L élaboration et la mise en œuvre des stratégies de développement durable : des considérations qui sont également de nature financière.

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Transcription:

L élaboration et la mise en œuvre des stratégies de développement durable : des considérations qui sont également de nature financière. Alain Webster Vice-rectorat à l administration AQPERE Mars 2007

1. La mise en œuvre des stratégies de développement durable L élaboration de la politique de développement durable de l Université de Sherbrooke met l'accent sur quatre objectifs : Intégrer le développement durable à la mission universitaire d'enseignement et de recherche. Favoriser la compréhension, la promotion et l'engagement en matière de développement durable. Intégrer de façon transversale les concepts du développement durable dans toutes les politiques et les initiatives de l'université. Développer de façon exemplaire une gestion respectueuse de l'environnement.

1. La mise en œuvre des stratégies de développement durable Il s agit, à Sherbrooke comme dans bien des cas, d un changement important de paradigme et les dimensions à couvrir sont très nombreuses. La diversité des enjeux à traiter se traduit également par une diversité des enjeux financiers, tant au niveau du financement que de l évaluation de la rentabilité de la mesure. Dans un contexte de rareté budgétaire qui caractérise les finances des cégeps et universités au Québec, cette question présente un certain intérêt

1. La mise en œuvre des stratégies de développement durable Les enjeux de financement peuvent prendre différentes formes : Les éléments mis en œuvre sans ressource supplémentaire ; Les éléments faisant l objet de subventions spécifiques ; Les éléments autofinancés ou permettant de générer des revenus supplémentaires ; Les éléments nécessitant l ajout de ressources supplémentaires. Se pose dans chacun de ces cas, mais en particulier dans le dernier, la capacité de démontrer la pertinence de la mesure.

1. La mise en œuvre des stratégies de développement durable Quatre éléments pouvant être présent dans nos stratégies de développement durable sont analysés brièvement pour illustrer ces différentes dimensions financières : Intégration à la mission enseignement et recherche: un changement de mentalité; Changements climatiques, énergie et transport : les incitatifs financiers et l imputabilité; Politiques d achat : la nécessaire concertation du réseau pour minimiser les coûts; Transport durable : un exemple de stratégie à gains multiples.

2. La mission d enseignement et de recherche Les cégeps et universités, conformément à leur mission de production et de transmission du savoir, sont en mesure d'apporter une contribution majeure à la compréhension, à la promotion et à la mise en œuvre du développement durable. La démarche peut prendre différentes formes allant de l intégration des notions de développement durable dans les différents cursus, l élaboration d activités de formation transversales ou des activités de sensibilisation. Si cela se traduit dans certains cas par des coûts de mise en œuvre et de formation, mais la difficulté est beaucoup plus de nature «culturelle» que financière

3. Changements climatiques, énergie et transport Le Plan d action sur les changements climatiques et la Stratégie énergétique du Gouvernement interpellent de façon explicite le milieu de l enseignement supérieur en lui fixant des normes de performance à atteindre: amélioration de 14% de l efficacité énergétique des immeubles par rapport à l année 2003; amélioration de 20% à 25% la performance énergétique des nouveaux bâtiments à compter de 2008. Pour contribuer à atteindre cet objectif d économie d énergie, le MÉLS a élaboré un programme spécifique de soutien financier pour les cégeps et les universités.

3. Changements climatiques (suite ) Ces stratégies engendrent souvent un retour sur l investissement assez rapide pour être rentable. Une stratégie optimale serait de pouvoir dédier les gains financiers découlant de la réduction de la consommation énergétique au financement de la politique. Mais L économie résultant de la consommation sert parfois à compenser la hausse des coûts de base de la tarification L économie doit-elle être utilisée pour l ensemble de la politique ou uniquement à des fins énergétiques? Il peut y avoir un problème d imputabilité, l unité administrative qui paye le coût de l investissement souhaite récupérer ce gain

3. Changements climatiques (suite ) Le Plan d action sur les changements climatiques et la Politique de transport vise à accroître l achalandage du transport en commun de 8% d ici 2012. Dès incitatifs financiers ont été mis en place : Les contributions des employeurs au financement du transport en commun de leurs employés ne constituent plus des gains imposables au Québec. La mesure n est malheureusement pas équivalente au fédéral Depuis le budget 2006-2007, les employeurs bénéficient d une déduction additionnelle de 100% pour les laissez-passer de transport en commun de leurs salariés qu ils prennent en charge totalement ou partiellement. Une telle mesure n a cependant aucune incidence en milieu de l enseignement, nous avons été oubliés

4. Politique d achat Dans de nombreux cas, le prix d achat ne reflète pas le coût de production total du produit, en particulier les coûts environnementaux. Le marché est dit «défaillant» et l allocation des ressources qui en découle n est plus optimale... Cette correction peut se faire par l État en introduisant des normes, des taxes ou des droits d émission. Elle peut se faire également par l acheteur qui introduit volontairement dans sa prise de décision des critères de sélection autres que le simple prix de marché. De nombreuses universités ont débuté le processus de révision de leur politique d achat et un groupe de travail coordonne ces travaux au Regroupement des gestionnaires d approvisionnement des universités québécoises.

4. Politique d achat (suite ) Quelques contraintes : Une grande diversité de produits engendrée par des besoins spécifiques de formation et de recherche Besoin d une méthode d évaluation simple et rapide des produits permettant de maintenir une gestion efficiente Un cadre budgétaire qui ne laisse guère de marge de manœuvre pour les surcoûts Quelques avantages du milieu de l enseignement : Des achats de plusieurs centaines de millions de dollars permettant d influencer l offre Des gains potentiels dans certains secteurs Une capacité de travailler en concertation

5. Le transport durable à l Université de Sherbrooke Le libre accès au transport en commun constitue sans aucun doute la mesure de développement durable la plus spécifique de l Université de Sherbrooke, elle est unique au Québec et au Canada. Depuis l'automne 2004, tous les étudiants et étudiantes de l'université bénéficient d'un accès entièrement libre et illimité à l'ensemble du réseau de transport en commun sherbrookois sur simple présentation de leur carte étudiante. L'Université favorise une organisation plus efficace des déplacements en se centrant sur la personne et ses besoins de mobilité.

5. Le transport durable à l UdeS (suite ) Pour mettre en œuvre ce programme, l Université de Sherbrooke compense la STS pour le manque à gagner, soit près de 900 000$ par année. La charge financière est partiellement compensée par une augmentation de la tarification des stationnements. Les revenus provenant des étudiantes et étudiants sont entièrement dédiés au financement de ce programme de transport. Les revenus provenant du personnel sont dédiés au financement du plan d action de développement durable dans son ensemble. Mais est-ce rentable?

5. Le transport durable à l UdeS (suite ) Dès la première année du programme, le nombre d utilisateurs du service de la STS à l Université lors de la pointe du matin et du soir a augmenté de 103%; 20% des étudiantes et étudiants ont délaissé leur voiture au profit du transport en commun; La vente de permis annuels de stationnement a baissé de 1000 unités malgré la croissance de l effectif étudiant, soit une réduction moyenne des émissions de gaz à effet de serre de 4 000 tonnes par année

5. Le transport durable à l UdeS (suite ) Les stationnements sur route ont été fermés, le stationnement illégal dans les espaces verts est maintenant inexistant et le parc actuel suffit amplement à la demande; Un moratoire a été instauré sur la construction de nouveaux espaces de stationnement; Les nouveaux principes directeurs d aménagement adoptés par le CA au printemps préconisent un déplacement des stationnements en périphérie et la fermeture des stationnements au centre du campus; Il redevient maintenant possible de penser à une stratégie globale d aménagement du campus malgré la croissance de l effectif.

5. Le transport durable à l UdeS (suite ) Une réduction des GES et autres polluants atmosphériques; Une meilleure intégration citoyenne des étudiantes et étudiants grâce à une répartition plus étendue de l'activité et du logement étudiant dans toute la ville; Une réduction de la pression associée à la demande de logement dans le quartier périphérique à l Université; Pour répondre à la demande d hébergement, une coopérative de solidarité en habitation a vu le jour au centre-ville.

5. Le transport durable à l UdeS (suite ) Un gain en terme de visibilité. Ainsi, une proportion significative des futurs étudiants disent que l accès libre au transport en commun constitue un critère les influençant dans le choix de leur université. Ce critère arrive évidemment après la réputation de l Université et la qualité de l enseignement, mais il est néanmoins présent

5. Le transport durable à l UdeS (suite ) Cette stratégie de développement durable se traduit donc par des gains importants et multiples réponse adéquate aux programmes d engorgement des parcs de stationnement, meilleure gestion de l hébergement, gain d opportunité en terme d aménagement gain environnemental mesure sociale profitant aux groupes les moins fortunés retombé positive en terme de visibilité pour l Université retombés positive pour l ensemble de la communauté Lorsque l on considère l ensemble de ces gains, et non seulement le bilan comptable «revenus supplémentaires de stationnement versus coût du programme», la stratégie devient alors rentable.

En guise de conclusion Lorsque l on souhaite intégrer développement durable et gestion financière, devrait-on parler : d incompatibilité, soit l impossibilité de s accorder, d exister ensemble, résultant de différences essentielles; ou encore d inconséquence, un manque de suite dans les idées, de réflexion dans la conduite? En y regardant de plus près, il faut parler de simple cohérence, soit un rapport étroit d idées qui s accordent entre elles. Quoi de plus simple en fait pour des spécialistes de la gestion financière que de chercher à «prendre en compte» l ensemble des dimensions de notre développement