Le loup en France L élevage et le pastoralisme dans les Alpes Le massif alpin se caractérise par une forte présence de l élevage, toutes espèces confondues. - L élevage ovin viande concerne plus de 3000 exploitations qui rassemblent 760 000 brebis-mères déployées pour l essentiel dans le sud du massif. - L élevage de vaches laitières, essentiellement présent au nord du massif, concerne près de 5000 éleveurs. Il repose en grande partie sur des appellations d origine prestigieuses. - Le secteur de la production de viande bovine regroupe 1500 éleveurs pour un effectif de plus de 45 000 vaches mères. La production est essentiellement orientée vers le marché italien, malgré quelques tentatives de valorisation locale de la production. - Les élevages caprins laitiers, près de 1000 dans le massif, sont répartis uniformément sur le territoire. Toutes ces filières ont en commun d être déployées de façon importante sur les espaces naturels (alpages, parcours de piémont ou collines) qui contribuent fortement à l alimentation des troupeaux. Ces filières ont avant tout un rôle de production et se sont orientées vers des démarches de qualité (Appellation d Origine Contrôlée, Indication Géographique de Provenance, appellation "montagne") afin de différencier leurs produits et de les valoriser. C est tout un tissu économique qui s est organisé autour de ces filières, afin de rationaliser les coûts et les contraintes liées à la zone de montagne (coûts et difficultés de collecte du lait et des animaux, moindre productivité, peu de possibilités de produire des aliments pour animaux ) et participe en première ligne au développement rural. Parallèlement, la production ovine française mène à l échelle nationale une action de reconquête qui à partir des aides mises en place à la suite du bilan de santé de la PAC doit permettre de relancer cette production en grande difficulté depuis de nombreuses années. Avec de nombreux signes officiels de qualité et un potentiel de débouchés important entre le tourisme, de grosses agglomérations (Lyon, Marseille ) et toute la région PACA, qui font de la grande région Sud Est le 1 er consommateur de viande d agneau en France (plus du double de la moyenne française), l élevage ovin dans ce massif a une réelle carte à jouer. La population du loup en France Protégé par les dispositions de la convention de berne du 19 septembre 1979, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l Europe et par celles de la directive européenne 92/43/CEE du 21 mai 1992 relative à la conservation des habitats naturels ainsi que de la flore et de la faune sauvage (directive «Habitats»), le loup est réapparu en France en 1992. Après 15 ans de présence sur le territoire, la population de loups s est développée de telle sorte qu elle est aujourd hui jugée comme suffisante par les autorités nationales qui ont déclaré le 5 juin 2009 le loup comme n étant plus menacé d extinction sur le territoire français. Officiellement constituée d au moins 180 individus répartis en 29 meutes, la population recouvre à l heure d aujourd hui neufs départements. 1/8
Evolution des zones de présence permanente du loup : ZPP 1998-1999 ZPP 2003-2004 ZPP 2008-2009 Les conséquences de la présence du loup La France constitue, en Europe, un cas sans équivalent de reconstitution d une population de loups à l échelle d un pays où existent de traditionnelles et importantes activités d élevage, structurées et déployées en l absence, depuis près d un siècle, de tout grand prédateur. Depuis les premiers cas de prédation du loup constatés sur les troupeaux domestiques en 1993, le nombre d attaques et de victimes a augmenté en corrélation avec l expansion du territoire occupé par le loup. 2/8
A l échelle d un territoire, la colonisation par le loup se traduit dans les premières années par un nombre d attaques et de victimes directes et indirectes important, puis par une relative diminution suite à la mise en place de moyens de protection. Dans les Zones à Prédation Permanente "anciennes", le nombre annuel d attaques de loups se stabilise en moyenne à 40. Bilan des attaques et du nombre de victimes par département depuis 2004 : 3/8
Le nombre d attaques sur les troupeaux indemnisées en 2008 au titre du loup est légèrement supérieur à 2007 (+ 5% environ) mais avec une stabilisation du nombre de victimes, hors dérochement (environ 500 en 2007 et 50 en 2008). D après les premiers chiffres pour l année 2009, la tendance à la stabilisation des attaques ne semble pas se confirmer. Pour répondre aux dégâts causés, l Etat, dès 1993, a mis en place des moyens pour le suivi scientifique de l espèce, l indemnisation des dommages, la protection des troupeaux et l assistance aux éleveurs confrontés à la présence du loup, et ce notamment avec l aide de la Commission européenne au travers de deux programmes LIFE-Nature. 4/8
Bilan des montants des indemnisations par département depuis 2004 : 5/8
Répartition mensuelle des attaques indemnisées au titre du loup année 2008: Compte-tenu des territoires colonisés par le loup et de la prépondérance des systèmes d élevage avec présence en estive, l essentiel des attaques a lieu de juin à octobre. Dans les Alpes du sud, notamment les Alpes-Maritimes, cette tendance est moins marquée avec de nombreux troupeaux au pâturage 11 à 12 mois par an, qui nécessite le déploiement des moyens de protection tout au long de l année. Les actions de protection mises en œuvre Afin de prévenir et limiter les dommages dûs aux loups sur les troupeaux d animaux domestiques, des mesures de protection ont été mises en œuvre suite au retour de l espèce. Cofinancées par l Union Européenne, ces mesures ont évolué dans le temps et permettent aujourd hui de prendre en charge une partie des frais liés : - au temps de gardiennage supplémentaire assuré par l éleveur ou un berger - à la mise en œuvre du regroupement dans un parc de nuit en clôtures mobiles - à l achat et l entretien de chiens de protection - à l analyse de vulnérabilité du troupeau à la prédation Evolution du nombre de contrats signés dans le cadre de la mesure «t»entre 2004 et 2007 (source : MEEDAT) Evolution du nombre de contrats signés dans le cadre de la mesure "t" entre 2004 et 2007 Nombre de contrats 1000 800 600 400 200 0 748 643 441 243 2004 2005 2006 2007 6/8
Evolution des coûts induits par la mise en œuvre de la mesure «t» entre 2004 et 2007 (source : MEEDAT) Evolution des coûts induits par la mise en oeuvre de la mesure "t" entre 2004 et 2007 (PACA + Rhône Alpes) Montant engagé (millions d' ) 4,5 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 4,06 3,41 2,32 1,35 2004 2005 2006 2007 Année En complément des mesures inscrites dans le développement rural, le ministère de l agriculture et de la pêche a mis en place en 2004 des crédits d urgence. Leur objectif est de pouvoir répondre à des situations de prédation dans des secteurs où la présence du loup n avait pas été constatée et où les mesures de protection sont inexistantes. De même que les montants accordés pour financer les mesures issues du développement rural, les moyens mis à disposition en matière de crédits d urgence ont augmenté entre 2004 et 2007 pour atteindre 280 000 par an. Cependant, ces moyens indispensables pour faire face à l extension croissante du loup reposent aujourd hui sur un avenir précaire car ils sont remis en cause chaque année. Des chargés de mission «Prévention contre la prédation» sont également financés par l Etat en tant qu appui technique et administratif auprès des éleveurs sur les 9 départements concernés. Au-delà des mesures de protection aidées par les pouvoirs publics, le protocole national d intervention sur le loup prévoit des possibilités d effarouchement et un quota de loups pouvant être abattus. Ainsi, en respectant certaines conditions très strictes, les éleveurs peuvent faire usage d armes à feu pour défendre les troupeaux contres les attaques de loup. En cas de nouvelle attaque malgré le tir de défense, le Préfet du département concerné, peut ordonner des tirs mis en œuvre par des lieutenants de louveterie, et en dernier recours, organiser des tirs de prélèvement encadrés par l ONCFS. Bilan des autorisations de tirs de défense et de prélèvement au 01/11/2009 (source : DREAL Rhône Alpes) 7/8
Les résultats des tirs de prélèvement montrent la limite du dispositif puisque malgré huit autorisations de tirs de prélèvement délivrées en 2009, seul un loup a été réellement prélevé. Les évolutions indispensables pour maintenir l élevage dans les zones à prédation Alors que l élevage connaît des difficultés économiques généralisées à l ensemble des productions, les zones concernés par la présence du loup doivent faire face à des contraintes et des coûts supplémentaires pour protéger leurs troupeaux. L accroissement constant de la population de loups dans l arc Alpin avec la colonisation de nouveaux massifs démontre l inefficacité du dispositif de gestion de cette population en France et nécessite la mise en place de moyens de plus en plus importants dans un contexte de gel budgétaire généralisé. Alors que la population de loups n est plus considérée comme menacée dans notre pays, les mesures mises en place pour faciliter la cohabitation entre le prédateur et l activité d élevage ne suffisent pas. Les moyens de protection, éventuellement palliatif en estive sur des périodes courtes (3 à 4 mois), sont inapplicables dans les exploitations au système de production basé sur la gestion des troupeaux par lot (fonction des stades physiologiques des animaux). De telles conduites nécessiteraient la démultiplication des moyens de protection (un berger et/ou deux chiens de protection par lot ) qui remettrait inéluctablement en cause la viabilité de ces systèmes de production, et par la même, l entretien des terres pâturées Il devient donc urgent d obtenir : - une gestion de la population de loups plus efficace, par un assouplissement des autorisations de prélèvement et par la mise à disposition de moyens supplémentaires. - une lisibilité sur les financements des moyens de protection à venir, notamment au regard de l extension du loup qui se développe dans des régions au mode de production sédentaire et à la non prise en charge totale du coût des mesures de protection Une action parlementaire dans ce sens est donc indispensable pour l avenir de l élevage dans ces régions difficiles. 8/8