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octobre 2017

SOMMAIRE Motivation du licenciement Licenciement économique L'indemnité de licenciement Indemnisation du licenciement irrégulier, abusif ou nul Rupture conventionnelle collective Congé de mobilité Le barème d'indemnisation Le délai de contestation de la rupture passe à 12 mois Procédure de conciliation devant le conseil de prud'hommes Le mandat des conseillers prud homaux 2

LES NOUVELLES RÈGLES Ord. 2017-1387 du 22-9-2017 art. 4 Possibilité est donnée à l'employeur d'utiliser un modèle type de lettre de licenciement et de préciser le motif de la rupture après notification de celle-ci, une insuffisance de motivation n'étant plus systématiquement synonyme d'absence de cause réelle et sérieuse. L'article 4 de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 comporte des mesures visant à faciliter les obligations de motivation de la lettre de licenciement. Il assouplit les exigences en la matière de manière à faire échec à certaines règles issues de la jurisprudence. Celle-ci est en effet stricte sur le sujet. Pour la Cour de cassation, la lettre de licenciement envoyée au salarié fixe les limites du litige (Cass. soc. 20-3-1990 n 89-40.515 : RJS 5/90 n 374) et une absence de motif, à laquelle est assimilée une imprécision ou une insuffisance de motif (Cass. soc. 29-11-1990 n 88-44.308 : RJS 1/91 n 19), prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Pour éviter une telle sanction et faire baisser le nombre de contentieux, un modèle type de lettre de licenciement sera mis à la disposition des employeurs, lesquels pourront par la suite préciser les motifs invoqués. Une imprécision de motif ne sera plus considérée comme affectant le bien-fondé du licenciement. Par ailleurs les pouvoirs du juge sont précisés en cas de pluralité de motifs. L'EMPLOYEUR POURRA NOTIFIER LE LICENCIEMENT EN UTILISANT UN MODÈLE TYPE L'ordonnance 2017-1387 facilite la mise en œuvre par l'employeur de son obligation de motivation de la lettre de licenciement en lui permettant de recourir à des modèles de lettre, que le licenciement soit fondé sur un motif personnel (C. trav. art. L.1232-6 modifié) ou économique (C. trav. L.1233-16 et L.1233-42 modifiés). Ces modèles, qui seront adoptés par décret en Conseil d'état, rappelleront les droits et obligations de chaque partie au contrat de travail. A noter Les modèles de lettre de licenciement devraient faire l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux avant leur adoption par décret en Conseil d'etat (Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance 2017-1387 du 22-9-2017). 3

Questions On peut s'interroger sur le degré de précision des modèles qui seront adoptés. Il est probable qu'ils seront différents selon la nature du motif envisagé, économique ou personnel. Sera-t-il proposé, pour le motif économique, des cases correspondant aux causes du licenciement? Un espace sera-t-il réservé à leurs conséquences pour le salarié, la jurisprudence exigeant que la lettre de licenciement mentionne à la fois les raisons économiques et leurs incidences sur l'emploi ou le contrat de travail (Cass. soc. 28-1-2015 n 13-20.861 FS-D : RJS 4/15)? Il n'est pas impossible que le formulaire adopté en matière de licenciement pour motif personnel recentre les mentions nécessaires à sa motivation autour d'indications génériques. L'étude d'impact de la loi 2017-1340 du 15-9-2017 d'habilitation met en avant la nécessité de cadrer davantage les exigences de motivation de la lettre de licenciement. Celles-ci varient en effet selon le motif avancé par l'employeur. Les droits et obligations de chaque partie au contrat de travail mentionnés par le modèle devraient correspondre au moins à ceux devant figurer obligatoirement dans la lettre de licenciement. Pour rappel La lettre notifiant un licenciement pour motif économique doit mentionner l'existence d'une priorité de réembauche ainsi que ses conditions de mise en œuvre (C. trav. art. L.1233-16). Selon l'ampleur de la suppression d'effectif envisagée, l'employeur doit également ajouter une proposition de congé de reclassement (C. trav. art. R.1233-20) ou y mentionner les informations relatives au contrat de sécurisation professionnelle si le licenciement est notifié avant que le salarié ait accepté ou refusé celui-ci. L'employeur doit, en outre, mentionner dans la lettre de licenciement le délai imparti au salarié pour contester la validité ou la régularité du licenciement s'il entend pouvoir l'opposer au salarié. Mais on peut aussi se demander si les formulaires contiendront d'autres mentions concernant les effets de la rupture du contrat de travail (préavis, indemnité de licenciement, remise des documents relatifs à la rupture) ainsi que des espaces pour les droits et obligations impactés par le licenciement et résultant des dispositions du contrat de travail ou de la convention collective (clause de non-concurrence, remise des biens mis à disposition). 4

Attention L'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 n'a pas rendu obligatoire la mention dans la lettre de licenciement de la possibilité pour le salarié de demander à son employeur, après la notification de son licenciement, que celui-ci précise le motif indiqué dans la lettre de licenciement. La mention de cette possibilité paraît néanmoins nécessaire compte tenu de son incidence sur les droits à réparation du salarié. Il serait souhaitable, pour cette raison, que les modèles de lettre de licenciement la mentionnent. DE LICENCIEMENT PEUT ÊTRE PRÉCISÉE POSTÉRIEUREMENT À SA NOTIFICATION L'ordonnance prévoit que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après sa notification, être précisés par l'employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'état à paraître (C. trav. art. L.1235-2, al. 1). Il en est ainsi que le licenciement soit prononcé pour un motif personnel ou économique. L'employeur ne peut pas invoquer d'autres motifs que ceux déjà mentionnés dans la lettre. Le décret à paraître fixera les délais et conditions dans lesquels une précision pourra être apportée. Questions Le délai sera-t-il limité après la notification du licenciement? La saisine du conseil de prud'hommes en marquera-t-elle la fin en cas de litige? Sera-t-il possible d'apporter des salarié dont la demande de précisions reste sans réponse? Autant de questions auxquelles le texte devra répondre. C'est la lettre de licenciement éventuellement précisée par l'employeur qui fixera désormais les limites du litige (C. trav. art. L.1235-2, al. 2). Il n'en reste pas moins que la jurisprudence actuelle, qui s'oppose à l'invocation de nouveaux motifs non indiqués dans la lettre, reste valable. Le juge ne peut pas prendre en compte des griefs qui n'y sont pas énoncés, par exemple un motif supplémentaire invoqué dans une lettre postérieure (Cass. soc. 22-1-1998 n 95-41.496 P : RJS 3/98 n 291). 5

QUAND L'INSUFFISANCE DE MOTIVATION DEVIENT UN SIMPLE VICE DE FORME Une imprécision du motif ne rend plus nécessairement le licenciement sans cause réelle et sérieuse contrairement à ce que prévoyait jusqu'à présent la jurisprudence. L'ordonnance dispose en effet que, à défaut pour le salarié d'avoir demandé à l'employeur de préciser les motifs énoncés dans la lettre, l'irrégularité constituée par une insuffisance de motivation ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse. L'indemnité dans un tel cas ne peut pas excéder un mois de salaire (C. trav. art. L.1235-2, al. 3). En revanche, si le salarié a demandé des précisions, le vice de motivation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Le préjudice du salarié est réparé par l'indemnité prévue par le barème obligatoire en application de l'article L.1235-3 du Code du travail (C. trav. art. L.1235-2, al. 4). A noter L'insuffisance de motivation est désormais sanctionnée comme les autres irrégularités de procédure, dans le cas où le salarié n'a pas réagi en demandant des précisions à son employeur. Cette règle doit inciter les salariés licenciés à demander systématiquement des précisions sur leur licenciement. La fin du motif «contaminant» En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, le licenciement encourt la nullité. L'article 4, IV de l'ordonnance prévoit que la nullité encourue ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation de l'indemnité à allouer au salarié (C. trav. art. L.1235-2-1). A noter Si le juge admet la nullité du licenciement, mais considère que les autres griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de rupture constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il pourrait en tenir compte pour «minorer» l'indemnité qu'il accorde au salarié, sans toutefois que celle-ci puisse être inférieure à 6 mois de salaire en application de l'article L.1235-3-1 du Code du travail. 6

Mais dans le cas où, parmi les griefs invoqués par l'employeur, l'un justifie la nullité du licenciement et le ou les autres ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, une lecture littérale de l'article L.1235-2-1 du Code du travail pourrait-elle permettre au juge de «majorer» le montant des dommages et intérêts accordés au salarié? Prenons par exemple le cas d'un salarié qui est licencié pour avoir introduit une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Le licenciement est jugé nul en raison de l'atteinte portée à la liberté fondamentale du salarié d'agir en justice, et le juge accorde au salarié une indemnité de 10 mois de salaire en réparation de son préjudice. Si l'employeur avait également fait état, dans la lettre de licenciement, d'une faute du salarié, le juge examine ce grief et en tient compte pour évaluer le montant de l'indemnité : s'il considère que la faute invoquée constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge pourrait ramener le montant des dommages et intérêts accordés au salarié à 8 mois de salaire ; s'il considère que cette faute ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, il pourrait accorder au salarié une indemnité de 12 mois de salaire. Ainsi, invoquer plusieurs motifs à l'appui d'un licenciement pourrait se révéler être à double tranchant pour l'employeur. Est ainsi remise en cause la règle selon laquelle la mention dans la lettre de licenciement d'un grief prohibé, que l'employeur a nécessairement pris en compte pour prononcer la rupture du contrat de travail, exclut la possibilité pour le juge d'examiner les autres griefs visés dans cette lettre (règle du motif «contaminant»). Cette solution a été retenue par le juge lorsque l'employeur reproche au salarié dans la lettre de licenciement : d'avoir dénoncé des actes de maltraitance (Cass. soc. 26-9-2007 n 06-40.039 FS-PB : RJS 12/07 n 1271) ; de l'avoir accusé de harcèlement à son égard (Cass. soc. 10-6-2015 n 13-25.554 FS-PB : RJS 8-9/15 n 539) ; la participation à une grève (Cass. soc. 8-7-2009 n 08-40.139 FS-PB : RJS 10/09 n 828) ; l'exercice du droit de retrait (Cass. soc. 25-11-2015 n 14-21.272 FS-PB : RJS 2/16 n 126). 7

ENTRÉE EN VIGUEUR Les dispositions relatives aux modèles types de licenciement, à la possibilité de préciser les motifs et à l'insuffisance de motivation, dont l'entrée en vigueur est subordonnée à la plus tard le 1 er janvier 2018(Ord. 2017-1387 du 22-9-2017 art. 40, X). En revanche, la règle sur la pluralité de motifs est applicable aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de l'ordonnance (Ord. 2017-1387 du 22-9-2017 art. 40, I), c'est-à-dire depuis le 24 septembre 2017. A noter Il convient de retenir la date de la rupture, qui se situe au jour où l'employeur envoie la lettre de licenciement (Cass. soc. 28-11-2006 n 05-42.202 F-PB : RJS 2/07 n 208) ou remet (ou tente de remettre) celle-ci en main propre au salarié (Cass. soc. 16-12-2009 n 08-42.922 F-D : RJS 3/10 n 249). REMARQUE Sous couvert de simplification, ces nouvelles règles ne sont prises que pour faire échec à la jurisprudence favorable aux salariés. 8

TEXTES Art. L.1232-6 modifié du Code du Travail «Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué. Un décret en Conseil d'état détermine les modalités d'application du présent article et fixe les modèles que l'employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement. Ces modèles rappellent en outre les droits et obligations de chaque partie.» Art. L.1233-16 modifié du Code du travail «La lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Elle mentionne également la priorité de réembauche prévue par l'article L 1233-45 et ses conditions de mise en œuvre. Un décret en Conseil d'état fixe les modèles que l'employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement. Ces modèles rappellent en outre les droits et obligations de chaque partie.» Art. L.1233-42 modifié du Code du travail «La lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Elle mentionne également la priorité de réembauche prévue par l'article L.1233-45 et ses conditions de mise en œuvre. Un décret en Conseil d'état fixe les modèles que l'employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement. Ces modèles rappellent en outre les droits et obligations de chaque partie.» 9

Art. L.1235-2 modifié du Code du travail «Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L 1232-6, L 1233-16 et L 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'état. La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement. A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire. En l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le préjudice résultant du vice de motivation de la lettre de rupture est réparé par l'indemnité allouée conformément aux dispositions de l'article L 1235-3. Lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L 1232-2, L 1232-3, L 1232-4, L 1233-11, L 1233-12, L 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.» Art. L.1235-2-1 nouveau du Code du travail «En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l'article L.1235-3-1.» 10