Les dispositifs de lutte contre les logements vides RBDH - 10 juillet 2012



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SOMMAIRE I. LA SITUATION DE L INOCCUPATION... 2 I.1. RECENSER LES IMMEUBLES VIDES... 2 a. La situation des logements inoccupés : de quoi parle-t-on?... 2 b. Le repérage et la collecte de données... 3 c. L obligation de tenir un inventaire... 4 I.2. LA DÉFINITION DE L INOCCUPATION... 4 II. LES RÈGLEMENTS-TAXES COMMUNAUX SUR L INOCCUPATION... 6 II.1 LES DÉFINITIONS... 6 II.2 LES DURÉES D INOCCUPATION... 6 II.3 LES EXONÉRATIONS... 7 II.4 LES TAUX D IMPOSITION... 7 III. L AMENDE ADMINISTRATIVE RÉGIONALE... 8 IV. LA RÉQUISITION PRÉVUE PAR LA LOI DITE «ONKELINX» ET LE DROIT DE GESTION PUBLIQUE PRÉVU PAR LE CODE DU LOGEMENT... 9 IV.1. LE DROIT DE RÉQUISITION PRÉVU PAR LA LOI DITE «ONKELINX»... 9 IV.2. LE DROIT DE GESTION PUBLIQUE... 10 V. L ACTION EN CESSATION À L ÉGARD DES LOGEMENTS INOCCUPÉS... 11 VI. LES ACQUISITIONS D IMMEUBLES ABANDONNÉS... 12 VI.1 LE DROIT DE PRÉEMPTION ET L EXPROPRIATION... 12 VI.2 LES SUBSIDES À L ACHAT... 13 Focus : les contrats de quartiers... 13 VII. DES SOLUTIONS ASSOCIATIVES... 13 VII.1 LES AGENCES IMMOBILIÈRES SOCIALES... 13 VII.2 LES OCCUPATIONS PRÉCAIRES ET TEMPORAIRES... 14 A. L ASBL Woningen123logements... 14 B. La Fébul... 15 1

I. LA SITUATION DE L INOCCUPATION I.1. RECENSER LES IMMEUBLES VIDES A. LA SITUATION DES LOGEMENTS INOCCUPÉS : DE QUOI PARLE-T-ON? Si tout le monde s accorde à dire que le problème des bâtiments inoccupés à Bruxelles est grave et doit être combattu parce que l espace est limité en milieu urbain et que de nombreuses familles peinent à se loger, la situation de l inoccupation des logements ne fait pourtant l objet d aucun recensement ou d inventaire systématique à l échelon régional. 1 Cela fait près de 15 ans qu on parle d une situation qui concernerait 15.000 à 30.000 logements à Bruxelles. Aucun inventaire systématique n a été fait depuis et le plus grand flou entoure actuellement la question du nombre de logements inoccupés. Un recensement régional a été établi en 1998 lors de la réalisation du Plan Régional d'affectation du Sol (PRAS) 2, En 1998 la base de données régionale pour l élaboration du PRAS évoque le chiffre de 5.393 bâtiments totalement vides. A cette époque, le RBDH a estimé que ce chiffre pouvait être multiplié par trois (nombre approximatif de logements pouvant être créés dans un bâtiment) pour parvenir à un chiffre situé aux alentours des 15.000 à 20.000 unités de logements inoccupés. En 2002, l étude préalable à l adoption du Plan Régional de Développement (PRD) dénombre entre 15.000 et 30.000 logements vides et les chiffres les plus récents (2011) évoquent encore et toujours cette même fourchette de 15.000 à 30.000 unités 3. Jusqu en 2006, le distributeur d eau IBDE communiquait dans son rapport annuel le nombre de logements dont la consommation d eau était inférieure à 5m³ par an. Le rapport de l IBDE faisait état du chiffre de 13.251 unités. Ce chiffre de l IBDE nous permet de conforter les estimations faites par le RBDH (15.000 à 20.000), puisque les chiffres de 13.251 logements à faible consommation d eau sous-estiment le nombre de logements effectivement inoccupés puisque, dans de nombreux bâtiments bruxellois, un seul compteur d eau alimente le bâtiment, il suffit donc qu une partie du bâtiment soit occupée pour que les autres logements ne soient pas comptabilisés dans les chiffres de l IBDE. En 2011, le Gouvernement bruxellois a entamé le chantier de la rédaction d un nouveau Plan Régional de Développement Durable (PRDD). Un état des lieux, réalisé en 2011, aurait en principe dû contenir une actualisation de la problématique de l inoccupation, mais n apporte malheureusement pas plus de précision sur la question 4. 1 La compétence logement est principalement régionale. Mais les outils pour le recensement et la lutte contre les logements vides sont aussi aux mains des communes. Si la Région est à l origine des outils juridiques destinés à cette lutte, leur mise en œuvre est souvent de la compétence de la commune (la Région y participant aussi en subsidiant certaines actions), nous y reviendrons. 2 Banque de données de la Situation Existante de Fait (SitEx) mars 1998 évoque le nombre total de 215.310 immeubles dont le nombre total d immeubles vides : 5.393 unités. 3 Nicolas Bernard, «La lutte contre la vacance immobilière (à Bruxelles et ailleurs) : constats et bonnes pratiques, La Charte, 2011, p.4 et s. 4 «Plan Régional de Développement Durable, phase préparatoire, Etat des lieux de la Région de Bruxelles-Capitale», Agence de Développement Territorial, p. 97. 2

B. LE REPÉRAGE ET LA COLLECTE DE DONNÉES Pourtant, la première manière d appréhender le problème des logements vides est de savoir où ils sont, qui sont leurs propriétaires, pour pouvoir identifier ensuite les raisons de cette inoccupation. Si certaines situations d inoccupation sont flagrantes, parce qu elles s accompagnent d une dégradation importante du bâtiment, d autres situations d inoccupation sont beaucoup moins évidentes à identifier et ce ne sera que grâce à des indices convergents que l on pourra établir une inoccupation, qui peut durer pourtant depuis des années. La tenue d un inventaire systématique s impose donc et ce relevé devrait, selon nous, être fait par les communes, qui devraient recouper les informations dont disposent les différents services pour établir la liste des immeubles inoccupés qui se trouvent sur son territoire. La mise à jour d un inventaire des logements vides et des logements insalubres nous semble faire partie des éléments de bonne gestion. Pour les aider, les communes disposent d informations urbanistiques et d informations relatives à l inscription aux registres de la population. Grâce au travail de terrain des stewards des services de prévention et des services de police de proximité, du travail éventuel d associations locales, elles peuvent compéter ces informations par des repérages de terrain. Elles peuvent aussi avoir accès aux données d autres pouvoirs publics : le SPF Finance dispose d une liste des propriétaires qui sollicitent une réduction du précompte immobilier pour improductivité, le cadastre dispose de renseignements sur les immeubles et leurs propriétaires, le service d enregistrement des baux, Mais malheureusement, dans la grande majorité des communes, il n y a pas de mécanisme automatique de recoupement transversal des informations entre les différents services 5. Les informations quant aux faibles consommations d eau, de gaz ou d électricité sont parmi les plus fiables et les plus systématisées, pour avérer de l inoccupation d un logement. Mais, les fournisseurs, sous couvert de la protection de la vie privée, refusent de communiquer aux autorités compétentes les données relatives aux consommations très faibles d eau et d énergies. Ainsi, ils acceptent seulement de communiquer l information au compte-goutte : la société peut confirmer une faible consommation d eau, pour une adresse précise à propos de laquelle une commune, qui a déjà rassemblé plusieurs indices d inoccupation, l interpelle. Mais, pour ce qui est de la question du respect de la vie privé, «s agissant de logements vides (et donc par définition, exempts de toute occupation), la vie du propriétaire (qui n y habite pas) ne risque donc pas de s en trouver exagérément violée» 6. En outre, les pouvoirs publics disposent déjà de nombreuses informations sur les particuliers, et, dans le cadre de la lutte contre les logements vides, la transmission de ces informations participe à réprimer des infractions, le fait de laisser un logement inoccupé étant considéré depuis 2009 comme tel, nous y reviendrons. Nous plaidons donc pour la communication systématique par les distributeurs d énergie aux services communaux et régionaux, de l ensemble des adresses de bâtiments dont la consommation est anormalement faible. Ces données permettraient un recensement moins aléatoire que le repérage de terrain par des agents communaux et participeraient à la tenue d inventaires fiables. Ces inventaires devraient permettre aux communes d entamer des discussions avec les propriétaires pour qu ils réhabilitent leurs immeubles, en leur donnant l information adéquate sur les aides dont ils pourraient bénéficier, leur suggérer 5 Voir les tables rondes organisées par le RBDH en 2009. 6 Nicolas Bernard, «La lutte contre la vacance immobilière (à Bruxelles et ailleurs) : constats et bonnes pratiques, La Charte, 2011, p.14 3

de confier la gestion de leurs immeubles à une Agence Immobilière Sociale (AIS) ou si nécessaire menacer de recourir à la sanction financière. C. L OBLIGATION DE TENIR UN INVENTAIRE Jusqu en 2007, les communes avaient l obligation d établir un inventaire des immeubles inoccupés. A l heure actuelle, elles ne sont plus tenues à l établir de manière systématique, ce que nous déplorons puisqu elles disposent des informations nécessaires. Dès 1991, l Ordonnance Organique de la Planification et de l Urbanisme (OOPU) prévoyait que : «les communes sont tenues de réaliser l'inventaire permanent des biens non bâtis, inexploités ou inhabités», cette législation a été intégrée au Code Bruxellois de l Aménagement du Territoire (Cobat) en 2004 mais l article relatif à l inventaire obligatoire a été supprimé. Ensuite, cette obligation fut reprise en 2003 dans l arrêté régional relatif aux Plans Communaux de Développement. Ces derniers devaient contenir un inventaire mis à jour des immeubles insalubres, abandonnés et inoccupés. Trois ans plus tard, cette obligation de tenir un inventaire a été supprimée par le nouvel arrêté du 18 mai 2006 relatif au contenu et la présentation du Plan Communal de Développement. Nous souhaitons que la modification du Code du logement qui est en cours (juin 2012) intègre à nouveau l obligation pour les communes de tenir à jour un inventaire des bâtiments inoccupés qui se situent sur leur territoire. I.2. LA DÉFINITION DE L INOCCUPATION De nombreuses règlementations concernent les immeubles inoccupés. Elles ont chacune leur propre définition de l immeuble à l abandon : immeuble inoccupé, immeuble vide, logement vide, immeuble laissé à l abandon et elles établissent leurs propres présomptions d inoccupation. La définition de l inoccupation est actuellement variable d une législation à l autre et d une commune à l autre, cette définition est pourtant très importante puisqu elle détermine le champ d application de chaque instrument. Outre les différences entre les règlements-taxe communaux, qui engendrent des inégalités de traitement entre les propriétaires des 19 communes, les différentes définitions de l inoccupation ont des effets négatifs sur l efficacité de la lutte globale contre l inoccupation : qui dit définition différente, dit immeubles répertoriés différemment par chaque administration communale. Les listes contiennent donc des immeubles dont les caractéristiques ne sont pas toujours «partageables», compatibles avec les autres acteurs niveaux de pouvoir, en proie à la lutte contre l inoccupation, même si, finalement, le but poursuivi doit être le même. Et les différences qui existent entre toutes les définitions sont nombreuses : elles touchent notamment aux types de bâtiments/terrains (vides, inachevés, à l abandon ), à la durée de l inoccupation (non définie, 6 mois, un an ), aux présomptions qui permettent de l établir ou aux causes de l exonération. Le Code bruxellois du logement, dans le chapitre du droit de gestion publique, ne définit pas l inoccupation mais établit deux présomptions d inoccupation. Il prévoit que sont présumés inoccupés, les logements : qui ne sont pas garnis du mobilier ou dont la consommation d eau ou d électricité est faible, sur une période de douze mois. 4

Cette indication ne convient pas parce que : a. Le renvoi à ces présomptions d inoccupation n est pas satisfaisant puisqu il ne s agit que d un des moyens pour établir l inoccupation (qui peut être établie par toute autre voie). b. La présomption de faible consommation, en tout cas en matière d eau, est bien loin de pouvoir remplir le rôle qu on lui accorde, notamment dans l hypothèse où un seul compteur d eau dessert plusieurs logements. c. L absence de précision quant aux causes d exonération introduit un important risque d abus. 7 Le RBDH plaide depuis longtemps pour l amélioration de la définition du «logement inoccupé» dans le Code du logement. En avril 2012, le Gouvernement bruxellois a adopté en première lecture, un projet de modification du Code du Logement. Cette nouvelle définition est plus adaptée que la précédente : Dans son article 15, consacré au droit de gestion publique, l inoccupation est définie comme suit : «1 les logements manifestement inoccupés ou non occupés conformément à leur destination de logement depuis plus de douze mois consécutifs ; ( ) 2. Sont présumés inoccupés, notamment les logements : 1 à l adresse desquels personne n est inscrit à titre de résidence principale au registre de la population ; 2 pour lesquels les propriétaires ont demandé une réduction du précompte immobilier pour improductivité ; 3 qui ne sont pas garnis du mobilier indispensable à leur affectation ; 4 pour lesquels la consommation d'eau ou d'électricité constatée pendant une période d'au moins douze mois consécutifs est inférieure à la consommation minimale fixée par le Gouvernement. La présomption peut être renversée par le propriétaire ou le titulaire d'un droit réel principal qui peut justifier l inoccupation du logement par des raisons légitimes ou un cas de force majeure. Si l inoccupation est justifiée par le fait que des travaux de réparation ou d amélioration sont programmés, le propriétaire ou le titulaire d'un droit réel principal doit produire un permis de bâtir ou un devis détaillé, et doit entreprendre ces travaux, de manière effective, dans les trois mois de la justification, et veiller à ce que ces travaux soient poursuivis de manière continue par la suite.» Cette proposition précise donc les présomptions qui peuvent permettre de déduire l inoccupation sans les limiter et les exonérations prévues sont accompagnées d un délai endéans lequel les travaux doivent être effectués. 7 Certaines hypothèses d inoccupation sont justifiées par la situation du propriétaire : il entame des travaux de réhabilitation, un événement de force majeur ou d autres raisons légitimes qui justifient qu il évite la prise en gestion publique ou puisse éviter de se voir imposer une amende. Il nous semble pourtant que des balises devraient figurer dans le Code du logement pour éviter les abus. On le voit actuellement dans la pratique de la taxe communale, la plupart des communes exonèrent du paiement de la taxe les immeubles qui font l objet de travaux de remise en état. Celles d entre elles qui n ont pas prévu de délai dans lequel les travaux devaient être faits sont confrontées à des propriétaires qui échappent à la taxe en introduisant des demandes de permis sans réaliser de réelle remise en état dans un délai raisonnable. Cette lacune empêche à nouveau une mise en œuvre effective de la taxe en laissant à l abri de toute sanction financière des immeubles qui sont parfois inoccupés pendant des années. 5

II. LES RÈGLEMENTS-TAXES COMMUNAUX SUR L INOCCUPATION Le système des règlements-taxes communaux était jusqu à présent l instrument le plus appliqué dans la lutte contre les logements inoccupés. Toutes les communes disposent d un règlement-taxe sur les logements inoccupés, mais force est de constater que certaines se sont emparées plus efficacement que d autres de cet instrument. Les montants perçus par les différentes communes constituent un indice 8 de l utilisation effective ou non de l instrument. Quelques communes perçoivent régulièrement 0 de taxe sur les immeubles vides. Parmi celles-ci, il faut noter que Watermael-Boitsfort n a adopté un règlement taxe sur l inoccupation qu en 2009. D autres, par contre, utilisent de manière efficace l instrument qui permet de remettre des logements sur le marché et de participer au financement de la commune. La large autonomie communale au niveau fiscal explique ces importants écarts. Les règlements, diversement appliqués, présentent aussi d importantes faiblesses techniques et de grandes différences entre eux. Quelques-unes de ces faiblesses, repérées dans les règlements ayant cours en 2012, sont détaillées dans les paragraphes qui suivent. II.1 LES DÉFINITIONS Les immeubles soumis à cette taxe sont différemment définis d une commune à l autre. Ainsi, si certaines communes ont opté pour une définition de type «les immeubles qui ne sont pas effectivement occupés ou utilisés pendant une période de douze mois consécutifs, de manière conforme à sa destination» 9, d autres y ajoutent plusieurs conditions. Une autre définition très différente : «les immeubles où aucune personne physique n a son domicile et où aucune personne physique ou morale n a un siège d exploitation ou d activité» 10.Il suffit dans ce dernier cas qu une société établisse un siège social quelconque dans le bâtiment pour qu il puisse échapper à la taxe Certaines communes ne taxent pas l inoccupation simple mais taxent à la condition cumulative que l immeuble soit inoccupé et en état de délabrement (Schaerbeek). Cette condition limite fortement les immeubles qui pourraient être taxés : la seule situation d inoccupation d un immeuble, s il n y a pas insalubrité, ne fera pas l objet d une taxe. II.2 LES DURÉES D INOCCUPATION Certaines communes déterminent une durée d inoccupation dans la définition même des logements à taxer : la taxe vise par exemple l immeuble inoccupé depuis plus de six mois (Jette, Molenbeek, Uccle, Woluwé-Saint- Pierre) ou depuis plus d un an (Koekelberg, Etterbeek, Ganshoren). Ces délais permettent, notamment, de prévenir le propriétaire des options qui s offrent à lui pour mettre fin à l inoccupation. D autres communes ne prédéfinissent pas de délai d inoccupation dans l assiette mais bien par la procédure de taxation. Elles prévoient par exemple l écoulement d un certain délai entre le premier constat et le début de la taxation, entre deux constats pour l augmentation du taux de la taxe (Evere, Ixelles, Anderlecht). 8 Indices car le montant n est pas directement corrélé au nombre de propriétaires contactés, il dépend du taux de la taxe, des modes de perception, des autres solutions proposées aux propriétaires 9 Ganshoren par exemple 10 Auderghem 6

D autres communes ne définissent pas du tout de délai d inoccupation dans leur règlement-taxe, l inoccupation peut donc en théorie être taxée dès le début 11 (Auderghem, Berchem, Bruxelles-Ville, Forest, Saint-Josse ), ce qui n empêche pas ces communes d avoir éventuellement des pratiques qui dérogent à leur règlement-taxe. II.3 LES EXONÉRATIONS Toutes les communes prévoient plusieurs circonstances particulières pour lesquelles les propriétaires d immeubles vides ne sont pas soumis à la taxe (bâtiment dans une zone d expropriation, sinistre...). Parmi ces éléments, certaines communes (Bruxelles, Koekelberg, Saint-Josse, Uccle, Woluwé Saint Pierre et Lambert) retiennent l introduction d une demande de permis d urbanisme. Mais, «nombreux sont cependant les permis bidon jamais suivis d effet» 12. Aussi, pour éviter ce contournement, à Ixelles, ces immeubles sont taxés, mais les sommes payées par le propriétaire peuvent lui être remboursées sous forme de prime une fois les travaux réalisés. Dans d autres cas, les bâtiments publics et les logements sociaux sont explicitement exonérés (Anderlecht, Bruxelles, Etterbeek, Molenbeek, Saint-Gilles, Saint-Josse). A noter que le règlement-taxe logements inoccupés à Charleroi a été déclaré nul par la cour d appel de Mons en mai 2012 car discriminatoire, ceci parce que les logements communaux étaient exclus de ce règlement. II.4 LES TAUX D IMPOSITION La grande majorité des communes calcule le montant de la taxe en multipliant la longueur de la façade par le nombre d étages vides de l immeuble soumis à la taxe 13. Ainsi, le taux de la taxe est une somme par mètre courant de façade. Elle peut aller de 50 (Woluwé-Saint-Lambert) à 800 (Forest). Les autres communes ont choisi des valeurs intermédiaires. Dans certaines communes, ces montants sont progressifs (Anderlecht, Evere, Ganshoren, Ixelles, Jette, Molenbeek, Woluwé-Saint-Pierre) et peuvent alors atteindre ou dépasser le «plafond forestois» au bout de plusieurs années. En fixant un certain taux d imposition, les communes poursuivent un double objectif : - Lutter contre la vacance immobilière. - Apporter des recettes aux communes 14. 11 La taxe frappe le bien visé à partir du premier jour du mois qui suit la date d envoi du constat d inoccupation 12 Nicolas Bernard, «La lutte contre la vacance immobilière (à Bruxelles et ailleurs) : constats et bonnes pratiques, La Charte, 2011, p.29 13 A l exception : - d Auderghem où les montants se calculent par m² de surface brute de plancher (15 la première année + 10 les suivantes ; - d Etterbeek, qui fonctionne aussi selon ce principe pour les immeubles inexploités, inoccupés ou à l abandon et, par contre, par m courant de façade pour les immeubles inachevés ; - de Watermael-Boitsfort, qui demande un forfait de 1040 par immeuble laissé inoccupé (à noter que la commune n a encore jamais perçu de recette consécutive à cette taxe). 14 Ainsi, parmi leurs motivations à la taxe communale «logements vides», les communes indiquent la situation financière de la commune. 7

III. L AMENDE ADMINISTRAT IVE RÉGIONALE En règle générale, une taxe communale poursuit un objectif financier et ne peut revêtir le caractère d une sanction. Ainsi, elle peut concerner des faits illicites mais aussi d autres totalement licites (taxe de stationnement, taxe sur les bureaux ). Une sanction, quant à elle, «frappe un comportement considéré comme indésirable et érigé en infraction.» 15 Pour pallier aux faiblesses des règlements-taxes communaux, une nouvelle sanction, qui implique donc que le fait de laisser des logements vides est considéré comme une infraction par le législateur, est applicable aux immeubles vides. Le Code du logement prévoit depuis 2009 que les logements inoccupés peuvent faire l objet d une amende régionale. Il a été attendu, le voilà, le service régional compétent a été mis sur pied au début de l année 2012. Il a repéré les premiers immeubles de logements inoccupés depuis plus de 12 mois auxquels il pourra imposer une amende administrative et envoie les premiers courriers à leurs propriétaires. Les communes, qui étaient jusqu à présent exclusivement compétentes pour établir une taxe sur les logements inoccupés, ont à se positionner quant à l attitude à adopter par rapport à ce nouveau service régional. La Région n a pas le pouvoir retirer aux communes leurs compétences en matière de taxe sur les logements inoccupés. Mais, elle a prévu un moyen pour inciter les communes à renoncer à ces taxes, pour que la Région devienne compétente en matière de sanction à l égard de l inoccupation des logements. Si la taxe communale sur les logements inoccupés et l amende régionale peuvent coexister à l égard d un même bien 16, le Code du Logement encourage les communes à abandonner la taxation des logements inoccupés. Il est prévu que le service régional restitue 85% du montant de l amende perçue à la commune sur le territoire de laquelle se situe l immeuble, à la condition que la commune ne taxe plus le logement et qu elle affecte le produit de cette amende à sa politique du logement 17. On ne peut pas prédire quelle sera l attitude des communes par rapport à cette amende régionale, certaines d entre elles ont déjà indiqué qu elles n avaient absolument pas besoin de la Région pour lutter contre les logements inoccupés. Mais les communes ont, selon nous, tout à y gagner : une tâche en moins, puisque la poursuite des infractions sera de la compétence de la Région et, malgré tout, la perception de recettes puisque la toute grande partie du produit de l amende lui sera restituée. La région via un service régional spécifique est à nos yeux, plus efficace pour contrôler et sanctionner les propriétaires de logements vides. Le bon fonctionnement de l'inspection régionale du logement à l égard des logements insalubres le prouve. Un nouvel élément, assez inédit, à propos de ce service, est évoqué par le Secrétaire d Etat au logement, interpellé le 13 mars 2012 au sujet de la mise en œuvre de ce nouveau dispositif. La cellule «logements vides» créée au sein de l Administration du Logement aurait, à terme, vocation à mener une action transversale en matière de logements vides. Alors qu a priori, ce service régional s est vu confier par le Code bruxellois du logement, la compétence d imposer des amendes administratives à l égard des logements inoccupés, il est question ici d élargir sa compétence à l exercice de l ensemble des mesures dont dispose la 15 Vincent RAMELOT, Eric VANHAM, Propreté urbaine : modèle de règlement-taxe, AVCB, 2001 (document disponible en ligne sur le site de l AVCB). 16 La Cour Constitutionnelle l a affirmé dans son arrêt n 4794 du 29 juillet 2010, B.4.5. 17 Ce qui n est pas une obligation pour les recettes des taxes communales 8

Région pour agir contre l inoccupation, notamment la prise en gestion publique d un bâtiment. A noter encore que le premier courrier envoyé par le service régional à un propriétaire de logement vide le dirige vers la fédération des AIS (FEDAIS) et vers le Centre d Information du Logement (CIL) pour lui permettre de trouver la solution la plus adaptée pour mettre fin à l inoccupation. Le RBDH se réjouit de cette nouvelle orientation, convaincu comme beaucoup, que la solution pour venir à bout de l inoccupation est la combinaison d instruments d incitation et d instruments de contraintes en fonction des situations propres à chaque immeuble. Nous espérons que les moyens financiers et humains de ce service seront progressivement renforcés pour que la lutte contre les logements vides aboutisse à la création de nombreux logements. Outre les taxes et amendes, qui n aboutissent pas toujours à la création de logements, - il s agit essentiellement d une incitant financier et certains propriétaires peuvent préférer payer taxes et amendes vu les profits spéculatifs escomptés, et donc laisser des immeubles entiers vides - d autres procédures permettent aux autorités publiques de produire de nouveaux logements à finalité sociale par réhabilitation et remise en location des logements vides. IV. LA RÉQUISITION PRÉVUE PAR LA LOI DITE «ONKELINX» ET LE DROIT DE GESTION PUBLIQUE PRÉVU PAR LE CODE DU LOGEMENT IV.1. LE DROIT DE RÉQUISITION PRÉVU PAR LA LOI DITE «ONKELINX» 18 Cette mesure a marqué les esprits, beaucoup se souviennent de ce droit de réquisition donné au bourgmestre pour mettre des immeubles abandonnés à disposition de personnes sans-abri Elle pourrait pourtant être oubliée, puisque depuis 1993 elle n a été appliquée qu une seule fois en Belgique (à Philippeville), c est dire si cette législation pose des problèmes d application! Cette disposition prévoit que le bourgmestre peut réquisitionner des logements vides depuis plus de six mois pour les mettre à la disposition de personnes sans-abri, moyennant un juste dédommagement. Cette initiative fédérale avait théoriquement l avantage d être dissuasive à l égard des propriétaires d immeubles vides et de donner une solution rapide au relogement des sans-abri. Mais, parmi les obstacles à son application effective, on retiendra principalement le fait que la commune ne peut avoir recours à ce mécanisme que si elle ne dispose pas elle-même d immeubles vides pouvant être affectés au logement sans gros travaux. Or, dans les faits, les communes ont souvent l un ou l autre immeuble vide dans leur patrimoine. Un autre obstacle important est le fait qu au regard de cette disposition, un immeuble ne pourra pas être considéré comme abandonné si le propriétaire introduit une demande de permis, ce qui permet aux propriétaires d échapper facilement à la réquisition. Devant l inefficacité de cette mesure fédérale, les trois régions se sont dotées d un instrument proche, dit de «réquisition douce» puisqu il comporte une phase de négociation avec le propriétaire de l immeuble. Il s agit du droit de gestion publique. 18 Article 134 bis N.L.C. et A.R. 6 décembre 1993 réglant le droit de réquisition d immeubles abandonnés 9

IV.2. LE DROIT DE GESTION PUBLIQUE Le droit de gestion publique est le droit pour un opérateur immobilier public 19 de prendre en gestion un immeuble inoccupé ou insalubre pour le remettre sur le marché locatif. La procédure prévoit une phase amiable, l opérateur public adresse tout d abord au propriétaire de l immeuble une proposition de prise en gestion. Cette proposition contient notamment la nature des travaux à réaliser, le montant du loyer qui reviendra au propriétaire et le montant de la rémunération de l opérateur public pour les frais de gestion. Le propriétaire a deux mois pour donner sa réponse. S il accepte, il conclura avec l opérateur public un contrat de gestion publique. S il refuse sans motif valable, l opérateur public le mettra en demeure de rénover son bien et de le mettre en location endéans un certain délai. A défaut de se conformer à cette obligation, l autorité publique disposera de la gestion du bien pendant une période de 9 ans, renouvelable le temps nécessaire pour que les loyers couvrent l ensemble des frais engendrés par la rénovation. Dans les deux cas de prise en gestion publique, volontaire ou forcée, l autorité publique procèdera à la rénovation du bien et le mettra en location dans les conditions du logement social. Elle reversera au propriétaire le montant du loyer déduction faite des travaux de rénovation et des frais de gestion. Le propriétaire peut à tout moment mettre fin à la gestion publique en reprenant la gestion de son bien à condition qu il indemnise l autorité publique de tous les frais qu elle aura engagés. Avantages/inconvénients : Le principal avantage de cette procédure est d offrir une réponse aux propriétaires de logements vides qui ne peuvent, pour des raisons financières ou pour des difficultés de gestion, les remettre en location. C est l autorité publique qui se charge des rénovations et de la mise en location. En outre, il permet aussi plus de «mixité sociale» en permettant l établissement de logements de type social sur l ensemble du territoire régional. 20 Mais, à l heure actuelle, cette procédure n a encore jamais été mise en œuvre à Bruxelles. La commune d Ixelles a annoncé, début 2012, sa volonté d en faire usage. Le service communal est à la recherche d un premier immeuble test. A suivre donc! Un argument parfois évoqué au niveau communal est lié au fait que le mécanisme du droit de gestion publique ne doit pas servir à la rénovation d un immeuble privé aux moyens de fonds publics. Les autorités admettent difficilement qu au terme de la prise en gestion, le particulier récupère la gestion de son immeuble rénové et entretenu, alors qu il s agit d un propriétaire de mauvaise volonté, réfractaire à toute forme de négociation (échec de la proposition de prise en gestion par une agence immobilière sociale, de la phase amiable de prise en gestion, etc.). Un autre frein important semble également être la réticence des pouvoirs publics à s investir dans la rénovation et la gestion d un immeuble ne faisant pas partie de leur patrimoine alors qu ils devraient assurer 19 «Les opérateurs immobiliers publics titulaires du droit de gestion publique sont les communes, les CPAS, les Régies communales autonomes, la Régie foncière de la Région de Bruxelles-Capitale, la Société du Logement de la Région Bruxelloise (SLRB), les Sociétés Immobilières de Service Public (SISP) et le Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale.» Voir : Françoise LAMBOTTE, «Le droit de gestion publique : pour qui, pourquoi, comment?», dans : Trait d union, n 3, juin 2006, p.1 20 Nicolas Bernard, «La lutte contre la vacance immobilière (à Bruxelles et ailleurs) : constats et bonnes pratiques, La Charte, 2011, p.20 10

en priorité la rénovation de leurs propres immeubles inoccupés ou insalubres. La prise en gestion suppose un gros investissement dans un immeuble appartenant à autrui et dont la gestion peut être reprise à tout moment. Pour lever la réticence des pouvoirs publics, la procédure a été améliorée à plusieurs reprises par la Région. Evolution du droit de gestion publique depuis 2003 La possibilité pour les opérateurs immobiliers publics de prendre en gestion un immeuble insalubre ou inoccupé a été intégrée dans le Code du Logement en 2003. Ses arrêtés d exécution datent de 2004. Constatant qu aucun opérateur public n avait recours au droit de gestion publique, la Région tente depuis lors d identifier les failles du mécanisme et de remédier aux différents obstacles rencontrés par les opérateurs publics : - Ils éprouvaient des difficultés de préfinancement des travaux de rénovation des logements pris en gestion? La Région a créé en 2006 le fonds droit de gestion publique, qui peut avancer, sans intérêt, une partie des sommes nécessaires aux travaux de rénovation. (la part des travaux ainsi financés pourrait être accrue de 50% à 80 ou 90% 21 ) - Ils avançaient un manque de personnel pour assurer la gestion des logements? Le législateur a permis en 2007 d en confier la gestion aux Agences Immobilières Sociales. - En 9 ans, l acteur public n est pas assuré de rentrer dans ses frais? En 2010, une nouvelle amélioration lui donne la possibilité d allonger le délai de prise en gestion, pour qu il ait la garantie de récupérer intégralement les frais investis pour la rénovation. Selon le RBDH, ces améliorations successives rendent le dispositif très intéressant. Il est maintenant nécessaire que les opérateurs immobiliers publics le mobilisent! V. L ACTION EN CESSATION À L ÉGARD DES LOGEMENTS INOCCUPÉS Outre la nouvelle amende régionale, le Code bruxellois du logement contient depuis 2009, un nouvel instrument pour lutter contre les logements inoccupés : la possibilité pour les autorités administratives et les associations ayant pour but la défense du droit au logement agréées 22, d introduire une action en cessation auprès du Président du Tribunal de Première Instance. Celui-ci peut ordonner au propriétaire d un logement inoccupé qu il «prenne toute mesure utile afin d en assurer l occupation dans un délai raisonnable». L action en cessation comme toute action en justice coûte cher, elle n est donc bien entendu pas l instrument qui sera utilisé en premier lieu que ce soit par les pouvoirs publics ou par les associations. Il s agit plutôt de l ultime recours à l égard du propriétaire d un immeuble qui ne veut pas faire évoluer la situation de l immeuble, qui a refusé de confier la gestion de l immeuble à une agence immobilière sociale, qui est resté sourd aux possibilités d aides à la rénovation Ensuite, le code stipule que cette procédure est instruite «comme en référé». Les actions en cessation pourront donc être rapidement jugées. 21 C. DOULKERIDIS, commission du logement du 17.04.2012, p.12 22 Agrées en juin 2012 : le RBDH et l Union des Locataires Quartier Nord 11

Par ailleurs, au vu de la première action en cessation intentée et gagnée 23 par la ville de Bruxelles en mars 2012, la procédure ne semble pas trop technique pour l autorité communale. La commune peut facilement réunir les présomptions d inoccupation et solidifier son dossier en apportant la preuve des initiatives prises envers le propriétaire qui aurait refusé toutes les possibilités de solutions à l amiable. L écho médiatique de cette première affaire et la pression engendrée ont aussi eu pour conséquence que certains autres propriétaires concernés se manifestent auprès de la commune. Il ne sera donc pas toujours nécessaire d intenter d action en cessation à leur égard pour remettre des biens sur le marché. Nous saluons l attitude volontariste de la Commune de Bruxelles-Ville, elle a saisi l opportunité que lui offrait le Code bruxellois du logement pour mettre fin à la situation d inoccupation. Nous invitons les autres communes à suivre la voie ainsi ouverte. VI. LES ACQUISITIONS D IMMEUBLES ABANDONNÉS Jusqu à présent, les dispositifs passés en revue permettent à l autorité publique d inciter les propriétaires à mettre fin à l inoccupation de leurs biens ou de gérer momentanément ces biens. D autres procédures offrent aux opérateurs publics la possibilité d acquérir certains biens. VI.1 LE DROIT DE PRÉEMPTION ET L EXPROPRIATION Le droit de préemption octroie une priorité à ses titulaires 24 pour l achat d un bien immobilier, mis en vente par son propriétaire. Plusieurs conditions doivent être remplies pour qu il puisse s appliquer : 1. Le bien doit être situé dans un périmètre de préemption déterminé par le Gouvernement Bruxellois 25. 2. L opération doit être volontaire et le prix accepté par les deux parties. 3. Elle doit être réalisée dans «l intérêt général» : pour la création d équipements d intérêt collectifs, la création de logements de type social, la sauvegarde du patrimoine ou la lutte contre les immeubles abandonnés et insalubres. L efficacité de l instrument est limitée par le fait que le droit de préemption ne peut être exercé que lorsque le propriétaire décide de mettre en vente son bien et par le fait que l autorité publique est liée par le prix convenu entre les parties. Mais, une procédure d expropriation spécifique, simplifiée est associée au droit de préemption. L utilité publique à l origine de la délimitation du périmètre, s applique alors aussi à la procédure d expropriation. A noter que la notion même d expropriation dispose d un important pouvoir dissuasif : elle effraie grandement les propriétaires récalcitrants. 23 Le propriétaire s est vu ordonner par le juge de réhabiliter l immeuble. Il doit introduire une demande de permis d urbanisme et suivre un calendrier de travaux. A défaut, il doit payer une astreinte de 250 par jour. 24 La Région de Bruxelles-Capitale, les communes (qui peuvent aussi agir pour les CPAS), la SDRB, la SLRB (qui peut aussi agir pour les SISP ou le FDL). 25 Souvent à la demande d un des titulaire du droit. Plus d une vingtaine de périmètres ont étés délimités depuis 2004. Pour leur localisation : voir : http://www.brussels.irisnet.be/vivre-a-bruxelles/logement/devenir-proprietaire-ou-vendre-un-logement/perimetresde-preemption 12

VI.2 LES SUBSIDES À L ACHAT Les communes bruxelloises peuvent bénéficier de subsides régionaux pour l acquisition d immeubles à l abandon. Le subside régional s élève à 85% du coût d acquisition d un immeuble qui doit être inoccupé, insalubre ou menaçant et avoir fait l objet d un arrêté du bourgmestre ordonnant des mesures de rénovation non entreprises par le propriétaire 26. L immeuble doit ensuite être rénové par la commune et affecté principalement au logement. La commune peut également bénéficier d un prêt à taux nul pour effectuer les travaux de rénovation. Les dispositifs liés aux Contrats de Quartiers permettent aussi aux communes d acquérir des immeubles vides qui se trouveraient dans le périmètre et de bénéficier de subsides régionaux dépassant les 85% évoqués. FOCUS : LES CONTRATS DE QUARTIERS Il s agit certainement des procédures les plus largement utilisées et subsidiées pour les communes en matière de rénovation/construction de logements. Trois des cinq volets constitutifs des contrats de quartiers ont pour objectif d améliorer et d accroître l offre de logements. Pour pouvoir en bénéficier, les quartiers doivent répondre à plusieurs critères, notamment sociaux et urbanistiques, parmi lesquels figure la dégradation du bâti. Ainsi, pour les premiers contrats (1993), les communes se sont surtout attelées à la rénovation de leur patrimoine propre. Une fois celui-ci rénové, les projets se sont élaborés notamment par l acquisition de biens privés à l abandon. Pour ces projets, l outil cumule les avantages suivants : - Au niveau des subsides régionaux : Les logements produits dans le cadre des contrats de quartier durables peuvent être subsidiés à 95% par la Région. - Au niveau de l expropriation : Les opérations urbanistiques effectuées dans le cadre des contrats de quartier peuvent être réalisées par voie d expropriation pour cause d utilité publique. Ici encore, la simple menace d expropriation peut lourdement peser dans les négociations avec les propriétaires privés. VII. DES SOLUTIONS ASSOCIATIVES Le monde associatif se mobilise également pour lutter contre les logements vides et propose des solutions alternatives pour qu ils puissent être utilisés au relogement des ménages en difficulté de logement. Voici deux exemples parmi d autres : VII.1 LES AGENCES IMMOBILIÈRES SOCIALES Parmi ces initiatives, rappelons que les Agences Immobilières Sociales aujourd hui bien encadrées législativement (depuis 1998) et bénéficiant de subsides spécifiques trouvent leurs origines dans les actions menées par les associations œuvrant pour le droit au logement. Quatre années auparavant, les premières agences, aux fonctions et missions proches des actuelles AIS, se développent. 26 Délais : 6 mois pour entamer les travaux ; non achevés dans les 18 mois. Source : arrêté du 19 juillet 1990, relatif à l acquisition par les communes d immeubles abandonnés, dans : Administration de l aménagement du territoire et du logement, direction rénovation urbaine, Bilan quinquennal 2004-2008 Mémorandum 2009-2014, Bruxelles, 2009, p.21 13

Ainsi, l AIS Quartiers (issue de la Fébul), Le Nouveau 150, Iris et Logement Pour Tous ont vu le jour avant 1998, époque à laquelle intervient leur officialisation. Plus de la moitié des AIS actuelles sont issues du monde associatif. Pour rappel, les AIS ont pour objectif la socialisation d une partie du parc locatif privé, en intervenant comme médiateur/intermédiaire entre propriétaires et locataires. Elles peuvent se charger de petites remises en état et surtout de la relocation des biens aux ménages qui répondent à des conditions de revenus (plafonds du logement social). Si le propriétaire met son bien en gestion dans une AIS, il reçoit la garantie d avoir un loyer tous les mois (même si le logement n est pas occupé) et de retrouver son logement en bon état ; en échange de quoi il accepte que le loyer soit inférieur au prix qu il aurait pu espérer en louant son bien sur le marché privé. Pour plus de détails : Pierre DENIS, «Contribution du secteur associatif à la lutte contre les logements vides et à la réhabilitation du bâti», dans : Nicolas BERNARD (éd.), La lutte contre la vacance immobilière (à Bruxelles et ailleurs) : constats et bonnes pratiques, La Charte, 2011, p.119-125 et www.fedais.be VII.2 LES OCCUPATIONS PRÉCAIRES ET TEMPORAIRES Des associations mettent également en place des dispositifs particuliers pour loger des personnes en grande difficultés de logement dans des immeubles inoccupés. «Le principe : des bâtiments vides, encore en bon état, sont occupés légalement et temporairement par des ménages qui vivent dans la rue ou dans des conditions extrêmement précaires. La piste des «conventions d occupation temporaire et précaire» n est pas considérée comme étant la solution à la crise du logement. Seul un relogement durable et accessible financièrement peut apporter une stabilité et des perspectives à long terme. Mais apporter un toit, un minimum de sécurité et de confort pour un prix très bas, peut constituer une solution temporaire pour un ménage et permettre d économiser de l argent, tantôt pour apurer des dettes, tantôt pour pouvoir se reloger d une manière durable.» 27 A. L ASBL WONINGEN123LOGEMENTS A l origine des premières occupations de bâtiments vides, le constat que des outils permettent aux pouvoirs publics de mettre des immeubles vides à disposition de personnes sans-abri (loi Onkelinx) ou de les réhabiliter et les relouer à des conditions sociales (droit de gestion publique) existent mais ne sont pas utilisés par les pouvoirs publics. Il est donc légitime d occuper ces bâtiments vides et les occupations ont donc pour but de proposer des solutions concrètes de logements pour les plus démunis dans des bâtiments inoccupés. Depuis sa création en 2004, l asbl s est engagée dans la gestion de plusieurs bâtiments : - L ancien hôtel Tagawa situé avenue Louise (50 habitants 4 ans) ; - «L îlot Triomphe», composé de 4 maisons sur le boulevard du Triomphe à Auderghem (15 habitants 1 an et demi) ; - Le cloître du Gésu, rue de la Comète en face du Botanique (45 habitants 2 mois) ; - Le bâtiment de la rue royale, 123 (environ 58 habitants, depuis 2007) - espaces et activités communautaires et autogestion ; - L immeuble de la rue des plantes, 118-120 à Schaerbeek (12 habitants, depuis mars 2009). 27 www.febul.be 14

- Plusieurs logements rue du Progrès (depuis 2009) dont un immeuble de 15 appartements pour des familles et une maison communautaire. Le bâtiment situé 123 rue Royale (de bureaux à l origine) appartient à la Région wallonne. Elle a signé une convention d occupation temporaire avec l asbl. Les habitants peuvent y rester jusqu au début de travaux de rénovation pour une nouvelle affectation, un préavis de 6 mois leur sera donné. Ce bâtiment est occupé depuis 5 ans et la convention sert de modèle type, pour les nouvelles occupations. Pour plus de détails sur les différents projets : www.123rueroyale.be B. LA FÉBUL Cette association, dont l un des objectifs est de rechercher de nouveaux moyens et pistes pour travailler sur des projets de logements, a initié plusieurs projets-pilotes d occupations temporaires de logements sociaux vides. Cette démarche repose sur le constat qu il existe, dans le logement social, de nombreux logements vides et, parmi eux, une grande partie en attente de rénovation. Les occuper temporairement, jusqu à l entame des travaux, permet, d une part, d éviter que les logements se détériorent et, d autre part, soulager des ménages en grandes difficultés de logements. Deux SISP ont conclu les premières conventions d occupation temporaires avec la Fébul : - Ieder zijn huis Evere : 2 maisons sont mises en gestion depuis 2010 - Le Foyer Forestois : 12 appartements en gestion depuis 2010 Un partenariat avec l Union des Locataires de Schaerbeek et de Forest est en place pour assurer le suivi social des occupants. Ces deux projets-pilotes ont permis d établir une convention-cadre qui définit les principes des occupations : l association signataire s engage pour la remise en état des bâtiments et l accompagnement social des occupants ; l occupation se termine à l entame des travaux de rénovations programmés par la SISP. Ces expériences devraient inciter les autres SISP qui disposent de bâtiments inoccupés en attente de rénovation, à conclure des conventions d occupations précaires pour permettre à des personnes d habiter ces lieux provisoirement, pendant une période la plus longue possible. Plus d infos : www.febul.be 15