Travail dissimulé : quels risques pour l employeur? Les situations de travail dissimulé recouvrent principalement deux cas : soit la dissimulation totale ou partielle d un emploi salarié, soit la dissimulation de l activité exercée. Pour caractériser une situation de travail dissimulé, l URSSAF constatera par exemple l absence de déclaration préalable à l embauche pour le salarié concerné, l absence de bulletin de paie ou encore l existence de virements ne figurant pas sur les bulletins de paie et n ayant trait à aucune dépense effectuée par le salarié. Les contrôles en la matière sont, particulièrement pour le secteur HCR, fréquents et les sanctions attachées à ce type d infraction peuvent être extrêmement lourdes pour l entrepreneur concerné. L occasion de rappeler les principales sanctions qu encoure l employeur confronté à ces problématiques. En premier lieu, l employeur, à titre personnel, encourt une peine d emprisonnement de 3 ans ainsi qu une amende 45 000 euros d amende. La personne morale encoure quant à elle une amende de 225 000 euros. Ces sanctions peuvent être aggravées selon les circonstances, et notamment si plusieurs salariés sont concernés par une situation de travail dissimulé. Des sanctions administratives peuvent également être prononcées comme la fermeture temporaire de l établissement pendant 3 mois maximum, l interdiction d exercer l activité pour le chef d entreprise pendant 5 ans au maximum ou encore le remboursement des aides publiques perçues. A noter que pendant la période de fermeture temporaire de l établissement, l employeur doit continuer à rémunérer les salariés, même si ceux-ci ne peuvent plus travailler. Ces sanctions s ajoutent au remboursement des cotisations sociales non déclarées outre les éventuelles majorations applicables. Enfin, le salarié peut notamment solliciter des dommages et intérêts pour travail dissimulé devant la juridiction prud homale pour un montant forfaitaire de 6 mois de salaire, peu important qu il ait
accepté de travailler dans ces conditions. Social Quel régime pour les pourboires? La rémunération au pourboire (soit en complément d un salaire fixe, soit faisant partie variable du salaire) est culturellement ancrée dans le secteur de l hôtellerie-restauration : motivante pour les salariés, elle permet à l employeur d associer ses équipes à la réussite de l établissement. Si l employeur ne voit parfois jamais la couleur des pourboires donnés par les clients, les pourboires sont toutefois considérés par l URSSAF comme une partie intégrante du salaire de sorte qu ils sont soumis à charges sociales. Quelques précautions doivent donc être rappelées afin d éviter une mauvaise surprise en cas de contrôle. Deux possibilités de gestion des pourboires doivent être distinguées. Si l employeur centralise les pourboires au moyen de la caisse enregistreuse ou qu il ajoute un pourcentage «pour le service» sur la note des clients Dans ce cas, l employeur devra tenir un registre indiquant le montant global des pourboires perçus ainsi que les modalités de répartition des pourboires entre les salariés. L employeur doit en effet pouvoir justifier de l encaissement et de la remise aux salariés des pourboires et tenir, à minima, une comptabilité à cet effet. C est sur cette base que les charges sociales seront calculées.
Il n apparait d ailleurs pas inutile de rappeler que dans cette hypothèse, l employeur a l obligation de reverser au personnel l intégralité des sommes perçues. Il ne peut donc procéder à des retenues. Si ce système présente quelques lourdeurs administratives pour l entreprise, il présente l avantage d une excellente traçabilité qui permettra notamment de favoriser la preuve du bon versement du salaire en cas de litige. Si l employeur ignore le montant individuel perçu Tel sera le cas lorsque les salariés conserveront directement les pourboires perçus par les clients, sans que les sommes ne transitent ni ne soient renseignées à l employeur. L employeur ne pourra alors évidemment pas remplir le registre de répartition des pourboires, ce qui rendra impossible la détermination de l assiette des charges sociales. Dans ce cas, des charges sociales, calculées forfaitairement, s appliqueront dans les conditions suivantes : 1ère catégorie : employés de lavabos et des vestiaires, sommelier verseur, commis débarrasseur, commis de suite, commis de bar, hommes et femmes de toutes mains (dans les établissements n occupant pas plus de deux salariés) : la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale, ou le Smic hôtelier majoré des avantages en nature s il lui est supérieur ; 2ème catégorie : groom, chasseur, portier, fille de salle, garçon de restaurant, garçon de comptoir, garçon limonadier, garçon de café, sommelier de salle, chef de rang : 3/4 du plafond mensuel de sécurité sociale ; 3ème catégorie : chef sommelier, maître d hôtel, premier maître d hôtel, trancheur, barman, chef barman ainsi que le chef de rang et le garçon des restaurants de tourisme classés, par application de l arrêté du 8 octobre 1965,
en catégorie quatre étoiles et quatre étoiles luxe : le plafond mensuel de la sécurité sociale. L assiette est fractionnée par journée (1/26 ème de la base mensuelle) ou demi-journée (jusqu à 5 heures de travail). Dans un tel cas, les charges sociales étant supportées par l employeur en intégralité, le salarié doit reverser à l entreprise la part de sa contribution aux charges salariales due sur les pourboires perçus (L 241-7 du code de la sécurité sociale). Attention : afin de prévenir toute difficulté en cas de contrôle, il est vivement conseillé à l employeur de demander au salarié de déclarer les pourboires qu il perçoit. Cela permettra à l entreprise de pouvoir justifier qu elle a tout mis en œuvre pour déclarer les sommes perçues à ce titre. Faire face à un contrôle de l URSSAF A jour de juin 2016 La publication du premier bilan de lutte contre le travail dissimulé le 12 février 2015 mettait en avance le nombre très important d hôtels, cafés et restaurant ayant fait l objet d un contrôle URSSAF au cours des dernières années. Rappel sur la procédure et les règles applicables en matière de contrôle URSSAF. En cas de contrôle URSSAF, il est en effet primordial pour l employeur
de bien connaitre ses droits afin de prendre les décisions qui s imposent. S il existe deux types de contrôle (I), l étendue du contrôle (II) ainsi que les garanties procédurales (III) bénéficiant au cotisant sont identiques quel que soit le type de contrôle. En cas d irrégularités constatées, l URSSAF peut être amenée à engager une procédure de redressement (IV). I Les deux types de contrôle A Le contrôle sur place Sauf en cas de soupçon de travail dissimulé, l URSSAF doit adresser à l employeur un avis préalable au contrôle qui indique la date de première visite de l agent de contrôle ainsi que le droit pour l employeur de se faire assister du conseil de son choix. Est également joint à l avis préalable au contrôle la charte du cotisant synthétisant ses droits. Le défaut d avis préalable entraine la nullité du redressement. Lors de ce contrôle, l employeur est tenu de permettre l accès et de présenter à l agent chargé du contrôle tout document demandé comme nécessaire au contrôle (bulletins de paie, contrats de travail, registre unique du personnel ). Si les documents demandés sont informatisés, l agent chargé du contrôle peut, avec l accord de l employeur, accéder au matériel informatique. En cas d opposition de l employeur, il doit remettre à l inspecteur du recouvrement une copie des documents informatiques demandés. L agent peut interroger les salariés dans les locaux de l entreprise ou sur le lieu de travail uniquement. Attention : en cas d opposition au contrôle, l employeur encourt une peine de 6 mois d emprisonnement et 7.500 euros d amende. B Le contrôle sur pièce
Il s agit pour l URSSAF de vérifier, dans ses locaux, l exactitude et la conformité des déclarations des employeurs au regard des pièces dont elle dispose et qu elle a éventuellement sollicité, de l employeur, mais aussi de toute personne physique ou morale entretenant ou ayant entretenu des relations professionnelles avec l employeur. Cette procédure n est possible que pour les entreprises employant moins de 10 salariés au 31 décembre de l année précédant l avis de contrôle. L ensemble des garanties procédurales applicables au contrôle sur place (voir supra), et notamment celles relatives à l avis préalable au contrôle, sont applicables. II L étendue du contrôle L URSSAF vérifie notamment l assiette, le taux, le calcul et le paiement des cotisations dont est redevable l employeur. Il peut s agir et des cotisations de sécurité sociale, et des cotisations d assurance chômage et AGS. Le contrôle porte sur les cotisations des 3 dernières années civiles et l année en cours. A noter : en matière de travail illégal, le contrôle porte sur les 5 dernières années civiles et l année en cours. III La fin du contrôle A la fin du contrôle, l inspecteur doit adresser à l employeur une lettre d observation à peine de nullité des opérations de contrôle et de redressement. La lettre d observation mentionne notamment : L objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de fin du contrôle ; L absence totale d observations si aucune infraction n est constatée ;
Si des infractions sont constatées, elle mentionne les observations faites au cours du contrôle, assorties de l indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités envisagées. A réception de la lettre d observations, le cotisant dispose d un délai de 30 jours pour répondre aux observations qui lui ont été adressées à l issue du contrôle. Attention : si l employeur ne répond pas dans ce délai de 30 jours, l URSSAF peut engager la mise en recouvrement des cotisations, majorations et pénalités faisant l objet du redressement. Si l employeur répond aux observations dans le délai de 30 jours, la mise en recouvrement ne peut pas intervenir avant qu il ait été répondu par l inspecteur du recouvrement aux observations de l employeur. IV LES SUITES DU CONTROLE : LE REDRESSEMENT Si des irrégularités sont relevées par l URSSAF lors du contrôle, cette dernière va adresser à l employeur une lettre d observations demandant à l employeur de régulariser sa situation. L URSSAF ne pourra pas engager la procédure de recouvrement avant l expiration d un délai de 30 jours à compter de la réception de la lettre d observations par l employeur, et sans avoir répondu à l employeur le cas échéant. Ce n est qu à l issue de ce délai que l URSSAF peut mettre l employeur en demeure de régulariser le redressement dont il fait l objet dans un délai d un mois, faute de quoi un recouvrement contentieux sera engagé. A ce stade, il n est pas trpp tard pour l employeur pour contester les irrégularités qui lui sont notifiées de sorte qu il est primordial pour l employeur, afin de protéger au mieux ses intérêts, d appréhender toutes les subtilités de la procédure de contestation. A noter : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 du 22 décembre 2014 prévoit la possibilité pour l employeur de transiger avec l URSSAF en cas de redressement. Cette possibilité sera mise en place par décret au plus tard le 1 er octobre 2015. Il ne sera cependant
pas possible de transiger en matière de travail dissimulé et de manœuvres dilatoires du cotisant. A Le montant du redressement Le redressement est en principe établi sur la base des informations recueillies lors du contrôle ainsi que sur les informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé le cas échéant. Le redressement peut également être fixé de manière forfaitaire si l URSSAF démontre : Soit que la comptabilité de l employeur ne permet pas de connaitre le montant exact des salaires devant leur servir de base ; Soit que les documents et justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ne sont pas mis à disposition ou si leur présentation n en permet pas l exploitation. L URSSAF doit également démontrer la réalité du travail salarié faisant l objet d un rappel de cotisations. Attention : en cas de travail dissimulé, lorsqu aucun élément ne permet de connaitre les rémunérations dues au travailleur, celles-ci sont évaluées à 6 fois le Smic mensuel calculé sur la base de la durée légale de travail. Pour sa défense, l employeur doit prouver la durée réelle d emploi et le montant exact de la rémunération du travailleur dissimulé. Le montant des redressements est majoré de 10% en cas de constat d absence de mise en conformité aux observations faites par l URSSAF lors d un contrôle ayant eu lieu au cours des 5 dernières années ou en cas de travail dissimulé, sauf en cas de constat d une infraction de travail dissimulé par dissimulation d activité ou d emploi salarié auquel cas la majoration est de 25%. B La contestation du redressement Une fois le délai de 30 jours écoulé à compter de la réception de la lettre d observation par l employeur, et à condition qu il ait été répondu préalablement aux éventuelles observations de ce dernier, l URSSAF peut engager la mise en recouvrement du redressement en
envoyant au cotisant une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception afin de régulariser la situation dans un délai d un mois. Sauf si elle fait référence à la lettre d observation qui précise elle-même les motifs du redressement, cette mise en demeure doit préciser la cause, la nature et le montant des cotisations réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. Pour contester le redressement qui lui est notifié, l employeur contrôlé doit saisir la Commission de Recours Amiable (CRA) afin de contester le redressement, dans un délai d un mois à compter de la notification de la mise en demeure. Attention : la saisine du tribunal des affaires de la sécurité sociale sans saisine préalable de la CRA est irrecevable. La CRA doit statuer dans un délai d un mois suivant la date de réception de la réclamation. A défaut de réponse positive dans ce délai, l employeur concerné par le redressement considérer sa demande comme rejetée et saisir le tribunal des affaires de la sécurité sociale. Le tribunal des affaires de la sécurité sociale doit être saisi dans un délai de 2 mois soit à compter de la décision de refus de la CRA, soit à compter de l expiration du délai d un mois dont dispose la CRA pour statuer sur la demande de l employeur. Attention : nous attirons votre attention sur le fait que la procédure de contestation d un redressement de l URSSAF est très complexe et au regard de l importance des redressements qui peuvent être concernés, le recours à un avocat spécialisé est vivement conseillé. Textes de références : Code de la sécurité sociale : Charte du cotisant contrôlé Acoss/Urssaf janvier 2014 ; articles L 133-3 et suivants ; Articles L 243-1 et suivants ;
Articles R 114-1 et suivants ; R 243-59 et suivants.