Matières premières agricoles :

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Transcription:

Le Cercle du développement durable Synthèse de la Conférence du 8 novembre 2011 Matières premières agricoles : quels investissements pour nourrir 9 milliards d individus? E D I T O Le cercle du développement durable se penche pour sa cinquième édition sur les enjeux des matières premières agricoles. Après des rendez-vous consacrés à l eau, aux matières premières minières ou à l énergie, cette nouvelle conférence-débat aborde un thème une fois de plus crucial pour l avenir de l humanité avec une question décisive : «comment nourrir aujourd hui 7 milliards de personnes, et demain, à horizon 2050, quelque 9 à 10 milliards d individus?». Une gageure alors que les obstacles ne cessent de croître, à l image de la volatilité et de l explosion des prix, alimentées par l envol de la demande de céréales dans les pays émergents, la menace d épuisement des terres arables, ou, plus navrant, le gaspillage des denrées. Carrefour des opinions et de la réflexion, le Cercle du développement durable se penche donc pour cette nouvelle édition sur le rôle et la place des investisseurs face à de si lourds enjeux. Avec, dans une première partie, un panorama de l agriculture mondiale, suivi d une plongée dans le rôle des marchés et la place des investisseurs : «comment un investisseur peut-il et doit-il respecter les critères d investissement responsable pour les matières premières agricoles?»

Matières premières agricoles I Décembre 2011 I 2 I - Panorama de l agriculture mondiale s y n t h è s e L agriculture alimentaire témoigne d un vrai paradoxe. «Tout le monde sait que depuis des années, l investissement dans la production est insuffisant», avertit Erik Orsenna. Une situation tendue sous le double effet d une aide publique au développement, notoirement insuffisante, et une résistance persistante à l égard des investisseurs privés «souvent considérés comme des affameurs». Un constat partagé par Pierre Jacquet, chef économiste de l Agence française de développement qui invite afin de relever le défi alimentaire à «combiner politiques publiques et investissements privés». Pendant des dizaines d années, cet équilibre a été rompu. «Du moins hors d Europe». Pour deux raisons. L engagement public s est réduit au gré du recul de la part de l agriculture dans la richesse produite. Un repli aggravé par la conviction que les marchés apporteraient spontanément des réponses efficaces. «Le débat va bien au-delà de la seule sécurité alimentaire mondiale mais touche les questions de sécurité dans le monde», avertit Didier Nédelec, directeur des marchés d Invivo. «car l agriculture et l alimentation de la cité constituent la base de la politique». Le nouveau rôle du Politique, catalyseur de l investissement privé Or, justement, le politique signe son retour en matière agricole. «Les politiques publiques ont un rôle à jouer afin d encourager et canaliser ces investissements privés, dans la production, la recherche, les progrès techniques ou les infrastructures nécessaires», préconise Pierre Jacquet. Un constat partagé par Helena Vines Fiestas (BNP Paribas Investment Partners) qui invite les politiques publiques à surtout créer de véritables incitations en faveur de l investissement privé. «Aux Etats-Unis, plus de trois quarts de la chaîne de valeur de l agriculture est captée par les fournisseurs, en amont, et les distributeurs en aval. Les agriculteurs n en captent que 5%. Et leurs revenus stagnent». L augmentation des surfaces cultivées sera nécessaire au cours des prochaines années. Mais «elles ne doubleront pas. Tout au plus augmenteront-elles de 10 % à 15 %», alerte Charles Beigbeder, qui, via la société Agrogénération, investit dans des terres cultivées, notamment en Ukraine et en Amérique latine. «Au-delà de la seule production agricole, il existe un besoin fantastique d investissements», poursuit Pierre Jacquet. Faute d infrastructures suffisantes, de chaînes du froid de qualité, 30 % de la production est perdue dans les pays en développement». Une tendance hélas - également répandue dans les pays développés avec 20 à 25 % de la nourriture achetée qui est jetée. Réduire ces gaspillages permettrait-il limiter l impératif de hausse de l offre alimentaire? «Pas sûr», convient Pierre Jacquet. «Le gaspillage ne dépend pas seulement de la question de la logistique, mais également de comportements alimentaires ou culturels». La modernisation agricole ne se résume pas au seul progrès technique, à la recherche de nouvelles technologies. «C est également un processus social». De fait, l agriculture représente encore souvent dans les pays en développement le plus grand secteur privé. Dès lors, les entreprises privées étrangères qui s impliquent dans les pays en développement doivent intégrer dans leur démarche d investissement la donne des exploitations familiales locales, souvent petites. C est en gérant cette contrainte qu elles contribueront à un véritable développement durable. «Prenons garde à ne pas opposer la paysannerie africaine au développement d une agriculture moderne et exportatrice», estime Pierre Jacquet. Elément encourageant, les sensibilités évoluent. «Avec une prise de conscience y compris de la part d institutions qui ont véhiculé l idéologie du marché de façon presque exclusive, comme la Banque Mondiale. Les termes de «politique agricole» ne sont plus tabou», se félicite Pierre Jacquet qui invite à réinventer des politiques publiques qui tiennent notamment compte des enjeux de développement durable. «Il s agit notamment de passer d une culture de gestion de crise à une culture de gestions des risques».

Matières premières agricoles I Décembre 2011 I 3 Semis, moissons et agronomie : des réponses face aux chocs d offre Même si l indice FAO des matières premières agricoles (blé, maïs) a doublé ces sept dernières années, les études prospectives se montrent plutôt rassurantes sur la capacité de la Planète à nourrir neuf milliards d êtres humains. Alors que 1,5 milliard d hectares sont aujourd hui cultivés pour produire des céréales et des oléagineux, il suffirait, selon les estimations, de cultiver 100 millions d hectares supplémentaires pour y parvenir. «La hausse des rendements et de l intensité de cultures fera la différence pour lutter contre le déficit de production agricole». L Afrique et l Amérique Latine concentrent 90 % des terres arables encore disponibles, «grâce notamment à leurs capacités d irrigation», acquiesce Pierre Jacquet. Mais attention! «Les capacités de production agricoles supplémentaires ne sont pas nécessairement localisées là où les besoins seront les plus manifestes», reconnaît Pierre Jacquet. Le nombre de personnes mal nourries dans le monde a cessé de baisser depuis le milieu des années 1990 et représente aujourd hui environ un milliard d individus. «La tentation d un recul du commerce international amplifierait les problèmes et la volatilité des prix». Si la volatilité paraît plus violente aujourd hui, c est en raison de la fermeture d une longue parenthèse de stabilité des prix en Europe et la redécouverte de cette question par les pays occidentaux. «Les populations occidentales n ont plus de besoins, mais des envies», regrette Pierre Nedelec. Un confort qui se heurte désormais à l appétit de cinq milliards d habitants des pays émergents. Lequel appétit progresse en quantité, mais également en qualité avec la recherche de davantage de nutriments. Les populations des émergents aspirent à mieux manger pour une meilleure santé. D où la hausse irrépressible de la consommation de protéines animales, dont la propre alimentation accroît les besoins agricoles. La volatilité de la production agricole mondiale reste en revanche contenue, même si les récoltes locales peuvent varier dans une grande ampleur. Une variation des récoltes de plus ou moins 10 % bouleverse les prix locaux. Or, ces chocs locaux ou régionaux s amplifient sous l impact du réchauffement climatique avec des fréquences d accidents de plus en plus élevées comme en témoignent déjà les assureurs. «Les anticipations, plutôt fiables lors des semis et l allocation des surfaces à cultiver grâce à des agriculteurs réactifs face aux prix de marché, se heurtent à la climatologie», constate Didier Nedelec. Aussi les investissements dans les sciences agronomiques permettront de mieux optimiser et gérer l agriculture du futur. Selon lui, l agronomie a de beaux jours devant elle. «La réponse aux besoins de productivité viendra de l agronomie», promet-il. Des études ont démontré que les mauvaises récoltes en Russie en 2010 tenaient moins à la sécheresse qu à de mauvais choix agronomiques. «Combiner au bon moment le bon engrais avec la bonne hygrométrie permet de meilleurs rendements et des coûts optimisés», plaide-t-il.

Matières premières agricoles I Décembre 2011 I 4 II Quelle place pour les investisseurs? s y n t h è s e II Quelle place pour les investisseurs? Face à la volatilité des prix Signe des tensions des marchés agricoles, la volatilité des prix, en baisse régulière depuis le 19ème siècle, s est accrue depuis 2000. Même si «vers 250 euros, la tonne de blé n est pas plus chère qu en 1990», nuance Didier Nedelec. Les placements financiers sont pourtant suspectés d alimenter cette volatilité et même de contribuer à la hausse des prix. Une mise en accusation contestée. Une étude française récente a calculé que les fonds investis en produits agricoles ne pèsent que 35 milliards de dollars, dont 25 milliards en fonds cotés en Europe et aux Etats- Unis. «35 milliards de dollars, ramenés à l échelle des produits agricoles, représentent environ 150 millions de tonnes de blé», calcule Didier Nedelec, à comparer avec 1,8 milliard de tonnes produites chaque année. Moins de 10 % de la production. Selon lui, la vraie question est celle de la réduction des stocks, régulière depuis 1991. Or, ils servaient d amortisseurs. Plusieurs années d investissements seront nécessaires pour remettre en route la machine de production face à une consommation qui progresse plus 30 millions de tonnes de blé et 2,6 millions de tonnes de viande chaque année -, au gré de la démographie et de nouveaux usages agricoles, tels que les biocarburants. L agriculture alimentaire se trouve en effet confrontée à la concurrence de nouveaux rivaux pour l utilisation du foncier, recherché pour l urbanisation et la forêt, puits de C O2. «Comme pour l eau, il existe pour les terres des conflits d usage qui seront de plus en plus violents», souligne Erik Orsenna. «Quand on plante, sur une seule exploitation, 300 000 ha d eucalyptus pour produire de fibres courtes destinées à la fabrication de papier à usage domestique, ce sont autant de surfaces qui n iront pas à l alimentation». Pas question pour autant d exonérer totalement l e s f o n d s c o t é s d e t o u t e responsabilité. «En se positionnant sur l aval de la chaîne sur les produits agricoles finis, c est-à-dire après moissons, les Exchange Traded Funds (ETF ou Trackers) accentuent la volatilité des prix car ils interviennent sur une offre dépendante du climat, et donc trop sensible à la volatilité du rendement face à une demande fixe», critique Didier Nedelec qui invite à investir en amont de la chaîne agricole, notamment sur les entreprises qui contribuent à développer l agriculture. Mais, il faut aussi «s interroger sur le rôle de la spéculation dans l agriculture. Car elle joue aussi un rôle social, pas forcément néfaste», complète Pierre Jacquet (AFD. «Sans spéculateur qui accepte de prendre des risques, les acteurs cherchant à s en défaire n y arriveraient pas». Le rôle des transactions réalisées par des acteurs non commerciaux sur les marchés des produits dérivés, quand celles-ci sont décorrélées de la vente et de l achat de produits finaux, est pointé du doigt. Entre 2005 et 2011, leurs poids a plus que doublé sur les marchés du blé et du soja, à 56 milliards d euros. «Mais prenons garde à ne pas jeter le bébé avec l eau du bain», invite Helena Vines Fiestas, car «les marchés de dérivés ont un rôle important de financement et de couverture de l ensemble des acteurs du marché des produits agricoles».

Matières premières agricoles I Décembre 2011 I 5 les moyens d actions des investisseurs responsables Afin de ne pas contribuer à une telle volatilité, BNP Paribas s est ainsi engagée, dans le cadre de sa politique d investissement responsable, «à ne vendre aucun produit dérivé de matières premières agricoles essentielles à des opérateurs externes dont l objectif serait exclusivement financier, hors de tout objectif de couverture contre les fluctuations de prix». De plus, tous les produits de placements comprenant des produits agricoles sont uniquement proposés pour des horizons de moyen et long terme, afin d éviter des allers-retours rapides et à moindre coût qui contribueraient à la volatilité. Les pistes pour investir dans l agriculture en toute responsabilité ne manquent pas. Première voie, s intéresser aux entreprises présentes en amont de la chaîne de valeur. En second lieu, investir dans le cadre des fonds thématiques : «on essayera d investir dans des sociétés qui offrent des solutions technologiques, comme l irrigation», explique Helena Vines Fiestas. Enfin, un investissement responsable sera vigilant quant aux pratiques socio-environnementales des entreprises sur des thèmes sensibles. Quitte à les influencer. «Attaqué et critiqué pour son rôle dans l huile de palme, Nestlé s est ainsi engagé à se conformer pour la fin 2011 à une utilisation d huile issue seulement de plantations certifiées», illustre Helena Vines Fiestas (BNP Paribas). consiste, pour des investisseurs privés à exploiter directement des terres arables. «Certaines agroholdings ont déjà franchi le cap du million d hectares exploités», indique Charles Beigbeder. Sa holding Gravitation SAS a créé, il y a cinq ans, la société Agrogénération qui, avec d autres capitaux français, notamment des fonds de private Equity ou des fonds de microcaps, investit en Ukraine, «l ancien grenier à blé de l ex-urss». La méthode? «La reprise en mains d anciens kolkhozes, qui sont rééquipés de nouveaux matériels, des équipes locales et l apport des meilleures équipes culturales françaises», explique-t-il. Sa société exploite à fin 2011 six fermes de plus de 8 000 hectares, pour un total de plus de 51 000 hectares, essentiellement dans l ouest de l Ukraine. Avec une exploitation semi-intensive, sans labour, ni irrigation. «Le rendement visé sera de l ordre de 4 à 4,5 tonnes de blé à l hectare, sensiblement inférieur aux 10 tonnes à l hectare constatées en Europe de l ouest. Mais le recours à l engrais y est deux à trois fois inférieur, ce qui soutient notre rentabilité». Selon lui, les producteurs, jusqu ici «parents pauvres de la filière agricole» vont profiter de cette nouvelle donne et de l attrait d investisseurs privés pour l investissement agricole. Un jugement partagé par Pierre Jacquet pour lequel «redonner un sens à la profitabilité permettra de résoudre le problème d image qui affecte le rôle de la finance dans l investissement agricole. Le profit est aussi créateur de valeur sociale». Dans l agriculture comme ailleurs. Alors que les besoins d investissements dans la production agricole atteindraient 20 milliards de dollars par an jusqu en 2050, essentiellement dans les pays en développement, une piste plus originale

Matières premières agricoles I Décembre 2011 I 6 BIOgraphies Erik Orsenna Après des études de philosophie, de sciences politiques et d économie (Paris & London School of Economics), il devient chercheur et enseignant en finance internationale et en économie du développement. Il rejoint le cabinet du ministre de la coopération (1981) avant de devenir le conseiller culturel du Président François Mitterrand en 1986. Il est nommé au Conseil d Etat parallèlement à cette carrière administrative. Erik Orsenna a écrit de nombreux romans dont «L exposition coloniale» (Prix Goncourt 1988) et des essais sur la mondialisation, dont «L avenir de l eau» (2009). Elu à l académie française en 1998, au fauteuil de Jacques-Yves Cousteau. Charles Beigbeder né en 1964, diplômé de Centrale Paris, Charles Beigbeder est actuellement Président-Fondateur de Gravitation SAS. Il a commencé sa carrière en 1990 à la Banque Paribas en tant que banquier d affaires. Il a ensuite rejoint Crédit Suisse First Boston à Paris puis MC-BBL Securities à Londres. En 1997, il fonde Self Trade, pionnier du courtage en ligne en France, qu il revend en 2000 et dirige jusqu en 2001. En 2002, il crée Poweo, le premier fournisseur indépendant d électricité et de gaz. En 2005, il initie la mutation de l entreprise en opérateur intégré et cède sa participation à Verbund AG en 2009. Il est Président de Gravitation SAS, sa holding industrielle et financière, qui investit notamment dans les domaines de la croissance verte et de l internet : AGROGENERATION : production agricole HAPPYTIME : agence de loisirs AUDACIA : financement des PME Par ailleurs, Charles Beigbeder est engagé dans plusieurs mouvements liés à l entreprise et à la vie de la cité : membre du Conseil exécutif et Président de la Commission Entrepreneuriat du MEDEF, il est Vice-président du conseil de surveillance de la Fondation pour l Innovation Politique. Il est par ailleurs Secrétaire National en charge de la pédagogie de la réforme à l UMP. Charles Beigbeder a remis au Ministre Luc Chatel en décembre 2007 un rapport sur le modèle low-cost dans les différents secteurs d activité de notre économie. Il a été fait Chevalier de la Légion d Honneur en 2008. Il est l auteur de deux ouvrages, Energie Positive, paru en 2008 (Editions du Toucan) et La crise de l énergie est-elle une chance pour l avenir?, paru en 2009 (Jean-Claude Lattès).

Matières premières agricoles I Décembre 2011 I 7 Didier Nedelec est Directeur des Marchés d InVivo, union de coopératives agricoles qui emploie 6000 collaborateurs dans le monde et réalise un chiffre d affaires de 4,4 milliards d euros. Il est en charge des activités de Commerce International, Trading et Logistique de céréales et oléagineux. Ingénieur diplômé de l ESA d Angers (Ecole Supérieure d Agriculture), Didier Nedelec bénéficie de plus de vingt ans d expérience dans le groupe CARGILL où il avait en charge l activité de Trading France pour les grains et oléagineux. En tant qu expert, il a participé aux exercices de prospectives INRA 2013 et France 2025. Il est également Membre du conseil de surveillance de A.C.Toepfer International et du Conseil d administration de SAIPOL. Pierre Jacquet est chef économiste de l Agence française de développement, après en avoir également été, entre 2002 et 2010, directeur exécutif en charge de la stratégie. Polytechnicien, membre du corps des ponts, des eaux et des forêts et économiste, il est professeur d économie politique internationale, président du département sciences humaines, économie, gestion, finances de l École des ponts - ParisTech. Il a été membre du Conseil d analyse économique (CAE) du Premier ministre de 1997 à 2005, et a occupé jusqu en 2002 les fonctions de directeur-adjoint de l Institut français de relations internationales (IFRI). Pierre Jacquet est également l auteur de plusieurs articles et ouvrages dont «Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux» (codir, PUF 2011). Depuis 2006, il est codirecteur du rapport annuel sur le développement durable, Regards sur la Terre. Il a été chargé par le Président de la République en janvier 2011 d une mission dans le cadre du G20 sur les réponses à apporter à la volatilité des prix agricoles dans les pays en développement. Helena Viñes Fiestas est co-responsable de la Recherche ISR et Responsable de la Recherche Thématique chez BNP Paribas Asset Management. Elle rejoint l équipe après 6 années chez Oxfam, où elle a dirigé les travaux sur l investissement responsable et l engagement des investisseurs institutionnels en faveur de la lutte contre la pauvreté. Helena a également dirigé le projet Better Returns in a Better World, et officié en qualité de Policy Advisor sur les politiques d accès aux médicaments. Elle a travaillé auparavant comme analyste ISR chez CoreRatings et UKSIF. Titulaire d un Master en Economie du Développement à la London School of Economics, elle est également diplômée d un Master en Economie latino-américaine et d une Licence en Sciences économiques à l Université de Barcelone.

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