Rééducation d'une fracture mandibulaire Note de technique Ann. Kinésithér., 1982, 9, 351-355 A. GARY-BOBO 1, J.M. HEBTING 2, Ch. MERLIER 1, F. SOUYRIS 3 La rééducation de la mastication est toujours essentielle à l'obtention du meilleur résultat après fracture du maxillaire inférieur. Elle peut constituer dans certains cas le seul traitement. Cette fracture peut intéresser (fig. 1): la zone condylienne = C,. la région symphysaire = E,.la branche horizontale = RH.,. l'angle = A,. ou la branche montante = B.M. FIG. 1. - Localisation des fractures les plus courantes.. de gauche à droite: condyle, branche montante, angle, branche horizontale, symphyse. Travail effectué dans le Service de Chirurgie maxiilo-faciale et stomatologie du Professeur F. Souyris. 1. Chefs de Cliniques, Assistants des Hôpitaux. 2. Masseur-Kinésithérapeute, Service de Chirurgie maxiilo-faciale. 3. Chef de Service, Chirurgie maxillo-faciale, 5, rue Nazareth, F 34000 Montpellier. 351
PRINCIPES DE KINÉSITHÉRAPIE a) Buts Limiter l'évolution vers un enraidissement de l'articulation temporo mandibulaire, obtenir une mobilité normale de la mandibule sur des critères dynamiques. b) Critères de résultats 1) Subjectifs Le patient retrouve l'impression de «serrer les dents comme avant». 2) 0bjectifs - Statiques Machoires serrées les molaires s'emboîtent normalement, l'arcade inférieure s'inscrivant dans son homologue avec un engrènement dentaire parfait. L'articulé normal est de type 1 quand la canine supérieure est entre 3 et 4 (fig. 2). Mais d'autres articulés physiologiques sont possibles, l'important l'engrènement dentaire. - Dynamiques étant L'ouverture active (espace interincisif) est de l'ordre de 35 à 40 mm, mesurée à l'aide de l'ouvre bouche de Ginestet (fig. 3) ou d'un pied à coulisse. Cela représente 2 1/2 à 3 travers de doigts (fig. 4). La propulsion normale est de 5 à 8 mm. Il s'agit de la projection en avant de la mandibule inférieure. Le patient parvient à se mordr~ la lèvre supérieure avec ses incisives inférieures (fig. 5 a et b). La diduction, ou projection latérale du maxillaire inférieur symétrique, est normalement de 6 à 8 mm de chaque côté. Les repères sont la distance des 2 intervalles interincisifs médians supérieur et inférieur. Il faudra: obtenir un pointe à pointe canines (fig. 6), dépasser ce pointe à pointe (fig. 7). PLACE DE LA KINÉSITHÉRAPIE Celle-ci s'inclue dans le traitement schématiquement 4 possibilités: 352 de la fracture qui peut comprendre
FIG. 2 - Exemple d'articulé dentaire normal. FIG. 3. - L'ouvre-bouche de Ginestet. FIG. 2 FIG. 4. - Une ouverture normale représente entre 2,5 et 3 travers de doigts. FIG. 3 FIG. 4 FIG. 5.a FIG. 5. - La propulsion de la m choire inférieure: a. vue latérale, exécution avec appareil: b. vue antérieure bouche fermée. FIG. 5.b 353
FIG. 6. - Le pointe à pointe des dents canines. FIG. 7. - Déplacement du pointe à pointe. 1) Blocage intermaxillaire: Le blocage est maintenu environ 6 semaines, temps nécessaire à la stabilisation de la fracture. Après le déblocage, la kinésithérapie passive et active permettra de récupérer la mobilité normale de la mandibule. 2) Ostéosynthèse sans blocage, la kinésithérapie est instituée rapidement (1 semaine après environ) mais des précautions sont nécessaires: interdiction de forcer, alimentation liquide pendant 1 mois. 3) Traitement fonctionnel par tractions élastiques horizontales intermaxillaires permettant de tirer sur la branche montante du côté de la fracture sous condylienne afin de récupérer la hauteur normale. Ceci entraine un trouble de l'articulé de type propulsion et latéro déviation opposée à la fracture. La kinésithérapie active renforce le traitement orthopédique et ne cherchera pas à rétablir un articulé normal. Ces tractions sont maintenues 6 semaines et après leur ablation, la kinésithérapie sera de type 1. 4) Traitement kinésithérapique pur dans les fractures sous-condyliennes non déplacées sans trouble de l'articulé. La rééducation débute dès le lendemain par une mobilisation passive prudente afin de ne pas créer un déplacement fracturaire mais surtout une mobilisation active dès que possible, évitant la raideur articulaire. L'alimentation liquide est maintenue une quinzaine de jours surtout à visée antalgique. TECHNIQUE a) Mobilisation passive Elle respectera la douleur. Elle sera manuelle pure ou à l'aide de l'ouvre-bouche de Ginestet. La première et principale raison est d'empêcher les mouvements vicieux. 354
b) Mobilisation active On fera réaliser des mouvements au patient devant une glace, active sans résistance, soit en exerçant une résistance manuelle douce. Les manœuvres seront souvent réalisées plus aisément bouche entrouverte. c) Préparation psychologique Elle est importante pour: 1) faire supporter plus aisément blocage et tractions; 2) une prise de conscience par le patient dans le sens de la coopération, de sorte qu'il se sente concerné et conscient de l'importance de son travail personnel, à savoir 2 à 3 séquences à son domicile de 3 à 5 mn devant la glace, 20 répétitions de chaque mouvement à chaque séquence. d) Adjuvants 1) Massage Fait de manœuvres douces, lentement, en pressions glissées superficielles, à visée antalgique et décontracturante, et concerne les régions temporale et jugale. 2) Physiothérapie Qu'il s'agisse d'électrothérapie ou d'ultra sons, le but en est antalgique et décontracturant, de sorte à faciliter la rééducation. Il faut cependant faire preuve de prudence à proximité du globe oculaire, et s'assurer qu'il n'y a pas présence de corps métalliques, tels couronnes ou bridges, ou bien matériel d'ostéosynthèse. CONCLUSION La rééducation est essentielle dans le traitement d'une fracture mandibulaire. Elle nécessite une rigueur technique imposant la présence du kinésithérapeute, tout au moins au début du traitement. Les séances doivent durer de 20 à 40 mn, mais il faut insister sur l'importance de la rééducation faite par le patient lui-même, débutant dès son séjour hospitalier (5 à 10 mn au plus par jour) et continuée à son domicile devant sa glace. Le rôle du kinésithérapeute ne se limitera donc pas à quelques séances de rééducation, mais il devra persuader son patient de l'importance d'une fonction masticatoire normale; d'une hygiène buccale irréprochable (Broxotjet, lavages de bouche, brossages des dents), tous éléments nécessaires à une vie de relation agréable. 355