Expropriation : droits et devoirs des communes

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Transcription:

www.jeanclaudegaudin.net Juin 2007 Expropriation : droits et devoirs des communes S il est une situation délicate pour une commune, c est bien la situation où celle-ci doit exproprier un particulier pour réaliser une opération d intérêt général. Nous résumons ici les droits et devoirs des communes en cette matière. Ces dispositions sont synthétisées dans le Code de l expropriation pour cause d utilité publique. I. Enquête préalable Une expropriation de particulier ne peut avoir lieu qu après déclaration d utilité publique. Celle-ci est elle-même précédée d une enquête publique préalable (régie par les art. L. 11-2 à L. 11-7 du Code de l expropriation publique et les art. L. 123-1 à L. 123-16 du Code de l environnement). Cette enquête préalable est ouverte par un arrêté du préfet. L avis au public, décrivant l opération le plus exhaustivement possible, doit être publié au moins 15 jours avant le début de l enquête, et rappelé 8 jours avant ce début dans les journaux quotidiens du département. Les maires des communes concernées par l opération sont responsables de l affichage de l avis. Le dossier de l enquête doit contenir l ensemble des informations disponibles sur l opération envisagée : aspect juridique, technique, financier, opportunité de l opération, délimitation géographique Le public peut prendre copie de l ensemble du dossier. L enquête publique doit durer au moins 15 jours. La durée maximale est laissée à l appréciation du préfet. Si l opération concerne plusieurs communes, l enquête est ouverte soit à la préfecture ou à la sous-préfecture, soit dans la mairie de l une des communes. Si elle ne concerne qu une commune, l enquête est ouverte dans la mairie concernée. Après la fermeture de l enquête, le commissaire-enquêteur (ou le président de la commission d enquête) dispose d un délai d un mois pour recevoir le registre d enquête clos et signé par le maire, examiner les observations, entendre toutes les personnes qu il juge utile de consulter (ainsi que l expropriant si celui-ci en formule le souhait), rédiger son rapport et ses conclusions motivées et le transmettre au préfet ou au sous-préfet. 1

Les conclusions motivées du commissaire-enquêteur ne reflètent pas nécessairement l avis de la majorité. Qu elles soient favorables ou non, elles peuvent être assorties de souhaits, suggestions ou vœux. Une copie du rapport doit être déposée à l endroit où s est déroulée l enquête et toute personne intéressée peut demander au préfet communication des conclusions motivées contenues dans le rapport. Si l opération envisagée ne concerne qu une seule commune, le registre est clos et signé, non par le maire, mais par le commissaire-enquêteur. Par ailleurs, si les conclusions sont défavorables, le conseil municipal doit émettre un avis motivé qui sera joint au dossier. II. Opérations susceptibles de nuire à l environnement La procédure est, dans ce cas, légèrement différente de la procédure ordinaire d enquête publique préalable. Cette procédure spécifique est régie par les art. R. 11-14-1 à R. 11-14-15 du Code de l expropriation pour cause d utilité publique. Le commissaire-enquêteur (ou la commission d enquête) est désigné par le président du tribunal administratif. Il peut visiter les lieux concernés, sauf les lieux d habitation. Il peut organiser des réunions publiques. L enquête ne peut durer moins d un mois, ni plus de deux mois ; le commissaire-enquêteur peut, par une décision motivée, la prolonger de 15 jours au maximum. Le public peut faire des observations orales, faire part de ses appréciations, suggestions et contre-propositions aux lieux, jours et heures fixés par l arrêté d ouverture de l enquête préalable. Si le juge administratif est saisi d une demande de sursis à l exécution d une décision prise à la suite de conclusions défavorables du commissaire-enquêteur, il est tenu de faire droit à cette requête quand l un des arguments invoqués lui paraît sérieux et de nature à justifier l annulation de la décision. 2

III. Déclaration d utilité publique L acte déclaratif d utilité publique fait l objet d une publication, soit au Journal officiel, soit par voie d insertion dans la presse ou dans un recueil administratif, soit par affichage. Si l opération ne concerne qu un département, l utilité publique est déclarée par un arrêté du préfet territorialement compétent. Dans le cas contraire, elle est déclarée par arrêté conjoint des préfets intéressés. La déclaration par décret en Conseil d Etat est cependant obligatoire pour les travaux de création : - d autoroutes ou de routes express ; - d aérodromes de catégorie A ; - de certains canaux de navigation ; - de chemin de fer d intérêt national ; - de certaines canalisations ; - de centrales électriques ou nucléaires ; ainsi que pour les travaux de transfert des eaux d un bassin fluvial dans un autre. L acte déclaratif d utilité publique fixe le délai de réalisation de l expropriation. Ce délai ne peut être supérieur à 5 ans si l utilité publique est déclarée par arrêté (mais peut l être si l utilité publique est déclarée par décret). Le délai prend effet à la date de publication de l acte déclaratif. Un an après celle-ci, tout propriétaire intéressé peut mettre en demeure l expropriant d acquérir son bien dans un délai de 2 ans. A défaut de réponse de ce dernier, le juge de l expropriation prononce le transfert de propriété et fixe le prix. Une prorogation du délai de réalisation est possible une fois, par un acte pris dans la même forme que l acte déclaratif d utilité publique et sans nouvelle enquête. 3

IV. Enquête parcellaire L acte déclaratif d utilité publique est suivi d un arrêté de cessibilité, intervenant après une enquête parcellaire. Cette enquête parcellaire est effectuée dans les mêmes conditions que l enquête préalable. Elle est ouverte par arrêté du préfet, après avis d ouverture et publicité, pour une durée minimum de 15 jours. Elle a pour objet de déterminer le plus précisément possible les propriétaires à exproprier et, de façon générale, de recueillir tous les renseignements indispensables à l établissement de l ordonnance d expropriation et à la fixation des indemnités. Un deuxième registre est donc mis à la disposition des propriétaires, sur lequel ils sont invités à consigner leurs observations, recueillies par le commissaire-enquêteur (auquel les propriétaires peuvent également écrire). L expropriant adresse deux documents au préfet, pour être soumis aux observations des intéressés dans chacune des communes concernées : - le plan parcellaire des terrains et bâtiments à exproprier (ce plan ne pourra pas être modifié après l enquête parcellaire, à peine d annuler l arrêté de cessibilité, ce qui nécessiterait une nouvelle enquête parcellaire) ; - la liste des propriétaires à exproprier, établie en général d après les documents cadastraux et les documents des hypothèques. V. Arrêté de cessibilité Après réception du dossier du commissaire-enquêteur, le préfet prend un arrêté de cessibilité, déterminant la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier. Le préfet peut réduire l étendue de l emprise pour des motifs de droit ou d opportunité. Si, dans l emprise, sont compris des terrains acquis par voie amiable, l arrêté ne doit pas les mentionner. Précisons que, par lui-même, l arrêté n entraîne aucune mutation de propriété. 4

VI. Transfert de propriété Le juge de l expropriation est l autorité compétente pour rendre l ordonnance d expropriation, à défaut d accord amiable entre expropriant et exproprié. Ce juge est l unique magistrat d une juridiction spécialisée, établie dans chaque département auprès du tribunal de grande instance. Le directeur des services fiscaux fait alors office de commissaire du gouvernement. Dans un délai de 8 jours après la réception du dossier, le juge rend une ordonnance d expropriation transférant la propriété du bien à l expropriant, fixant le montant de l indemnité, supprimant les droits des tiers (notamment les servitudes). L ordonnance perd sa base légale si le juge administratif casse la déclaration d utilité publique ou l arrêté de cessibilité. VII. Indemnisation L indemnisation est fixée par le juge de l expropriation, sauf accord amiable entre expropriant et exproprié. Les parties ont la possibilité d émettre un appel non suspensif sous 15 jours, ainsi que la possibilité de se pourvoir en cassation. L expropriant peut saisir le juge à tout moment à partir de l ouverture de l enquête préalable. De son côté, l exproprié peut saisir le juge à compter de la notification de l ordonnance d expropriation. Conformément à la tradition en matière de juridiction administrative, l instruction est écrite et contradictoire. L indemnisation doit couvrir l intégralité du préjudice subi du fait de l expropriation. Selon la loi n 67-1253 du 30 décembre 1967, les expropriés sont prioritaires pour le relogement dans les HLM, et disposent d un droit de préférence pour l octroi de prêts spéciaux au titre de l aide à la construction. 5

VIII. Appel Comme nous l avons dit plus haut, l appel en matière d expropriation pour cause d utilité publique n est pas suspensif. Par conséquent, l expropriant peut prendre possession du bien, à condition de verser une indemnité au moins égale à sa propre proposition et de consigner le surplus de l indemnité fixée par le juge. La prise de possession peut avoir lieu dans un délai d un mois après le paiement ou la consignation, ou après l acceptation ou la validation de l offre d un local de remplacement. Passé ce délai, l expropriant peut procéder à l expulsion de l occupant du local exproprié. Il a par ailleurs droit à l indemnisation du dommage, à compter du jour du paiement ou de la consignation de l indemnité. Faute de respecter ce délai d un mois, l expropriant se rend coupable de voie de fait, dont l exproprié peut demander réparation devant le tribunal de grande instance. IX. Rétrocession Si, dans un délai de 5 ans à compter de l ordonnance d expropriation, l expropriant ne donne pas à l immeuble la destination prévue par la déclaration d utilité publique, l exproprié peut demander la rétrocession du bien pendant une période de 30 ans, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d utilité publique. 6