Jurisprudence Actualités DROIT DU TRAVAIL



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Jurisprudence Actualités DROIT DU TRAVAIL Ø FORFAIT- JOURS : La vérification de la charge de travail du salarié est soumise à l entière responsabilité de l employeur. Doit être annulée une convention individuelle de forfaits en jours conclue sur la base de dispositions conventionnelles déchargeant l employeur du suivi régulier de l amplitude et la charge de travail et laissant au salarié le soin d organiser son travail dans le cadre des limites quotidiennes prévues (Cass. soc., 11 juin 2014, n 11-20.985 F-PB). Dans cette affaire, la répartition quotidienne et hebdomadaire du travail incombait exclusivement au salarié, sans contrôle régulier imposé à l employeur par l accord collectif. La Cour de cassation décide en conséquence, d annuler la convention de forfait conclue sur la base de dispositions conventionnelles (accord de branche et accord d entreprise) qui prévoyaient seulement, s agissant de l amplitude des journées de travail et de la charge de travail qui en résulte, «qu il appartient aux salariés de tenir compte des limites journalières et hebdomadaires et d organiser leurs actions dans ce cadre et en cas de circonstances particulières d en référer à leur hiérarchie de rattachement». Autrement dit, l employeur doit s assurer que la durée du travail et la charge de travail restent raisonnables. L accord collectif doit confier cette responsabilité au seul employeur et non au salarié. Le contrôle de la charge de travail peut être réalisé sous plusieurs formes, par exemple : l établissement par l employeur d un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos du salarié en forfait- jours ; le suivi régulier de l organisation du travail et de la charge du salarié par le supérieur hiérarchique. En tout état de cause, l employeur ne peut attendre que le salarié lui signale un dépassement excessif de l amplitude des journées travaillées pour apporter les correctifs nécessaires. La vérification de la charge de travail implique, sur initiative de l employeur, un contrôle régulier tout au long de l année. Ø RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL : Validité d une rupture conventionnelle signée par un salarié déclaré apte avec réserves En absence de vice de consentement ou de fraude de l employeur, une rupture conventionnelle peut être conclue avec un salarié déclaré apte avec réserves (Cass. soc., 28 mai 2014, n 12-28082 FS-PB). A l'issue d'un second examen médical, une salariée victime d'un accident du travail est déclarée apte avec réserves à la reprise du travail. Deux mois plus tard, elle conclut avec l'employeur une convention de rupture homologuée par l'administration. 1

Estimant que l'employeur avait, en réalité, voulu éluder les dispositions de l'article L 1226-8 du Code du travail relatives à la réintégration d'un salarié apte (retour dans son emploi ou dans un emploi équivalent avec maintien de sa rémunération), la salariée saisit le Conseil de prud'hommes pour contester la validité de la rupture conventionnelle. Elle invoque à cet effet la fraude de l'employeur. Sa demande est rejetée par la cour d'appel dont la décision est confirmée par la Cour de cassation. A défaut pour la salariée d'avoir prouvé la fraude de l'employeur, et dès lors qu'elle n'invoquait aucun vice du consentement, la rupture conventionnelle était valable. DROIT DE LA SECURITE SOCIALE Ø RECRIT SOCIAL : En cas de contestation de redressement URSSAF, la demande de rescrit social qui concerne l objet d un litige en cours est irrecevable Selon l article L. 243-6-3, alinéa 2, du Code de la sécurité sociale, la demande du cotisant ou futur cotisant ayant pour objet de connaître l application à sa situation des règles d assiette et de paiement, mentionnées au précédent alinéa du même texte, ne peut être formulée lorsqu un contrôle portant sur les mêmes bases de cotisations de sécurité sociale a été engagé. Ces dispositions s appliquent lorsque le contrôle a donné lieu à un redressement et que celuici fait l objet d un recours pendant devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale. Dès lors qu elle concernait l objet du litige encore en cours entre les parties, la demande de rescrit formulée par la société n était donc pas recevable (Cass. soc., 2 e civ., 28 mai 2014, n 13-16.915 F-PB) Les faits sont les suivants : 1) une société fait l objet d un contrôle URSSAF portant notamment, sur les avantages en nature accordés sous la forme de la fourniture de produits à titre gratuit ou à prix réduit et sur l utilisation personnelle d un véhicule professionnel, contrôle qui a donné lieu à une lettre d observations reçue le 4 septembre 2007 ; 2) suite à la notification de la mise en demeure de l URSSAF, la société saisit la Commission de Recours Amiable de l organisme qui, par décision du 20 mars 2008, convertit le redressement, au titre des avantages sur les produits de l entreprise, en observations pour l avenir et confirme le redressement pour l utilisation personnelle des véhicules professionnels ; 3) la société saisit le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale dans les deux mois suivant la décision de la Commission de Recours Amiable ; 4) alors que le Tribunal ne s est pas encore prononcé, la société va adresser, le 24 novembre 2008, une demande de rescrit à l URSSAF relative à l application des règles d assiette portant sur la fourniture à titre gratuit ou à prix réduit des produits de l entreprise aux salariés et sur l utilisation privative d un véhicule professionnel ; 5) par décision en date du 6 juillet 2010, le Tribunal rejettera le recours de la Société. Ce jugement sera confirmé par la Cour d Appel, puis par la Cour de cassation. Il ressort de la décision de la Cour de cassation que la demande de rescrit est irrecevable pour les raisons suivantes : 2

D une part, la législation prévoit expressément que la demande du cotisant ne peut être formulée lorsqu un contrôle est engagé (CSS, art. L. 243-6-3, al. 2) ; D autre part, cette règle continue à s appliquer pendant toute la durée du recours contentieux formé à l encontre de la décision de redressement suite à contrôle, dès lors que le rescrit porte sur le même objet. Ø CONTROLE DES EMPLOYEURS PAR LES URSSAF : L information sur la possibilité pour le cotisant de se faire assister du conseil de son choix constitue une formalité substantielle (voir article : la possibilité d être assisté par un avocat en cas de contrôle de l URSSAF) La Cour de cassation s est à nouveau prononcée sur l omission d information sur la faculté pour le cotisant de se faire assister du conseil de son choix pendant les opérations de contrôle effectuées par l inspecteur du recouvrement. La procédure de contrôle est précisée à l article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale. Ce texte impose aux URSSAF d indiquer expressément la possibilité pour l employeur (ou du travailleur indépendant) de se faire assister du conseil de son choix pendant la procédure de contrôle. Il est fait mention de ce droit : - dans l avis de passage qui permet au cotisant de prendre connaissance de la date du début du contrôle ; - et dans la lettre d observations adressée par l inspecteur du recouvrement à l issue du contrôle. Ainsi, l alinéa 2 de l article R.243-59 précise que : «l employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l avis prévu à l alinéa précédent (avis de passage)». Quant à l alinéa 5 du même article, il est indiqué que : «Il (l inspecteur)indique également au cotisant qu il dispose d un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d un conseil de son choix». Cette faculté offerte à l employeur ou au travailleur indépendant est aussi reprise dans la charte du cotisant contrôlé du 1 er janvier 2014 (en ligne sur le site internet des URSSAF, pages 8 et 16). Si ce droit d assistance est clairement indiqué dans les différents textes susvisés ; en revanche, aucune disposition ne précise les conséquences de l omission de cette information. Reprenant sa jurisprudence du 10 octobre 2013, la Cour de cassation a réaffirmé que la mention dans la lettre d observations de la faculté pour le cotisant de se faire assister par un conseil de son choix, destinée à garantir l exercice des droits de la défense, constitue une formalité substantielle dont dépend la validité de la procédure de contrôle ( Cass. 2 e civ. 3 avril 2014, n 13-11.516 F-PB - dans le même sens, Cass. 2 e civ., 10 oct. 2013, n 12-26.586). Autrement dit, une telle omission entraîne l annulation du redressement. Il appartient alors à l URSSAF de reprendre toutes les opérations de contrôle dans le respect de la prescription. A notre sens, la même sanction devrait trouver à s appliquer à l avis de passage. C est d ailleurs ce qui semble ressortir implicitement d une décision dans laquelle la Cour de cassation a décidé que l avis de passage doit, à peine d annulation du contrôle, informer le cotisant de la date de la première visite de l inspecteur du recouvrement afin, notamment, de lui permettre d être assisté du conseil de son choix (Cass. 2 e civ., 25 avril 2013, n 12-30049 F-PB). 3

La demande par l inspecteur du recouvrement de pièces complémentaires avant l envoi de sa lettre d observations ne constitue pas une violation du principe du contradictoire L inspecteur du recouvrement, à qui l employeur n a pas présenté les justificatifs nécessaires pour permettre le contrôle, peut solliciter de celui- ci, avant l envoi de la lettre d observations, la production de documents supplémentaires (Cass. 2 e civ., 13 février 2014, n 13-14.132, F- P+B). Les circonstances du litige sont les suivantes. À la suite d un contrôle, une URSSAF avait redressé une entreprise puis notifié une mise en demeure contestée devant la juridiction de sécurité sociale. Quel est l objet de ce recours? Lors de sa dernière visite sur place, l inspecteur du recouvrement avait demandé à la société de lui faire parvenir des documents complémentaires et avait renouvelé cette demande par courrier, avant l envoi de la lettre d observations, en précisant qu à défaut de production desdits documents, les sommes visées dans le contrôle seraient taxées par l URSSAF (taxation forfaitaire) Au soutien de son recours, la société avait soutenu : que les documents en cause auraient dû être demandés par l inspecteur lors du déroulement du contrôle pour permettre un examen contradictoire, qu il y a, par suite, violation du principe du contradictoire. Or, selon l'article R 243-59, alinéa 3 du Code de la sécurité sociale, les employeurs sont tenus de présenter aux agents de contrôle tout document qui leur est demandé comme nécessaire au contrôle. Sur le fondement de ce texte, la Cour de Cassation remet en cause la position des juges du fond en estimant que cette demande de documents complémentaires ne constitue pas une violation du principe du contradictoire. En effet, si la société avait fourni les documents demandés, l'inspecteur en aurait fait état dans sa lettre d'observations comme le lui impose l'article R 243-59, alinéa 5 du Code de la sécurité sociale et la société aurait donc pu présenter ses observations en réponse. Ø CONTRÔLE DES ENTREPRISES À ÉTABLISSEMENTS MULTIPLES - VERSEMENT EN UN LIEU UNIQUE (VLU): Par dérogation au principe selon lequel chaque établissement cotise auprès de l'urssaf dans la circonscription de laquelle il est implanté, les entreprises à établissements multiples peuvent, sous certaines conditions, cotiser en un lieu unique. Ainsi : - les entreprises de plus de 2 000 salariés doivent obligatoirement verser les cotisations dues par l'ensemble de leurs établissements à leur URSSAF-interlocuteur unique (CSS art. R 243-6) ; - les autres entreprises peuvent, elles aussi, verser l'ensemble de leurs cotisations à une seule URSSAF, dite URSSAF de liaison, en optant, sur autorisation de l'acoss, pour le versement en un lieu unique (CSS art. R 243-8 et arrêté du 15 juillet 1975). 4

Dans deux décisions rendues le 3 avril 2014, la Cour de cassation se prononce sur les conséquences en matière de contrôle URSSAF, du versement en un lieu unique par une entreprise à établissement multiples. L employeur doit recevoir les inspecteurs du recouvrement dans tous les établissements. Le protocole de versement de l'ensemble des cotisations de sécurité sociale d'une société en un lieu unique ne dispense pas l'employeur de l'obligation de recevoir les agents de contrôle dans tous ses établissements (Cass. 2 e civ., 3 avril 2014 n 13-16021 F-PB). Une société située à Chatou avait été autorisée, au terme d'un protocole conclu avec l'acoss, à centraliser le règlement de l'ensemble de ses cotisations auprès de l'urssaf de Perpignan. Une filiale de la société, dont le siège était situé à Colmar, avait adhéré à ce protocole. Par la suite, des opérations de contrôle diligentées par l'urssaf de liaison s'étaient déroulées au siège de cette filiale. La Cour d'appel avait annulé le redressement subséquent en retenant que l'urssaf de liaison n'était compétente que pour effectuer des opérations de contrôle sur le site de Chatou. La Cour de cassation censure ce raisonnement et décide que le protocole de versement des cotisations en un lieu unique ne dispense pas l'employeur de recevoir les inspecteurs du recouvrement dans tous ses établissements. Autrement dit, en cas de versement des cotisations en un lieu unique, les inspecteurs de l'urssaf de liaison ont le pouvoir de procéder à des opérations de contrôle dans chaque établissement ou entité juridique couvert par le protocole ou ses avenants. Cette solution est, transposable aux entreprises de plus de 2 000 salariés relevant du dispositif d'urssaf-interlocuteur unique. La Cour de cassation poursuit ainsi sa construction jurisprudentielle sur la question de l'incidence du versement des cotisations en un lieu unique sur la procédure de contrôle. Elle avait en effet déjà décidé que l'urssaf désignée comme URSSAF de liaison a, dès la date d'effet du protocole conclu entre l'entreprise et l'acoss, le pouvoir de contrôler les établissements concernés, y compris pour les périodes antérieures à cette date (Cass. 2 e civ. 21 février 2008 n 07-11.963). En cas de transfert du compte cotisations de l entreprise contrôlée, l ancienne URSSAF, initiatrice du contrôle peut poursuivre le recouvrement et le contentieux. Une URSSAF qui initie un contrôle d une société reste compétente en matière de recouvrement et de contentieux malgré le transfert de la gestion du compte «Cotisations» de l entreprise contrôlée vers une nouvelle URSSAF de liaison ou interlocuteur unique (Cass. 2 civ., 3 avril 2014, n 13-16663 F-PB) Dans cette affaire, un employeur sollicitait l annulation d un contrôle opéré par l URSSAF du Loiret en 2006 et de sa mise en demeure qui lui a été notifiée en 2008 correspondant aux chefs de redressement consécutifs à ce contrôle alors que l URSSAF du Rhône avait été désignée, en 2007, en qualité d interlocuteur unique. A l appui de sa contestation, la société invoquait l incompétence de l URSSAF du Loiret qui avait ouvert les opérations de contrôle et notifié la mise en demeure dans la mesure où cette URSSAF n avait pas la qualité d interlocuteur unique au moment de la notification de la mise en demeure. 5

Cet argument n a pas été retenu par la Cour de cassation. Pour elle, lorsque l ACOSS désigne une nouvelle URSSAF de liaison en remplacement de la précédente, cette dernière peut poursuivre le recouvrement contentieux des cotisations contrôlées si elle a initié le contrôle et si celui- ci est en cours au moment du transfert de gestion. Cette solution s'applique aussi bien aux entreprises d'au plus 2 000 salariés réglant leurs cotisations en un lieu unique qu'à celles de plus de 2 000 salariés soumises à l'obligation de verser les cotisations afférentes à chacun de leurs établissements à leur URSSAF-interlocuteur unique Ø COMMISSION DE RECOURS AMIABLE : la saisine de la Commission ne suspend pas le délai de prescription de l action en recouvrement des cotisations La saisine de la Commission de recours amiable ne suspend pas le délai de prescription de l action en recouvrement des cotisations (Cass. 2 e civ.3 avril 2014, n 13-15136 F-PB). Les faits sont les suivants : 1) la société fait l objet d un contrôle URSSAF portant sur l année 1998 ; 2) au titre des sommes redressées suite aux opérations de contrôle, une mise en demeure sera émise par l URSSAF, le 1 er février 2001, qui sera notifiée à la société le 6 mars 2001 ; 3) la société saisit la Commission de Recours Amiable contestant le redressement. Cette Commission rendra sa décision le 15 décembre 2005 confirmant le redressement, décision qui ne sera finalement notifiée à la société que le 10 avril 2006 suivant ; 4) la société saisira ensuite la juridiction de sécurité sociale pour voir déclarer prescrite l action en recouvrement de l URSSAF au titre des cotisations pour l année 1998. 5) La Cour d appel rejettera l exception de prescription soulevée par la société après avoir relevé : - d'une part, que la mise en demeure de l'urssaf ayant été reçue le 6 mars 2001 par la société, le délai de prescription quinquennale de l'action en recouvrement des cotisations, objet de ce courrier, expirait le 6 avril 2006, - d'autre part, que la décision de la Commission de Recours Amiable intervenue le 15 décembre 2005 avait été notifiée le 10 avril 2006. Pour écarter la demande de la société, la Cour d appel retiendra que l'urssaf a été dans l'impossibilité absolue d'agir avant le 6 avril 2006, la saisine de la Commission de Recours Amiable lui interdisant de poursuivre le recouvrement en émettant une contrainte qui ne peut être délivrée que si la mise en demeure n'est pas contestée ou en réclamant un titre devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale qui ne peut être saisi qu'après la décision de cette Commission. La décision des juges du fond sera cassée par la Cour de cassation. Le mérite de cette décision rendue par la Chambre civile, le 3 avril 2014, est de rappeler les non seulement les règles de prescription applicables mais encore les possibilités offertes à l URSSAF pour procéder au recouvrement de ses cotisations. Toute action ou poursuite de l'urssaf est précédée d'une mise en demeure invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois (CSS art. L 244-2). L action civile en recouvrement se prescrit par 5 ans à compter de l expiration du délai d un mois imparti au cotisant par la mise en demeure pour régulariser sa situation (CSS art. L 244-6

11), ce recouvrement pouvant prendre la forme de la délivrance d'une contrainte ou d'une action devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. Contrairement aux énonciations de l'arrêt de la Cour d'appel, si la société débitrice conteste la mise en demeure devant la Commission de Recours Amiable, rien n'impose à l'urssaf d'attendre que celle-ci se soit prononcée pour engager l'action en recouvrement des cotisations. En tout état de cause, l URSSAF ne pouvait pas, dans le présent litige, délivrer une contrainte postérieurement au 6 avril 2006 : - puisque les cotisations en cause étaient effectivement prescrites, - et que le recours amiable ne constitue pas en soi, une cause de suspension de la prescription de l action civile en recouvrement. 7