La surveillance des infections nosocomiales. Que peut-on, que doit-on surveiller?

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Transcription:

La surveillance des infections nosocomiales Que peut-on, que doit-on surveiller?

Pourquoi cette question??? la surveillance des infections = suivi dans le temps de la fréquence d'une infection pour évaluer le niveau de risque et l'efficacité des mesures de prévention Implique Que la prévention soit possible Que l évaluation soit assez précise pour Évaluer correctement le risque Repérer des variations «qui aient du sens» (= non dues au hasard)

La prévention est-elle possible?? Oui si L infection est causée ou favorisée par la prise en charge du patient Souvent le cas pour les infections nosocomiales Mais parfois facteurs de terrain prédominants+++, lien avec les soins plus faibles Candidoses cutanées chez les diabétiques ISO après chirurgie septique majeure en urgence L infection est contractée pendant le séjour dans le service qui surveille Contre exemple : surveillance des ISO en SSR

L évaluation est-elle suffisamment précise?? Problème de l intervalle de confiance.. En pratique, quand on constate que x% des malades sont infectés On sait que le «vrai» % d infectés se situe en fait dans une fourchette autour de x% La fourchette est d autant plus grande (= moins précise) que Le % de patients infectés est petit Le nombre de patients surveillés est petit

L intervalle de confiance 1ère observation : 8 personnes, 2 hommes : 25% Intervalle de confiance à 95%= [4-64%] 4% 64% 25% 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 2ème observation : 8 personnes, 4 hommes : 50% Intervalle de confiance à 95%= [17-82%] 17% 82% 50% 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Quand surveiller ou ne pas surveiller? NON : si patients «exposés» peu nombreux Exemple : unité de surveillance continue, environ 10 CVC par trimestre Trimestre 1 : 10 CVC, 1 infection : 10% [1-46%] Trimestre 2 : 12 CVC, 0 infection : 0% [0-30%] Trimestre 3 : 11 CVC, 2 infections : 18% [3-52%] Trimestre 4 : 10 CVC, 0 infections : 0% [0-34] 60% 50% 40% 30% 20% Taux d infections similaire d un trimestre à l autre La surveillance ne permet aucune conclusion 10% 0% trimestre 1 trimestre 2 trimestre 3 trimestre 4

Quand surveiller ou ne pas surveiller? OUI : si patients exposés plus nombreux Exemple : unité de surveillance continue, environ 100 CVC par trimestre, même fréquence des infections Trimestre 1 : 100 CVC, 10 infection : 10% [5-18%] Trimestre 2 : 120 CVC, 0 infection : 0% [0-4%] Trimestre 3 : 110 CVC, 20 infections : 18% [12-27%] Trimestre 4 : 100 CVC, 0 infections : 0% [0-5] 30% 25% 20% 15% Taux d infection - 2ème trimestre < 1er - 3ème trimestre > 2ème - 4ème trimestre < 3ème 10% 5% 0% trimestre 1 trimestre 2 trimestre 3 trimestre 4

Quand surveiller ou ne pas surveiller? NON, si les infections sont très rares Exemple : prothèse totale de hanche Semestre 1 : 230 PTH, 1 ISO = 0,4% [0-2,8%] Semestre 2 : 258 PTH, 3 ISO = 1,2% [0,3-3,6%] 4,00% 3,50% 3,00% 2,50% 2,00% Pas de différence significative entre les 2 semestres 1,50% 1,00% 0,50% 0,00% semestre 1 semestre 2

Quand surveiller ou ne pas surveiller? OUI : si les infections sont fréquentes Exemple : chirurgie colo-rectale Semestre 1 : 230 interventions, 16 ISO = 7,0% [4,2-11,3%] Semestre 2 : 258 interventions, 54 ISO = 20,9% [16,2-26,5%] 30,00% 25,00% 20,00% différence significative entre les 2 semestres 15,00% 10,00% 5,00% 0,00% semestre 1 semestre 2

Quand surveiller ou ne pas surveiller? NON : quand la méthode de repérage des infections change Ex: surveillance des colonisations sur CVC 30% 25% 20% 15% 10% 5% 4ème trimestre : Plus d envoi des extrémités de CVC en bactério (pb de coût) -> baisse du taux d infection ininterprétable 0% trimestre 1 trimestre 2 trimestre 3 trimestre 4

Quand surveiller ou ne pas surveiller? OUI : quand la méthode de diagnostic des infections est toujours la même Ex: validation des ISO par le même chirurgien, à partir des mêmes critères de définition 30,00% 25,00% 20,00% différence significative entre les 2 semestres 15,00% 10,00% 5,00% 0,00% semestre 1 semestre 2

Quand surveiller ou ne pas surveiller? Probablement NON : si les infections surviennent après la sortie Ex : infections urinaires après accouchement par voie basse Charge de travail +++ pour recueil de données, sinon perte d info

En pratique Surveiller quand il y a une obligation SURVISO Ou une forte recommandation Réanimation Sinon, vérifier L infection est-elle contractée dans le service surveillé? Y a t il des mesures de prévention connues? Y aura t il suffisamment de patients et d infections pour avoir des résultats interprétables? Aura t on les moyens (économiques, en personnel,;..) de surveiller de façon stable dans le temps? Si doute, faire une étude pilote sur 3 mois (permettra d argumenter la poursuite, ou l arrêt)

Que faire si on ne peut pas surveiller? Deux approches, pouvant être associées Enquêter Devant les cas rares Ex : ISO sur PTH, bactériémie sur KT périphérique, Analyser le cas en détail pour comprendre le mécanisme de l infection = approche «qualitative», approche par «problème» Auditer Approche par «processus» plutôt que par «résultat» Hypothèse : si la pratique est bonne, le résultat sera bon (absence d IN) même si on ne peut pas le vérifier Ex : évaluer la préparation cutanée de l opéré, ou l antibioprophylaxie en orthopédie propre

Conclusion Malgré les incitations, les indicateurs, etc la surveillance est une méthode complexe, consommatrice de temps et de moyen À réserver aux cas où elle apporte un «+» C est une méthode de lutte contre les IN parmi d autres Penser à utiliser la méthode adaptée à chaque situation Mieux vaut pas de surveillance qu une mauvaise surveillance!