POINT SUR LA REFORME DES COLLECTIVITES TERRITORIALES UN ENCHEVETREMENT DE REFORMES Plutôt que de parler de LA réforme des collectivités territoriales, il est plus approprié de parler DES réformes territoriales. D une part parce que la réforme des collectivités comprend 4 projets de lois 1 touchant à différents aspects (organisation du territoire, compétences, démocratie locale) ; d autre part parce que cette réforme s accompagne de deux bouleversements majeurs : la refonte de la fiscalité locale (révision de la Taxe Professionnelle) et la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). LES OBJECTIFS AVANCES PAR LE GOUVERNEMENT Les objectifs de la réforme sont les suivants : - Simplifier l architecture territoriale (le fameux «mille-feuille»), - Clarifier la répartition des compétences entre collectivités, - Permettre une meilleure allocation de leurs moyens financiers, - Assainir les finances publiques. L'ACCELERATION DE LA PROCEDURE LEGISLATIVE ET LE DEBAT «EXPROPRIE» Première navette 1 ère lecture au Sénat : 5 février 2010 1 ère lecture à l Assemblée nationale : 8 juin 2010 Lors de cette 1ère lecture, se produisent deux événements: - l'intégration du projet de loi n 61 dans le projet de loi n 60 et de la proposition d un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. 1 Le 21 octobre 2009, ont été déposés sur le bureau du Sénat quatre projets de loi constituant les différents volets de la réforme des collectivités territoriales proposée par le Gouvernement : - Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui porte sur l architecture territoriale (n 60). - Le projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale (n 61). - Le projet de loi organique relatif à l'élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (n 62). - Le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n 63) => adopté en janvier 2010. 26/05/11 Point sur la réforme des collectivités territoriales - CRAJEP Picardie 1
- l'introduction de l article 35 sur la clarification des compétences 2, alors que le projet de loi initial prévoyait de renvoyer cette question à une loi spécifique devant intervenir dans les 12 mois après la promulgation du texte-cadre. Accélération de la procédure législative qui a surpris tous le monde à commencer par les sénateurs. Les associations d élus ont également été prises de court (ARF, ADF), et plus encore la société civile en général. Deuxième navette 2 ème lecture au Sénat : 8 juillet 2010 Refus de choisir le mode de scrutin des conseillers territoriaux. Rejet massif de l article 35 sur la répartition des compétences (335 voix contre 5). 2 ème lecture à l Assemblée Nationale : 28 septembre 2010 L Assemblée Nationale (AN) réintègre en 2 ème lecture les deux dispositions rejetées par le Sénat. Recherche de compromis entre les deux chambres : Réunion de la commission mixte paritaire 3 le 3 novembre 2010 Le texte de la CMP reprend l essentiel des dispositions retenues par l AN en y apportant deux amendements : les mesures concernant les compétences ne s appliqueront qu en 2015 ; les sanctions à l encontre des formations politiques qui ne respectent pas la parité sont renforcées. Le texte est adopté par le Sénat le 9 novembre et par l AN le 17 novembre. Saisine du Conseil constitutionnel Saisi sur cette loi, le Conseil Constitutionnel en a validé l essentiel 4. Seul le tableau de répartition du nombre de conseillers territoriaux devra être revu par le Parlement car il ne prend pas suffisamment en compte les équilibres démographiques. Promulgation de la loi le 16 décembre 2010 et publication au J.O le 17 décembre 2010 LE CONTENU DE LA REFORME REFORME DE L'ORGANISATION TERRITORIALE Création de nouvelles collectivités : métropoles et pôles métropolitains *Les métropoles seront basées sur une nouvelle catégorie d'etablissements Publics de Coopération Intercommunale-EPCI à fiscalité propre, et regrouperont des communes «d'un seul tenant et sans enclave» représentant plus de 500.000 habitants. *Les pôles métropolitains regrouperont quant à eux des EPCI à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 300 000 habitants, l'un d'entre eux comptant plus de 150 000 habitants. Ces nouvelles collectivités vont récupérer certaines des compétences des régions et des départements. Les critiques à l égard de ces mesures sont nombreuses : complexification de 2 Qui prévoit notamment le remplacement de la clause générale de compétences des départements et des régions par un principe de compétence d initiative locale limitée aux domaines d intervention non prévus par la loi et qui limite les cofinancements entre collectivités. Nous y reviendrons plus loin dans la note. 3 En cas de désaccord des deux chambres, une Commission Mixte Paritaire (réunissant 7 députés et 7 sénateurs) est convoquée afin de s accorder sur un texte de compromis. 4 Voir décision du Conseil Constitutionnel publiée au Journal Officiel le 17 décembre 2010. 26/05/11 Point sur la réforme des collectivités territoriales - CRAJEP Picardie 2
l organisation et non simplification ; suprématie de l urbain et encouragement à la compétition entre les territoires ; déni du monde rural ; inéquités territoriales, etc Encouragement de toutes les formes possibles de mutualisation entre : *.. communes, départements, régions. Possibilité de modifier des limites régionales et de fusionner une région et ses départements en une unique collectivité. *...tout ceci sur la base du volontariat, après délibérations des assemblées concernées et avec l'accord de la population. Rationalisation de l'intercommunalité *Modifications des seuils pour créer : - une communauté urbaine passe de 500.000 à 450.000 habitants. - une communauté d'agglomération est abaissé de 50.000 à 30.000 habitants quand la communauté d'agglomération comprend le chef-lieu du département *Obligation d'établir, dans chaque département, un Schéma Départemental de Coopération Intercommunale (SDCI) => élaboré par le préfet avant le 31 décembre 2011, après avis de la Commission départementale de la Coopération Intercommunale (CDCI) La suppression de la catégorie juridique de pays La loi avalise la suppression de l article 22 de la LOADT 5. Cet article servait de base juridique à la reconnaissance des pays par l Etat. Cela ne remet pas en cause les pays existants mais limite la création de nouveaux pays. Avis de ETD, centre de ressources du développement territorial 6 : «Quelles sont les conséquences de cette suppression pour les pays? -L article 22 de la LOADT déterminait les conditions pour que l Etat puisse reconnaître les démarches de pays portées par les collectivités locales (essentiellement les intercommunalités). Il ne définissait pas la nature juridique de la structure porteuse du pays, son choix (association, GIP-AT ou syndicat mixte) étant laissé à la libre appréciation des collectivités membres du pays. [ ] La réforme n aura pas d incidence sur les contrats portés par les pays, ce que confirme Michel Mercier qui précise que les pays existants continueront à vivre et à contractualiser et qu à échéance de leur contrat, ils pourront conclure de nouveaux contrats. En effet, la contractualisation entre les collectivités publiques et leurs partenaires ne nécessite pas de référence législative explicite. La suppression de l article 22 n aura pas d incidence directe sur l existence des structures porteuses de pays actuelles, d autant plus que l Etat ne souhaite pas remettre en cause ceux qui sont reconnus.» Avis de G. Gontcharoff, dans la Revue Territoires, janvier 2011, n 514: «Ils pourront continuer de vivre après la présente loi, à condition que les acteurs locaux, au premier rang desquels les élus régionaux, le veuillent. Là où les conseils régionaux ne s'engageront pas, les pays risquent de décliner et de disparaître. [ ] Avec les pays, les conseils de développement qui y sont associés sont évidemment menacés. Là aussi, il n'y a pas eu beaucoup de parlementaires pour défendre cette structure de participation démocratique.» 5 La Loi d orientation pour l aménagement et le développement du territoire (LOADT) adoptée en 1995, consacre la notion de pays. 6 Extraits de http://www.projetdeterritoire.com/index.php/espaces-thematiques/organisationterritoriale/actualites/quel-avenir-pour-les-pays-dans-le-projet-de-reforme-territoriale 26/05/11 Point sur la réforme des collectivités territoriales - CRAJEP Picardie 3
LIMITATION DES COMPETENCES DES COLLECTIVITES Suppression de la clause générale de compétence 7 pour les départements et les régions à partir du 1er janvier 2015 * remplacée par un principe de compétence d'initiative locale limité aux domaines non prévus par la loi (et non plus laissées à l appréciation de chaque collectivité comme c'est le cas actuellement ; * et par le principe de compétences exclusives : une compétence attribuée par la loi à une collectivité ne peut être exercée par une autre collectivité. Les exceptions : * Maintien de la clause générale de compétence pour les communes. * La culture, le sport et le tourisme demeurent des domaines de compétences partagées par les départements, régions et communes. * Afin de clarifier les interventions publiques des collectivités et d'encourager la mutualisation des services régionaux et départementaux, est prévu la réalisation d'un Schéma d'organisation des Compétences et de Mutualisation des Services (SOCMS) (ce schéma devra prévoir les délégations de compétences et organiser les interventions financières des différents échelons). RESTRICTION DES FINANCES LOCALES Limitation à compter du 1er janvier 2015 du cumul de subventions départementales et régionales sur un même projet local, sauf pour : - les régions ayant adopté un SOCMS, - les communes inférieures à 3500 habitants et les EPCI inférieurs à 50000 habitants - dans le cas de Contrats de Plan Etat Région-CPER, - et dans le cas d opération dont la maîtrise d'ouvrage relève de l'état ou de ses établissements publics. Limitation à partir du 1er janvier 2012 des financements entre collectivités territoriales: les collectivités maîtres d'ouvrage d'une opération d'investissement devront assurer une participation minimale au financement à hauteur de 20% du montant total apporté par les personnes publiques. Les projets auxquels contribue l'etat sont exemptés de cette contrainte. La suppression de la taxe professionnelle depuis 2010 Cet impôt fixé par les collectivités et payé par les entreprises constituait près de la moitié de la fiscalité directe des collectivités. Si des compensations sont prévues, elles sont pour le moment insuffisantes. L'annonce du gel des dotations de l'etat aux collectivités jusqu'en 2014 stabilisation de l'enveloppe pendant trois ans - (par le Président de la République, lors de la 2ème conférence du déficit en mai 2010) Remise en cause de l'autonomie fiscale des collectivités qui génère de l'insécurité et une imprévisibilité pour les collectivités. Certains parlent ainsi d une atteinte aux libertés locales. 7 La clause générale de compétence des collectivités locales permet aux collectivités de régler les "affaires de leur compétence" sans qu une définition précise et limitative en existe. Les collectivités peuvent donc intervenir, sous le contrôle du juge, dans tout domaine, sur la base de l intérêt public local. 26/05/11 Point sur la réforme des collectivités territoriales - CRAJEP Picardie 4
«RENOVATION» DE LA DEMOCRATIE LOCALE Création des conseillers territoriaux Les conseillers territoriaux remplaceront en mars 2014 les conseillers généraux et régionaux. Ils siègeront à la fois au conseil général et au conseil régional. Ils seront élus, tous les 6 ans, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, avec un seuil de qualification fixé à 12,5%. Le nombre de conseillers territoriaux est fixé par la loi. Un tableau est annexé au projet de loi. => Attention ceci a été invalidé par le Conseil Constitutionnel, le Parlement devra revoir cette répartition. Elle est donc présentée ici dans sa version provisoire : NOMBRE DE CONSEILLERS TERRITORIAUX PREVUS PAR LA LOI-PICARDIE Aisne 31 Oise 37 Somme 34 TOTAL PICARDIE : 102 NOMBRE D ELUS AUX CONSEILS GENERAUX ET CONSEIL REGIONAL ACTUELLEMENT- PICARDIE ASSEMBLEES Conseil Régional 57 Picardie Conseil Général Aisne 42 Conseil Général Oise 41 Conseil Général 46 Somme TOTAL PICARDIE : 186 NOMBRE D ELUS Election au suffrage universel direct des délégués des communes au sein des conseils communautaires des EPCI à fiscalité propre. Le mode de scrutin pour l élection des conseillers territoriaux a été critiqué en ce qu il porterait atteinte au pluralisme politique et à la parité 8. 8 A titre de comparaison : au Conseil régional, le scrutin de liste a permis d'avoir 48% de femmes dans les hémicycles ; tandis que dans les conseils généraux, élus au scrutin uninominal, les femmes ne représentent que 12,3% des élus. 26/05/11 Point sur la réforme des collectivités territoriales - CRAJEP Picardie 5