Position de l ASG sur la révision de la LBA L ASG est favorable à ce que la Suisse, en tant que membre fondateur du GAFI et place financière en pointe dans la lutte contre le blanchiment d argent, applique les prescriptions révisées. Cependant, elle rejette toute initiative qui irait au-delà de ces normes. Dans l application des normes internationales, il convient d avoir en ligne de mire non seulement la préservation de l intégrité de la place financière suisse, mais aussi sa compétitivité. La lutte contre le blanchiment d argent et le financement du terrorisme doit rester strictement séparée des autres mesures prises dans le cadre d une politique fiscale internationale pour la place financière. Concernant les différentes recommandations du GAFI 1. Problématique des actions au porteur Les voix anglo-saxonnes au sein du GAFI ont réussi à s imposer. L actionnaire anonyme fait désormais partie de l histoire. La Suisse, traditionnellement accueillante pour les entreprises, est fortement concernée par les prescriptions du GAFI et les gérants de fortune indépendants, en tant qu entreprises et entrepreneurs, le sont également. Le «magma informe» tel qu il est proposé ne mérite toutefois aucun soutien. Les tenues de registres redondantes sont à rejeter. Dès lors qu une entreprise est tenue de déclarer les détenteurs d actions au porteur à une autorité de surveillance ou à un organisme d autorégulation reconnu, toute bureaucratie supplémentaire doit lui être épargnée. En outre, les entreprises qui ne souhaitent pas mettre en place les procédures administratives correspondantes en interne doivent avoir la possibilité de déléguer les tâches liées à l identification des détenteurs d actions au porteur à un intermédiaire financier au sens de la LBA, que la société aura désigné à cet effet. Les sociétés cotées sont bien libérées de ces obligations, au motif qu elles délèguent les tâches correspondantes à des chaînes d investisseurs, de la conservation globale aux banques des différents investisseurs. 2. Identification de l ayant droit économique dans le cas de personnes morales Les propositions du Département fédéral des finances, selon lesquelles les intermédiaires financiers seraient tenus à l avenir d identifier les ayants droit économiques dans toutes les entreprises dès lors que ceux-ci détiennent des participations supérieures à 25%, semblent plutôt inoffensives à première vue. Mais ce n est qu une apparence: en réalité, il en résulterait une bureaucratie accrue pour toutes les PME. Là où l affaire devient véritablement problématique, c est quand il n y a pas de participations supérieures à 25%, ce qui devrait être fréquent dans les entreprises familiales de taille moyenne ou les entreprises à gestion participative. Dans ce cas en effet, le «membre le plus haut placé de l organe de direction» devient ayant droit économique «par défaut». Cela affaiblit un acquis essentiel du dispositif suisse de
prévention. Jusqu ici, on regardait précisément ce qui se passait en coulisse et, s agissant du/des ayant(s) droit économique(s), on ciblait les personnes physiques ou les personnes morales exerçant une activité opérationnelle qui avaient le contrôle effectif. Avec un Président du conseil d administration faisant office d ayant droit économique «par défaut», la prévention et la lutte contre le blanchiment d argent et le financement du terrorisme se trouvent non pas renforcées, mais affaiblies. Le législateur ne consacre pas une seconde de réflexion aux multiples associations présentes en Suisse. Or dès qu une association compte plus de quatre membres, le Président du Conseil devient automatiquement ayant droit économique «par défaut». Au vu de l importance des tâches en matière de lutte contre le blanchiment d argent, c est assez ridicule. Il conviendrait donc ici aussi d introduire des exceptions judicieuses au principe. Cet aspect de la mise en œuvre des recommandations du GAFI révisées en 2012 n ayant rien d urgent, l ASG considère qu il y a lieu d attendre de voir comment d autres Etats procèderont. Mieux vaut s inspirer de solutions étrangères que mettre en place une solution helvétique excessive générant une bureaucratie inutile. 3. Personnes politiquement exposées (PPE) nationales C est une norme internationale compréhensible que les intermédiaires financiers, du fait des risques de corruption inhérents à la position des personnes politiquement exposées, doivent faire preuve à l égard de ces dernières d un regain de prudence dûment proportionné. Sur le fond, l ASG approuve la solution proposée. Elle émet toutefois des réserves sur le fait que les membres de la famille et autres proches de PPE nationales, y compris lorsque ces dernières ont quitté leurs fonctions, doivent être classés à vie dans une catégorie de clientèle présentant potentiellement des risques accrus. Il convient à cet égard d examiner si, s agissant des PPE nationales, on ne pourrait pas trouver une définition plus judicieuse de la notion de «proches». Pour les PPE d organisations internationales, il est également proposé une solution qui reste mesurée. 4. Les délits fiscaux, infractions préalables au blanchiment d argent Fondamentalement, l ASG s en tient à sa position que le non-versement illégal d impôts ne crée pas pour autant un substrat patrimonial accessible au blanchiment d argent. Or: le GAFI voit les choses autrement et est prêt à infléchir considérablement des normes fondamentales du droit pénal. En fin de compte, la Suisse n aura d autre choix que d assimiler les infractions pénales graves en matière fiscale à des infractions préalables au blanchiment d argent. La question est: lesquelles et comment? S agissant de la définition des délits fiscaux graves constituant des infractions préalables au blanchiment d argent, et spécifiquement des éléments constitutifs de la fraude fiscale, le Département fédéral des finances propose un changement de système radical. Si, en vertu du droit en vigueur, l usage de documents falsifiés ou inexacts quant à leur contenu est toujours une condition préalable, on passerait désormais à un modèle général basé sur la tromperie. Tomberait alors sous le coup de la LBA quiconque accepte des fonds soustraits à l impôt au moyen d une simple construction mensongère. C est aller trop loin et méconnaître complètement le fait que le blanchiment d argent constitue une infraction pénale grave.
Si les délits fiscaux graves sont élevés au rang d infractions préalables au blanchiment d argent, leurs éléments constitutifs doivent pouvoir être appréhendés clairement et simplement. Il faut des définitions claires, et une totale sécurité juridique. Seul le modèle basé sur des documents en est le garant. Le seuil proposé de CHF 600 000 d éléments imposables non déclarés (condition à remplir cumulativement avec l acte frauduleux lui-même), et ce tous types d impôts et de taxes directs et indirects confondus, aboutit à des résultats absurdes. Le degré de gravité d un délit fiscal se mesure à l évidence aussi au regard du préjudice fiscal causé. A cet effet, un seuil uniforme apparaît inapproprié. En matière d impôt suisse sur la fortune, un préjudice fiscal de moins de CHF 5 000 constituerait sans doute déjà une infraction préalable au blanchiment d argent. L ASG demande donc que soient fixés des seuils différents selon le type d impôt, le domicile et les éléments imposables. Si l on entend faire en sorte que seules les infractions pénales graves en matière fiscale soient assimilées à des infractions préalables au blanchiment d argent, il convient de fixer un seuil approprié par période fiscale, et non un seuil à franchir par cumul de montants minimes tout au long de la vie. 5. Interdiction des paiements en espèces de plus de CHF 100 000 Cette règle n a pas sa place dans la LBA. L interdiction des paiements en espèces directs en dehors du secteur financier lors d opérations de vente relève du droit des moyens de paiement légaux au sens le plus général. Si la Suisse entend limiter les opérations en espèces, elle doit le faire en priorité dans le cadre d une révision de la loi fédérale sur l unité monétaire et les moyens de paiement, car dès lors les espèces métalliques et les billets de banque seraient partiellement exclus des moyens de paiement légaux. D autres adaptations s imposeraient dans de nombreux autres textes, notamment dans le Code des obligations et dans la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. Est également irréaliste l étendue du pouvoir conféré aux banques par les prescriptions proposées. Ces dernières chargent en effet les banques de juger en première et dernière instance si un contrat de vente portant sur plus de CHF 100 000 peut ou non être exécuté. Sans l intervention des banques qui, soit dit en passant, reste facultative, même des jugements de tribunaux fédéraux en matière commerciale ne pourront plus être appliqués. Les prescriptions proposées créent en outre de fortes incitations à contourner la loi. Parmi ces opérations d évitement, l échange de billets de banque étrangers ou de lingots d or contre l objet de la vente, en lieu et place du contrat de vente, serait encore la plus simple à contrôler. Mais l apparition de banques occultes y compris en Suisse constituerait une véritable menace pour l intégrité de la place financière. Même si l UE s efforce actuellement de limiter les opérations en espèces, le GAFI ne prévoit pas de prescriptions similaires. 6. Abolition du droit d annonce et suppression du blocage automatique Abolition du droit d annonce L ASG salue la proposition d abolir le droit d annonce. Cela favorise les annonces pertinentes et ciblées. Il est mis un terme à une pratique aujourd hui courante dans les milieux bancaires, qui consiste à procéder à des «annonces au nom du droit
d annonce» dans le seul but de couvrir personnellement les collaborateurs des services Compliance. C est de nature à améliorer l efficacité des autorités et la qualité des différentes annonces. Suppression du blocage automatique L ASG approuve la suppression du blocage automatique à la date de l annonce.
Le 23 avril 2013