LE RAISONNEMENT MATHÉMATIQUE SOUS TOUTES SES FORMES

Documents pareils
Chapitre 2. Eléments pour comprendre un énoncé

Nombre de marches Nombre de facons de les monter

Logique. Plan du chapitre

Limites finies en un point

SOCLE COMMUN - La Compétence 3 Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique

Suites numériques 3. 1 Convergence et limite d une suite

Manuel d utilisation 26 juin Tâche à effectuer : écrire un algorithme 2

Synthèse «Le Plus Grand Produit»

Tâche complexe produite par l académie de Clermont-Ferrand. Mai 2012 LE TIR A L ARC. (d après une idée du collège des Portes du Midi de Maurs)

Plus petit, plus grand, ranger et comparer

I. Polynômes de Tchebychev

STAGE IREM 0- Premiers pas en Python

IUT de Laval Année Universitaire 2008/2009. Fiche 1. - Logique -

O b s e r v a t o i r e E V A P M. Taxonomie R. Gras - développée

Date : Tangram en carré page

Enoncé et corrigé du brevet des collèges dans les académies d Aix- Marseille, Montpellier, Nice Corse et Toulouse en Énoncé.

Raisonnement par récurrence Suites numériques

6. Les différents types de démonstrations

Développement décimal d un réel

Chapitre 1 : Évolution COURS

Qu est-ce qu une probabilité?

III- Raisonnement par récurrence

Continuité en un point

AC AB. A B C x 1. x + 1. d où. Avec un calcul vu au lycée, on démontre que cette solution admet deux solutions dont une seule nous intéresse : x =

Calculabilité Cours 3 : Problèmes non-calculables.

La persistance des nombres

Demande d admission au Centre pédagogique Lucien-Guilbault Secteur primaire

Théorème du point fixe - Théorème de l inversion locale

Calcul matriciel. Définition 1 Une matrice de format (m,n) est un tableau rectangulaire de mn éléments, rangés en m lignes et n colonnes.

Programmes des classes préparatoires aux Grandes Ecoles

SÉJOURS LINGUISTIQUES

Continuité et dérivabilité d une fonction

Probabilité. Table des matières. 1 Loi de probabilité Conditions préalables Définitions Loi équirépartie...

Les nombres entiers. Durée suggérée: 3 semaines

EXERCICES DE REVISIONS MATHEMATIQUES CM2

Chap17 - CORRECTİON DES EXERCİCES

Image d un intervalle par une fonction continue

Bien lire l énoncé 2 fois avant de continuer - Méthodes et/ou Explications Réponses. Antécédents d un nombre par une fonction

Compter à Babylone. L écriture des nombres

Probabilités. Une urne contient 3 billes vertes et 5 billes rouges toutes indiscernables au toucher.

BANQUES DE DONNÉES PÉDAGOGIQUES

NOM : Prénom : Date de naissance : Ecole : CM2 Palier 2

Attestation de maîtrise des connaissances et compétences au cours moyen deuxième année

Logistique, Transports

Sur certaines séries entières particulières

Une proposition de séquence relative à l étude des sons /an/, /on/ et de leurs graphies. Cadre général

Continuité d une fonction de plusieurs variables

Baccalauréat S Antilles-Guyane 11 septembre 2014 Corrigé

Résolution d équations non linéaires

Comparaison de fonctions Développements limités. Chapitre 10

Items étudiés dans le CHAPITRE N5. 7 et 9 p 129 D14 Déterminer par le calcul l'antécédent d'un nombre par une fonction linéaire

Exercices - Polynômes : corrigé. Opérations sur les polynômes

Document d aide au suivi scolaire

L auto-archivage en maths, quoi de neuf?

"#$%&!'#$'$&%(%$)&!*$++,)(-,&!.,!/0!

Diapo 1. Objet de l atelier. Classe visée. Travail en co-disciplinarité (identité et origine académique des IEN)

La protection sociale obligatoire du chef d entreprise indépendant

315 et 495 sont dans la table de 5. 5 est un diviseur commun. Leur PGCD n est pas 1. Il ne sont pas premiers entre eux

Cours Fonctions de deux variables

Amphi 3: Espaces complets - Applications linéaires continues

TOUT CE QU IL FAUT SAVOIR POUR LE BREVET

Chapitre 2 Le problème de l unicité des solutions

observatoire des emplois d avenir

MAT2027 Activités sur Geogebra

Le classement des villes les plus gay-friendly de France

Cours (7) de statistiques à distance, élaboré par Zarrouk Fayçal, ISSEP Ksar-Said, LES STATISTIQUES INFERENTIELLES

Soit la fonction affine qui, pour représentant le nombre de mois écoulés, renvoie la somme économisée.

CORRIGE LES NOMBRES DECIMAUX RELATIFS. «Réfléchir avant d agir!»

Le système d évaluation par contrat de confiance (EPCC) *

Exercices sur le chapitre «Probabilités»

Correction du baccalauréat S Liban juin 2007

Bac Blanc Terminale ES - Février 2011 Épreuve de Mathématiques (durée 3 heures)

C U R R I C U L U M V I T A E

Polynômes à plusieurs variables. Résultant

CONNAISSANCES DE GESTION DE BASE

Texte Agrégation limitée par diffusion interne

PARTIE NUMERIQUE (18 points)

Votre quotidien à Blanche

Notion de fonction. Série 1 : Tableaux de données. Série 2 : Graphiques. Série 3 : Formules. Série 4 : Synthèse

Baccalauréat ES Polynésie (spécialité) 10 septembre 2014 Corrigé

LA BATTERIE DU PORTABLE

LES MASTERS 2 DANS LE DOMAINE DES STAPS EN FRANCE 2012/2013 NORD-PAS-DE-CALAIS. Université Lille 2

PROBLEME(12) Première partie : Peinture des murs et du plafond.

LES NOMBRES DECIMAUX. I. Les programmes

IREM de RENNES Code Rn. Campus Beaulieu Avenue du Général Leclerc RENNES CEDEX. Tel : Télécopie :

COURS CAPITOLE CONCOURS TREMPLIN 2 :

Calcul différentiel sur R n Première partie

La construction du nombre en petite section

Développer, factoriser pour résoudre

Ressources pour la classe de seconde

Systèmes décisionnels et programmation avancée

Correction du Baccalauréat S Amérique du Nord mai 2007

Quelques algorithmes simples dont l analyse n est pas si simple

Cours de mathématiques

L ENTREPRISE FACE A SA RESPONSABILITE FORMATIVE APRES LA REFORME DE LA FORMATION :

Devenez expert en éducation. Une formation d excellence avec le master Métiers de l Enseignement, de l Education et de la Formation

Fonctions homographiques

3 Approximation de solutions d équations

ADRESSES PHYSIQUES DES BUREAUX MARINE CENTRES D INFORMATION ET DE RECRUTEMENT DES FORCES ARMEES (CIRFA)

Culture scientifique et technologique

Transcription:

LE RAISONNEMENT MATHÉMATIQUE SOUS TOUTES SES FORMES Colloque International des IREM du 2 au 4 Juin 2016 STRASBOURG Denise GRENIER Université Grenoble Alpes (France) Judith NJOMGANG NGANSOP Université de Yaoundé 1/École Normale Supérieure de Yaoundé (Cameroun)

Les travaux du groupe «Logique» de la CII Lycée (Irem de Brest, Grenoble, Marseille, Montpellier, Paris 7) Ateliers aux journées de l'apmep (Metz 2012, Marseille 2013, Toulouse 2014) Communications aux séminaires ADIREM (2013) aux journées des CII (Bordeaux 2013, Clermont-Ferrand 2015) au colloque «La réforme des programmes du lycée, et alors?» (Lyon 2013) Publications diverses (articles, brochures, actes de colloques) En relation étroite avec des travaux de chercheurs en didactique (Thèses, HDR)

Remarques et questions Il n'y a pas de «savoir de référence» (écrit, officiel) pour l'enseignement de la logique et du raisonnement mathématiques dans l'enseignement secondaire. Très peu de manuels scolaires en fournissent un, souvent très partiel, et les quelques éléments donnés ne sont pas très utilisables (mal définis voire même présentés de manière fausse). Alors que : Argumentations, raisonnements et preuves en mathématiques doivent respecter des règles spécifiques. Un énoncé, une conjecture, une hypothèse, une proposition, ont un statut et des écritures précises, contiennent souvent des variables et des quantificateurs.

Que serait un «savoir de référence» pour l'enseignement de la logique au Secondaire? Les notions de proposition, variable (muette ou parlante) Les connecteurs : ET, OU, NON,,, OU-exclusif Les quantificateurs : «Pour tout», «Quel que soit», «Il existe tel que» Le Vrai et le Faux À partir de propositions élémentaires, les connecteurs permettent de construire de nouvelles propositions. Tous sont utilisés dans les raisonnements dès le collège, trop souvent sans les désigner et sans les avoir «définis». Et, au lycée, ils restent implicites, contextualisés (dans des chapitres).

Jusqu'où la logique naturelle permet-elle de bien raisonner en mathématique? Les contextes de la «vie courante» sont-ils adaptés pour construire les notions et règles du raisonnement mathématique? L'enseignement du raisonnement et de la logique ne doit pas se faire en même temps que l'apprentissage d'une notion nouvelle. Il est nécessaire de définir les notions à la base du raisonnement, et le langage associé. Quels problèmes sont pertinents?

Exemples de questions Les phrases suivantes sont-elles des propositions? Si non, peut-on les compléter (ou les ré-écrire) pour avoir des propositions? 2 est pair 3 est pair n est pair Il fera beau demain 2 est pair ET 3 est pair 2 est pair OU 3 est impair n est pair OU n+1 est pair n est pair ET n+1 est impair

Que peut-on faire en classe de mathématiques avec ce type de phrases (qui ne sont pas des propositions)? Un père dit à son enfant : «Si tu manges ta soupe, alors tu auras un dessert». Quel sens le père veut-il donner à cette phrase? Quel sens l'enfant donne t-il à cette phrase? Interprétation floue du «si alors» Confusions avec la réciproque, ou avec l'équivalence Causalité et temporalité «gênantes»

L implication, une notion polysémique Introduction 1) La polysémie de l implication 2) Deux traitements de l implication 2.1. L implication ouverte 2.2. Implication et règles d inférences

Introduction L implication : notion centrale en mathématique et particulièrement au cœur du raisonnement déductif. Le terme implication recouvre une multiplicité de notions: conditionnel, syllogisme, inférence, implication matérielle, implication ouverte, implication formelle.

Quelques opérations requises dans le raisonnement mathématiques et qui relèvent d une bonne maîtrise du concept d implication: - évaluer une implication matérielle, - démontrer qu une implication formelle est vraie, - faire la distinction entre une implication ouverte et une implication formelle dont la quantification est implicite, - reconnaitre des inférences valides.

1) La polysémie de l implication 1) Le conditionnel qui est de la forme «si, alors». Dans le langage courant, un énoncé de cette forme est appelé le conditionnel courant (Quine, 1950) 2) L inférence: Modus Ponens, Tollens, 3) Implication ouverte: P(x) Q(x) où P et Q sont des lettres de prédicat 4) Implication formelle: clôture universelle de l implication ouverte 5) La règle de transitivité d antécédent à conséquent

Implication formelle et théorème Forme générale des théorèmes:, ( ) ( ) Démontrer un théorème sous cette forme n est pas démontrer la vérité de l implication formelle, ( ) ( ) Montrer que, ( ) ( ) est vrai revient à montrer que pour chaque élément de l univers du discours, ( ) ( ) est vrai

2) Deux traitements de l implication Effectif des étudiants: 68 Implication ouverte Donner l ensemble des entiers naturels inférieurs ou égaux à 20 qui vérifient la propriété (P) : «Si x est pair, alors son successeur est premier.» Formalisation: ( ) ( ), implication ouverte. Éléments cherchés: tels que l implication matérielle ( ) ( ) soit vraie

Les résultats Mise en œuvre de l implication matérielle: 10, soit 16% de bonnes réponses (T1) Mise en œuvre de l implication courante: 29, soit 48% des étudiants (T2) Autres réponses: 22 (T3)

Commentaires: Les réponses (T1) proviennent de la maîtrise des règles de vérité de l implication; Les réponses (T2) se justifient en général par l interprétation de Q par «On prend les nombres qui sont tels que, lorsque ce nombre est pair, son successeur doit être premier»; «On doit prendre les nombres dont les successeurs sont premiers.»

Cet exercice pourrait permettre : de travailler sur les règles de vérité de l implication ; de mettre en valeur l utilisation des tables de vérité ; de mettre en défaut la règle-en-acte qui consiste, pour évaluer une implication, à évaluer d abord l antécédent de cette implication, et de ce fait, faire un traitement de l implication comme une conjonction ou une disjonction ; de préciser, du point de vue du langage, la différence entre les deux énonciations suivantes qu on retrouve dans les débats des étudiants : «si alors», et «lorsque, alors».

2.2. Implication et règles d inférence Des exemples: - Le Modus Ponens: (si P alors Q) est vrai et P est vrai donc Q est vrai - La règle de transitivité d antécédent à conséquent: (si P, alors Q) est vrai (si Q, alors R) est vrai donc (P alors R) est vrai

- Le Modus Tollens: (si P, alors Q) est vrai (non Q) est vrai donc (non P) est vrai

Dans ce qui suit, désigne une suite définie par récurrence sous la forme «= ( )», où est une fonction continue sur R. On a alors le résultat suivant : (P) «Si la suite est convergente, alors sa limite est solution de l équation f(x)=x» Que peut-on dire au sujet de la convergence de la suite si : L équation «f(x)=x» n a pas de solution L équation «f(x)=x» a au moins une solution. Que peut-on dire au sujet des solutions éventuelles de l équation «f(x)=x» si : La suite est convergente La suite n est pas convergente

Résultats et commentaires: Taux moyen de réponses 68%. Question 1: Taux de réussite de 83%. Mais les débats montrent l indisponibilité de la règle du Modus Tollens Question 2: Taux de réussite de 16%. 48% donnent la réponse «la suite converge». Débats fructueux et très intéressants entre les étudiants. Deux camps: - La suite converge - On ne peut rien dire

Indisponibilité de la règle du Modus Tollens dans les groupes de discussion et recours aux connaissances mathématiques. Dans l un des groupes: Trouver une suite récurrente dont la fonction associée admet un point fixe et qui ne converge pas Ils trouvent = 2 et =

3 modes de raisonnement: - Trouver un contre-exemple à l énoncé quantifié universellement, dont la quantification est implicite; - Utiliser les exemples du cours pour répondre; - Utiliser un argument logique

Conclusions de cet exercice - Importance de lever les implicites de la langue dans les énoncés (6.1) - L utilisation de certaines abréviations en mathématiques peut modifier la structure d une phrase et modifier le problème posé: «= n a pas de solution» et «( )» n ont pas le même statut.

- les inférences établies se font en acte, indisponibilité des connaissances prédicatives en logique qui leur permettraient de soutenir leur raisonnement. - conduites inférentielles qui renvoient à celles de l équivalence (6.2) Importance de prendre en compte la théorie de la logique dans le raisonnement mathématique; elle fournit des moyens de contrôle de la validité du raisonnement

Quelques problèmes qui permettent de travailler le raisonnement logique (Groupe «logique» de la CII Lycée)

Le «problème de Wason» On présente quatre cartes sur lesquelles sont écrits respectivement A, B, 4 et 7. On sait que sur chaque carte, il y a une lettre sur une des faces et un nombre sur l'autre face. On ne peut pas voir l'autre face. A B 4 7 Quelle(s) carte(s) faut-il retourner pour déterminer si l'affirmation suivante est vraie ou fausse : «Si une carte a une voyelle écrite sur une face, alors il y a un nombre pair écrit sur l'autre face»?

L'implication avec prémisse fausse On dispose de trois jetons de trois formes différentes (Carré, Rond et Triangle) et de trois couleurs différentes (Rouge, Vert et Bleu). On suppose que les trois affirmations suivantes sont vraies : A1. Si le jeton rond est bleu, alors le jeton carré est vert. A2. Si le jeton rond est vert, alors le jeton carré est rouge. A3. Si le jeton carré n'est pas bleu, alors le jeton triangulaire est vert. Solution(s)

Pavages de polyminos (une situation fondamentale Trois problèmes P1. Rectangle avec un trou quelconque dominos P2. Carré avec un trou quelconque triminos en L P3. Trapèze sans trou / dominos

Chasse à la bête On veut protéger un champ quadrillé (ici, un polymino carré 5x5) d'un nuage de bêtes. On dispose pour cela de pièges que l'on va placer dans le champ de manière à ce qu'aucune bête ne puisse se poser sans toucher un piège. Trois types de bête :domino, trimino long, trimino en L. pièges bêtes Question : pour chacun des 3 types de bêtes, trouver le plus petit nombre de pièges (et leurs dispositions) qui assure la protection du champ