GINETTE MBOUROU AZIZAH

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GINETTE MBOUROU AZIZAH LES CARACTÉRISTIQUES DE L AMORCE DE LA MARCHE ET LES EFFETS D UNE MODIFICATION DES INFORMATIONS SENSORIELLES SUR LA PROGRAMMATION ET L EXÉCUTION DU PREMIER PAS CHEZ LES AINÉS CHUTEURS, NON CHUTEURS ET CHEZ LES JEUNES ADULTES Thèse présentée à la Faculté des études supérieures de l Université Laval pour l obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.) Division de kinésiologie DÉPARTEMENT DE MÉDECINE SOCIALE ET PRÉVENTIVE FACULTÉ DE MÉDECINE UNIVERSITÉ LAVAL QUEBEC AOÛT 2001 Ginette Mbourou Azizah, 2001

1 RÉSUMÉ Le contenu de cette thèse traite: 1) des différences entre les jeunes adultes et les aînés au niveau des caractéristiques de l exécution du premier pas de marche, 2) de l intégration des informations sensorielles à l amorce de la marche, notamment, de la modification des informations prorioceptives et vestibulaires sur les caractéristiques de l amorce de la marche. Les études présentées ici ont pour objectif de: 1) Déterminer les caractéristiques du patron d amorce de marche chez les jeunes adultes, les aînés et chez les aînés chuteurs. Pour cela, les caractéristiques spatiales et temporelles, notamment la variabilité du premier pas et la durée des phases de double support sont mises en évidence pour les trois groupes. La variabilité du premier pas pourrait être un facteur prédictif du risque de chute. 2) Déterminer les modalités sensorielles affectant l amorce du patron de marche chez les jeunes adultes et chez les aînés: Les effets d une perturbation proprioceptive sur la variabilité du premier pas de marche et sur les déplacements du centre de masse et du centre de pression chez les jeunes adultes et chez les aînés. 3) Déterminer l effet combiné d une perturbation proprioceptive et vestibulaire sur l amorce de la marche. Les résultats de ces études montrent que l exécution du premier pas de marche est déterminée par la qualité des informations sensorielles. La variabilité du premier pas de marche permet de discriminer les chuteurs des non chuteurs. La position du corps dans l espace, déterminée par les afférences proprioceptives et vestibulaires modifie la phase anticipée et la phase d exécution à l amorce de la marche. Ginette Mbourou Azizah, M.Sc. Normand Teasdale Ph.D. (directeur)

2 AVANT-PROPOS «Science is a slow process», c est la phase que m a dite mon directeur de thèse Normand Teasdale face à mes questionnements sur les études pilotes que j ai effectué. En effet cela a été ma première découverte au laboratoire et je le pense encore «Science is a slow process» La science et le fonctionnement du corps humain ont toujours été attrayant pour moi. C est ce qui explique mon passage de la Maîtrise en STAPS (science et technique de l activité physique), au Master en kinanthropologie, à mes études doctorales en contrôle moteur. J ai approfondi mes connaissances sur le fonctionnement du corps humain dans le domaine du contrôle moteur du moins, mais comme de façon exponentielle, j ai également accru mon questionnement. La quête du savoir paraît perpétuelle. Tel est mon parcours, j ai appris à être plus autonome, plus patiente, à développer un esprit critique et surtout la remise en question. Pour toutes ces facettes que j ai amélioré, je tiens à remercier mon directeur de thèse Normand Teasdale de m avoir permise de réaliser ce projet qui me tenait à cœur, mais surtout pour sa patience dans mon processus d apprentissage. Mon apprentissage s est effectué grâce à un environnement de travail stimulant. Je tiens donc également à remercier Marcel et Gilles pour leur aide technique et leur disponibilité. Je remercierai aussi mes collègues du GRAME, en particulier Fab et Phil pour avoir essayé une année durant de m intégrer dans le groupe. Quant à Frisou, Biche, Caro et aussi à Phil, merci pour les pauses délire, café, découragement et encouragement. Une reconnaissance spéciale à deux personnes qui on été présentes quotidiennement dans ma vie malgré la distance des deux continents; mon Frère Jean-Claude que j adore et mon Amie d enfance et de toujours Stella. Et enfin, un merci tout spécial à Jument docile pour son aide et sa patience tout au long de cette dernière année.

3 TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ...1 AVANT-PROPOS...2 TABLE DES MATIÈRES...3 LISTE DES FIGURES...5 LISTE DES TABLEAUX...7 CHAPITRE I...8 INTRODUCTION GÉNÉRALE...8 CHAPITRE II...12 REVUE DE LITTERATURE...12 1. Les centres de contrôle impliqués dans la régulation de la posture et de la marche...12 2. Les modalités sensorielles dans le contrôle de la posture et de la marche : rôle et modifications provoquées par le vieillissement...13 2.1 La vision...14 2.1.1 La vision et le vieillissement...14 2.2 La proprioception...15 2.2.1 Les effets de la vibration proprioceptive sur la fibre musculaire...18 2.2.2 Les mécanorécepteurs plantaires...18 2.2.3 La proprioception et le vieillissement...22 2.3 Le système vestibulaire...24 2.4 Les référentiels exocentrique et égocentrique...25 3. Les ajustements posturaux anticipés et de l amorce de la marche...26 3.1 Le contrôle en boucle ouverte ou «feedforward»...26 3.1.1 Les ajustements anticipés du centre de masse et du centre de pression...27 4. L amorce de la marche et ses caractéristiques...31 4.1 Biomécanique de l amorce de la marche...31 4.2 Les synergies motrices et stratégies d amorce de la marche...32 4.3 La variabilité et l amorce de la marche...34 4.4 Le vieillissement et l amorce de la marche...35 5. Le modèle de Brenière et Collaborateurs...39 6. Les évaluations cliniques et biomécaniques dans la détection des risques de chute...45 CHAPITRE III...49 STEP LENGTH VARIABILITY AT GAIT INITIATION...49 CHAPITRE IV...66

4 LES EFFETS D UNE PERTURBATION PROPRIOCEPTIVE SUR L AMORCE DE LA MARCHE CHEZ LES JEUNES ADULTES ET CHEZ LES AINÉS...66 CHAPITRE V...89 THE PERCEPTION OF SUBJECTIVE VERTICAL AND GAIT INITIATION..89 CHAPITRE VI...116 CONCLUSION GÉNÉRALE...116

5 LISTE DES FIGURES CHAPITRE II Figure 1 : Déplacement du centre de pression sous trois différentes conditions de vitesse d exécution du premier pas. S, vitesse lente, N, normale et F rapide...31 Figure 2 : Modèle des invariants de l amorce de la marche (Brenière & collaborateurs)...45 CHAPITRE III Figure 1: Mean length, coefficient of variation and duration of double support of the first step...62 Figure 2 : Mean length, coefficient of variation and duration of double support for the first and the second strides following the first step...63 CHAPITRE IV Figure 1 : Longueur moyenne du premier pas et coefficient de variation du premier pas...81 Figure 2 : Déplacement moyen du centre de pression lors de la condition contrôle et lors de la condition la vibration chez un sujet âgé...82 Figure 3 : Déplacement moyen de l accélération du centre de masse dans le plan antéro-postérieur lors des conditions contrôle et vibration chez un sujet âgé...83 CHAPITRE V Figure 1 : Characteristics of the first step...107 Figure 2 : Forward and backward lean of the center of pressure...108 Figure 3 : Center of pressure gait initiation pattern with respect to the position of the feet...109

6 Figure 4 : The antero-posterior displacement of the center of pressure during the anticipatory and the execution phase of the first step...110 Figure 5 : The center of mass acceleration during the anticipatory and the execution phase of the first step...111

7 LISTE DES TABLEAUX CHAPITRE IV Tableau 1 : Résumé des test-t pour échantillons indépendants entre les essais contrôle yeux ouverts et le plus petit essai en condition vibration...84 CHAPITRE V Table 1 : Summary of the independent t-test between the minimum values of first length during the co-stimulation condition and the mean values of the control eyes open, close, vibration and galvanic condition for each subject...112

8 CHAPITRE I INTRODUCTION GÉNÉRALE La marche est une tâche motrice apparemment fort simple et souvent considérée comme étant réalisée de façon automatique. Cependant, plusieurs auteurs ont démontré que tel n était pas le cas. De fait, la marche exige des ressources attentionnelles et ce même chez les jeunes adultes (Lajoie & al., 1996). Avec l âge, une diminution des entrées sensorielles, entre autre proprioceptives, affectent le patron de marche. Les études portant sur la marche rapportent que le temps de double support et de balancement lors des cycles de marche est plus important chez les personnes âgées que chez les jeunes (Lajoie & al., 1996; 1993 ). D autre part, les variables spatiales et temporelles telles que la longueur des cycles, la vitesse de marche (Lord & al., 1996a), la cadence, la longueur des pas (Prince & al., 1997), l amplitude articulaire angulaire de la hanche, du genou, et de la cheville diminuent avec l âge (Lord & al., 1996b). Avec le vieillissement, on observe donc des modifications importantes du patron de marche. Outre ces modifications, la variabilité de la longueur des pas est plus importante chez les aînés que chez le jeune adulte (Gabell & Nayak, 1984). De plus, l âge a une contribution de 30 à 45% dans la variabilité de la vitesse de locomotion (Leiper & Craik, 1991). Il est à noter que la variabilité est une notion normale dans la motricité humaine (Schmidt, 1988), par conséquent la problématique n est pas la variabilité en elle-même mais la proportion qu elle peut atteindre ainsi que ses conséquences sur la mise en place d une réponse motrice adaptée aux exigences de la tâche. L équilibre postural est un état quasi-statique qui intervient dans l amorce de la marche et lors de la marche à cause des transitions de double support. Les études portant sur les oscillations posturales en station debout avec conflit visuel et/ou proprioceptif ont permis de quantifier la stabilité posturale chez le jeune adulte et chez l aîné. En effet, la manipulation des afférences proprioceptives et/ou visuelles (par leur restriction et leur restitution) lors de la posture érigée a permis de montrer que le maintien de l équilibre postural

9 devient plus dépendant des centres nerveux supérieurs avec le vieillissement (Teasdale & al., 1992 ; Simoneau & al., 1999). D autres études se sont basées sur la stabilisation après une perturbation de la base de support. Les résultats de ces études amènent à conclure que les aînés ont une amplitude et une vitesse d oscillation plus grande que celle des jeunes adultes, et que l amplitude des oscillations posturales renseigne sur l état du contrôle postural. Les tests cliniques qui permettent de distinguer les chuteurs des non-chuteurs ont permis de confirmer ces résultats car les aînés chuteurs montrent des oscillations posturales significativement plus importantes et de fréquences plus élevées. Le vieillissement augmente les facteurs de risque de perte d autonomie, notamment par les chutes et la pathologie. La chute est un phénomène encore mal compris malgré son incidence élevée dans la population vieillissante. Un aîné sur trois de 65 ans et plus risque de chuter au moins une fois par année (Lilley & al., 1995). Quelques fois la chute est liée à la médication, mais de nombreuses personnes classées chuteurs ne prennent pas de médication. Les conséquences des chutes sont les fractures (notamment celles du poignet et du fémur), la peur de chuter à nouveau, et l attribution des aides de marche qui conduisent à moyen terme à une perte d autonomie et au pire des cas à la mort (Lilley & al., 1995). Les chutes surviennent le plus souvent lors des transitions posturales telles que l amorce de la marche ou lors des changements de direction. Chez les personnes âgées, la fréquence des chutes est plus élevée dans l enceinte de la demeure qu à l extérieur (Luukinen & al., 2000). Parmi les variables fortement corrélées aux chutes, le test «Get-up-and-go» qui comme son nom l indique implique une amorce de marche ainsi qu un changement de direction, est un bon prédicteur de chute (Salgado & al., 1994); d où l intérêt d analyser les transitions posturales pour mieux cerner les phénomènes de chute. Jusqu à présent, peu d études ont porté sur les effets du vieillissement et sur les mécanismes d amorce de la marche. Amorcer la marche c est faire la transition de l état quasi-statique d équilibre postural à l état dynamique de la

10 marche. Les études portant sur le contrôle de l équilibre postural reportées dans le paragraphe précédent font ressortir que cette tâche a un impact sur la justesse des réponses posturales comme lors de l amorce de la marche. L amorce de la marche est souvent décrite dans la littérature après une perturbation de la base de support. Les études faites sur la perturbation posturale ont montré que l amorce de la marche par un pas ou plusieurs petits pas permet de retrouver la stabilité. Cependant, suite à une perturbation de la base de support, deux autres stratégies de stabilisation peuvent être utilisées; celle de la cheville et celle de la hanche (Horak & al., 1989). La stratégie adoptée dépend de la grandeur et de la vitesse de la perturbation appliquée. Chez les personnes âgées, Il arrive que ces stratégies ou réponses soient combinées. A l amorce de la marche, les synergies musculaires (i.e. l inhibition du soléaire et l activation du tibial antérieur) sont nécessaires, elles sont présentes chez toutes les catégories d âge. Cependant, avec le vieillissement, les séquences d activation motrices diffèrent (Crenna & Frigo, 1991). De façon générale, les réponses à la déstabilisation sont inadaptées chez les aînés de 65 ans et plus (Horak & al., 1989). Plusieurs modèles d amorce de la marche ont été proposés dans la littérature. Notamment, celui présenté par Brenière et collaborateurs (1982; 1987; 1991; 1996; 1999; 2000) a porté sur l amorce de la marche sous différentes contraintes posturales. Les études de ces auteurs décrivent les différentes phases d amorce de la marche. La première phase de l amorce de la marche, la phase préparatoire, est invariante pour que la réalisation de la deuxième phase, la phase d exécution, soit réalisable. Ce modèle révèle aussi les variables déterminantes de l amorce de la marche, mais il ne permet ni d expliquer ni de prévoir les modifications observées chez les aînés chuteurs. Afin de compléter le modèle de Brenière et collaborateurs nous avons axé notre recherche sur l amorce de la marche et ses modifications avec le vieillissement. Cette tâche, en plus d être une transition posturale, est semblable à la phase de simple support lors de la marche. Les objectifs de ce travail sont : 1) déterminer les caractéristiques du patron d amorce de la marche des jeunes adultes, des aînés et des aînés chuteurs par une analyse biomécanique, 2) cibler des variables prédictives du risque de chute afin d aider à la prévention et 3) déterminer les modalités sensorielles affectant le

11 patron d amorce de la marche chez les jeunes adultes et chez les aînés. Les hypothèses de recherche sont les suivantes : - Les caractéristiques spatiales de l amorce de la marche sont plus variables chez les aînés comparativement aux jeunes adultes. - La modification des informations proprioceptives altère l amorce de la marche chez le aînés. - L altération des informations sensorielles modifie l amorce de la marche chez les jeunes adultes. La revue de littérature comprend une première section sur les centres de contrôle de la posture et de la marche. Une deuxième section porte sur l importance des modifications sensorielles dues au vieillissement. La troisième section concerne les ajustement posturaux à l amorce de la marche. La biomécanique de l amorce de la marche fait l objet de la quatrième section. La cinquième section propose un modèle d amorce de marche. Enfin la dernière section présente l importance de combiner les tests biomécaniques et les tests cliniques dans la prévention des chutes. Les articles qui mettent en évidence les résultats de la recherche sont présentés à la suite de la revue de littérature. Une discussion générale et une conclusion complètent le contenu de ce travail.

12 CHAPITRE II REVUE DE LITTERATURE 1. Les centres de contrôle impliqués dans la régulation de la posture et de la marche Les études sur l animal ont grandement aidé à la compréhension du rôle des structures du système nerveux central (SNC) dans la réalisation de plusieurs tâches motrices. Elles ont été le prélude à l utilisation chez l homme de l imagerie cérébrale (tomographie par émission de positron ou PET) ou de la résonance magnétique. Le cervelet est une structure essentielle dans la motricité. Celui-ci intervient dans l action tonique facilitatrice, le réglage des gains réflexes, l organisation temporelle et spatiale du mouvement, ainsi que dans la coordination du mouvement (Gogaux & Chéron, 1989). La région du cervelet la plus impliquée dans le contrôle de la posture et de la locomotion est le vermis. Afin de connaître les structures les plus impliquées dans le contrôle de la posture, une équipe japonaise (Ouchi & 1999) a examiné l activation cérébrale chez l adulte sous différentes contraintes posturales. Ils ont observé l activation des différentes régions cérébrales à l aide de l imagerie cérébrale. Il en résulte que lors de la posture érigée, le lobe cérébelleux antérieur et le cortex visuel droit (aires de Brodmann 18/19) sont les plus activés. Lorsque les sujets se tiennent sur une jambe, le vermis antérieur et le cortex latéral du côté de la jambe de support sont les aires les plus activées. La posture en tandem, active le cortex visuel associatif, le vermis et le tronc cérébral. Lorsque les yeux sont fermés, les aires de Brodman (8/9) sont les plus sollicitées. Ces résultats révèlent que l activité du cortex visuel intervient dans les tâches d équilibre. Fukuyama & al., (1997) ont utilisé la même technique et ont montré que les aires les plus impliquées dans la locomotion sont les aires du cortex visuel, les ganglions de la base et le cervelet. Selon Capaday & al., (1999), l activation des fléchisseurs et des extenseurs plantaires de la cheville durant les cycles de marche ne dépend pas des centres nerveux supérieurs,

13 mais des connections cortico-spinales. Celles-ci contrôlent davantage les fléchisseurs plantaires (tibial antérieur) que les extenseurs de la cheville. Les structures corticales impliquées dans le contrôle de l amorce de la marche diffèrent de celles d un mouvement de flexion ou d extension de la cheville. L activation des aires motrices supplémentaires jouerait un rôle plus important dans l amorce de la marche que lors d une flexion plantaire simple du pied (Yazawa & al., 1997). Les zones du système nerveux central impliquées dans le contrôle de la posture et de la locomotion sont approvisionnées en permanence par les afférences et les réafférences sensorielles impliquées dans le maintien et la réalisation de ces tâches. Par conséquent, il est utile d identifier quelles sont les entrées sensorielles impliquées dans le contrôle de la posture et de la locomotion. 2. Les modalités sensorielles dans le contrôle de la posture et de la marche : rôle et modifications provoquées par le vieillissement Le contrôle de la posture et de la locomotion par les centres supérieurs dépend des afférences et réafférences visuelles, proprioceptives et vestibulaires. Pour révéler la contribution de chaque système, ceux-ci ont été atténués ou supprimés. Les études sur la pathologie sont d un grand intérêt car elles révèlent les adaptations nécessaires et la redondance du système quant à l exécution des tâches motrices. Ainsi les études sur les chuteurs et les neuropathiques ont été d une grande utilité pour illustrer le rôle des informations sensorielles lors de la réalisation de tâches simples comme la marche ou le contrôle de la posture. Cependant, l âge, la pathologie et l environnement influencent l implication relative de ces trois systèmes sensoriels dans le maintien de l équilibre postural et de l autonomie locomotrice. L âge est significativement associé à une diminution des fonctions visuelles, vestibulaires et sensori-motrices (Lord & al., 1996a).

14 2.1 La vision Le rôle du système visuel a été plus étudié lors des tâches de posture que lors de la locomotion. En effet, il est plus simple de varier les affluences visuelles lors des tâches statiques que lors des tâches dynamiques. Les informations visuelles renseignent sur la position et les mouvements de la tête par rapport à l environnement. Le système visuel permet également d orienter le corps par rapport à la verticale. Les informations visuelles peuvent être d ordre périphérique ou centrale. D après la littérature, la vision périphérique est plus sollicitée lors du contrôle de la posture. La contribution du système visuel varie également avec l âge. 2.1.1 La vision et le vieillissement Les études faites sur le contrôle postural ont permis de faire ressortir l importance de la vision sur les tâches aussi simples que le maintien de l équilibre en station debout. La stabilité posturale diminue (augmentation des oscillations posturales) lorsque la vision est supprimée, aussi bien chez les jeunes adultes que chez les aînés (Teasdale & al., 1991). En effet, en fonction de l âge, la dépendance face au système visuel change. Il a été démontré que la vitesse et l amplitude des oscillations posturales des aînés sont plus importantes que celles des jeunes lorsque l ancrage visuel est modifié (Simoneau & al., 1999). L affluence d informations sensorielles peut engendrer une instabilité posturale comme l ont montré les études utilisant des transitions visuelles, non-vision/vision et vision/non-vision/vision. Il a été observé que contrairement aux jeunes adultes, les aînés ont une dispersion du centre de pression plus importante au passage d une situation de nonvision/vision plutôt que lors de la transition vision/non-vision. Dans cette expérimentation, l affluence des informations visuelles après la privation prolongée des informations visuelles déstabilise les aînés puisque la réintégration des informations visuelles nécessite une nouvelle configuration du système postural (Teasdale & al., 1991;Teasdale & al., 1992).

15 La contribution réelle de la vision dans la posture ne peut être quantifiée clairement car la réalisation d une tâche motrice nécessite l utilisation de tous les systèmes sensoriels. Cependant lorsque la contribution des systèmes sensoriels est estimée grâce à l évaluation posturale chez des sujets neuropathiques et non neuropathiques, Simoneau & al., (1992) rapportent une valeur de 30% comme contribution du système visuel au maintien de l équilibre postural. Cette étude donne une valeur approximative de la contribution du système visuel pour une catégorie d âge variant entre 40 et 70 ans. Lord & Ward (1994) ont également tenté de mettre en évidence la contribution du système visuel par la diminution des informations proprioceptives avec ou sans vision. Les auteurs soulignent que jusqu'à l âge de 65 ans, la dépendance face au système visuel pour maintenir l équilibre est plus élevée que chez les plus âgés. Après 65 ans, la contribution du système visuel diminue. Plus récemment, Lord & Menz (2000) ont essayé de déterminer si les capacités visuelles pouvaient prédire la stabilité en fonction de la surface de support (dure ou molle) chez des aînés de plus de 60 ans. Les résultats montrent que la vision stéréoscopique (capacité à détecter un objet en dehors de son focus visuel) est un facteur de prédiction des oscillations posturales lorsque le sujet se trouve sur une surface molle. A l opposé, les oscillations sur une surface dure sont associées à la proprioception. 2.2 La proprioception Les informations proprioceptives informent les centres nerveux supérieurs sur la position et les déplacements du corps par rapport à la surface de support. Ils renseignent aussi sur l état d un segment par rapport à un autre ou par rapport au reste du corps. Les récepteurs somatosensoriels comprennent les récepteurs musculaires, articulaires, cutanés, et les capteurs de pression. Le système musculaire code les informations de longueur, de vitesse et de position grâce aux fibres nerveuses Ia et II qui innervent les fuseaux musculaires. Les organes tendineux de Golgi quant à eux informent sur la

16 tension et la raideur musculaire par l intermédiaire des fibres Ib. Les récepteurs articulaires Golgi renseignent sur la direction du mouvement et la perception de la position de l articulation, la vitesse angulaire et la direction du mouvement sont détectées par les récepteurs de Ruffini, et les capsules de Pacini renseignent sur la détection et les accélérations des mouvements. L importance des informations proprioceptives est révélée par des études faites sur des patients souffrant de neuropathies dégénératives. La privation sensorielle par des méthodes telles que l ischémie, la vibration tendineuse ou l anesthésie permet également d examiner l importance de la proprioception. La technique la plus utilisée reste la vibration tendineuse car elle présente peu d effets secondaires, les effets de la période post vibratoire ne durent que 40 s (Ribot-Ciscar & al., 1998). Son principe consiste à induire une illusion proprioceptive au niveau de la fibre musculaire ou au niveau du tendon du muscle. Lorsque la vibration est appliquée directement sur le muscle, la réponse musculaire est similaire à une réponse réflexe myotatique ou polysynaptique. Cette activation réflexe du muscle vibré s accompagne d une inhibition du muscle antagoniste et ne se produit que lorsque le muscle est en contraction isométrique (Quoniam & al., 1995). La flexion ou l extension du muscle en contraction isométrique se résume par une sous-estimation de la cible en extension lorsque l agoniste est vibré et inversement lorsque l antagoniste est vibré (Capaday & Cooke, 1981). Lorsque la vibration est appliquée sur le tendon, l illusion est due à une fausse perception de l élongation du fuseau neuro-musculaire de l agoniste ou de l antagoniste. La réponse correctrice à l illusion perceptive est une compensation par un déplacement du corps du côté du tendon vibré (Quoniam & al., 1995). Ainsi la vibration du tibial antérieur produit un déplacement du centre de pression vers l avant car le sujet perçoit un déplacement vers l arrière causé par l illusion de l élongation des fuseaux musculaires du tibial antérieur. La neuropathie est une maladie dégénérative souvent associée au diabète. L évaluation de la posture et de la marche chez les patients atteints de neuropathie a permis d illustrer l importance de la proprioception lors de ces deux tâches. Le modèle de neuropathie périphérique est plus précis que la modification des surfaces de support ou la vibration tendineuse, car la

17 neurophapie peut être quantifiée alors que la modification des afférences proprioceptives ne peut l être. L étude de (Boucher & al., 1995) montre que la stabilité posturale des patients atteints de polyneuropathie diabétique est altérée; l amplitude et la vitesse des oscillations posturales sont beaucoup plus importantes que celles des sujets de la même catégorie d âge avec ou sans vision. Les auteurs concluent à la précarité de la stabilité posturale chez ces patients et l interprètent comme une prédisposition au risque de chute. L évaluation posturale des patients atteints de neuropathie diabétique a permis d établir que la proprioception comptait pour 40% dans le contrôle de la posture (Simoneau & al., 1992). Dans cette étude, trois groupes (diabétique neuropathique, non neuropathique et contrôle) sont soumis à différentes conditions posturales permettant d évaluer la contribution de la proprioception, de la vision et du sens vestibulaire. Les seules différences observées se retrouvent au niveau de l amplitude des déplacements du centre de pression entre les neuropathiques et les autres groupes, attestant ainsi que l effet obtenu n est pas dû au diabète mais bien à la neuropathie. Il faut noter que les auteurs estiment que la contribution des différents systèmes est sous estimée à cause des conditions de sélection des systèmes sensoriels. L estimation de 40% est également à considérer comme une valeur approximative, car l âge des sujets varie entre 40 et 70 ans. Lorsque la sensibilité de la cheville est évaluée chez les sujets diabétiques neuropathiques, il est remarqué qu il existe une perte de la perception du mouvement, mais que celle-ci ne peut être attribuée à la diminution de la sensibilité plantaire (Simoneau & al., 1996). La diminution de la stabilité posturale serait plutôt due à un non fonctionnement des récepteurs périphériques sensoriels de la jambe, et des fuseaux neuro-musculaires (van Deursen & Simoneau, 1999). Au niveau de la marche, le modèle de neuropathie périphérique a permis de montrer que la diminution des informations proprioceptives affecte la marche, son contrôle requiert davantage de ressources cognitives (Courtemanche & al., 1996). Les paramètres spatio-temporels affectés sont: l amplitude des cycles, la vitesse, ainsi que les temps de double et simple support. Ces

18 paramètres sont plus importants chez les sujets diabétiques atteints de neuropathie que dans une population de la même catégorie d âge ne souffrant pas de neuropathie. 2.2.1 Les effets de la vibration proprioceptive sur la fibre musculaire La vibration tendineuse affecte particulièrement la fibre nerveuse Ia. Cependant, la décharge de la fibre semble persister après l arrêt de la vibration (Gilhodes & al., 1992). Certaines études ont suggéré que la période post-vibratoire pendant laquelle la fibre nerveuse continue de décharger peut durer quelques minutes (Rogers & al., 1985; Wierzbicka & al., 1998). Mais récemment, grâce à la microneurographie, il a été démontré que l effet de la vibration tendineuse sur la fibre Ia ne dure que 3 secondes après l arrêt de la vibration. D autre part, seulement une minorité des fibres continuent de décharger jusqu à 20 secondes après la vibration, ces fibres ayant pour caractéristique de décharger à hautes fréquences. Alors que la majorité des fibres nerveuses Ia déchargent à basses fréquences, elles diminuent de façon progressive leur activation et arrêtent complètement de décharger seulement après 40 secondes (Ribot-Ciscar & al., 1998). La durée de l effet de la vibration tendineuse sur les fibres nerveuses devrait être explorée plus amplement afin de constater si l effet post vibratoire de cette technique affecte la performance motrice. 2.2.2 Les mécanorécepteurs plantaires Le rôle des informations somatosensorielles sur l équilibre postural et la perte de ces informations chez les aînés n est plus à démontrer. Il est clairement établi que la surface de support et la vision affectent l équilibre postural chez les aînés (Teasdale & al., 1991; Teasdale & al., 1992). Les études sur la modification des afférences cutanées ont permis de montrer que la proprioception cutanée plantaire participait au contrôle de l équilibre postural.

19 Afin de déterminer plus spécifiquement l importance des informations cutanées plantaires, plusieurs techniques ont été développées. Kavounoudias & al., (1998) utilisent des vibreurs électromagnétiques ayant une fréquence d oscillation égale à 100 Hz qu ils placent à la surface de la plante et/ou du talon du pied, tout en mesurant les déplacements du centre de pression. Cette technique bien qu intéressante reste difficile à réaliser à cause du matériel utilisé. Les résultats obtenus illustrent que la direction de la réponse posturale est une réponse à l illusion proprioceptive créée par l augmentation de la pression sous la zone vibrée. Lorsque les talons sont vibrés, le centre de pression est déplacé vers l avant. Inversement, lorsque la plante des pieds est vibrée, le centre de pression se déplace vers l arrière. Les auteurs en déduisent que le système nerveux centrale traite les informations tactiles de la surface plantaire de façon à obtenir les informations spatiales relatives à la direction et à l amplitude du déplacement du corps. Selon les auteurs, les mécanorécepteurs plantaires participeraient à l élaboration d un référentiel égocentrique. La privation des informations cutanées plantaires par l anesthésie permet également une approche valable pour comprendre leur contribution dans la régulation de la posture et de la marche. Dans l étude de Do & al., (1990), le nerf plantaire est anesthésié et les modifications des synergies musculaires des membres contralatéral et ipsilatéral sont observées. La quantification des synergies musculaires permettant d évaluer les effets de l anesthésie sur le patron moteur impliqué dans l amorce de la marche. Suite aux résultats obtenus, les auteurs en déduisent que la diminution des afférences cutanées est responsable des modifications de l amplitude et de l activation des paramètres temporels des synergies musculaires. La modification du patron moteur par la diminution des informations sensorielles cutanées est soutenue par l étude de Do & Roby-Brami (1991). Dans cette étude, la base de support du pied est réduite. Les sujets se tenaient debout sur une barre de bois. Les auteurs constatent que l exécution du premier pas se fait plus rapidement et que l intégration de l information se fait au niveau spinal. La contribution des récepteurs cutanés plantaires dans la restauration de l équilibre a été examinée par Thoumie & Do (1996). L activité électromyographique du tibial

20 antérieur, du soléaire, ainsi que les variables spatio-temporels sont évaluées lorsque la marche est amorcée à partir d un angle de 15. Ce protocole expérimental a permis de mettre en évidence des différences motrices entre des patients ayant perdu leur réflexe du tendon d Achille et des sujets sains ayant subi une anesthésie du nerf plantaire ou une ischémie de la jambe. Les résultats obtenus révèlent que l activité motrice est plus affectée par l absence de proprioception (ischémie) que par la perte des sensations cutanées. Les études de Maki & collaborateurs (1999b, 2000) présentées ci-dessous confirment également l importance des mécanorécepteurs dans le contrôle de la posture. Dans leurs études, les sujets sont soumis à une perturbation de la base de support les forçant à effectuer un pas de rattrapage. Dans une de leurs études Maki & al., (1999b) rapportent que l augmentation de la sensibilité plantaire améliore la stabilisation. En effet, suite à une perturbation de la plate-forme de force, le pourcentage de pas permettant une restabilisation a diminué chez les individus portant une semelle stimulant les mécanorecepteurs plantaires. Actuellement les études sur la contribution réelle des mécanorécepteurs plantaires dans le réajustement postural soulignent l importance des récepteurs de Pacini. Une technique simple et peu coûteuse est celle qui a été rapportée par quelques auteurs, dont Maki (Perry, McIlroy & Maki, 2000), et qui repose sur le refroidissement de la surface plantaire afin de diminuer la sensibilité tactile. Cette technique de refroidissement du pied a permis d établir que les corpuscules de Pacini sont des cellules tactiles à adaptation rapide permettant la détection des événements tels que la levée et le contact du pied avec la surface de support. Leur seuil de détection est autour de 100 Hz. Cependant, il semble que d autres cellules, notamment les corpuscules de Merkel et de Ruffini soient affectées par la technique de refroidissement de la surface plantaire. Ces cellules serviraient à l adaptation lente de la régulation posturale, leur seuil de détection étant inférieur à 5 Hz (Maki, Edmondstone, & McIlroy, 2000). La diminution de la sensation tactile par l utilisation de bain glacé pendant une période de 15 minutes a permis de démontrer de la température de la surface plantaire baisse de 10 degrés,

21 tandis que le seuil de détection des sensations tactiles augmente. D autre part, le pourcentage de réponse exigeant un pas de stabilisation après une perturbation de la plate forme de force augmente même avec la présence de vision. Au niveau du centre de pression, les déplacements arrières se trouvent accentués dans le cas d un pas de rattrapage arrière après le refroidissement (Perry & al., 2000). Les auteurs émettent l hypothèse que les afférences cutanées plantaires participent à la détection de la position du centre de masse par rapport aux limites de stabilité de la base de support. D après les auteurs, les afférences cutanées plantaires participent à la détection de la pression plantaire afin de contrôler le transfert du poids contribuant aux réponses stabilisatrices du pas de rattrapage suite à une perturbation inattendue. La diminution de la sensation tactile est associée à la diminution de l équilibre postural et même au risque de chute. Malgré l importance des afférences des mécanorecepteurs dans le contrôle de la posture, leur contribution n a pu être réellement quantifiée. L étude de Maki & al., (1999b) a toutefois montré qu en augmentant les sensations plantaires à l aide de semelles spécialisées, les aînés effectuaient beaucoup moins de pas de rattrapage et utilisaient beaucoup moins les bras afin de se stabiliser suite à une perturbation. Chez les jeunes adultes, la proportion des pas de rattrapage est fortement diminuée à la suite d une perturbation vers l arrière de forte intensité. Le déplacement postérieur du centre de pression consécutif à une perturbation vers l arrière est moins proche de la zone limite de la base de support chez les aînés et les jeunes adultes. Les auteurs suggèrent suite à ces résultats que les mécanorecepteurs plantaires informent le système nerveux central concernant la position du centre de pression par rapport à la base de sustentation et ses limites. En effet, l anesthésie de la plante du pied (Maki & al., 1999a) donne des résultats inverses à ceux obtenus après une augmentation de la sensation cutanée. Plusieurs entrées sensorielles (vision, proprioception, cutanée, plantaire, vestibulaire) participent aux réajustements posturaux et au contrôle de la posture orthostatique. La qualité et la quantité de ces entrées sensorielles diminuent significativement avec le vieillissement ( Simoneau & al., 1992;

22 Teasdale & al., 1991 a et b; Simoneau & al., 1999; Maki & al., 1999, 2000; Perry & al., 2000). 2.2.3 La proprioception et le vieillissement La contribution des systèmes sensoriels en fonction du vieillissement a été recensée par Hay (1996). La vibration du tendon du tibial antérieur ou du soléaire afin d induire un déplacement est utilisée afin d évaluer la contribution des entrées proprioceptives dans le maintien de l équilibre postural. Tel que mentionné à la section 2.2, la réponse motrice compensatrice suite à la vibration est un acte involontaire qui va dans la direction du tendon vibré. Les mécanismes responsables de cette réponse se situent au niveau des centres nerveux supérieurs. En effet, le système nerveux central utilise les afférences relatives à la position angulaire et à la vitesse de déplacement pour réaliser la performance motrice (Cordo & al., 1994). Le délai de la réponse posturale compensatrice ne semble pas être affecté par l âge, parce que le procédé de réponse n est pas une boucle réflexe. Cependant, avec le vieillissement, l amplitude et la vitesse de la réponse diminuent. La diminution de la réponse correctrice est attribuée à la sous estimation du transfert de l information permettant d estimer les limites réelles de la base de support. D autre part, la réponse motrice à la vibration du tibial antérieur est plus importante que celle du soléaire. Le pic de vitesse ne varie pas de façon significative avec l'âge. Ceci implique donc que la tolérance à une perturbation arrière est moins élevée qu une perturbation antérieure due au recrutement plus rapide des informations lorsque la perturbation est postérieure. D autre part, la diminution des réponses correctrices chez les aînés ne dépend pas uniquement de la conduction nerveuse mais aussi de l état d activation du muscle. Or, l activité tonique mesurée à l aide de l électromyographie au niveau du soléaire est plus importante que celle du tibial chez des aînés comparativement aux jeunes. L activité tonique musculaire plus importante des aînés pourrait expliquer leur difficulté à estimer l amplitude et la vitesse de la perturbation, d où une réponse à la vibration moins importante. L activité tonique perturbe

23 le système sensoriel en augmentant son niveau de sensibilité. La notion de bruit dans le système est introduite comme étant le facteur qui diminue la détection sensorielle chez les personnes âgées. Ce facteur est responsable des déficits du contrôle postural et du système sensoriel (Hay, 1996). La quantification des moments de force articulaires permet de comprendre les mécanismes de stabilisation. La rapidité de répondre à une perturbation posturale est attribuable au moment généré à la cheville et à la vitesse à laquelle il est produit pour exécuter un pas de stabilisation, ainsi qu à l estimation des déplacements du centre de pression et du centre de masse par rapport aux limites de la base de sustentation. Chez les aînés, le temps pris pour générer un moment de force suffisant au niveau de la cheville necessaire à l exécution d un pas de stabilisation rapide après une perturbation posturale est plus long que chez les jeunes adultes (Thelen & al., 1996b). On remarque également qu avec l âge, l inclinaison initiale permettant de retrouver la stabilité par l exécution d un pas est moins importante que chez les jeunes adultes (Thelen & al., 1997). Plus l inclinaison par rapport à la verticale augmente et plus l amplitude articulaire au niveau de la hanche et du genou augmente, et plus le moment de force développé à la cheville est maximal chez les aînés (Wojcik & al., 2001). Les aînés prennent plus de temps pour générer un moment équivalent à celui des jeunes adultes pour contrer la perturbation et exécuter un pas de stabilisation. La diminution du temps requis pour générer un torque suffisant chez les aînés serait responsable de la diminution de restabilisation chez cette population (Thelen & al., 1996b). Afin de cibler les mécanismes responsables de cette diminution, les auteurs mesurent l activité électrique des muscles responsables de la flexion plantaire et dorsale de la cheville lors de contractions isométrique et isocinétique (Thelen & al., 1996a). Les différences observées entre adultes et aînés sont au niveau du délai d activation des muscles jumeaux. Étant donné que le temps requis pour développer un moment de force suffisant pour se stabiliser après la perturbation chez les aînés est plus long que chez les jeunes adultes, et que seul le délai d activation diffère, les auteurs attribuent ce déclin au délai d activation musculaire plutôt qu à un processus de transmission de l information ou à une

24 différence de stratégie de recrutement musculaire. Cette interprétation concorde avec celle d autres auteurs qui attribuent généralement les mécanismes responsables de la diminution du moment produit chez les personnes âgées à la dégradation du système sensoriel (Hay, 1996). Afin de déterminer le seuil de sensibilité au niveau des flexions plantaires et dorsales, des jeunes adultes et des aînés ont été soumis à une rotation de la cheville à l aide d une plate-forme servo-assistée (Thelen & al., 1998). Les résultats de cette étude montrent que les aînés ont un seuil de détection plus élevé que les jeunes adultes tant en flexion plantaire qu en dorsiflexion. 2.3 Le système vestibulaire Les informations provenant du système vestibulaire renseignent sur l orientation de la tête dans l espace. Les afférences vestibulaires informent les centres nerveux supérieurs sur la position et les mouvements de la tête par rapport à la verticale. Ces afférences sont fournies par deux types de récepteurs; les canaux semi-circulaires qui codent l accélération angulaire de la tête et les otholites, notamment l utricule et le saccule qui signalent les variations de l accélération linéaire. Il est difficile de quantifier la contribution du système vestibulaire, mais elle peut être atténuée pour évaluer sa participation dans l ajustement de la posture et de la locomotion. Dans une étude simple, Simoneau & al., (1992) ont tenté d évaluer la contribution des différents systèmes. Pour minimiser la contribution du système vestibulaire, la tête était positionnée vers l arrière. Les résultats obtenus révèlent que la contribution relative du système vestibulaire participe peu au contrôle postural puisqu elle est inférieure à 5%. Cette valeur reste approximative car elle peut être influencée par l âge des sujets. Même si les autres systèmes sensoriels ont été atténués, les afférences des autres systèmes influencent la réponse posturale. Pour évaluer l importance du système vestibulaire dans la locomotion, la stimulation galvanique a été utilisée car elle permet de modifier la perception

25 de la verticale subjective. La technique utilisée à cette fin est l application d un courant électrique par l intermédiaire d une anode et d une cathode placées sur la proéminence des deux aphophyses mastoïdes et reliées à un système de programmation des événements et des intensités. Le courant induit pouvant varier de 0.5 à 1.5 ma. L illusion est apportée du côté de l emplacement de l anode par un changement d orientation des cils des canaux semi-circulaires. La réponse compensatrice est alors un déplacement du corps du côté de l anode. L élaboration d un modèle de stimulation galvanique et de la vibration tendineuse permet de montrer que la perception de la verticalité du corps dans l espace dépend des informations proprioceptives et vestibulaires (Hlavacka & al., 1996). Récemment, Fitzpatrick & al., (1999) ont montré que le système vestibulaire sert également à donner des informations sur la trajectoire lors des déplacements en fauteuil roulant et pendant la marche. Le système vestibulaire participe ainsi à l orientation verticale et à l élaboration de la trajectoire pour le maintien de l équilibre postural par rapport à un référentiel externe. 2.4 Les référentiels exocentrique et égocentrique Le contrôle de la posture inclus un contrôle automatique et cognitif qui prend en compte le référentiel spatial du corps. La modification du référentiel égocentrique peut être obtenue par la vibration tendineuse du tibial antérieur ou de son antagoniste, les muscles jumeaux. En effet, l application d une vibration de 30-80 Hertz sur le tendon d un muscle induit une sensation illusoire de mouvement (Calvin-Figuiere & al., 1999), qui provoque une réponse compensatrice exprimée par un déplacement du corps du côté du muscle stimulé (Kavounoudias & al., 1999). Cette réponse à l illusion proprioceptive est due au fait que les afférences activées par la vibration tendineuse sont une source d information dynamique de position et de vitesse permettant de coordonner le mouvement (Cordo & al., 1995). Plus particulièrement, les afférences des fuseaux neuro-musculaires

26 constitueraient la base de l illusion compensée par le mouvement (Calvin- Figuiere & al., 1999). Ainsi la vibration tendineuse ou celle du muscle induit une erreur d ajustement. Comme le montre l étude de Capaday & Cooke (1981), la vibration du muscle antagoniste du bras modifie la position finale pendant un mouvement volontaire en extension. L utilisation simultanée de la stimulation galvanique et de la vibration tendineuse modifie ainsi à la fois le référentiel égocentrique et exocentrique. L effet de ces deux modifications sur la réponse posturale permettrait de mieux intégrer l interprétation de l information provenant de chaque système. Hlavacka & al., (1995) ont montré que le système vestibulaire et la proprioception jouent un rôle important dans l estimation de la verticale. L application de la stimulation galvanique avant ou après le déclenchement d un mouvement modifie l amplitude de la réponse posturale car il existe un effet de sommation des composantes. L application de la stimulation galvanique qui est indépendante de la postion initiale et de la performance du mouvement volontaire (Cauquil & Day, 1998). Il est établi que la réponse posturale est plus importante lorsque la stimulation galvanique est appliquée 0.5 sec avant la translation de la plate forme de force. La réponse galvanique peut être atténuée par les informations sensorielles (Hlavacka & al., 1999). Lorsque l erreur vestibulaire est proche de l erreur somatosensorielle, ces deux informations sont traitées comme étant une seule et même information et la réponse posturale dépasse l adjonction linéaire de chaque événement. Le système nerveux central utilise entre autre les informations vestibulaires et proprioceptives pour déterminer la réussite de la réponse posturale (Hlavacka & al., 1999). 3. Les ajustements posturaux anticipés et de l amorce de la marche 3.1 Le contrôle en boucle ouverte ou «feedforward» Le contrôle en boucle ouverte est le système de contrôle qui précède tout mouvement. Il dépend de toutes les informations envoyées au système

27 nerveux central pour préparer à l exécution d une nouvelle tâche. Il est souvent illustré en montrant l activation des muscles posturaux avant l amorce des mouvements de lancer ou d élévation du membre supérieur. 3.1.1 Les ajustements anticipés du centre de masse et du centre de pression L amorce des mouvements volontaires est précédée de réponses posturales appelées ajustements posturaux anticipés (APA). Dans le cadre de la marche, ces ajustements sont révélés par des synergies d activations motrices qui précèdent le mouvement. Selon le domaine d intérêt, les APA sont exprimés en terme de synergies d activation musculaires ou en terme de déplacement du centre de masse (CM) et/ou du centre de pression (CP). L étude de Crenna & Frigo (1991) résume bien les séquences d activations musculaires pour l amorce de plusieurs mouvements, tels que se lever d une chaise, amorcer la marche, se pencher vers l avant, lever les bras vers l avant et se tenir sur la pointe des pieds. Toutes ces tâches sont précédées par l inhibition du muscle soléaire et l activation du muscle tibial antérieur. D autre part, le premier événement mécanique détecté est le recul du centre de pression 100 à 200 ms après l inhibition du soléaire. Le pic du recul du centre de pression devient maximal seulement après l activation du tibial antérieur. Les activations distinctes du soléaire et du tibial antérieur ont également permis de déduire que les événements mécaniques découlent de l inhibition et de l activation des muscles soléaire et tibial antérieur. Ces APA, en terme d événements mécaniques, permettent entre autre de déterminer les phases dites anticipée et d exécution lors de l amorce de la marche. Brenière & al., (1987) décrivent ces 2 phases de la façon suivante: a) La phase d anticipé ; les accélérations antéro-postérieures et médio-latérales du CM sont dirigées vers l avant et vers la jambe de support. Le CP se déplace antérieurement et vers la jambe de support. b) La phase d exécution débute avec la levée du talon de la jambe de balancement et se traduit par