N 91 du 2 décembre 2005 Négociation Assurance chômage : une situation très proche du blocage La troisième séance de négociation sur l'assurance chômage s est déroulée comme convenu le 1 er décembre au Medef. Cette réunion a été consacrée à l examen d un projet écrit d accord proposé par la délégation patronale. Ce projet, dans une première version, reprend avec quelques précisions, les 3 axes de propositions présentées le 23 novembre : - des mesures pour accélérer le retour à l emploi, - la réduction du déficit centrée uniquement sur l indemnisation, - des mesures de simplification et de sécurisation de l assurance chômage avec notamment une proposition sur l offre valable d emploi (voir Info rapide n 89 du 24 novembre 2005). Ce projet qui fait porter toute la charge du redressement du système sur les chômeurs en écartant toute responsabilité des entreprises a été rejeté par l ensemble des confédérations syndicales. Toutes ont déclaré qu elles n ont aucun mandat pour accepter une remise en cause des montants et des durées d indemnisation. En revanche, la partie I du projet portant sur le retour à l emploi avec une orientation précoce, un accompagnement différentié, des actions de formations pour la qualification et le renforcement des capacités professionnelles, les contrats de professionnalisation, la VAE, les aides au reclassement et l embauche des seniors, a été enrichie avec l intégration de plusieurs propositions de la CFDT (voir plus loin). Le durcissement de la position patronale a conduit la CFDT à dénoncer un patronat qui ne sait proposer que des recettes du passé pour amender un système à bout de souffle en se tenant à l écart de l évolution profonde du marché du travail affecté par le retournement démographique, la mondialisation, les évolutions technologiques et les nouveaux besoins de qualification. Pour la CFDT, nous sommes dans une situation très proche du blocage. La CFDT ne voit pas de sortie possible si les employeurs ne donnent pas une autre direction à la négociation (voir plus loin la déclaration de JM Toulisse et nos propositions). La prochaine réunion, qui risque de ne pas être conclusive, se tiendra le mercredi 7 décembre en début d après-midi. La délégation CFDT, conduite par JM Toulisse, secrétaire national, était composée d'annie Thomas, secrétaire nationale, Laurent Berger, membre du Bureau national,, 1
Stella Delouis-Lamotte, PSTE, Danièle Rived, chargée de mission à la confédération, Sandrine Giraud et Michel Mersenne, secrétaires confédéraux. LES PROPOSITIONS DE LA CFDT : I Retour à l emploi Dans une économie mondialisée, les métiers et les qualifications évoluent, les mobilités géographiques et professionnelles sont nécessaires, de nombreux salariés connaissent le passage par une période de chômage. La convention Unedic doit se situer dans une perspective d emploi et de parcours sécurisés. Elle doit offrir au demandeur d emploi de nouvelles garanties en termes d'accueil, d accompagnement personnalisé d accès à la qualification par la formation et la VAE et d accès à la création d entreprise. Nos propositions développées ici ne traitent pas de la question «qui fait quoi» dans le nouveau service public de l emploi. Cette question est renvoyée à la négociation de la convention tripartite (Etat ANPE - Unedic) qui suivra la conclusion éventuelle de la convention d assurance chômage. 1 L accueil l accompagnement personnalisé : Un premier entretien approfondi pour mesurer la distance de retour à l emploi. Ce premier entretien permettrait une orientation précoce vers l ANPE ou directement vers l Apec (pour les cadres) ou l Agefiph et Cap Emploi (pour les demandeurs d emplois handicapés) ou des prestataires conventionnés par l'unedic et l ANPE sur la base d un cahier des charges, afin de proposer des accompagnements personnalisés aux demandeurs d emplois susceptibles de connaître des difficultés de reclassement. Il s agira ici de raccourcir les délais entre l inscription et le retour à l emploi (une expérimentation en Poitou-Charentes avec l Apec raccourcit les délais de prise en charge de 50 jours environ et offre un gain de 10 points pour le taux de reclassement après 6 mois de chômage). Pour les personnes les plus éloignées de l emploi, la CFDT demande un suivi plus régulier et rapproché par une personne référente (en lien avec l ANPE) avec un renforcement du soutien dans le cadre d un projet personnalisé d accès à l emploi. Le projet du Medef a repris l essentiel de ces propositions. Mais il reste trop restrictif encore sur l ensemble des prestations à proposer dans le cadre du projet personnalisé d accès à l emploi. 2 L accès à la formation : La CFDT revendique les mêmes droits pour les demandeurs d emploi que ceux dont peuvent bénéficier les salariés avec l accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 : - Le 1 er entretien doit comporter un examen des besoins en qualification et en formation. - Utilisation du passeport formation. Le Medef n a pas répondu à cette demande. - Accès au bilan de compétences. Accord du Medef. 2
- Utilisation de la VAE, en priorité pour les personnes de plus de 20 ans d activité professionnelle ou âgées de plus de 45 ans, ou souhaitant s engager dans des métiers en tension. Le Medef a intégré cette proposition dans son projet. - Vérifier que les demandeurs d emplois en CRP bénéficient sur un compte spécifique. Le Medef va y réfléchir ; - Poser le principe d un droit individuel à la formation à tous les demandeurs d emplois. La CFDT demande que les instances paritaires de l Unedic réfléchissent à son financement. Le Medef n a pas répondu sur ce point. Le projet patronal a repris aussi notre demande de ne pas exclure les formations homologuées des actions qui peuvent être prescrites pour un retour à l emploi. Le financement Unedic sera toutefois très réduit car désormais ces formations sont financées largement par les Conseils régionaux. 3 - Viser l adéquation de l offre et de la demande : La France vit le paradoxe d un taux de chômage très élevé et d un nombre d emplois non pourvus, situation dont les demandeurs d emplois sont les premières victimes. L assurance chômage, en lien avec l Etat, doit prendre en charge les formations de réorientation ou de reconversion de carrière nécessaires. La CFTC appuie cette demande de prise en charge de formation de reconversion en cofinancement avec l Etat. Le Medef s y oppose. En complément des aides proposées par le Medef pour favoriser l embauche en contrat de professionnalisation et celle des seniors, la CFDT demande la création de trois autres mesures : 4 La création d une aide aux demandeurs d emplois repreneurs ou créateurs d entreprises : Il pourrait s agir du versement d un capital représentant les droits restants des allocataires concernés sans excéder les ¾ du reliquat (afin de garantir une sécurité en cas d échec). Cette aide serait subordonnée à une étude préalable de faisabilité confiée à un prestataire expert. Le Medef a donné son accord pour l étude de cette proposition. 5 Sécuriser le parcours des salariés en portage salarial : Le «portage salarial» est un statut hybride entre le salariat et l indépendance. Il concerne des activités d expertise dans divers domaines réalisées sur la base d un contrat commercial avec une entreprise cliente et un salarié «porté» par une entreprise qui se charge des démarches d encaissement, de paye, de déclarations sociales et fiscales Les salariés «portés» qui payent des cotisations n ont pas droit au chômage car, juridiquement il n y a pas de lien de subordination directe entre le salarié «porté» et l entreprise de portage. La CFDT a réussi dans ce secteur à signer plusieurs accords conventionnels avec des entreprises de portage afin de sécuriser ces personnes dans un statut de salarié. 3
La confédération demande qu une expérimentation avec les entreprises qui ont signé de tels accords conventionnels soit mise en place pour permettre aux salariés concernés «d accéder à l indemnisation». Le Medef accepte de regarder cette proposition. 6 Aide aux femmes victimes de violences conjugales : Les femmes qui démissionnent de leur emploi et changent de lieu de résidence pour fuir leur conjoint violent ne sont pas actuellement indemnisées. La CFDT demande que cette démission soit légitimée pour ouvrir droit à l indemnisation par l assurance chômage, tout comme actuellement la démission d un emploi suite à un acte délictueux dont le salarié a été victime le permet. Le Medef accepte notre proposition d une modification de l accord d application n 15 sur les cas de démissions légitimes afin d intégrer ce cas particulier dans les mêmes conditions que «les actes délictueux» (il faut que le salarié dépose une plainte). 7 Salariés occupés à des emplois saisonniers : La CFDT demande une sécurisation de leur parcours professionnel afin de leur permettre l accès à des emplois permanents dans la profession ou en leur permettant d accéder à d autres professions pour ne pas s enkyster dans le chômage saisonnier. Nous demandons pour ces salariés un accompagnement spécifique dès la fin de la 2 ème saison avec la mobilisation renforcée de l ensemble des mesures d aide au retour à l emploi. La CFDT demande que des conventions soient concluent entre l Unedic et branches professionnelles concernées pour cibler les actions à mobiliser et définir la répartition des financements entre les OPCA des branches et l Unedic. Le Medef accepte ces deux propositions de la CFDT. En revanche, il maintient sa volonté d arrêter toute indemnisation à partir de la 3 ème année. C est, pour la CFDT, une mesure totalement inacceptable. Nous avons avec nous l ensemble des autres confédérations sur ce point. 8 Indemnité différentielle de reclassement : La CFDT a demandé l extension à tous les demandeurs d emplois indemnisés par l assurance chômage de l indemnité différentielle de reclassement prévue pour les bénéficiaires de la CRP. Mais nous refusons la suppression des règles actuelles d indemnisation des reprises d activité réduites de courtes périodes (quelques jours au cours d un mois) car dans ce cas, l application de l indemnité différentielle est difficilement applicable. Nous avons demandé en conséquence que l indemnité différentielle de reclassement s applique pour les contrats de travail supérieurs à un mois dont la rémunération est inférieure à 15 % au moins de celle du salaire de référence précédent. Comme pour les saisonniers, nous demandons un parcours d accompagnement renforcé pour les personnes en activité partielle afin de leur permettre d accéder à un emploi à temps plein. 4
Le Medef n a pas accepté de modifier sa proposition initiale dans ce sens mais n exclut pas d y réfléchir. La CFTC demande que l indemnité différentielle de reclassement soit réservée en priorité aux seniors et aux chômeurs de longue durée. II Les propositions patronales sur les contributions et les filières : Contributions : - Maintien du refus d une taxe sur les contrats précaires quelle que soit la forme. - Refus d augmenter la cotisation générale, demandée par FO (passer de 6.40 à 6.60). Filières : 2 hypothèses : - Ou on ne change rien aux filières actuelles mais dans ce cas il y a rétablissement de la dégressivité «modèle 93». - Ou on ne rétablit pas la dégressivité mais les 3 premières filières sont ajustées. Le Medef n a pas présenté officiellement de proposition de réduction des durées d indemnisation. Mais dans les rencontres bilatérales préalables, il a annoncé à tous : o filière A, passer de 7 à 6 mois d indemnisation, o filière B, passer de 23 mois à 18 mois d indemnisation, o filière C, passer de 36 mois à 24 mois ou maintien de 36 mois mais modifier l article 12C actuel du règlement en allongeant de 60 ans à 61 ans l âge à partir duquel l indemnisation peut être prolongée jusqu à 65 ans maximum, lorsque les allocataires en cours ne peuvent à cet âge faire liquider leur retraite à taux plein. Cette deuxième modalité, dit le Medef, est en cohérence avec l accord qui vise au maintien dans l emploi des seniors. Il s agirait avec cette modalité d agir sur le comportement des employeurs pour retarder de 57 à 58 ans l âge du départ pour les salariés qui ne pourraient pas bénéficier à 60 ans de leur retraite à taux plein. Refus de la CFDT sur l ensemble de ces propositions (voir déclaration de JM Toulisse) comme de l ensemble des organisations syndicales, hormis FO qui s est montré plus nuancé. III Les propositions patronales sur la simplification et les sécurisations du régime d assurance chômage : - Ce sont les mêmes que celles proposées le 23 novembre (voir Info rapide n 89). - Le seul point de débat a porté sur «l offre valable d emploi», demandé par la CGT. Les propositions du Medef sur cette question sont rejetées par tous. 5
La CFDT a fait valoir qu elle était ouverte à une discussion sur ce point dans un autre cadre que cette négociation. Mais nous avons voulu attirer l attention de la CGT sur le contexte particulier dans lequel se déroulerait une telle discussion aujourd hui avec le patronat et le parlement qu on connaît La balle risque de ne pas retomber du bon côté! Le Medef a décidé de retirer de son projet l article sur l offre valable d emploi. La réaction de Jean-Marie Toulisse sur le projet patronal : «Les employeurs veulent amender un système à bout de souffle qui ne répond plus aux réalités sociales et économiques d aujourd hui En fait, le patronat élague à la hache les durées d indemnisation uniquement pour faire des économies. Le patronat nous propose des recettes du passé. Les employeurs sont incapables d expliquer en quoi leurs propositions permettent une meilleure satisfaction de leur besoin de main d œuvre. Il s agit en fait de mesures opportunistes : l indemnisation du chômage ne se résume pas à l équilibre financier de l Unedic. Pourquoi le Medef est-il si exigeant sur le demandeur d emploi et si silencieux sur l offre. Or l offre émane de l entreprise. La satisfaction de l offre, c est ce qu attendent les entreprises Mais cela ne semble pas être la préoccupation des négociateurs patronaux, obnubilés par le retour à la dégressivité et par l obsession des chômeurs trop bien indemnisés et donc réticents à reprendre un emploi. C est quand même un comble que ce soit nous, les syndicalistes CFDT, qui avons posé les questions : - Du remplacement des employeurs partant à la retraite (900 000 entreprises ont besoin de repreneur sous peine de disparaître d ici à 5 ans). - De l aide à la création d entreprises. - De créer l outil capable de préciser la qualité de l offre autant que le «profilage» du demandeur d emploi et enfin d aller à la chasse aux emplois dormants. Ce soir la CFDT est convaincue qu il faut prendre le temps de refondre le système d indemnisation. On ne modifie pas tous les 2 ans un système aussi structurant pour la cohésion sociale. La CFDT est prête à relever le défi! Si le patronat n y tient pas, alors il doit maintenir en l état les règles actuelles d indemnisation. La balle est dans le camp du patronat.» En conclusion, d ici à la prochaine réunion, qui se tient le 7 décembre, la CFDT s emploiera dans ses contacts et relations avec les autres confédérations syndicales, à continuer à œuvrer pour une issue positive même si aujourd hui le scepticisme s impose. 6