Article. «Des coopératives plus grandes qu on ne l imaginait» Laurent Bisault



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Transcription:

Article «Des coopératives plus grandes qu on ne l imaginait» Laurent Bisault Revue internationale de l'économie sociale : Recma, n 330, 2013, p. 108-115. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/101460ar DOI: 10.7202/101460ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'uri https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'université de Montréal, l'université Laval et l'université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 18. Pour communiquer avec les responsables d'érudit : info@erudit.org Document téléchargé le 11 October 2015 0:04

Des coopératives plus grandes qu on ne l imaginait par Laurent Bisault* * Direction régionale Midi- Pyrénées de l Insee. Mél. : laurent.bisault@free.fr. Les coopératives font partie de l économie sociale (ES), aux côtés des associations, des mutuelles et des fondations (Bisault, 2011), ce qui les amène à revendiquer les mêmes engagements : la démocratie autour du principe «Une personne, une voix», la recherche d un projet collectif ou encore le refus d une appropriation individuelle des excédents. Nombre d entre elles ont privilégié pour se développer la croissance externe en créant ou en achetant des entreprises extérieures à l économie sociale, c est-à-dire des entreprises qui ne se réclament pas des principes de l ES et qui le font d autant moins qu elles sont cotées en Bourse. Ce mouvement a pris tant d ampleur que l emploi des coopératives n est plus localisé aujourd hui que pour 55 % dans les coopératives mères (contre 45 % dans leurs filiales). Il concerne avant tout les coopératives bancaires et agricoles, beaucoup moins les coopératives de consommateurs, où les coopérateurs sont les clients, et les coopératives de commerçants regroupés autour d une enseigne et d une centrale d achat. Les coopératives de production, principalement des sociétés coopératives et participatives (anciennement appelées sociétés coopé ratives ouvrières de production, Scop), dont les salariés sont les associés majoritaires, sont peu concernées. La croissance externe des coopératives a des causes multiples. Elles sont souvent économiques, tant il est difficile pour une coopérative d augmenter ses fonds propres, ce qui passe par la venue de nouveaux adhérents. L extension en interne se heurte parfois aussi à des obstacles juridiques. Les coopératives agricoles ont ainsi été encouragées à filialiser les activités de transformation pour qu elles n échappent pas à l impôt. L attrait de meilleurs salaires a également constitué une motivation pour une partie des dirigeants des banques coopératives (Bisault, 2012). La création de filiales est aussi un moyen d élargir le territoire géographique des coopératives. Cela vaut en premier lieu pour les coopératives agricoles, dont l action s inscrit dans un territoire pour lequel elles ont été agréées (Agreste-Primeur, 200 ; Filippi et al., 200). Vers une nouvelle définition statistique des coopératives Les coopératives regroupent 306 000 salariés en 2010, sur un total de 2 341 000 salariés pour l ensemble de l ES. Il existe plusieurs statuts juridiques de coopératives, selon leur type : coopératives de production, d usagers, d entrepreneurs, d intérêt collectif, agricoles Le périmètre statistique actuel de l économie sociale s appuie quasi exclusivement sur la catégorie juridique des entreprises. Il n est plus 108

varia opérationnel avec la nouvelle définition de l entreprise de l Insee, car la notion de groupe n est pas une catégorie juridique. On a donc choisi de faire évoluer le périmètre statistique en considérant que les coopératives sont constituées de trois entités : pour l essentiel, les groupes dont la tête a un statut coopératif ; ensuite, les rares groupes dont l intégralité des effectifs se trouve dans une entreprise coopérative et qui n appartiennent pas à la catégorie précédente ; enfin, les trois grands groupes bancaires Crédit agricole, BPCE et Crédit mutuel, dont les têtes de groupe sont des sociétés à capitaux pour les deux premiers et une association pour le troisième. La construction de ce nouveau périmètre de l économie sociale s appuie sur les liaisons financières des entreprises marchandes non agricoles. Cela contraint à ne pas retenir ici, faute de disposer de ces données, les coopératives d utilisation de matériel agricole (Cuma) et les coopératives travaillant sur les semences, soit moins de 8 500 salariés en équivalents temps plein. Avec cette nouvelle définition, les groupes coopératifs emploient 500 000 salariés en 2010 (tableau 1). Tableau 1 Données récapitulatives sur les groupes coopératifs en 2010 Famille de coopératives Nombre de coopératives Sources Les résultats sont issus de trois sources. La première est le dispositif d Elaboration des statistiques annuelles d entreprises (Esane), qui produit des statistiques structurelles d entreprise sur les entreprises marchandes à l exception du secteur agricole ; il utilise des données administratives et d enquêtes auprès d un échantillon d entreprises. La seconde source est la base Connaissance locale de l appareil productif (Clap), qui localise les effectifs salariés. La troisième est le système d information Liaisons financières (Lifi), qui identifie les groupes de sociétés opérant en France et détermine leur contour. Effectif salarié en ETP*** dans les coopératives Part des coopératives mères (%) Emplois en ETP (%) Excédent brut d exploitation agricoles* 2 270 125 680 56 630 45 68 bancaires 1 420 304 110 165 170 54 nd de production 1 250 22 20 20 740 3 1 Autres coopératives** 2 010 47 780 34 610 72 62 Ensemble 6 50 4 860 277 150 55 nd * Hors coopératives d utilisation de matériel agricole et semenciers. ** de consommation, d entrepreneurs. *** Equivalents temps plein. Sources : Insee, Fare, Clap 2010. 10

Des coopératives plus grandes qu on ne l imaginait Les coopératives bancaires se complexifient L emploi des coopératives bancaires, qui sont dans leur majorité des grandes entreprises (tableau 2), se répartit aujourd hui à 54 % dans les coopératives mères et à 46 % en dehors (graphique 1, en page suivante). L extension des coopératives bancaires leur a permis de gagner des parts de marché et de sortir de leur métier originel : le financement de l agriculture pour le Crédit agricole, celui des petites et moyennes entreprises pour les Banques populaires et celui du logement social pour les Caisses d épargne. Par l acquisition de filiales, le Crédit mutuel est aussi sorti de ses bastions géographiques de l Est de la France. Ce mouvement a été facilité par le volume des réserves accumulées par les banques coopératives. Il s est traduit par l acquisition de banques de dépôt en France et (1) Les filiales étrangères à l étranger (1). Le Crédit lyonnais est passé dans l orbite du Crédit des coopératives ne sont agricole et le Crédit industriel et commercial (CIC) dans celle du pas comptabilisées dans les Crédit mutuel. L extension des banques coopératives est aussi tableaux de l étude. Tableau 2 Evolution de l emploi salarié du secteur sans but lucratif en Allemagne et en France Famille de coopératives Micro-entreprises* Petites et moyennes entreprises* Entreprises de taille intermédiaire* Grandes entreprises agricoles** 2 21 5 1 bancaires 0 0 1 8 de production 12 67 21 0 Autres coopératives 7 30 63 0 * Selon la nouvelle définition des entreprises de l Insee, les microentreprises occupent moins de dix personnes et ont un chiffre d affaires annuel ou un total de bilan n excédant pas 2 millions d euros. Les petites et moyennes entreprises (PME) occupent moins de 250 personnes et ont un chiffre d affaires annuel n excédant pas 50 millions d euros ou un total de bilan n excédant pas 43 millions d euros. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) n appartiennent pas à la catégorie des PME, occupent moins de 5 000 personnes et ont un chiffre d affaires annuel n excédant pas 1,5 milliard d euros ou un total de bilan n excédant pas 2 milliards d euros. ** Hors coopératives d utilisation de matériel agricole et semenciers. Sources : Insee, Fare, Clap 2010. 110

varia Graphique 1 La moitié des emplois dans des filiales pour les groupes coopératifs bancaires ou agricoles Emploi des coopératives en 2010 (en milliers d'équivalents temps plein) bancaires 165 13 agricoles* 57 6 Autres coopératives** de production * Hors coopératives d utilisation de matériel agricole et semenciers. ** de consommation, d entrepreneurs. Sources : Insee, Fare, Clap 2010. 35 21 13 Dans les coopératives mères En dehors passée par l achat ou la création de banques d affaires dont la rentabilité était attrayante au début des années 2000 et par l introduction en Bourse : en 2001 sous le nom de Crédit Agricole SA, qui devient ainsi le véhicule coté pour les grandes opérations de croissance externe du premier groupe coopératif bancaire ; en 2006 pour Natixis, la banque d investissement filiale des Caisses d épargne et des Banques populaires. Ce faisant, les structures bancaires se sont complexifiées, avec parfois des participations croisées sur plusieurs niveaux entre les caisses locales, les caisses régionales et un organe central. Ainsi redéfinis, les groupes coopératifs bancaires créent de facto une solidarité financière entre la coopérative historique et les actionnaires des filiales ou de la tête de groupe. Une solidarité qui permet le financement de la coopérative par les excédents des entreprises possédées et qui peut aussi amener les coopérateurs à assumer les pertes d une partie du groupe (Frémeaux, 200). Les coopératives bancaires ont également investi des activités connexes à la banque : l immobilier, où elles emploient 14 000 salariés en équivalents temps plein (ETP) en 2010, et l assurance, où elles en comptent 8 000. Elles se sont plus marginalement implantées dans les services informatiques, le traitement de l information et l édition. Le premier acteur bancaire Les coopératives sont en 2010 le premier employeur bancaire, avec 55 % des salariés des activités des services financiers hors assurances, dont 18 % hors entreprises coopératives (graphique 2). Elles emploient 20 % 111

Des coopératives plus grandes qu on ne l imaginait des salariés des entreprises de la fabrication de boissons et 13 % des autres secteurs agro alimentaires hors tabac. Les coopératives pèsent 6 % des salariés du commerce de gros hors automobile. La diversification des coopératives bancaires permet aux coopératives de représenter % des services d information. Les coopératives pèsent 7 % des emplois dans l immobilier, sous deux formes : filiales des banques, mais aussi coopératives de HLM. Elles représentent également 4 % des salariés de l édition. Cette implantation résulte de la diversification du Crédit mutuel dans la presse régionale, qui a amené cette banque à acheter de nombreux titres de journaux dans l Est du pays. Elle a dans une moindre part été le fait des autres coopératives bancaires. Une intégration verticale pour les coopératives agricoles L expansion des coopératives agricoles est encore plus forte que celle des coopératives bancaires, puisque 55 % de leurs salariés travaillent dans une entreprise sans statut coopératif. Elles sont pourtant, par leur taille, plus diversifiées que les coopératives bancaires, avec en leur sein aussi bien des PME que des entreprises de taille intermédiaire et des grandes entreprises. Leur développement a porté sur l aval des filières agricoles, avec aujourd hui davantage d emplois dans l agroalimentaire que dans le commerce de gros ou de détail qui approvisionne les adhérents en intrants et commercialise les productions. La filialisation a surtout porté sur les activités agroalimentaires : la transformation de céréales, l alimentation animale, les produits laitiers, l industrie de la viande, la transformation de fruits et de légumes. Elle est souvent le fait de leaders sur leur marché, comme Cooperl Graphique 2 55 % de l emploi salarié bancaire dans des groupes coopératifs Part dans l emploi en équivalents temps plein par secteur des coopératives en 2010 (%) Activités financières hors assur. et cais. retraite Fabrication de boissons 17 37 4 21 18 55 Industries alimentaires Act. auxiliaire sces financ. et d assur. 4 13 Services d information Sylviculture et exploitation forestière 7 8 Activités immobilières Commerce gros hors auto. et motocycle Assurance 7 5 5 7 2 7 5 Dans les coopératives mères En dehors Edition 4 4 Lecture : les coopératives emploient 37 % de l emploi salarié des activités financières dans les coopératives mères et 18 % dans des filiales, soit au total 55 % de l emploi salarié du secteur. Sources : Insee, Fare, Clap 2010. 112

varia Arc Atlantique, un acteur majeur de la production porcine, ou Sodiaal, un géant de la filière laitière. La création de filiales n en est pas pour autant universelle dans l agroalimentaire, car elle reste l exception dans la filière viti-vinicole, liée aux terroirs du Languedoc-Roussillon, de Champagne ou d Alsace. En 2010, les entreprises à statut coopératif demeurent la principale source de profit des groupes coopératifs, en contribuant pour deux tiers à l excédent brut d exploitation de ces derniers. La création de filiales a permis aux coopé ratives d élargir leur champ d action géographique. Cela constitue une motivation forte pour des structures dont l ancrage est juridiquement lié à un territoire, puisque les statuts de chaque société coopérative agricole fixent sa circonscription territoriale. Les emplois des filiales sont en effet pour moitié situés hors de la région du siège social de la coopérative mère, alors que ceux de la coopérative mère y sont localisés à 0 % (tableau 3). Les autres coopératives moins concernées Les salariés des «autres coopératives» travaillent à 72 % dans les coopératives mères en 2010, ce qui atteste d une expansion mesurée. Ce sont notamment des coopératives de consommateurs et des coopératives d entrepreneurs très implantées dans le commerce de détail de type commerce associé. En graves difficultés depuis des années, les coopératives de consommateurs n ont pas les moyens financiers d une expansion, puisque qu elles luttent pour ne pas disparaître. Les dernières en activité ont troqué l enseigne historique Coop pour celle de concurrents, parfois même de concurrents cotés en Bourse. Les quelques filiales des coopératives de consommateurs sont des entreprises de distribution, dans le hard-discount ou les produits alimentaires. Les coopératives d entrepreneurs ont, à l instar des réseaux Système U et Leclerc, connu un fort développement de leur activité, mais ils n ont adopté la structure coopérative que pour la centrale d achat et la logistique. Le plus gros de leurs effectifs est employé dans les magasins sans liens financiers avec la coopérative. Tableau 3 Emploi salarié 2010 des groupes coopératifs (%) Famille de coopératives* Dans la région de siège social de la coopérative mère En dehors agricoles mères 8 11 Filiales de coopérative agricole 50 50 de production mères 1 Filiales de coopérative de production 64 36 Autres coopératives mères 85 15 Filiales d'autres coopératives 47 53 * Sans objet pour les coopératives bancaires dont la tête de groupe est l émanation des coopé ratives locales. Sources : Insee, Fare et Clap 2010. 113

Des coopératives plus grandes qu on ne l imaginait Les coopératives de production ont 3 % de leur emploi salarié dans des entreprises coopératives en 2010. Ce sont pour l essentiel des Scop. Les coopé ratives de production sont de petites structures, de moins de vingt salariés en moyenne. Ce sont des micro-entreprises, des PME ou des entreprises de taille intermédiaire. Elles proviennent parfois de reprises de sociétés en difficulté. Ce sont aussi des créations de type artisanal. Autant de raisons de limiter les filialisations. Acome, l une des rares Scop d envergure internationale pour ses productions de câbles, n a pas de filiales en France, mais uniquement à l étranger pour approvisionner les marchés locaux. Comme les coopératives agricoles, les coopératives de production et les «autres coopératives» sont sorties de leur territoire initial avec leurs filiales même si elles n ont pas d ancrage géographique officiel. Conclusion Avec le développement de leurs filiales, la stricte définition juridique des coopératives apparaît trop restrictive pour mesurer leur poids économique réel. La nouvelle définition de l entreprise, désormais en vigueur dans le système statistique européen, permet de combler cette lacune. Forts de leurs 500 000 salariés en équivalents temps plein, les groupes coopératifs sont donc aujourd hui des acteurs essentiels de nombreux secteurs économiques. L importance de leur diversification et la taille de certains groupes permettent aussi de mieux comprendre les difficultés rencontrées dans leur gouvernance (Frémeaux, 2011). 114

varia Bibliographie Agreste-Primeur, 200, «Les groupes coopératifs poursuivent leur développement», n 235, décembre. Bisault L., 2012, «L échelle des salaires est plus resserrée dans le secteur de l économie sociale», Insee Première, n 130, février. Bisault L., 2011, «Le tiers secteur, un acteur économique important», Insee Première, n 1342, mars. Filippi M., Frey O., Mauget R., 200, «Les coopé ratives agricoles face à l internalisation et à la mondialisation des marchés», Recma, n 310. Frémeaux P., 2011, La nouvelle alternative? Enquête sur l économie sociale et solidaire, Alternatives économiques-les Petits Matins. Frémeaux P., 200, «Banques coopératives : qu allaient-elles faire dans cette galère?», Alternatives économiques, n 281, juin. 115