Le rôle des brancardiers musiciens dans la guerre Lors de la première guerre, les brancardiers incorporés dans les régiments ou les bataillons de chasseurs étaient recrutés parmi les soldats musiciens. En effet, ils avaient un double rôle musiciens en temps de paix ou entre les combats et brancardiers durant les périodes de guerre. «Terre-neuve sauveteur» ou «Rossignol Charmeur» le brancardier était très apprécié par les poilus. C était la guerre des tranchées 1914-1918 Tardi* Les différents brancardiers exerçant au front Cependant, trois types de brancardiers exerçaient sur le champ de bataille. Les brancardiers affectés à une compagnie, les brancardiers musiciens (affectés à un régiment) et les brancardiers divisionnaires (affectés à une division). Les soldats qui ont relaté leur vie dans les tranchées ont souvent abordé le rôle de ces soldats particuliers : «I s font un foutu métier, mais qu i s s logent avec les compagnies et en cas d assaut, chargent avec leur brancard» 1 «Peu belliqueux de sa nature, il se borne à suivre au combat les autres poilus, ses frères, afin de les panser, et, au besoin de les emporter s ils sont blessés» 2 Attendus par les blessés, ils étaient souvent le dernier espoir des mourants «Ce soir, les brancardiers vont sûrement venir, ils nous l ont promis hier» 3. 1 Henri BARBUSSE ; Le Feu ; Livre de poche 6524, page 169. 2 Le Diable au Cor, N 11 22 août 1915 in Les journaux de tranchées de Jean Pierre Tubergue aux éditions Italiques 1
Mattéo - Première époque 1914-1915 Jean-Pierre Gibrat* Ils sortaient la nuit pour ramener les blessés ou les morts «Ils n étaient qu une ombre le soir» 4. Leur travail était dangereux et harassant «Ecrasés sous la charge, les brancardiers ahanaient patinant dans la boue» 5. Ils ramenaient les blessés où les morts à l arrière le plus souvent au poste de secours. Les brancardiers affectés à une compagnie : Quatre dans chacune des compagnies d un régiment d infanterie, ils étaient souvent en première ligne au poste de secours de la compagnie. Ils portaient le brassard à croix rouge. Ce qui leur permettait s ils étaient pris d être rapatriés. Les brancardiers musiciens (ou brancardiers régimentaires) : Ils ne montent en première ligne qu en cas d attaques ou de besoins du poste de secours. Outre les activités musicales, ils étaient souvent amenés à effectuer d autres missions suivant les besoins de la hiérarchie militaire. Ils pouvaient se retrouver plantons, agents de liaisons occasionnels, fossoyeurs, manutentionnaires Comme l explique Laurent Pessa 6 dans ses carnets durant la bataille de la Somme, ils alternent les corvées pour amener les munitions en première ligne et l évacuation des blessés vers les brancardiers divisionnaires. Les brancardiers divisionnaires : Rattachés directement à la division, Ils font partie du «Groupe de Brancardiers Divisionnaires» «GBD». Ce dernier est composé de 2 médecins, 2 officiers d administration, 4 médecins auxiliaires, 140 infirmiers ou brancardiers, 62 conducteurs, 20 voitures et 100 rancards. Les brancardiers divisionnaires portent également le brassard à croix rouge au bras gauche. Ils montent en première ligne moins fréquemment que les brancardiers musiciens. Leur rôle est d assurer l évacuation des blessés entre les postes de régiments et les hôpitaux de l arrière. Ils sont aux ordres du médecin divisionnaire. 3 Roland DORGELES ; Les Croix de Bois ; Livre de Poche page 314. 4 Jules PECH ; Rigolboche, N 10 20 octobre 1916 in Les journaux de tranchées de Jean Pierre Tubergue aux éditions Italiques 5 Roland DORGELES ; Les Croix de Bois ; Livre de Poche page 349. 6 Carnet de route de Laurent Pensa musicien brancardier au 31e régiment d infanterie de Paris 2
Le rôle musical des brancardiers musiciens Durant les périodes de paix, les journées des musiciens étaient rythmées entre répétitions, prises d armes, parades et concerts pour la troupe mais également pour les civils. La Musique animait les différentes cérémonies officielles de la ville où était située la garnison. Lorsque la guerre a commencée, ces soldats ont continué leurs activités musicales : Ils animaient toujours des concerts pour les soldats et les habitants des villages où stationnait le régiment. C était un dérivatif, qui était très apprécié tant par les militaires que par les civils : «Pendant les périodes calmes, les brancardiers poursuivent leur œuvre bienfaisante : ils se rassemblent en groupe et soufflent de leur mieux dans les instruments de formes variées dont ils tirent des sons assez agréables pour la plus grande joie des Poilus qui les écoutent» 7. Il semble même qu au début de la guerre, certaines musiques jouaient lors des assauts comme le précise le lieutenant Schmidt dans Verdun de Jacques Péricard (attaque de Verdun de mars 1915) : «Les musiques du 31 ème et du 76 ème, sous la direction de M. Chomel, massés en pleine vue de l ennemi, lancent onze fois de suite, pendant la charge, le rythme entraînant de la Marseillaise et continuent à jouer malgré les vides sans cesse creusés parmi les exécutants». Les moments de creux étaient souvent occupés à effectuer des copies des partitions. Les musiciens participaient également aux revues, aux marches et aux prises d armes. Après les exécutions la Musique défilait devant le poteau d exécution aux sons du «Chant du départ». Certains, souvent de jeunes recrues, les traitaient «d embusqués» ne voyant en eu que les musiciens et oubliant le courage des brancardiers qui payaient un lourd tribu en allant chercher les blessés en première ligne, sous les pluies d obus. Les brancardiers régimentaires (brancardiers-musiciens) sont souvent confondus avec les clairons Les clairons appartenaient aussi à la compagnie hors rang, mais ils remplissaient des missions totalement différentes et ils avaient leurs attributs propres (galon tricolore au col et au bas des manches). Les insignes des brancardiers musiciens Au début de la guerre, ils étaient rattachés à une section puis très vite à la compagnie Hors rang. Il n y avait pas de hiérarchie (lois de 1872 et 1888) au sein du groupe. Ils étaient pour la plupart soldats de deuxième classe. Les seuls qui passaient première classe 7 Le Diable au Cor, N 11 22 août 1915 in Les journaux de tranchées de Jean Pierre Tubergue aux éditions Italiques 3
(galon en laine rouge au bas des manches) étaient promus à la suite d un acte de courage et non en fonction de l ancienneté. Le groupe de musiciens brancardiers était dirigé pas un chef et un sous chef. Ils ne portaient pas le brassard blanc à croix rouge (attribués aux infirmiers, aux brancardiers divisionnaires et personnels de service) mais un brassard foncé (drap bleu-horizon ou gris de fer bleuté) avec une croix inclinée de drap blanc Insigne de brancardier musicien sur le soldat de gauche Un insigne (une lyre rouge sur fond bleu) était brodé sur chaque manche, en rapport à leur activité de musicien. Le statut des brancardiers musiciens Pendant la première guerre, les musiciens brancardiers n étaient pas protégés par les conventions internationales comme l était le personnel médical. Ils avaient le statut de soldat et en cas de capture par l ennemi, ils étaient traités comme prisonnier de guerre. En effet, la «Convention pour l'amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne.», signée en 1906, prévoyait que seul le personnel exclusivement sanitaire pouvait prétendre à cette protection : Article 6 : «Le personnel exclusivement affecté à l'enlèvement, au transport et au traitement des blessés et des malades, ainsi qu'à l'administration des formations et établissements sanitaires, les aumôniers attachés aux armées, seront respectés et protégés en toute circonstance ; s'ils tombent entre les mains de l'ennemi, ils ne seront pas traités comme prisonniers de guerre.» 4
Ils ne pouvaient pas porter le brassard à croix rouge comme les brancardiers divisionnaires ou le personnel de santé. Ce signe distinctif était réservé au personnel protégé par ces conventions. Il faudra attendre la nouvelle convention signée le 27 juillet 1929, pour que le personnel semi sanitaires (article 9) soit également protégé à condition qu ils reçoivent une formation et qu ils détiennent un papier officiel mentionnant leur rôle. Ils bénéficient alors des mêmes droits que le personnel sanitaire : Article 6 : «Les formations sanitaires mobiles, c'est-à-dire celles qui sont destinées à accompagner les armées en campagne, et les établissements fixes du service de santé seront respectés et protégés par les belligérants.» Par contre, les brancardiers musiciens comme tout le personnel «sanitaire d occasion» ne pouvait toujours pas porter le brassard blanc à croix rouge (Article 21). La formation des brancardiers musiciens Les brancardiers musiciens étaient recrutés parmi les soldats jouant déjà d un instrument ou connaissant le solfège. Durant la guerre, ils étaient très souvent en répétition quand ils n étaient pas au front comme le montre les carnets de Léopold Retailleau musicien brancardier du 77 ème régiment d infanterie 8. Concernant la formation de brancardier, elle était très simple : transport des blessés, premiers secours Pour ramener les blessés, ils formaient une petite équipe. Quatre soldats de taille similaire, pour l équilibre, était chargés de porter un brancard. Dans les terrains accidentés et boueux ce n était vraiment pas trop et ils mettaient, parfois, de longues heures pour ramener le blessé au poste de secours. Souvent, ils ramenaient les blessés directement sur leurs dos. Le porte brancard (brouette porte brancard) était surtout réservé aux Brancardiers divisionnaires qui pouvaient bénéficier d un terrain plus favorable au transport des blessés. Sur le terrain, les brancardiers musiciens étaient équipés de trousses de premiers secours et de petite chirurgie. Par contre, ils n étaient pas armés, ils étaient seulement équipés d une baïonnette de série Z purement décorative. Il s agit en fait de vieux sabres-baïonnettes de fusil Chassepot modèle 1866, retirés du service depuis longtemps, mais conservés par les musiciens, en raison de leur élégance (lame «yatagan», large fourreau et poignée en laiton). 8 Musicien-Brancardier Carnets de Léopold Retailleau du 77 ème R.I. ; retranscrits par Claude Retailleau texte annoté et commenté par Eric Labayle ; Edition Anovi. 5
L ambulance 13 Tome 1 Croix de Sang Gothias Ordas et Mounier* A lire: Musicien Brancardier carnets de Léopold Retailleau du 77e RI Éditions Anovi Témoignages 1914-1918 Ernest Repaillé caporal infirmier Éditions ART&T (147eRI) Des Flandres aux Vosges un musicien-brancardier dans la Grande Guerre Texte de Louis Leleu, transcrit par Danièle Percic ; Ed : Alan Sutton, 2003 J étais médecin dans les tranchées Louis Maufrais * Les illustrations proviennent de bandes dessinées. Si les auteurs souhaitent que je retire ces dessins, cela sera fait immédiatement. 6