Voitures : un marché déprimé mais pas découragé



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Transcription:

Voitures : un marché déprimé mais pas découragé Bachir el-khoury Victime d une atmosphère politique et économique délétère, l engouement pour les voitures neuves est au plus bas Mais les concessionnaires ne cèdent pas à la déprime et cherchent à conjurer le cycle baissier en attendant un redémarrage accéléré. B aromètre du moral des Libanais, le secteur de l automobile est déprimé. En 2006, 16 168 véhicules neufs ont été vendus sur le marché local, alors qu en 2004 les ventes étaient supérieures à 20 000. La tendance s est poursuivie au premier semestre de 2007 avec 7 909 nouvelles ventes, soit 20 % de moins qu au premier semestre de l an dernier. Fin juillet, la baisse est un peu moins forte : -15 % en rythme annuel, mais douloureuse quand même. Guerre, marasme politique, émigration, panne de croissance et hausse de l euro face au billet vert : tous les ingrédients d une crise étaient au rendez-vous des deux dernières années. «Mais c est aujourd hui que l impact véritable se fait sentir», note Samir Homsi, président de l Association des importateurs d automobiles (AIA). Les assassinats politiques ainsi que la guerre de l été 2006 ont certes eu des répercussions sur le marché, mais de manière ponctuelle, explique-t-il. «En 2005 comme en 2006, les concessionnaires ont déployé des efforts considérables pour écouler les marchandises stockées, même quand cela impliquait des concessions», souligne Homsi. Ils ont aussi réorienté une partie des voitures commandées vers d autres pays arabes ou via Chypre vers l Europe pour éviter l empilement de véhicules neufs dans les salles d exposition et les dépôts. «Durant la 66 - Le Commerce du Levant - Septembre 2007

guerre de juillet, 150 de nos véhicules étaient en voie d acheminement vers le Liban ; 90 d entre eux ont été progressivement vendus sur le marché local et 60 autres, soit 40 %, réorientés vers d autres marchés», se souvient par exemple Joseph Zoghbi, directeur général de T. Gargour & Fils, agent exclusif de Mercedes, Chrysler, Jeep et Dodge. Ces chocs ont été suivis d une reprise à chaque fois qu un brin de stabilité se profilait à l horizon. Aujourd hui, la crise s est bel et bien installée. Le consommateur libanais, qui baigne dans l aléatoire, est de moins en moins enclin à investir dans une nouvelle voiture. Mais la chute des ventes n est pas uniquement le résultat d un changement du comportement des particuliers. Elle est parfois due tout simplement à leur absence : «Lors du lancement de la nouvelle Fiat Grande Punto, fin 2006, nous avons décidé de présenter le nouveau modèle à nos anciens clients Fiat ; près de 50 % des personnes contactées avaient définitivement quitté le pays!» raconte Wissam Trad, directeur associé de la société Saad & Trad. La baisse de la demande émanant des sociétés de location de voitures est également importante. Le volume d achat de ces compagnies, qui représentent entre 15 et 20 % des ventes globales du marché, a nettement reculé depuis que le nombre de touristes a chuté. La crise qui frappe de manière générale le marché de l automobile se fait davantage sentir au niveau des voitures moyen de gamme dont le prix varie entre 12 000 et 25 000 dollars ; par exemple, les ventes des Renault, Fiat et Citroën ont respectivement reculé en nombre de 62 %, 52 % et 28 % au premier semestre de 2007. La chute est en revanche moins aiguë pour les voitures de luxe ; certaines d entre elles ont même affiché de meilleurs scores de ventes par rapport au premier semestre 2006. Par exemple, Porsche et Lexus ont vu leurs ventes grimper de 3,6 % et 13,5 % fin juin, en dépit de la conjoncture actuelle. Les acquéreurs de véhicules haut de gamme sont pratiquement les seuls à pouvoir créer des brèches dans le cercle vicieux dont souffre le marché de l automobile. Nabil Kettaneh, PDG du groupe éponyme, le confirme : «Nous avons vendu 18 Polo 1,6 au cours des sept premiers mois de 2006, tandis que sur la même période de 2007, deux véhicules seulement ont trouvé preneur! Mais on ressent beaucoup moins la crise quand il s agit de la Audi A8 ou de la Touareg. Dernièrement, nous Baisse des achats des sociétes de location de voitures qui représentent 15 à 20 % du marché avons vendu deux Audi R8, dont le prix unitaire avoisine les 220 000 dollars.» À l autre extrémité de la gamme, les voitures à très bas prix, consommant peu, attirent de plus en plus les salariés fortement affectés par la chute du pouvoir d achat et obligés de se doter d un moyen de transport. Les ventes de Dacia et Skoda, par exemple, ont connu des taux de croissance soutenus, de l ordre de 26 et 93 % respectivement au cours des six premiers mois de l année. Pour Pierre Heneiné, directeur associé de la société Bassoul-Heneiné, «le consommateur au revenu limité est très sensible aux petites variations de prix, même quand elles sont minimes. Une voiture neuve qui coûte 10 000 dollars est aujourd hui beaucoup plus convoitée que celles dont le prix est de 12 000 ou 15 000 dollars». «Les petits moteurs Tiida et Sunny ont représenté à eux seuls 62 % de nos ventes Nabil Kettaneh, PDG du groupe Kettaneh : Malgré toutes les difficultés auxquelles nous faisons face, l heure n est pas au découragement. Dimitri Eid, PDG de Mitsubishi (Dimitri Michel Eid) : Avec la chute de l euro, les prix des voitures japonaises sont devenus plus compétitifs. Assaad Dagher Hayeck, PDG du groupe Dagher : L incidence de la hausse de l euro est estimée à 25 % de la baisse des voitures européennes. 68 - Le Commerce du Levant - Septembre 2007

totales cette année», souligne Fayez Rasamny, directeur général de la société RYMCO, agent de Nissan, Infiniti et GMC. Les voitures mini étant de plus en plus en vogue, les concessionnaires se livrent à une course acharnée pour s approprier la plus grande part de ce segment du marché. Impex vient de lancer la Chevrolet Spark, un véhicule au moteur d une capacité de 1 000 cm 3 dont la consommation est de 5,6 litres au 100 km. Le prix de la Spark est de 9 500 dollars (TVA exclue). «Nous prévoyons 20 à 25 ventes par mois», souligne Farid Homsi, PDG de Impex. En plus de ces voitures (qui appartiennent à la catégorie mini ), certains véhicules commerciaux ont également échappé à la tendance baissière. Par exemple, «la demande de camions lourds Mercedes a augmenté en dépit de la situation générale et de la hausse de l euro. Ce résultat est en grande partie dû aux besoins d aprèsguerre en matière de reconstruction», explique Joseph Zoghbi. DES FACTEURS EXCLUSIVEMENT ÉCONOMIQUES Fred Boustany, PDG de BUMC : Un de nos plus grands atouts, c est le fait que Toyota soit le premier constructeur automobile au monde. Joseph Zoghbi, directeur général de T. Gargour & Fils : Si la précarité de la situation politique dicte en grande partie l orientation du marché de l automobile, certains paramètres purement économiques influent aussi sur l évolution des ventes : la flambée du prix du baril de pétrole et l appréciation de l euro poussent une partie des consommateurs à délaisser les gros moteurs et les modèles européens. Un concessionnaire comme Sigma (Seat, Saab) est d autant plus affecté par l euro fort qu il se situe sur une niche : les ventes ont chuté de 60 % à fin juillet. «Les marques que je représente sont absentes de certains segments comme le commercial ou les 4x4», explique le PDG Georges Tabet. Les voitures japonaises, coréennes et même américaines profitent quant à elles des variations du taux de change. «Nos prix sont devenus plus compétitifs», souligne par exemple Dimitri Eid, PDG de la société éponyme, agent exclusif de Mitsubishi au Liban. Pour Kia, les ventes ont été dopées en 2006 : 1 571 nouveaux véhicules vendus contre 941 en 2004 (+67 %) Quant à Nissan, ses ventes ont augmenté de 20 % l an dernier et de 28 % au premier semestre de 2007, malgré la baisse générale observée sur le marché. D autres facteurs interviennent aussi, comme la fin du cycle de vie de certains modèles. Dans le cas de Sidia, agent exclusif de Peugeot, «la Notre défi est de générer des profits en 2007 nous le relèverons. 70 - Le Commerce du Levant - Septembre 2007

Farid Homsi, directeur général de Impex : Nous avons dû réorienter vers d autres marchés une commande de 2 millions de dollars durant la guerre de juillet baisse des ventes en 2006 (-32 %) et au cours des six premiers mois de 2007 (-21 %) correspond à la chute cyclique du chiffre d affaires. Depuis 2001, nous ne vendons que des Peugeot 206 et 307. La durée de vie d une voiture européenne étant de cinq ans, le cycle touche aujourd hui à sa fin», explique Assaad Dagher-Hayeck, PDG du groupe Dagher, qui détient les sociétés Sidia (Peugeot), Centradis (Citroën) et Natco (Kia). Pour Pierre Heneiné et Dimitri Eid aussi, la morosité observée au cours des six premiers mois de l année est en partie due au manque de renouvellement. Mais le lancement de nouveaux modèles sur le marché par ces trois concessionnaires a d ores et déjà démarré : «D ici à 2008, nous aurons introduit huit nouveaux modèles dont les Peugeot 207, 308, 608, 4007 (4x4) et trois autres véhicules utilitaires», souligne M. Dagher-Hayeck. Côté Bassoul-Heneiné, la Renault Clio 3, la nouvelle BMW X5 et une gamme toute neuve d Alfa Roméo (Brera, Spider, 159) sont déjà lancées. «Début 2008, 26 nouveaux modèles Renault seront sur le marché», affirme Heneiné. Mitsubishi lance quatre nouveaux modèles : Lancer EX, Outlander, Galant et L200. Etc. LES CONCESSIONNAIRES À L OFFENSIVE C est en effet à travers une stratégie agressive que quasiment tous les concessionnaires envisagent l avenir : expansion, introduction de nouveaux modèles, réduction des coûts opérationnels, etc., tous les moyens sont bons pour gérer la crise en attendant des jours plus prometteurs. «Le but est de continuer à vendre. Nous avons adopté une politique de stabilisation des prix, quitte à rogner nos marges de profit», assure Fred Boustany, PDG de BUMC. Certains concessionnaires, comme Kettaneh, se restructurent. «Sur le plan interne, nous procédons à un assainissement financier ; nos frais généraux ont été réduits de 50 %, ce qui nous a permis de dégager des profits en hausse de 5 % fin juillet 2007, malgré la crise. Nous avons aussi misé sur la hausse du nombre des services après-vente et leur optimisation qualitative afin de fidéliser les clients et de générer davantage de revenus. L effet se fait déjà sentir : +2 % de chiffre d affaires de ce segment fin juillet. Sur le plan externe, nous avons récemment commandé 50 Volkswagen bas de gamme (Gol...) construites au Brésil. Elles sont en moyenne 10 à 15 % moins chères que celles importées directement d Allemagne», explique Nabil Kettaneh. Certains concessionnaires ont revu à la baisse leur budget publicitaire, en l ajustant proportionnellement aux prévisions des ventes ; d autres, comme RYMCO, l ont maintenu au même niveau, tout en opérant une réallocation des dépenses. «Nous préférons l affichage au parrainage, notre politique étant de cibler directement le consommateur», explique son directeur général, Fayez Rasamny. Les campagnes proposent dans leur quasi-totalité un cocktail de facilités de paiement : 0 % TVA, 0 % enregistrement, pas de premier versement ou encore partage des charges d intérêt entre le client et le concessionnaire. Les plus audacieux maintiennent leurs Wissam Trad, directeur et associé de Saad & Trad : L euro a un effet qu on ne peut nier. Mais la situation politique est le facteur majeur de la chute des ventes. plans d expansion. Bassoul-Heneiné continue sa politique d élargissement entamée en 2001. Sa société a investi plus de cinq millions de dollars pour inaugurer trois nouvelles salles d exposition, un atelier et remettre à neuf l établissement de Aïn el- Mreissé. BUMC, agent exclusif de Toyota et Lexus, a implanté une nouvelle enseigne à Verdun cette année et une autre salle d exposition verra le jour à Hazmieh en 2009. Une Lexus City (très grande salle d expo exclusive pour les voitures Lexus) sera également inaugurée en 2008 un projet qui coûtera 14 millions de dollars et qui sera totalement financé en interne, Pierre Heneiné, PDG de Bassoul-Heneiné : L impact de la hausse de l euro est équitablement réparti entre le fournisseur, le distributeur et le client. 72 - Le Commerce du Levant - Septembre 2007

d après Fred Boustany, PDG de BUMC. Pour Nabil Kettaneh, «l heure n est pas au découragement». La société qu il dirige a déjà investi deux millions de dollars pour l ouverture prochaine d une nouvelle salle d exposition sur l autoroute de Dora. La liste est encore longue Optimisme, fuite en avant ou volonté de faire fi de la situation et d agir comme si de rien n était? Les concessionnaires refusent en tout cas d abandonner. «En 2008, la crise sera derrière nous et une forte reprise est prévue», martèle Joseph Zoghbi. Le potentiel du marché libanais reste fort, assure de son côté Pierre Heneiné, selon qui il devrait tourner autour de 25 000 ventes de véhicules neufs par an, «en temps de paix». C Marque Véhicules de tourisme Top 10 des ventes (1 er sem. 07) Unités vendues Nissan 1 283 Toyota 1 029 Kia 870 Peugeot 607 Honda 392 Hyundai 357 Chevrolet 253 Renault 246 BMW 172 Audi 138 Top 5 des européennes Peugeot 607-21,3 Renault 246-61,7 BMW 172-45,9 Audi 138-25,8 Citroën 132-27,8 Top 5 des asiatiques Nissan 1 283 + 28,6 Toyota 1 029-20,2 Kia 870-3,2 Honda 392-22,8 Hyundai 357-30,8 Top 5 des américaines Chevrolet 253-45,1 GMC 96 +5,5 Cadillac 52-26,8 Jeep 37 +825 Dodge 33 - Véhicules utilitaires Top 10 des ventes Toyota 135-10,0 Nissan 109 +91,2 Daihatsu 93 +10,7 Renault 72-18,2 Peugeot 60 +114,3 74 - Le Commerce du Levant - Septembre 2007

Les européennes plus affectées que les autres Même s il n est pas le seul paramètre, l euro fort a un impact négatif sur les ventes de voitures européennes au Liban : l appréciation de la monnaie unique a atteint des records par rapport au billet vert (+40 % depuis 2002), alors que l économie libanaise est dollarisée. L effet est considérable. Les voitures européennes occupaient 45,3 % du marché fin 2004. Elles ne représentent plus que 33,7 % fin 2006 et seulement 28,8 % au premier semestre de l année en cours. Parallèlement à cette envolée de l euro, la chute du yen face au billet vert a permis aux voitures japonaises de gagner du terrain ; elles représentent aujourd hui près de la moitié des ventes de véhicules neufs (48,4 % fin juin 2007), alors qu elles représentaient 39 % du marché en 2004. Les concessionnaires de voitures européennes essaient de limiter les dégâts à travers des techniques comme le hedging, destiné à stabiliser les prix sur une période déterminée. «Le hedging se fait à travers une banque. Il s agit de commander, en fonction des prévisions à moyen terme, des voitures payées selon un taux de change fixé pour une période de trois à six mois», explique Nabil Kettaneh, PDG du groupe éponyme Le hedging ne résout cependant pas le problème. «La hausse de l euro se reflète dans tous les cas sur les prix, car au bout de six mois, si l euro poursuit son ascension, le nouveau hedging se fait à un taux plus élevé», précise Wissam Trad, directeur associé de Saad & Trad. Cette technique financière est ponctuelle, estime Georges Tabet, PDG de Sigma, qui a choisi de changer complètement sa politique de tarification : «J ai négocié avec mes fournisseurs une tarification en dollars. De telle façon, je sais à l avance à quoi m en tenir», explique-t-il. En plus de cette technique financière, les concessionnaires de voitures européennes grignotent également leurs marges afin de rester compétitifs dans un marché où la concurrence bat son plein. «Mais le fardeau est partagé équitablement : le fournisseur diminue ses prix, l importateur réduit ses marges et le client paie un peu plus cher», explique Pierre Heneiné. Certains agents songent également à importer leurs modèles d usines situées en dehors de la zone euro : «8 000 voitures Volkswagen ont été construites l an dernier par IranKhodro, un grand constructeur automobile iranien», souligne le PDG de Kettaneh en allusion à un plan d importations alternatif qu il a mis en route. Mais si l impact de l euro fort se fait sentir surtout Les modèles européens tentent de limiter l impact de l euro Nationalité du modèle japonaise européenne américaine Petits moteurs (1 600 CC) Nissan Tiida Peugeot 207 Ford Focus 16 700-18 700 dollars 15 600-17 900 dollars 17 500-22 000 dollars Moteurs moyens (2 000-2 200 CC) Mitsubishi Lancer Alfa 159 Chevrolet Epika 20 900 dollars 38 500-43 800 dollars 22 000 dollars Grands moteurs (2 800-3 000 CC) Lexus IS 300 Jaguar S-Type Cadillac CTS 45 000 dollars 51 000-55 400 dollars 44 000-45 500 dollars Moteurs 4x4 (3 200-4 700 CC) Toyota Land Cruiser Volkswagen Touareg Grand Cherokee Limited 43 750-53 000 dollars 50 000-68 000 dollars 50 000 dollars Note : Ce tableau non exhaustif a été établi en utilisant la capacité du moteur comme paramètre de comparaison. Les voitures désignées pour chaque catégorie ne sont pas nécessairement des concurrentes directes. Les prix sont établis en dollars américains, hors TVA et frais d enregistrement. 76 - Le Commerce du Levant - Septembre 2007

au niveau des voitures compactes et moyennes, il est beaucoup moindre pour les voitures de luxe. «Les voitures japonaises sont aujourd hui plus compétitives que leurs semblables européennes au niveau des petits moteurs, mais elles n arrivent pas à percer le marché du luxe, dominé surtout par les véhicules allemands», dit Pierre Heneiné. Ensuite, «quand il s agit d une voiture chère, l impact de la hausse de l euro est moins déterminant. Dans le cas de la C-Class de Mercedes, qui coûte entre 150 000 et 200 000 dollars, le prix a augmenté entre 10 et 15 % sans que cela n affecte les ventes», souligne Joseph Zoghbi, direcrteur général de T. Gargour & Fils. Enfin, si l impact négatif de l euro fort est indéniable, certains experts du secteur, comme Assaad Dagher-Hayeck, considèrent que l effet est loin d être majeur. «La hausse de l euro est responsable de 25 % de la baisse des ventes de voitures européennes, l impact aurait été beaucoup moins apparent si le pays traversait par une période de croissance. Ce que nous observons aujourd hui est une stagflation sur le plan macroéconomique assortie à une hausse de l euro face au billet vert, auquel notre monnaie est fixée depuis plus de sept ans : un cercle vicieux qui sera rompu uniquement par une reprise économique», dit-il. C Crédits auto : la demande augmente Près de 85 % des clients financent l achat d une voiture neuve à travers un prêt bancaire En dépit de la crise qui secoue le secteur de l automobile, les banques s activent de plus bel pour proposer des prêts voitures et inciter le consommateur libanais à s approprier un véhicule neuf en achetant à crédit. Résultat : la demande des crédits automobiles a augmenté, malgré le recul de la demande des voitures neuves. C est en tout cas ce qui ressort des entretiens réalisés avec les banques, car il n existe pas de statistiques consolidées au niveau du secteur. Le résultat paradoxal s explique par le fait que les acquéreurs de véhicules (neufs et usagés) trouvent les conditions des plans d endettement plus attirantes en période de crise qu en période normale. Selon Assaad Dagher Hayeck, PDG de SIDIA «près de 85 % des clients financent aujourd hui l achat d une voiture neuve à travers un prêt bancaire». À la Société Générale de banque au Liban (SGBL), par exemple, la demande des prêts voitures a augmenté de 70 % en 2006 et de 15 % au premier semestre de 2007. Quant à la Credit Bank, la hausse observée entre 2005 et juin 2007 est de 70 % alors qu à la banque Byblos, le nombre de prêts octroyés a grimpé de 30 % au cours des six premiers mois de l année. Ces taux de croissance soutenus sont le résultat d une politique agressive des banques destinées à élargir et à fidéliser la clientèle. «Au lendemain de la guerre, nous avons reporté de trois mois les délais de paiement pour les emprunteurs lésés», souligne Michel Fiani, responsable stratégie et marketing à la SGBL. «Nous avons également accompagné les concessionnaires à partir de septembre 2006 dans leur politique de relance du marché à travers une offre spéciale : pas de premier versement assorti à une période de grâce de trois mois», ajoute-t-il. Les banques locales sont de plus en plus nombreuses à proposer des formules souples et alléchantes : montant de prêt pouvant atteindre 60 000 dollars, premier versement entre 0 % et 35 % du prix du véhicule, remboursement sur une période pouvant aller jusqu à six ans, taux d intérêt variant entre 4 % et 4,9 %, formulaires remplis via Internet etc. Quant aux prêts pour les voitures d occasion, ils sont généralement remboursables sur quatre ans avec un taux d intérêt fixe de 6,5 %. En plus de ces conditions financières, les formalités nécessaires pour l obtention d un crédit sont devenues plus simples et plus rapides, assure Carine Haber, de la Credit Bank. Les critères d étude d une demande semblent avoir perdu en rigidité mais les principes généraux n ont pas changé : le requérant doit être un employé depuis au moins deux ans au sein d une entreprise, ou avoir exercé une profession libérale pour une période minimale de trois ans. La mensualité du prêt ne doit en aucun cas dépasser le tiers du revenu du requérant. Quant aux garanties exigées, elles se résument généralement au nantissement de la voiture, une assurance vie et une assurance obligatoire couvrant entièrement le prix du véhicule. Mais cette bataille à laquelle se livre les banques locales n est pas toujours gagnante. La concurrence est telle, que le crédit automobile perd de jour en jour de sa rentabilité. C 78 - Le Commerce du Levant - Septembre 2007