Séparer techniquement le contenu fonctionnel d une page (ce qu elle permet de faire) avec sa présentation (la façon dont on le fait), c est tout



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Transcription:

PRÉFACE Quand je raconte à mes amis, en général peu portés sur les techniques informatiques, que je travaille dans un domaine où il s agit entre autres de permettre aux non-voyants d accéder au Web, ils réagissent souvent avec étonnement et un peu d incrédulité, comme si je disais que j étudie la télé-kinésie ou la transmission de pensée. Pour eux, cette problématique ressemble fortement à de la magie. Pourtant, permettre aux personnes handicapées d accéder à l information de façon autonome est un des progrès notables de la science de la fin du XX e siècle. La combinaison de technologies telles que la synthèse de la parole à partir de données textuelles, ou le suivi des mouvements de l œil pour guider un curseur à l écran, et de l avènement du Web en tant que source inépuisable de données, rend aujourd hui possibles des pratiques qui semblaient encore du domaine du rêve pour bien des individus il y a une vingtaine d années. Il faut cependant être très vigilant et se rappeler que ce rêve est loin d être complètement réalisé, et que la numérisation massive de la société couplée au conservatisme de certains fournisseurs de contenus font que bien des problèmes subsistent, ou apparaissent régulièrement dans ce domaine. Ce conservatisme est principalement issu des habitudes prises dans le domaine de l édition et de l utilisation de médias de type magazine ou télévision, qui poussent les auteurs (au sens large) à vouloir continuer à s approprier à la fois la teneur sémantique de leurs contenus, ce qui est tout a fait normal, et la présentation qui peut en être faite. En effet, la nouvelle dynamique de séparation contenu/présentation, introduite massivement par le Web, n est pas encore bien «rentrée» dans les esprits et il est donc nécessaire de rappeler son intérêt non seulement pour les personnes handicapées mais aussi pour le plus grand nombre. V

Séparer techniquement le contenu fonctionnel d une page (ce qu elle permet de faire) avec sa présentation (la façon dont on le fait), c est tout simplement permettre aux utilisateurs désireux ou dans l obligation de le faire de substituer au design original une présentation plus adaptée à leurs besoins. Et c est ce changement, ressenti comme une «perte de contrôle» par certains, qui fait peur. Plusieurs types de facteurs entrent pourtant en jeu quand on examine les raisons qui poussent les auteurs à suivre une méthodologie de design plus accessible : des facteurs sociaux et éthiques, qui décrivent les avantages directs pour les handicapés, leur intégration dans la société, ainsi que les avantages indirects pour d autres groupes d utilisateurs, par exemple dans le cas du nomadisme (e.g. i-mode ou wap) ou de travail en milieu hostile (e.g. bruyant sur un chantier) ; des facteurs techniques, qui influent sur le temps de développement, la compréhension de ce nouveau mode de design, sa mise en œuvre avec les outils d aujourd hui, l entretien des sites Web, et qui montrent que l utilisation de techniques appropriées est plus performante dans la durée ; des facteurs économiques, qui décrivent les dépenses typiques en valeur absolue ou en pourcentage du coût total de développement, et les retours sur investissements associés à la mise en application de sites Web accessibles, comme avec l augmentation du trafic et la satisfaction des clients qui reviennent volontiers sur des sites perçus comme à la fois faciles et agréables d utilisation ; des facteurs politiques, qui prennent en compte les conditions légales ou politiques qui peuvent s appliquer à certaines organisations dans certains pays, un domaine très actif de nos jours en France et en Europe. Chaque organisation doit comprendre ce qui la motive pour franchir ce pas : est-elle sujette aux conditions légales ou de politique des services d information accessibles? Va-t-elle le devenir dans un avenir proche, directement ou indirectement (pour pouvoir vendre ses services ou ses produits aux gouvernements par exemple)? Essaie-t-elle d améliorer l accès à ses biens et les services pour ses clients existants? D élargir son marché? (notre population vieillit, et VI

l âge est souvent synonyme de multihandicap mineurs : acuité visuelle et attention réduites, difficulté de mouvement précis de la main, etc.). Mais surtout, quel que soit le champ d action de l entreprise qui souhaite être présente sur le Web, la question la plus importante est la suivante : veut-elle se positionner comme une organisation socialement responsable? Si vous avez décidé d acheter ou de lire ce livre, c est sans doute que les raisons qui poussent le W3C à donner un meilleur accès à l information aux personnes qui n ont pas le même mode de communication que la majorité ne vous sont pas étrangères, et je vous souhaite donc d y trouver les moyens de mettre en œuvre vos choix. Daniel Dardailler Directeur W3C Europe Instigateur de l Initiative d Accessibilité au Web (WAI). VII

INTRODUCTION Pourquoi ce livre sur l accessibilité? Comme souvent grâce à une rencontre Une rencontre entre notre agence, IlliSite 1, et la FISAF (Fédération nationale pour l insertion des personnes sourdes et des personnes aveugles en France). Premières prises de conscience et premières interrogations sur les problématiques des personnes handicapées dans leur quotidien sur le Web. Suite à un constat aussi : le manque flagrant d information sur le sujet. En effet, s il existe aujourd hui sur Internet une quantité importante d information concernant l accessibilité, celle-ci est le plus souvent morcelée ou incomplète et généralement difficile d accès en raison de la barrière des langues (la plupart des textes sont en anglais). Tel site traite de l aspect technique, l autre aborde uniquement le cadre légal et se contente d ailleurs d un ou de deux pays pour servir son propos L objectif de ce livre est donc de synthétiser la connaissance en français sur ce sujet afin d apporter une vision d ensemble de la problématique de l accessibilité aux nouvelles technologies. Il doit aussi nous permettre de transmettre notre connaissance en la matière, acquise depuis plus de trois ans en agence. Connaissance à la fois théorique, technique et pratique. Pour autant, ce livre n a pas vocation à être exhaustif. Au contraire, nous l avons voulu court, facile à lire, clair et didactique. Nous avons mis de côté tout ce qui n est pas strictement essentiel. Particulièrement destiné aux responsables de sites de service public et para public, ce livre s adresse aussi aux techniciens Webmasters et Web agencies sensibles à l intégration des personnes handicapées. Il intéressera aussi les professionnels du secteur du handicap et du social, les responsables des politiques d intégration des personnes 1. Agence Internet spécialisée dans la création de sites web accessibles aux personnes handicapées. 5

subissant un handicap ainsi que les responsables d entreprises privées souhaitant élargir le champ de leur clientèle sur le Net. L accessibilité : du réel au virtuel C est presque une banalité de le dire mais, aujourd hui, le Web a concrètement pris place dans nos vies quotidiennes et nous donne accès à une panoplie de renseignements, d outils et de services dont nous aurions du mal à nous passer. Plus de 630 millions de personnes à travers le monde utilisent Internet pour des besoins quotidiens 2. De leur côté, l État et les administrations sont largement présents sur la toile et permettent aux citoyens d avoir accès à de nombreux services et informations. Mais, pour que cette information soit utilisable facilement par tous, les sites Internet se doivent de respecter certaines règles de construction et nous parlerons alors d accessibilité du site Web. L accessibilité est, en France, une obligation nationale régie par la loi de 1975 3, plus connue sous le nom de loi d orientation en faveur des personnes handicapées. En pratique, il faudra attendre 1991 pour voir apparaître le premier texte législatif exclusivement consacré à l accessibilité et fixant un cadre précis (loi 91-663 du 13 juillet 1991). À cette période, le principe d accessibilité concerne les bâtiments, les voiries, les infrastructures et matériels de transports Le Web qui n existe pas encore en France n est évidemment pas concerné. L accessibilité physique aux lieux publics est alors présentée dans ces textes de loi comme une condition fondamentale de l exercice de la liberté et de la citoyenneté. Aujourd hui, il apparaît clairement que l accès à l information présente sur Internet est une condition tout aussi fondamentale de cette liberté. Qu est-ce que l accessibilité d un site Internet? Concernant un site Web, on le donnera comme accessible lorsqu il est possible pour n importe quelle personne d y accéder de façon équivalente, quels que soient : 2. Source : Le Journal du Net, Chiffres clés, juin 2003. 3. Loi n 575-534 du 30 juin 1975. 6

le navigateur utilisé (Netscape, Internet Explorer, Opéra, etc.) ; l interface (utilisation du clavier ou de la souris) ; la plate forme d accès (c est-à-dire le système d exploitation : Windows, Mac OS ou encore Linux, etc.) ; le périphérique d affichage (un écran plat 17 pouces, un ordinateur portable, un téléphone mobile relié au Web, etc.) ; «l aide technique 4» utilisée (une loupe d écran, une plage braille ou une synthèse vocale, etc.). Sur ce dernier point, précisons que ce sont ces aides techniques qui vont permettre aux personnes souffrant d un handicap (déficience sensorielle, motrice, intellectuelle ou cognitive) de compenser celuici afin d avoir accès à l information présente sur le site. Pour donner un exemple pratique, une personne malvoyante pourra utiliser un «logiciel loupe d écran» (aide technique) afin de grossir la taille des pages qu elle parcourt et ainsi lire correctement son contenu. Une première question, sans doute la plus vaste et à laquelle ce livre n a pas la prétention de répondre, est celle de l accès même à l outil Internet. Internet n est pas, par nature, un outil facilement accessible. Il nécessite un médium coûteux et encombrant, l ordinateur, et toute une catégorie de logiciels et de périphériques pour en jouir pleinement (à commencer par un modem, une imprimante, etc.). Il implique une certaine pratique et un apprentissage, même si celui-ci semble réduit pour la plupart d entre nous. Il impose enfin de savoir gérer et surtout hiérarchiser la masse d information, qui est considérable, et ne cesse de croître. Avant d être accessible à tous, Internet est surtout un outil technique qui requiert un certain niveau culturel, intellectuel et financier. 4. La classification internationale des aides techniques pour personnes handicapées (ISO 9999 de 1995) définit les aides techniques comme «tout produit, instrument, équipement ou système technique utilisé par une personne handicapée, fabriqué spécialement ou existant sur le marché, destiné à prévenir, compenser, soulager ou neutraliser la déficience, l incapacité ou le handicap». 7

La première chose à faire pour rendre Internet plus accessible consiste donc à en démocratiser l accès. La «fracture numérique» est bien réelle et, parmi les véritables handicapés de notre société moderne, il ne faut pas compter que les non-voyants, malentendants ou déficients moteurs Il y a aussi l ensemble de ceux qui sont privés de l accès à l information, car trop coûteuse ou trop complexe. Un site accessible est accessible à tous, personne handicapée ou non! Il convient de bien comprendre que notre définition de l accessibilité ne se réduit pas à la notion de handicap. Nullement besoin d être handicapé pour se retrouver bloqué devant un site nécessitant la dernière version de tel ou tel navigateur, l utilisation de telle ou telle technologie spécifique ou du Plug-in X ou Y Le principe de l accessibilité du Web doit être ici compris comme un des piliers d une société plus égalitaire, fondée sur le partage de l information, des savoirs et des connaissances. L Internet est aujourd hui une des sources les plus extraordinaires que nous ayons connues pour mutualiser nos savoirs et, 100 ans après l invention du Braille, Internet égalise l accès des voyants et des aveugles à une même information. Pour la première fois, en effet, un non-voyant peut avoir accès à une information produite quotidiennement et lire un grand journal en ligne ou l œuvre de Dumas ou de Proust. C est une véritable révolution dans l histoire de l information! Ainsi, l information, par son format électronique, devient un véritable outil d intégration sociale et culturelle pour les personnes souffrant de handicaps : environ 5 millions de personnes en France, près de 40 millions en Europe 5 et, à l échelle mondiale, pas moins de 500 millions de personnes concernées 6. Aucun outil n avait eu ce potentiel à ce jour. 5. Source : site de l Année européenne des personnes handicapées : http://www.eypd2003.org/eypd/index.jsp 6. Source : site Microsoft accessibilité : http://www.microsoft.com/france/accessibilite/default.asp 8

L accessibilité doit donc être vue comme un moyen d améliorer la vie de tous et pas seulement celle des personnes handicapés. Dans notre vie courante, les bateaux sur les trottoirs permettent aux fauteuils roulants mais aussi aux jeunes mères et à leurs poussettes de passer sans encombre. Dans nos immeubles récents, les ascenseurs permettent aux mêmes fauteuils roulants d atteindre le 6 e ou le 12 e étage, mais ils sont aussi utiles à une personne âgée ou à un jeune skieur qui se serait cassé la jambe aux sports d hiver Il en est de même pour l accessibilité sur le Net : intégrer les minorités, c est s assurer que tous les autres internautes pourront accéder facilement et rapidement à l information que vous mettez à leur disposition. Il convient aussi de voir que le handicap n est pas une situation définitive, ni dans un sens ni dans l autre. Qui peut nous prémunir d un accident invalidant, d une maladie qui nous rend subitement dépendant. Plus simplement, qui peut nous garantir que notre acuité visuelle ou auditive ne va pas faiblir avec l âge? En vieillissant, les risques de développer un handicap se multiplient. À titre d illustration, seuls 10 % des jeunes de moins de 21 ans présentent un handicap. Pour la tranche d âge 55-64 ans, la proportion passe à 36 %, puis à 72 % pour les personnes âgées de plus de 80 ans 7. De même, au cours des dix dernières années, le nombre de personnes handicapées en France a augmenté de 25 %. Cette tendance, qui s explique en grande partie par le vieillissement de la génération du baby-boom, devrait se confirmer au cours des prochaines décennies 8. En un mot comme en deux, nous sommes tous potentiellement en situation de handicap. En exagérant à peine, nous sommes tous des personnes handicapées en devenir! 7. Source : site Microsoft accessibilité : http://www.microsoft.com/france/accessibilite/default.asp 8. Chiffres extraits du site Microsoft accessibilité, rubrique «comprendre les handicaps». 9

Des efforts à entreprendre à tous les niveaux Au-delà des limites financières, un effort considérable est à réaliser sur le plan culturel ou plus prosaïquement des habitudes, qu il s agisse de la diffusion de l accessibilité dans l enseignement, les services publics en général ou le monde des entreprises. Dans l enseignement, on observe que rien (ou presque) n est fait pour permettre aux étudiants gravitant dans l univers du Web d être sensibilisés à la notion d accessibilité. Pas de cours ou de formations pour les étudiants en informatique, les programmeurs, les graphistes, les futurs responsables de sites, etc. Au niveau des pouvoirs publics, on constate deux faits : Premièrement, un retard important dans l équipement des services publics et, plus grave encore, une très faible accessibilité des outils Internet utilisés par les pouvoir publics et mis à la disposition des citoyens. Une étude effectuée à la demande de la DIRE (Délégation interministérielle à la réforme de l État) en septembre-octobre 2001 par l association BrailleNet 9, sur un échantillon de 30 sites publics, montrait que peu de sites publics étaient réellement accessibles et qu aucun des sites ne répondait aux normes de base de l accessibilité numérique. Deuxièmement, une volonté affichée de s attaquer à cette question. La circulaire du premier ministre d octobre 1999, incitant les sites publics à devenir accessibles aux personnes handicapées, en est un signe fort. Le mouvement se poursuit aujourd hui et la révision de la loi de 1975 dont nous parlions plus haut prévoit pour sa part que «l accessibilité de l information numérique publique sera rendue obligatoire». Ces intentions entrent aussi dans la logique de la politique européenne et s inscrivent dans les efforts internationaux, notamment ceux du W3C (World Wide Web Consortium, l organisme régulateur de l Internet mondial), et de son émanation directe, la WAI (Web Accessibility Initiative) ou encore du projet e-europe 2005. 9. http://www.braillenet.org 10

Au niveau de l économie et du commerce enfin, l accessibilité devient un véritable enjeu marketing et commercial sur un marché en pleine expansion et constitue de plus en plus un atout pour les sociétés sensibles à leur image. Accessibilité, mythes et réalités C est en mai 1999 que le W3C (World Wide Web Consortium) 10 met en place la première version des directives pour l accessibilité aux contenus Web (WCAG). Ce document reprend, point par point, les règles à respecter pour rendre son site accessible à tous. C est sur ce document de référence que nous fonderons la majeure partie de nos remarques techniques. Pour la France, l INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique), associé à la WAI, joue un rôle moteur dans cette réflexion. Peu connue du grand public et peu prise en compte par les professionnels du Web, l accessibilité n est pas toujours très bien comprise. Elle génère un certain nombre de mythes et d idées reçues 11, aussi infondés qu ils sont profondément ancrés dans l esprit des utilisateurs, des développeurs et des responsables Web. Rappelons les principaux : «L accessibilité ne sert que peu de personnes, elle est donc inutile» Si l accessibilité est pensée comme une fonction utile uniquement aux personnes handicapées, cela réduit bien évidemment le nombre potentiel d utilisateurs. La réalité : un choix stratégique, utile à tous. Nous l avons déjà dit et nous le montrerons dans cet ouvrage, l accessibilité est utile à tous, handicapés ou non! 10. Le W3C est une instance de régulation internationale, chargée d assurer l évolution du Web, l interopérabilité des systèmes et des technologies utilisés. Il regroupe près de 500 organisations membres originaires de 34 pays. 11. Dans son ouvrage Building Accessible Websites (qui n est pas traduit en français), Jo Clark recense les plus communs, suivi par Liam Quinn ou Kynn Bartlett qui ont eux aussi mis en avant un certain nombre de mythes menant la vie dure à l accessibilité. 11

Comme le souligne en substance Jo Clark : «Si c est la peur des poursuites judiciaires, les incitations du gouvernement ou les critiques des mouvements des Droits de l Homme qui vous poussent à rendre votre site Web plus accessible, vous faites la bonne démarche mais pour la mauvaise raison. Posez-vous plutôt cette question de bon sens : est-il raisonnable d ignorer une partie importante de votre audience potentielle du simple fait qu elle est non voyante, malentendante ou atteinte d une quelconque déficience?» Penser l accessibilité d un site Web dès son origine, c est placer l ergonomie au centre du processus de développement afin que l outil s adapte en permanence aux différentes catégories d utilisateurs. Si votre site est accessible, cela lui permettra en effet d être indépendant de la technologie d accès utilisée (le navigateur, la plate-forme, etc.). L accessibilité d un site Web améliore l accès des personnes handicapées bien sûr, mais aussi de tous les utilisateurs en permettant une meilleure visibilité du site (référencement amélioré par l utilisation des balises alternatives par exemple 12 ) et une meilleure organisation logique et fonctionnelle de l information. La facilité d utilisation de votre site sera donc un des principaux bénéfices de l application des normes WAI. Un intérêt moral et civique. Comme le rappelle l association BrailleNet, «rendre son site accessible c est contribuer à l intégration sociale, culturelle et professionnelle des personnes handicapées». C est pour les sites Web publics une véritable obligation morale de développer une administration en ligne qui ne soit pas fermée aux populations handicapées. Comment réagirait-on si les entrées des administrations françaises étaient systématiquement inaccessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR) circulant en fauteuil roulant? Il n y a donc pas de raison que les «entrées» des cyber-administrations soient différentes. «L accessibilité est difficile à mettre en place» L accessibilité étant très peu connue, même des professionnels du Web, elle tend à effrayer les responsables de projets qui ima- 12. Voir Étape n 3 au sein de la partie Technique de cet ouvrage. 12

ginent tout de suite devoir embaucher un super spécialiste (donc très cher!) pour assurer le «pôle accessibilité» du projet Web. La réalité : des normes simples à intégrer en amont. Les règles de bases de l accessibilité sont très simples à appliquer, notamment si elles sont intégrées en amont au sein du cahier des charges. Tout responsable technique d un site Web maîtrisant normalement le HTML n aura pas de difficulté à assimiler et appliquer les grands concepts qui rendent un site accessible au moins sur les points fondamentaux. Soyons francs, certains aspects de l accessibilité sont effectivement un peu délicats à mettre en place. Mais personne n oblige un développeur à rendre son site Web parfaitement conforme aux règles de la WAI dès le premier jour Et puis, il est toujours possible de faire appel aux Web agency compétentes pour contrôler les points les plus sensibles «Les personnes handicapées ne correspondent pas à mon marché. Ils ne visitent pas mon site» N y a-t-il pas dans cette assertion un paradoxe? On peut toujours penser que l on s adresse à un public que l on connaît par cœur et que celui-ci ne risque pas d évoluer et de s élargir, mais est-ce vraiment faire preuve de réalisme économique? La réalité : augmenter son «potentiel client». Les déficients visuels sont deux fois plus équipés que la moyenne des Français en matériel informatique en raison notamment des subventions accordées par l Agefiph 13 pour l achat de matériel. Ils sont aussi les premiers à s intéresser aux sites Internet sur lesquels ils peuvent naviguer. La mobilité réduite accroît l acte d achat en ligne. La réalité est que, s ils ne visitent pas les sites, c est que ces derniers ne sont justement pas accessibles En outre, choisir l accessibilité, c est faire le choix technique d un référencement optimisé : car un site correctement développé pour être accessible permet une meilleure visibilité auprès des moteurs de recherche lors de l indexation. 13. L Agefiph gère le fonds pour l insertion professionnelle des personnes handicapées. Issue de la loi du 10 juillet 1987, elle a pour objet de favoriser l accès et le maintien dans l emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail. 13

«L accessibilité coûte cher» Nous nous trouvons ici face à ce que nous nommerons «le principe de l ascenseur» : si vous prévoyez de placer un ascenseur dans un immeuble moderne au moment de sa construction, le coût de cet ascenseur sera très relatif par rapport au coût global de construction, simplement parce que l accessibilité a été anticipée. En revanche, si vous décidez de placer cet ascenseur dans un immeuble ancien, il vous faudra casser la structure existante pour que l installation trouve sa place et fonctionne. Cette fois, le coût relatif sera plus élevé. La réalité : La rationnalisation de l investissement web. Si elle n est pas envisagée lors de la création du site, l accessibilité a un coût relatif. Si elle est prévue dès l origine ou bien intégrée à l occasion d une refonte, le coût est quasi nul. Or, comme il s avère que rendre son site accessible à tous, c est augmenter son potentiel de clientèle, le retour sur investissement est immédiat. «Accessibilité rime avec pauvreté graphique» Remarque classique chez les clients sensibles à l image que doit refléter leur site. Elle tient au fait que les premiers sites accessibles étaient ceux des associations liées au monde du handicap et notamment du handicap visuel. Les sites étaient donc essentiellement textuels. L essentiel était de faire passer de l information et non de la présenter de manière obligatoirement esthétique. Rapidement, l amalgame s est donc créé : «site pour personnes handicapées = site textuel». La réalité : l accessibilité n a pas d incidence sur la charte graphique. En effet, l accessibilité est une règle de construction interne à la page (dans la programmation, le code source de la page). Elle n a pas d incidence sur la forme, les couleurs, l aspect graphique et esthétique de la page. Pour un visiteur lambda, il est donc impossible sur le plan graphique de faire la différence entre un site respectant les normes de l accessibilité et un site n en tenant pas compte. «L accessibilité n est pas obligatoire, pourquoi se presser?» Le cadre légal en France n est aujourd hui qu incitatif, mais il tend à devenir de plus en plus contraignant pour les sites de service public. 14

Comme nous le disions précédemment, la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées sera bientôt remaniée et prévoit de rendre obligatoire l accessibilité numérique. À l étranger, il est impératif dans la plupart des cas de rendre les sites de service public relevant de l État accessibles aux personnes handicapées. Prendre un peu d avance avant que la loi n oblige à respecter des calendriers contraignants et intégrer en amont l accessibilité de son site n est donc pas incohérent pour un gestionnaire prévoyant. L objectif de cet ouvrage est double Tout d abord, tordre le coup aux préjugés qui entourent l accessibilité et mettre en avant les multiples avantages qu elle engendre. Comme vous allez le voir en lisant ces pages, l accessibilité repose avant tout sur le respect de normes simples de construction. Elle ne joue aucunement sur l aspect esthétique de la page, elle est peu coûteuse, utile à tous et pas uniquement aux personnes handicapées Elle augmente le potentiel de visiteurs et donc d acheteurs sur les sites marchands. Elle améliore l image citoyenne du site et donc de l organisation ou de l entreprise représentée sur le Net. Ensuite, permettre à l ensemble des responsables de sites Internet, sites publics, sites de sociétés privées, mais aussi et peut-être surtout, sites personnels (qui représentent plus de 80 % de l information mondiale stockée sur Internet), de saisir les règles élémentaires qui permettent de rendre un site accessible à tous. Ce livre est donc structuré en deux temps. Une première partie «théorique» présente les différentes formes de handicaps et les multiples aides techniques existant pour accéder à l information sur Internet. Elle répond aux grandes questions que vous vous posez et que nous rencontrons quotidiennement dans notre travail d agence : «comment un aveugle peut-il se rendre sur Internet pour y lire son contenu?», «qu est ce qu une plage braille, une imprimante noire», «quels sont les avantages de l accessibilité?» Elle traite aussi de la Web Accessibility Intiative, émanation du W3C et de ses grands principes et normes, ainsi que du cadre 15

légal qui l accompagne en France, dans certains pays d Europe et en Amérique du nord. La seconde partie, plus technique et très pratique, vous permettra de tester concrètement l accessibilité de votre site, de bien comprendre et d intégrer les recommandations d accessibilité émanant de la WAI. 16

1 HANDICAPS ET AIDES TECHNIQUES I HANDICAP : UNE RÉALITÉ PLURIELLE Définition générale du handicap Pris au sens large du terme, le handicap est une réalité complexe à mesurer. Comme le rappelle Pierre Mormiche dans son étude effectuée pour l INSEE en octobre 2000 14, à la question «Combien y a-t-il de personnes handicapées en France?», il n y a pas de réponse unique. «La nature, l origine et la gravité des atteintes peuvent être très diverses.» Trois types de handicaps, trois réalités Les déficiences Ce sont les pertes (amputations, scléroses, etc.) ou dysfonctionnements des diverses parties du corps ou du cerveau. Elles résultent en général d une maladie. Une notion voisine plus couramment utilisée est celle d invalidité. Les incapacités Ce sont les difficultés ou impossibilités à réaliser des actes élémentaires comme se tenir debout, s habiller, parler, etc. Elles résultent en général d une ou de plusieurs déficiences. Les désavantages sociaux Ils désignent les difficultés ou impossibilités que rencontre une personne à remplir les rôles sociaux auxquels elle peut aspirer ou que la société attend d elle. 14. MORMICHE P. Le handicap se conjugue au pluriel. INSEE Première, 2000, n 742, Division des enquêtes et études démographiques, Groupe de Projet HID (Handicaps-Incapacités-Dépendances). 19

Un découpage en trois niveaux d expériences donc : le corps, la capacité individuelle face aux activités quotidiennes et la possibilité d exercer des rôles sociaux. Une définition en partie subjective Pour ces trois types de réalités, l atteinte peut être légère ou importante. Il est alors nécessaire de fixer un seuil minimal d atteinte, décision arbitraire, susceptible de points de vue divers. C est pourquoi le nombre de personnes considérées comme handicapées reste extrêmement difficile à déterminer. Néanmoins, en 1999, l INSEE établissait que le nombre de personnes souffrant d un handicap en France s élevait à près de 5 millions. Répartis selon trois types, les pourcentages de la population sont les suivants : déficiences sensorielles : 11,4 % ; déficiences motrices : 13,4 % ; déficiences intellectuelles ou mentales : 6,6 %. Concernant la déficience visuelle Bernard Descargues 15, dans son rapport présenté en juillet 2000 à Madame la ministre de l Emploi et de la Solidarité, va dans le même sens en indiquant que le nombre de personnes aveugles et malvoyantes (déficience sensorielle) est difficile à cerner et à chiffrer de manière précise : «On est contraint d opérer des approximations successives à partir de données établies sur la base d informations croisées.» Comme pour la population handicapée en général, on ne dispose pas de données précises sur le nombre de personnes reconnues déficientes visuelles. Néanmoins, le même rapport permet d apporter quelques chiffres. Au-delà des corrections dues au vieillissement, on estime à environ 10 % de la population française le nombre de personnes connais- 15. DESCARGUES B. : «Rapport à Madame la ministre de l Emploi et de la Solidarité et à Madame la secrétaire d État à la santé et aux handicaps : L accessibilité des nouvelles technologies de l information et de la communication aux personnes aveugles et malvoyantes». 20

sant des difficultés visuelles à des degrés divers. Sur 750 000 naissances chaque année, environ 100 000 personnes ont ou auront un problème de vision. On estime à environ 100 000 la proportion de personnes aveugles dans notre pays. Les malvoyants pour leur part représenteraient plus de 1 million de personnes. Progrès de la médecine : un effet paradoxal Si, aujourd hui, la part de population atteinte de cécité totale est en régression, grâce aux effets bénéfiques des progrès de la médecine (microchirurgie oculaire, laser, etc.), cette dernière concourt aussi à l augmentation du nombre de malvoyants. C est une sorte d effet paradoxal, mais l allongement de la durée de vie est un facteur d accroissement des publics malvoyants. II HANDICAPS ET MODES DE NAVIGATIONS SUR INTERNET Comme nous l avons précisé dans l introduction, la mise à disposition d informations et de services sur Internet représente pour les personnes souffrant d un handicap une véritable révolution. Grâce à des outils spécifiques, les «aides techniques», les personnes handicapées peuvent accéder directement à des informations au format numérique sans avoir besoin de passer comme auparavant par l intermédiaire d une tierce personne. Ce chapitre se propose donc de faire un état des lieux des aides existantes par type de handicap afin de comprendre comment celuici peut être partiellement levé dans le rapport quotidien à la recherche d information sur Internet. Les déficients sensoriels Le handicap sensoriel regroupe quatre catégories de personnes et une multitude de réalités : les personnes malvoyantes ; les personnes non-voyantes ; 21

les personnes sourdes ; les personnes malentendantes. Les personnes malvoyantes Il convient pour certains malvoyants d utiliser des logiciels spécifiques, appelés loupes d écran ou logiciel grossissement d écran, qui leur permettent de personnaliser le contenu du site (changer la taille de la police ou même la police, modifier le contraste texte-fond de la page, etc.). Zoomtext reste aujourd hui encore le plus célèbre de ces logiciels spécifiques. Page de la FISAF à travers le logiciel Zoomtext. 22

Les personnes non-voyantes Les personnes aveugles quant à elles ont deux possibilités pour consulter des pages Web : utiliser un terminal braille (approche tactile) ; utiliser un logiciel de synthèse vocale (approche sonore) ; Ils peuvent aussi utiliser les deux à la fois En braille, deux procédés existent 16. L afficheur braille (appelé aussi : plage braille, barrette braille, écran braille) : la personne aveugle brailliste peut accéder aux informations à l écran par une lecture tactile sur un afficheur braille (barrette munie de picots qui ressortent pour former des caractères braille). Il s agit là d un braille dit «éphémère». L afficheur braille est un écran tactile permettant de lire en braille toutes les informations affichées sur l écran de l ordinateur. Il a essentiellement une fonction de lecture. Il existe en 20, 40, 80 caractères. Il s associe à un équipement informatique sous un clavier AZERTY ou sous un ordinateur portable. Plage braille (crédit photo : http://www.eurobraille.fr). 16. Points de repères, n 2, janvier 2000, Déficience visuelle et emploi, voir chapitre «Les aides techniques». 23

Le bloc-notes : c est un petit appareil indépendant comprenant un afficheur braille, un clavier braille permettant d écrire et de lire en braille et pour certains modèles en sonore (vocal). Il possède une mémoire et est souvent connectable à un ordinateur PC. Le bloc notes offre de nombreuses fonctions : prise de notes et relecture, traitement de texte, agenda, répertoire, émulation du minitel, calculatrice, etc. de manière autonome. Bloc-note braille (crédit photo : http://www.alphabraille.com). L autonomie, la capacité de mémoire, la taille de l afficheur braille et les fonctions offertes seront fonction du modèle choisi. Il est toujours possible d y connecter directement (sans passer par l ordinateur) une imprimante braille (appelée aussi imprimante noire). Ce système dit «embossage» transfère le texte proposé par l ordinateur en informations braille. Les programmes de traduction convertissent en braille le texte numérisé qui peut ensuite être imprimé sur l imprimante en braille (en créant des «bosses» dans le papier pour permettre la lecture tactile). Imprimante braille (crédit : Microsoft accessibilité technologies d assistance). 24

Le système vocal pour sa part se compose de deux parties : la synthèse vocale qui permet d émettre du son ; l éditeur vocal, logiciel d accès à l écran (navigateur, pilote de la synthèse). Il existe : des synthèses vocales externes, boîtier qui se connecte au microordinateur, comme n importe quel périphérique ; des synthèses vocales internes sous forme de logiciel ou de carte que l on insère dans le micro-ordinateur. Les synthèses vocales génèrent des voix de qualité moyenne et sont en voie de disparition au profit des voix logicielles fournies par une carte son présente dans l ordinateur multimédia. Inconvénients de ces aides techniques Notons que ces aides techniques ne sont pas sans poser plusieurs problèmes : le coût : si la synthèse vocale reste accessible financièrement, le coût moyen d un terminal Braille tourne aux alentours de 10 000 O! la complexité et le caractère non intuitif des aides nécessitent un temps d apprentissage important et un niveau intellectuel minimum ; la fatigue liée à leur utilisation. La synthèse vocale par exemple est rapidement exténuante pour l utilisateur du fait de l attention qu elle nécessite pour bien comprendre ce qui est dit et faire la part entre l essentiel et le facultatif. Concernant le coût des aides techniques, leur financement est assuré dans de bonnes conditions en France grâce à l Agefhip (Association pour l insertion professionnelle des personnes handicapées), et ce aussi bien pour les personnes employées dans le secteur privé que pour celles inscrites dans un parcours d insertion professionnelle ou pour les étudiants. Les personnes déficientes auditives (sourdes et malentendantes) Encore une fois la diversité des cas rencontrés pour ce type de handicap sensoriel est ici très grande. Pour les personnes handicapées auditives, on comprendra que la difficulté majeure consiste à ne pas pouvoir entendre les informations véhiculées uniquement par voie sonore (l interview étant l exemple le plus «parlant»). 25

Il n y a pas réellement d aides techniques pour ce type de déficience et il suffit simplement de prévoir une alternative texte aux contenus sonores présents sur le site. Certains produits de reconnaissance vocale ont été adaptés pour convertir le langage parlé en langage des signes ou en langage écrit, ce qui permet aux sourds et aux malentendants d accéder à des informations orales. Avec certains modems connectés entre l ordinateur et le téléphone, une personne (sourde ou entendante) peut par exemple saisir un message sur son ordinateur puis le transmettre via le téléphone à une personne sourde 17. Les personnes handicapées motrices Les personnes souffrant de handicaps moteurs rencontrent plusieurs types de difficultés. L utilisation du clavier, de la souris ou des ascenseurs de défilement sur une page par exemple sont autant de gênes liées à des problèmes de contrôle musculaire, de coordination, de paralysie, ou liées au manque d un des bras, etc. Des outils spécifiques existent là aussi pour pallier ces problèmes. Le clavier virtuel Appelé aussi clavier visuel, il représente à l écran le clavier de l ordinateur afin de pouvoir saisir les informations avec la souris. Exemple de KeyStrokes pour Mac OS 9 et Mac OS X (Crédit photo : http://www.assistiveware.com/keystrokes.php.fr?lang=french). 17. Source Site Microsoft accessibilité. 26

À titre comparatif, la calculette de Windows que tout le monde a déjà utilisée au moins une fois est une sorte de clavier virtuel. Vous pouvez vous en servir sans toucher à votre clavier d ordinateur mais simplement grâce à votre souris. Les écrans tactiles Ils permettent aux personnes souffrant de difficultés d apprentissage d avoir une approche plus intuitive de l informatique que ne le permettent les sélections par le biais de la souris ou du clavier classique. Les dispositifs de saisie alternatifs Ils permettent aux utilisateurs de commander l ordinateur sans passer par le clavier standard : Sur son site Internet dédié à l accessibilité, Microsoft rappelle les principaux dispositifs existants 18 : le clavier alternatif : les touches sont plus grandes ou plus petites que celles des claviers standard afin de s adapter à la problématique de l utilisateur ; le dispositif de pointage électronique : utilisé pour commander le curseur à l écran à l aide d ultrasons, d un faisceau infrarouge, de détecteurs de mouvements oculaires, de signaux nerveux ou encore d ondes cérébrales ; le commutateur par inspirations et expirations : activé par la respiration de l utilisateur ; le crayon-lecteur et la baguette : utilisés pour appuyer sur les touches du clavier (ils sont généralement attachés sur la tête, tenus par la bouche, sanglés au menton) ; la manette : manipulée à l aide des mains, des pieds, du menton, etc., elle est utilisée pour commander le curseur à l écran ; le trackball : boule déplaçable sur une base, qui est utilisée pour déplacer le curseur à l écran. 18. http://www.microsoft.com/france/accessibilite/handicap/moteur/default.asp 27

Les personnes déficientes intellectuelles et cognitives Encore une fois, il existe une multitude de réalités derrière ce type de déficiences. Si il n y a pas, à proprement parler, d aides techniques utilisables pour ces types de handicaps, il reste qu une meilleure ergonomie du site Internet, élément fondamental de l accessibilité, permettra de leur faciliter l utilisation du site et la navigation. Nous avons donc vu qu il existe plusieurs types de handicaps et que pour chacun d entre eux existent des aides techniques, permettant ainsi à chacun d utiliser les outils informatiques et par là même d accéder à Internet. Cependant, pour que l information soit accessible via ces aides techniques, il faut que les concepteurs de cette information aient préalablement formaté le contenu de leurs pages Web pour que celles-ci soient traduisibles pour les personnes souffrant de handicaps. Les sites doivent donc répondre à certaines normes d accessibilité. Schéma d accès à l information sur le Web pour les personnes handicapées. 28

2 LES ORGANISMES ET LE CADRE LÉGAL DE L ACCESSIBILITÉ I W3C ET WAI Le World Wide Web Consortium, organisme régulateur de l Internet mondial 1 Une grande idée derrière un nom barbare! Créé en octobre 1994 par le Laboratoire d informatique du Massachusetts Institute of Technology (MIT) 2, le W3C se présente comme un organisme régulateur de l Internet mondial, dont la doctrine est «Leading the Web to its full potential». «Amener le Web à son plein potentiel», ceci par la mise au point de normes et de protocoles ouverts et libres sur et pour le Net (spécifications, lignes directrices, logiciel et outils, etc.). Regroupant près de 400 membres venant de tous les continents, le W3C est hébergé physiquement par trois pays : aux États-Unis par le Laboratoire d informatique du MIT, au Japon par l Université de Keio et en France par l INRIA (Institut national de recherche en informatique et automatique). La philosophie du W3C est de «mettre les avantages de la technologie Internet à la disposition des individus, quels que soient leurs matériel, logiciel, infrastructure de réseau, langage naturel, culture, emplacement géographique ou capacité physique ou mentale». On retrouve bien à travers cette philosophie une volonté claire et affirmée de rendre Internet accessible à tous. Mais son rôle officiel est plus large. 1. Voir sur cette partie le site de l INRIA : http://www.inria.fr et le site officiel : http://www.w3c.org 2. À l initiative de l inventeur du Web, Tim Berners-Lee. 29

Le consortium W3C s est fixé trois objectifs principaux Rendre le Web accessible à tous en faisant la promotion des technologies qui prennent en compte les différences de culture, d éducation, de capacité, de ressources et de limitations physiques des utilisateurs de tous les continents. Développer un environnement logiciel qui permette à chacun de tirer le meilleur parti des ressources informatiques disponibles sur le réseau. Contribuer au développement du Web en un moyen de communication qui tienne compte des conséquences sociales, légales et commerciales induites par son déploiement. Afin de mettre en application son discours sur un Web accessible et universel, le W3C a mis en place un projet spécifiquement destiné aux personnes souffrant de handicaps : la Web Accessibility Initiative (WAI). La Web Accessibility Initiative (WAI) Ce projet, lancé à l initiative de la Maison Blanche avec le soutien de la NSF 3 et de la Commission européenne, est financé à la fois par l industrie et par divers gouvernements. Le projet WAI coordonne cinq grandes activités qu il veut parallèles et complémentaires 4. Les développements techniques, centrés sur les protocoles du Web (HTML, CSS, DOM, XML, RDF), afin de permettre la compatibilité et l efficacité des langages de programmation. Les guides pour utiliser ces technologies, mis en place pour les créateurs de pages, (les programmeurs et développeurs qui créent les sites Internet) d une part, et pour les vendeurs de logiciels de navigation (Internet Explorer ou Netscape par exemple) et de logiciels de création de pages (des éditeurs automatiques comme Dreamweaver ou Frontpage, etc.), d autre part. Des outils pour analyser et évaluer le degré d accessibilité des pages Web, comprendre quels sont les erreurs et enfin les réparer. L éducation de la communauté Internet, pour faire prendre conscience aux créateurs de sites Web que les personnes handica- 3. National Science Foundation, Virginie, États-Unis. 4. W3C : http://www.w3.org/wai/wai-fr-intro.htm 30

pées utilisent Internet comme tout un chacun mais ont des besoins spécifiques pour en profiter pleinement. La recherche et le développement avancé : projets de nouvelles interfaces utilisateur, nouveau matériel, technologies OCR, etc. Les directives mises en place par la WAI Parmi les guides d utilisation des technologies du Web, la WAI a mis en place des directives (appelées aussi recommandations) servant de référence en matière d accessibilité. On les appelle les Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) ou Directives pour l accessibilité des contenus Web. Leur objectif principal est de promouvoir l accessibilité aux personnes handicapées. Cependant, comme le rappelle le Service d information du gouvernement français qui s est chargé de traduire le document officiel de la WAI : «en suivant ces directives, le contenu Web s en trouvera plus accessible à tous les utilisateurs, [ ] On permettra également aux utilisateurs de trouver de l information sur le Web plus rapidement. Ces directives ne cherchent pas à décourager l utilisation par les créateurs de contenu d images, de vidéo, etc., mais expliquent plutôt comment rendre les contenus multimédias plus accessibles à une large audience.» On retrouve ici l idée que nous avancions dans l introduction. L accessibilité, si elle est orientée à l origine vers les personnes souffrant de handicaps, est un concept utile à tous. L utilisation des directives WAI Concrètement, ces directives expliquent comment rendre les contenus Web accessibles aux personnes handicapées. Elles ont été écrites à l attention de tous les créateurs de contenu pour le Web (auteurs de pages et concepteurs de sites) et des développeurs d outils de création de contenu 5. 5. Est un outil de création de contenu tout éditeur HTML, outil de conversion de documents, outil de génération de pages Web à partir de bases de données. Pour toute information à propos du développement d outils de création accessibles, se référer au document «Authoring tool accessibility guidelines», Directives d accessibilité pour les outils de création de contenu. 31

Ces directives (ou recommandations WAI) sont au nombre de 14. Elles constituent la base sur laquelle doit reposer toute conception de site Web en expliquant les démarches à suivre et à respecter pour qu un site Internet soit facile d utilisation de manière universelle et simple à comprendre. En un mot, pour qu il soit accessible à tous! Les 14 directives (ou recommandations de la WAI) 1. Fournir des alternatives équivalentes au contenu auditif et visuel. 2. Ne pas s en remettre uniquement aux couleurs. 3. Utiliser le balisage et les feuilles de style, et cela de façon appropriée. 4. Clarifier l utilisation du langage naturel. 5. Créer des tableaux qui se transforment de façon élégante. 6. S assurer que les pages qui contiennent de nouvelles technologies se transforment de façon élégante. 7. Assurer à l utilisateur le contrôle des changements du contenu lorsque ce dernier varie dans le temps. 8. Assurer un accès direct aux interfaces utilisateur intégrées. 9. Conception respectant l indépendance par rapport au périphérique. 10. Utilisation de solutions intermédiaires. 11. Utilisation des technologies et directives du W3C. 12. Fourniture d informations de contexte et d orientation. 13. Fourniture de mécanismes de navigation clairs. 14. S assurer que les documents sont clairs et simples. Le système relatif à ces directives est un peu complexe mais en voici les grands principes. Pour vérifier qu un site Web est accessible au sens WAI, il convient de regarder dans quelle mesure il respecte ces directives (est-ce qu il les respecte toutes, ou seulement quelques-unes?) et si chacune de ses directives est respectée dans son intégralité ou seulement en partie? 32

Pour cela, chaque recommandation est associée à des points de contrôle (checkpoints) affectés d un niveau de priorité (allant de I à III). Dans la recommandation n 14 par exemple, «s assurer que les documents sont clairs et simples», il y a trois points de contrôle à respecter : utiliser le langage le plus clair et le plus simple possible adapté au contenu de votre site [Priorité I] ; associer du contenu visuel ou audio au texte, lorsque cela peut faciliter la compréhension d une page [Priorité II] ; créer un style de présentation cohérent pour toutes les pages [Priorité III]. Les niveaux de priorité Priorité I : elle est impérative pour permettre l accessibilité minimale de votre site Web. Priorité II : la non-conformité à ce niveau de priorité aura un effet non négligeable sur l accès des personnes handicapées à certaines parties de votre site. Priorité III : l accès au site sera facilité si les recommandations de niveau III sont appliquées, mais elles ne sont pas fondamentales. En bref si, pour la recommandation n 14, vous respectez tous les points de contrôle, votre site sera accessible. Si vous ne respectez pas un des points de contrôle, arrangez-vous pour que celui-ci soit un point de priorité III et l incidence sur l accessibilité de votre site sera plus faible «Labélisation» et niveaux de conformité Pour signaler aux internautes qu un site est accessible, la WAI a mis en place une sorte de label. Le développeur qui a pris soin de rendre son site conforme aux recommandations peut ainsi l apposer sur son site Web. Ce «label» correspond en fait à un niveau de conformité. 33