire), insertion professionnelle Permis de conduire: autorisé si > 1 an sans crise ou crises partielles sans perte de connaissance Anxiété permanente (sujet, entourage) même quand les crises sont rares, et dépression (60% des cas) Grossesse (risques tératogènes) Mortalité augmentée (chutes, noyades, suicides, mort subite de l épileptique)
réduction de la capacité de travail Dans 62% des cas, l épilepsie n est pas prise en compte (37 guéris et 26 déjà totalement invalides) L épilepsie est un handicap supplémentaire dans 38% des cas (évalué à 20% en moyenne) Dont 11% des cas où elle représente le handicap professionnel majeur (Sherzer & Wurzer, 1983)
aspects médico-légaux imputabilité consolidation indemnisation
Imputabilité: le traumatisme lésion corticale certaine: notion d un déficit post-traumatique imagerie précoce (contusion, hémorragie, plaie crânio-cérébrale, hématome extra / sous-dural) compte-rendu opératoire lésion corticale probable: évaluation de la gravité (GCS initial< 9, amnésie de plus de 24 heures, crises précoces, coma) embarrure avec brèche méningée Imagerie initiale + IRM récente +++
Imputabilité: l épilepsie Absence d antécédent d épilepsie (15 des traumatisés crâniens étaient épileptiques avant) Absence d autre cause d épilepsie Type électro-clinique: partielle symptomatique, éventuellement concordance de siège Problème de l alcoolisme: favorise les traumas, hémorragies, l épilepsie se développe souvent après un traumatisme crânien
Consolidation Si l épilepsie est stabilisée: consolider après au moins 1 an sans crise ou attendre un essai de sevrage du traitement si le sujet le souhaite (retarde d un an) Si l épilepsie n est pas stabilisée: consolider après au moins 2 traitements bien conduits (en mono et/ou en bithérapie) si pas d indication chirurgicale (ILAE, 2009)
Indemnisation Persistance de crises Sévérité des crises Retentissement de l épilepsie Existence d un déficit intercritique Effets secondaires du traitement
Indemnisation Persistance de crises: des crises, même rares, sont gênantes épilepsie stabilisée après 1 an sans crise épilepsie guérie si l arrêt du traitement est possible sans récidive dans un délai d au moins un an
Indemnisation La sévérité des crises est fonction: du type: tonico-cloniques > avec chutes > avec perte de connaissance > sans perte de connaissance de l horaire: diurnes > nocturnes de la fréquence: de < 1/an à pluriquotidiennes d un déficit post-critique (paralysie de Todd)
Indemnisation Retentissement de l épilepsie: scolarité (exclusion scolaire) permis de conduire: véhicule léger : autorisé si > 1 an sans crise ou crises partielles sans perte de connaissance ou crises liées au sommeil Poids lourd : après 5 ans sans crise et sans traitement profession (restriction d aptitude...) anxiété permanente (sujet, entourage) activités de loisir contrindiquées (plongée )
Indemnisation Effets secondaires des médicaments: cognitifs: ralentissement, trouble de l attention, troubles de la mémoire, somnolence... comportement: excitation, irritabilité, insomnie, dépression prise de poids, gingivite hypertrophique, perte des cheveux, tremblements, hypertrichose anorexie, amaigrissement
barême dit du concours médical Épilepsie stabilisée, pas d effet secondaire, conduit 10% Crises épisodiques, pas d effet secondaire, pas de conduite automobile 15% Épilepsie stabilisée, effets secondaires 15% Épilepsie non stabilisée et effets secondaires 20-30%