Gestion des compétences : de la théorie à l action



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Transcription:

Gestion des compétences : de la théorie à l action Piette, S-A., & Reynders, G. (2004). Personnel et Gestion, 13 ème année, n 1, Ed. Kluwer. Le développement de la place occupée par les "compétences" dans les concepts et pratiques de GRH est indéniable. Le phénomène est cependant loin d'être homogène. On peut à ce sujet consulter l enquête menée par HEC en 1999 1 et plus récemment par Berenschot (2002) 2. Cette dernière a porté sur un échantillon national de 103 responsables GRH d entreprises comptant au moins 100 collaborateurs. Le projet «Gestion de Compétences», coordonné par HEC Liège, soutenu par le Fonds Social Européen, la Région Wallonne et la Province de Liège, touche à sa fin. Il a été mené, durant 6 ans, sous la responsabilité académique de Jean-Marie Dujardin, professeur à HEC Liège. Un colloque a été organisé fin novembre 2003 pour exposer les différents travaux et résultats de cette recherche. Nous en livrons ci-après quelques points, vous invitant à visiter le site du projet 3 pour plus d informations. 1. Définir la Gestion des / par les compétences Individus Groupes d individus Entreprise Groupe Bases de données de Gestion des Compétences Identifier Evaluer COMPETENCES pour Référentiels de compétences Référentiels d évaluation Développer Recruter Valoriser Echanger Organiser La Gestion des Compétences est un ensemble d activités défini par l usage : ce sont des pratiques plus ou moins coordonnées qui utilisent les compétences (et leur évaluation) comme lien entre différents processus de gestion des ressources humaines (recrutement, intégration, rémunération, carrière) et comme liens avec d autres fonctions telles que l organisation du travail, la réflexion stratégiques de l entreprises, (Aubret, Gilbert, Pigeyre, Management des compétences, 2002) 1 http://cours.hec.be/gestion-competences/enquete.php 2 http://www.google.be/search?q=cache:r3nylrgjwhqj:users.skynet.be/adpliege/colloque_03/rapport_grh_en_pratique.pdf+berenschot+enquete+grh+r%c3%a9sultats&hl=fr&ie=u TF-8 3 http://cours.hec.be/gestion-competences 1

2. Trois logiques d action Les logiques d adéquation, d incitation et d innovation (voir schéma ci-après), dans lesquelles s inscrivent des démarches de Gestion de Compétences, se retrouvent rarement isolées dans la pratique. Au contraire, on observe une certaine confusion entre les outils ( d évaluation, par exemple) utilisés à des fins pourtant bien différentes. Logique d adéquation rechercher les compétences nécessaires pour répondre aux besoins (globaux, locaux) GESTION DES / PAR LES COMPÉTENCES Logique d incitation/pression réagir à des dysfonctionnements de performance motiver son personnel par la valorisation des performances/compétences Logique d innovation développer l organisation sur base de «ses» compétences Lorsque des entreprises se disent intéressées par la gestion des compétences, une des raisons évoquées dès le premier entretien est souvent de «mieux connaître» son personnel. Cette définition est trop floue pour permettre de comprendre ce qui se cache derrière cette intention. 2.1. Dans quels buts un responsable veut-il mieux connaître son personnel?. - S agit-il de mieux évaluer le personnel afin de déterminer des rémunérations qui seraient fonction de compétences et performances (logique d incitation)? - S agit-il de réorganiser les équipes de travail en fonction des spécialités de chacun (logique d innovation)? - S agit-il de chercher en interne ou en externe à répondre à des besoins en compétences précis (gestion actuelle et prévisionnelle des emplois et compétences)? un nouveau produit/service est ou va être développé :«il s'agit alors de "mettre en évidence les écarts constatés entre l'évolution prévisible des ressources de l'entreprise sur une période donnée, et les besoins en personnel nécessaires à ce moment» (AUBRET et al., 2002, p.87). un déficit en personnel est apparu (lié au turn-over, à des maladies, ) ou est prévu au vu de l évolution actuelle? - Ou enfin s agit-il de «redresser la barre» suite à l observation de dysfonctionnements que l on pourraient supposer liés (du moins en partie) à des manques de compétences nécessitant formation ou plus largement développement? (logique d adéquation). 2.2. De la nécessité d une clarification rapide des enjeux Les démarches et outils à utiliser dans les différentes logiques ne sont pas identiques. L utilisation des données obtenues lors d enquêtes, de groupes de travail sur l analyse des besoins en compétences, par 2

exemple, pourra tantôt servir une évaluation de décision concernant les individus, tantôt se réaliser dans l anonymat individuel complet si l enjeu est plus global (exemple : analyse de l organisation des services, ). Vu les représentations les plus communément liées au concept d évaluation (considérée comme répressive et sanctionnante plutôt qu éclairante et formative), il est fondamental de communiquer sur les enjeux, méthodes, partenaires, étapes du projet de gestion des compétences dès le début des opérations. Cette communication (représentée par la flèche jaune) doit être réalisée avec (ou par) la hiérarchie qui, seule, est en position de garantir l utilisation des résultats. Les étapes de travail Outils Méthodes Contextes Action / Régulation Enjeux Communication 3. Place au concret La plupart des entreprises (que nous avons pu observer) entrent dans une démarche "compétences" d'une manière très pragmatique, plutôt en réponse à une problématique particulière que dans un mouvement de réforme totale de la GRH. Dans le projet Gestion des Compétences, nous avons eu l occasion de réaliser des projets concrets avec des partenaires de terrain. En 2002-2003, quatre partenaires ont mené des actions pouvant s inscrire dans une mise en place de gestion des compétences, chacune dans des logiques assez différentes. Ces partenaires sont : l hôpital de la Citadelle (CHR Liège), l hôpital du Petit Bourgogne (CHP Liège), TNT euro Hub et le CECOTEPE (CEntre de COordination TEchnique et PEdagogique de la Province de Liège). Vous trouverez des détails de ces actions sur le site du projet. Cet article retrace le travail réalisé par le CECOTEPE qui a le mérite de montrer que, dans le milieu de l enseignement aussi, les problématiques de qualité, du développement des compétences et de l évaluation des acteurs sont à l ordre du jour. Comme vous le constaterez, la démarche décrite ci-dessous est très certainement transposable dans toute institution intéressée par la création de programmes de formation. Voyons ceci plus en détails, place aux acteurs de terrain Sylvie-Anne Piette, Coordinatrice du projet HEC Liège 3

Gestion des compétences profil de direction d établissement d enseignement secondaire 1. Cadre institutionnel 1.1. CECOTEPE, asbl Le Centre de Coopération Technique et Pédagogique, asbl, créé en 1974 par des responsables politiques et économiques de la Province de Liège, est l interface entre les services publics d enseignement ou de formation et les entreprises. Il est important de noter que le CECOTEPE travaille avec tous les réseaux d enseignement et tous les opérateurs de formation, tant en région liégeoise qu en Belgique ou à l étranger. C est donc le CECOTEPE asbl qui a établi la convention de collaboration avec les HEC au sein de cette recherche action, impliquant l enseignement de la Province de Liège. 1.2. L Enseignement de la Province de Liège L enseignement organisé par la Province de Liège est composé de nombreuses formations techniques, scientifiques et professionnelles. Tous les secteurs sont pratiquement représentés dans ce portefeuille : de l agronomie aux sciences appliquées, en passant par l industrie, la construction, l hôtellerie alimentation, textile habillement, arts appliqués, économie, services aux personnes, pour citer ceux de l enseignement secondaire. Au niveau supérieur court (3 ans) ou long (4 ans), on trouvera en outre le paramédical (y compris le kinésithérapeute), le social, le pédagogique, le technique (y compris l ingénieur industriel). Enfin, cet enseignement est proposé en plein exercice et en promotion sociale, fréquentés respectivement par quelque 16000 étudiants et 30 à 35000 inscriptions, enregistrées chaque année en promotion sociale. 1.3. Collaboration avec HEC Liège HEC, dès 2000, a proposé au CECOTEPE de piloter une action d analyse du logiciel de gestion de compétences JOE, conçu dans le projet «gestion des compétences». Cet outil informatique 4, encore dans une version expérimentale, a été analysé par des enseignants afin de déterminer dans quelle mesure il serait utilisable pour évaluer et cartographier les compétences des élèves. Cette expérimentation a abouti à une liste de propositions d adaptations du logiciel (conçu au départ pour des entreprises). HEC a ensuite proposé au CECOTEPE, toujours dans le cadre de ce même projet européen (2002), de participer activement à l analyse des profils de directeurs d établissements et à la conception d un curriculum de formation basé sur ces profils. Nous y reviendrons dans la partie méthodologique de cet article. 2. Problématique générale 2.1. Qualité de la réponse en formation Si l on définit la qualité comme étant la satisfaction des besoins du client, à un prix acceptable, on comprend que, dans l enseignement technique et professionnel, le problème de la qualité est 4 voir les possibilités du logiciel sur http://cours.hec.be/gestion-competences/joepapier.php 4

fondamental. Toute formation qualifiante doit prendre en compte les besoins de la société et, en particulier, des entreprises. La définition des compétences attendues et leur gestion dans le cadre de l apprentissage sont donc des problématiques qui préexistent, et largement, à la naissance même du concept! Dès ses origines en 1920, l enseignement de la province de Liège a développé, structurellement et fonctionnellement, des liens avec les entreprises de la région pour assurer la qualité de ses formations. Jury extérieur aidant, l évaluation de la qualification s est fondée de longue date sur une épreuve intégrée, dite de qualification, où l étudiant met bel et bien en œuvre ses compétences pour réaliser un travail en rapport avec la réalité professionnelle qui sera la sienne. La qualification est donc sous le contrôle conjoint de l école et de l entreprise. L accélération progressive de l évolution technologique pose cependant, dès les années 1985, des problèmes d adaptation des curricula et de coût en matière d équipement. Des critiques de plus en plus claires émanent des entreprises, eu égard à l adéquation des qualifications à la réalité de l entreprise. La société toute entière prend le relais pour critiquer l école, ses enseignants, le coût 2.2. Pilotage L école doit s adapter parce que «la société» d aujourd hui est devenue très différente... Le pilotage de l enseignement est mis en chantier depuis 10 ans en Communauté française avec notamment la «Commission Communautaire des professions et des qualification» pour les formations techniques et professionnelles. Cette évolution est «bétonnée» depuis 6 ans par le «Décret missions». Celui-ci prévoit en effet l élaboration de plans d action : le projet d établissement est évalué régulièrement et ajusté tous les 3 ans (on retrouve ici le cycle de Deming plan do check act) ; des commissions de participation impliquent tous les intéressés dans un équivalent du cercle de qualité ; la gestion des ressources est basée sur des objectifs clairement définis (avec la souplesse dans l organisation des horaires, par exemple) ; la pédagogie des compétences (APC) est proposée aux enseignants. Malheureusement, aujourd hui encore, l APC ne dépasse généralement pas le stade du programme d études. L horaire est organisé par «disciplines», débitées en tranches de 50 minutes, réparties hebdomadairement tout au long de l année selon un planning plutôt lié à la logique interne de la matière. Chaque enseignant est toujours l expert de sa discipline, ignorant d autant plus le profil de sortie attendu de l étudiant en fin de parcours, que sa discipline est générale et l oblige à «donner cours» à différentes orientations Comment, dans ces conditions, organiser l acquisition des compétences au sein d une partition d ensemble? A ce stade, le malaise des directeurs d école comme des enseignants est énorme. Le macro système modifie lentement sa route. Or, que ce soit dans le modèle EFQM 5 (European Foundation for Quality Management, voir schéma de leur modèle expert ci-dessous) ou dans les normes qualité ISO 9000 (versions 1994 ou 2000), aidant les organismes à mieux répondre aux besoins du client, on constate à l évidence la place prioritaire accordée à la direction, transposable dans le système des établissements scolaires. 5 http://www.efqm.org/model_awards/model/excellence_model.htm 5

Il faut s appuyer sur des leviers intermédiaires au niveau de chaque microsystème. Pour changer l école, il faut changer le métier de directeur d établissement d enseignement secondaire. La fonction de gestionnaire a évolué vers un leadership mobilisateur et innovant pour améliorer la qualité. 3. Méthodologie Nous avons donc décidé d impliquer les directions dans l analyse de leur propre profil de compétence, de déterminer avec eux un plan de formation dont l objectif sera d aider l ex enseignant à être «directeur» ou «directrice» de cette organisation innovante et apprenante. Une première définition du profil a été réalisée dès 1995, débouchant sur un cycle de formation préalable destiné aux candidats directeurs. Les objectifs du projet : Élaborer le profil de compétences des directions Évaluer si le programme de formation préalable, conçu en 1996 et adapté une première fois en 2001, correspond aux besoins en compétences Créer un outil d autoévaluation des compétences requises par la fonction Mettre en place un programme de formation en cours de carrière à destination des directions Former les directions à la gestion par les compétences (au travers de l analyse de leur propre profil) Engager des démarches de gestion des compétences en appliquant la méthodologie aux différentes fonctions et métiers La première phase a été développée en 2002-2003, avec la collaboration d HEC : Analyser les documents existants (profils, programmes de formation dans les pays francophones) et ressources bibliographiques Rédiger un 1er référentiel (version linéaire) Valider auprès d un 1er échantillon de directions Formaliser sous forme de matrice et enrichissement par un 2e groupe de directions Cette première validation a été réalisée au sein d un seul réseau d enseignement. Il conviendra de l élargir aux autres : selon l autonomie de la direction, il faut envisager des variantes dans certains paramètres. 4. Résultat Un premier résultat est présenté en page suivante, sous forme de matrice. Celle-ci, fondée sur le modèle mis au point dans le cadre des programmes de formation québécois, offre l avantage de montrer les liens entre d une part les compétences particulières (première colonne) et, d autre part le processus général (trois colonnes suivantes) et les compétences générales. Chaque croisement fait ensuite l objet d un développement, sur base des activités correspondantes. Cette explicitation est fournie à titre d exemple pour la première compétence particulière, dans le tableau 2. Rappelons que cette matrice est provisoire puisqu en cours de validation et transformation par le deuxième groupe de directions. Elle est fournie à titre d exemple de résultats et de présentation de ceux-ci. 6

MATRICE DES COMPETENCES PROCESSUS (grandes étapes) COMPETENCES GENERALES (Activités connexes dans le domaine de la technologie, des disciplines, du développement personnel, etc) Directeur d établissement de l enseignement secondaire 6 Définir le plan stratégique de son établissement X X X X X X X X X X 9 Développer l'organisation, un système d'administration X X X X X X X X X X 10 Développer les richesses humaines de l'établissement X X X X X X X X X X X X 11 Gérer et rechercher les ressources matérielles et financières X X X X X X X X X X 13 15 Développer une vision dynamique de l'éducation et des approches pédagogiques Promouvoir les relations avec les partenaires internes et externes, les étudiants et les parents X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X Le formateur regarde les compétences générales et cherche à les développer à partir de cas relevant des compétences dites particulières (précisées dans les cases du processus). (Tableau 1 : matrice des compétences de directeur d établissement d enseignement secondaire Version au 30/11/03) 7 Appliquer les techniques de communication Utiliser les outils de bureautique et informatiques Utiliser les techniques de prise d'information et de traitement des données Réaliser une analyse systémique COMPETENCES PARTICULIERES Analyser / Evaluer Définir / planifier / réajuster Réaliser Appliquer la législation en vigueur Utiliser les techniques de gestion d'un projet Rechercher des sources de financement, des soutiens, des partneaires Appliquer la comptabilité patrimoniale Organiser l'espace et le temps Elaborer des stratégies et techniques pédagogiques efficaces Appliquer les notions de psychologie de l'enfant et de l'adolescent (Tâches ou activités dans le cadre du métier et de la vie professionnelle) A chaque cellule est associée un commentaire précisant les activités correspondantes

D éfin ir le p lan stratég iq u e d e so n étab lissem en t A pplique les notions d'analyse systém ique à l'école pour analyser la situation en relation avec les besoins de la société et l'offre de form ation existante E value l'atteinte des objectifs précédents (résultats) D éfinit une vision de son établissem ent en fonction du projet pédagogique du P.O. E tablit les priorités. O rganise la structure de l'établissem ent E labore un projet d'établissem ent P rend la parole en public. A nim e des réunions efficaces. D épersonnalise les débats. Utilise des techniques de gestion de conflits. Négocie Utilise des Utilise des logiciels de m éthodes planification, de d investigation traitem ents de selon les types données. Utilise d inform ations un traitem ent de recherchées texte inform atisé, (interview, un tableur questionnaire, observation ) et traite les résultats (Tableau 2 : matrice des compétences de directeur d établissement d enseignement secondaire développement de la compétence «définir le plan stratégique de son établissement» Version au 30/11/03) 8

5. Perspectives Tout en veillant à élargir notre échantillon de directions à d autres réseaux d enseignement, notre projet se prolongera de la manière suivante : Analyser les activités problématiques Questionnaire d autoévaluation adressé aux directions reprenant la liste des activités attendues Analyse des résultats et pondération des activités problématiques Concevoir un programme Ordonnancer les compétences selon un ordre de priorité logique et de difficulté Créer des modules de formation : présentiel, à distance, formation par les pairs, cercles de qualité, forum de discussion, description de procédures de management, benchmarking (centration sur des problématiques vécues) Développer la gestion des compétences des enseignants Lier le plan de formation en cours de carrière individuel et groupal au projet d établissement (prévu par le décret du gouvernement de la communauté française du 11/07/02 relatif à la formation en cours de carrière) Impliquer plus les directions dans le pilotage de la FCC des enseignants au travers de plans triennaux de formation Engager des démarches de gestion des compétences en appliquant la méthodologie aux différentes fonctions et métiers Faire appliquer la démarche par les directions au personnel enseignant Faire appliquer la démarche par les enseignants aux étudiants Conclusion D aucuns s étonnent du discours des compétences et de qualité à l école. Celui-ci la conduirait à parler le langage de l entreprise dans un contexte de mondialisation et de marchandisation du savoir. Dans ce contexte, le directeur deviendrait-il un chef d entreprise?? Les qualités pédagogiques du Directeur d établissement sont supposées pré-acquises durant son expérience en tant qu enseignant. Si un directeur d établissement scolaire devait être recruté en dehors de ce profil de base, une formation psychopédagogique approfondie (théorique et de terrain) serait à ajouter au profil compétences défini. Notre objectif est de maintenir un service public au service des citoyens. La qualité de ce service est selon nous une condition sine qua non de vie. Dans ce contexte, le rôle managérial doit être défini, professionnalisé. Le directeur doit faire preuve d un leadership novateur et mobilisateur pour améliorer la qualité, c est à dire la réponse aux besoins de la société. Le travail réalisé a le mérite de porter la réflexion au cœur même de ses actions et responsabilités. Gérard Reynders, Coordonnateur, CEntre de COordination TEchnique et PÉdagogique Bibliographie Aubret, J., Gilbert, P., & Pigeyre, F. (2002). Management des compétences. Paris : Dunod. 9