Les enjeux de la santé au travail dans l aide à domicile Annie Dussuet CENS Université de Nantes 1
Un secteur d emplois important pour les femmes Des limites floues, des chiffres discutés et discutables : 515 000 auprès de personnes fragiles (Drees,2008), 1,32 million dans les SAP hors ass. maternelles (Dares 2008) Mais certitude quant à sa féminisation : plus de 95% de femmes Une invisibilité des risques liée aux spécificités de l emploi dans le secteur : un secteur constitué majoritairement d emplois par des particuliers (63%, Drees 2008) un secteur d emplois { temps partiel (70 %, Drees 2008), souvent courts un secteur ultra féminisé pour un travail «féminin»largement invisible! Malgré cela, émergence de la problématique de la santé au travail document d évaluation des risques professionnels (2002) dans les organisations des évolutions qui imposent de s intéresser { la santé des salariées : difficultés de recrutement à prévoir efforts des organisations employeuses pour allonger les temps partiels allongement des «carrières» dans le secteur et vieillissement au travail
Des données lacunaires (rien sur les salariées de particuliers) mais des chiffres en augmentation : Accidents du travail : 2006 : 44 pour mille, supérieur aux services en général (ensemble des branches : 39,4 ; métallurgie : 40). 2007 : + 8,5% des TMS, des lombalgies : maladies professionnelles et inaptitudes se développent Des accidents de trajet Et plus largement, des indices de stress : des salariées qui «craquent» Pour des salariées qui devront vieillir au travail Des salariées âgées (75% ont 40 ans et plus) Des femmes, aux carrières antérieures souvent discontinues
Une organisation du travail a priori peu formalisée ou les risques cachés du service à domicile Des lieux de travail «privés» et dispersés Une législation dérogatoire Des déplacements importants Des salariées «autonomes» Travailler «seule» = une liberté, une exigence, mais aussi un risque d isolement La question de la gouvernance du service (ie : qui définit le service et donc les tâches à réaliser?) Un travail où l essentiel est invisible : le ménage, mais aussi «prendre soin» Des savoir-faire qui «ne s apprennent pas» mais savoir quand et comment faire, ou ne pas faire, pour laisser faire Une partie immatérielle du travail essentielle : la «préoccupation» qui rend difficile (illusoire?) le découpage des tâches qui suppose la prise en compte d autrui mais qui ne peut être explicitée 4
Une pénibilité physique peu perçue : Banalité du travail Du travail invisible pour les proches «Après 3 heures de repassage, je suis fatiguée aussi Je prends une demi-heure de décompression avant de travailler chez moi. L entourage proche ne se rend pas compte du travail C est comme si, on allait prendre un café chez les gens!!! J ai l impression que l on n a pas de vie. Y a des clients qui ne pensent pas { nous. On n a pas de vie. Il faut savoir prendre sur soi pour pouvoir rassurer les autres» (auxiliaire de vie sociale) Du travail invisible pour les bénéficiaires «C est vrai que faire 3h d affilée, si on fait du ménage { fond tout le temps normalement, on doit faire une fenêtre le matin et une l après-midi, une dame comprenait pas pourquoi, je lui dis : «supposez que j aie 6 ou 7 fenêtres { faire le matin, j en fais autant l après-midi, je suis à 4 pattes le soir» (assistante de vie) Du travail invisible pour les salariées elles-mêmes parfois Prise en compte des déplacements? liée { la forme d emploi.
Des risques «psycho-sociaux» : Un travail mal défini Un travail de «gestion» des sentiments, difficile quand on est isolée «Il faut éviter de s attacher aux personnes parce que le jour où elles décèdent, il faut qu on continue { vivre. C est pas notre grand-mère ou grand-père, c est une personne chez qui on intervient mais en même temps on n a pas non plus un cœur de pierre parce que c est vrai qu il y a plus ou moins d affinités. Il faut garder ses distances. J essaie au maximum mais bon quand on apprend qu il est décédé on a quand même un petit pincement.» (auxiliaire de vie sociale) Le risque majeur de l absence de reconnaissance
Une négociation du service entre la «réponse aux besoins» et l offre professionnelle une visite aux formes de diagnostic qui permet une définition du travail des règles écrites dans un «contrat de service» et son organisation : Les plannings : gérer le temps et les déplacements Les horaires atypiques et les week-ends Le fractionnement des interventions L aménagement du cadre de travail
Des instances de médiation Un encadrement de proximité qui agit sur la définition du service (prescription du travail, recours en cas de conflit), et sur l organisation du travail (plannings) L émergence d un collectif de travail Des temps et des lieux d échanges sur le travail institutionnels : «droit d expression» «réunions de planning» «Soutien professionnel» Sessions de formation (initiale et continue) qui permettent l élaboration de règles professionnelles d action, bases d une identité professionnelle
Choix actuel d un mode extensif de croissance du secteur, permettant des créations d emplois en nombre, favorisé par l introduction d une concurrence par les coûts (choix du consommateur) mais au détriment des dispositifs qui engagent un travail indirect d organisation, pourtant : favorable { la préservation de la santé des salariées parce qu il rend visible leur travail et qui en permet la reconnaissance (qualification)* { terme, la question de la durabilité de ce mode de développement des services : «qui prendra soin de celles qui prennent soin?» * Rappel : salaire médian 840 mensuels (Drees, 2008) 9