Les effets des allégements de cotisation sociale sur l emploi et les salaires en France : une évaluation de la réforme Fillon de 2003 Matthieu BUNEL (UTBM, CEE et TEPP) Fabrice GILLES (EQUIPPE et CEE) Yannick L HORTY (EPEE, CEE et TEPP)
Le dispositif français d allégements de cotisations sociales en 2009 30% 25% Baisse de taux de cotisation 20% 15% 10% 5% 0% 1 1.05 1.1 1.15 1.2 1.25 1.3 1.35 1.4 1.45 1.5 1.55 1.6 1.65 1.7 1.75 1.8 1.85 1.9 1.95 2 Niveau du salaire relativem ent au SMIC
La «réforme Fillon» de 2003-2005 30% 25% Baisse de taux de cotisation 20% 15% 10% 5% 0% 1 1.05 1.1 1.15 1.2 1.25 1.3 1.35 1.4 1.45 1.5 1.55 1.6 1.65 1.7 1.75 1.8 1.85 1.9 1.95 2 Niveau du salaire relativem ent au SMIC
30% 3 générations de dispositifs 25% Baisse de taux de cotisation 20% 15% 10% 5% 0% 1 1.05 1.1 1.15 1.2 1.25 1.3 1.35 1.4 1.45 1.5 1.55 1.6 1.65 1.7 1.75 1.8 1.85 1.9 1.95 2 Niveau du salaire relativem ent au SMIC
Enjeux de l évaluation La première des politiques de l emploi : 24,4 milliards d Euros (2007) ; Une expérience française très variée Depuis juillet 1993, toutes les formes de barèmes possibles ont été mises en œuvre, en métropole ou dans les DOM. Au prix d une trop grande instabilité (durée de vie des dispositifs : moins de 18 mois). Les 3 records du Monde français: Qui s inscrit dans une stratégie globale Combiner un salaire minimum élevé avec une croissance riche en emploi Activer le financement de la protection sociale au profit de l emploi, sans pour autant faire le choix d un barème progressif «Agir à deux mains» sur le marché du travail : Subventionner les employeurs pour créer des emplois et les salariés pour qu ils les occupent
Difficultés de l évaluation Les réformes sont toujours un élément d un mix plus complet Avec la baisse de la durée du travail, en 1993, en 1998-2002 Avec des hausses du SMIC, en 1995, 1998-2002 et en 2003. => Un problème d identification, voire même de dissociation Des mesures générales, qui touchent toutes les catégories d entreprise => Pas de contrefactuel naturel ; pas de possibilité d expérimentation Concentrées sur les bas salaires => De l hétérogénéité entre entreprises et entre les salariés Instables dans le temps Pas de recul temporel dans les données entre deux chocs Des différences de diagnostics entre les évaluations exante et expost
Difficultés spécifiques pour la réforme de 2003-2005 Tous les problèmes précédents, sauf l instabilité, depuis 2005 (mais données indisponibles). Une réforme progressive : pour les barèmes d ACBS et pour les rémunérations minimales (voir graph. 2): => Trois dispositifs intermédiaires entre 2003 et 2005 Une réforme qui «harmonise» Et faire simple, c est toujours plus compliqué
La convergence des rémunérations minimales 8,50 8,00 Réforme Fillon 7,50 7,00 6,50 6,00 5,50 de 01/07/05 au 30/06/06 de 01/07/04 au 30/06/05 de 01/07/03 au 30/06/04 de 01/07/02 au 30/06/03 de 01/07/01 au 30/06/02 de 01/07/00 au 30/06/01 de 01/07/99 au 30/06/00 de 01/07/98 au 30/06/99 de 01/07/97 au 30/06/98 GMR1 (avant 30/06/99) GMR2 (1/07/99 au 30/06/00) GMR3 (1/07/00 au 30/06/01) GMR4 (1/07/01 au 30/06/02) GMR5 (après 1/7/02) Smic horaire brut (à 39 heures)
Les dispositifs intermédiaires 30% 25% 20% 07-04/06-05 Après juillet 2005 15% 10% av ant juillet 2003 07-03/06-04 5% Aubry av ant juillet 03 Aubry après janv ier 05 0% 1 1.05 1.1 1.15 1.2 1.25 1.3 1.35 1.4 1.45 1.5 1.55 1.6 1.65 1.7 1.75 1.8
Anatomie du choc de cotisations 6% 4% 2% Variation du coût du travail 0% -2% -4% -6% -8% 1 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 1,8 1,9 2 35 heures Ecart de traitement (35-10% -12% -14% 39 heures -16% salaire/smic
Les données Appariement de sources administratives exhaustives au niveau établissement DADS, y compris fichiers poste (distribution de salaire intra-établissement) SUSE, variables de contrôle niveau entreprise. ACOSS, effectivité et montant des ACBS, niveau établissement. Champ de l étude Entreprises de plus de 5 salariés (effectifs bruts renseignés au 31 décembre) issues du secteur privé non agricole et bénéficiant des allégements «Fillon après Aubry 2» et «Fillon autres employeurs» de manière continue sur la période 2003 à 2004. Échantillon cylindré sur la période 2002 à 2005 (bases Arome, Orme et Sequoia de l Acoss). Les entreprises bénéficiant simultanément des deux types d aides, les holdings, les entreprises de services domestiques, d intérim ainsi que les entreprises publiques ont été supprimées. L échantillon final contient près de 75 000 entreprises (95 000 établissements) employant 4 millions de salariés.
Stratégie d estimation Deux sous-échantillons Entreprises à 35 heures : «Fillon après Aubry 2» Entreprises à 39 heures : «Fillon autres employeurs» Variable de traitement Création d une variable «Taux d exonération apparent» au niveau éts Calcul de ce TEA à structure des salaires inchangée et en corrigeant des hausses du Smic et de la GMR (baptisé TEAV1 ou 2) Variable d intérêt Croissance de l emploi (effectif, ETP), Croissance des salaires et du coût du travail Méthodes d estimation MCO Régressions quantiles Scores de propension
Anatomie du choc de cotisations (2) 20 18 16 14 12 % 10 8 6 4 2 0 moins de -0,04 [-0,04 ; -0,03[ [-0,03 ; -0,02[ [-0,02; -0,01[ [0,03 ; 0,04[ [0,02 ; 0,03[ [0,01 ; 0,02[ [0 ; 0,01[ [-0,01 ; 0[ Différence de taux d'exonération apparent entre 2002 et 2005 [0,04 ; 0,05[ [0,05 ; 0,06[ [0,06 ; 0,07[ 0,07 ; et plus Fillon-Aubry2 Fillon-Autres employeurs
Résultats (extraits)
Résultats (complets) Exonérer est bon pour l emploi Dans les deux types d entreprises, 1 % de baisse du coût du travail supplémentaire donne environ 0,25 % à 0,30 % de hausse de l emploi Pour autant, la réforme Fillon a eu un effet globalement balancé sur l emploi - Hausse de l emploi dans les entreprises à 39 heures - Baisse dans les entreprises à 35 heures (cf. anatomie du choc) L effet de la réforme sur l emploi total n est que faiblement positif. Exonérer est bon pour les salaires aussi - Dans les entreprises à 39 heures, où la réforme a entraîné une nette baisse du coût du travail, celle-ci est reliée à une hausse des salaires - Dans les entreprises à 35 heures, les effets sur le coûts du travail sont moins nets et il en va de même pour la hausse des rémunérations - Globalement, la réforme a plutôt contribué à soutenir la progression des salaires.
Conclusions Nos résultats confirment que l emploi est bien sensible au coût du travail (pas d exception française). Les exonérations de cotisations sociales constituent dans l absolu de puissants relais pour améliorer la situation de l emploi. Pour autant, la réforme Fillon, qui a harmonisé les exonérations en les redistribuant entre les entreprises (de celles à 35 heures vers celles à 39 heures) n a eu que des effets globalement limités sur l emploi. Un bon conseil : Il est urgent de ne rien faire. «Sanctuariser» les allégements de charge en France.
En savoir plus Les effets des allégements de cotisations sociales sur l emploi et les salaires : une évaluation de la réforme Fillon de 2003 Matthieu Bunel, Fabrice Gilles, Yannick L Horty, Document de travail du CEE, n 122, août 2009. Une évaluation des effets des baisses de cotisations sociales sur les bas salaires dans le cadre de la réforme Fillon de 2003 Matthieu Bunel, Richard Duhautois, Fabrice Gilles, Patrick Kwok, Yannick L'Horty, Marianne Pauchet, Corinne Perraudin (Juillet 2009), Rapport de recherche du CEE, n 55, juillet 2009.