Universités et développement des territoires : quels rôles et actions possibles pour les collectivités locales?

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Transcription:

Universités et développement des territoires : quels rôles et actions possibles pour les collectivités locales? Atelier n 6 Nicolas DEBON, Directeur général adjoint en charge du développement économique de la Carène Lionel MARTINEZ, Directeur des services aux entreprises du Grand Lyon L atelier était animé par Jean-Michel JOLION, Délégué Général du Pôle de Recherche et d Enseignement Supérieur Université de Lyon. I. Introduction (Jean-Michel JOLION) La rencontre entre les territoires et les Universités a eu lieu de manière paradoxale : voici encore une vingtaine d années, les territoires n incluaient pas les établissements d enseignement supérieur dans leurs stratégies politiques. Progressivement toutefois, les territoires ont saisi toute l importance de ces acteurs dans leur développement. Parallèlement, les universités ont elles aussi découvert l importance du rôle qui est le leur. La première de ces évolutions est intervenue à la faveur des plans U2000 et U3M, qui ont placé les collectivités locales en position de partenaires au moment de répertorier le patrimoine universitaire. En s interrogeant sur leur ancrage territorial, les universités ont en effet commencé questionner leur rôle au sein de la collectivité. Ces plans ne portant que sur l immobilier, ils n ont toutefois pas réellement permis d élaborer une réelle stratégie conjointe entre les différents acteurs locaux. Cette donne a évolué depuis l introduction par la loi sur la Recherche (et notamment de la mise en place des nouveaux instruments que sont les RTRA 1, les CTRS 2, les instituts Carnot), de l autonomie des universités. En outre, la création des pôles de recherche, au nombre de dix en France, a amené certains établissements à s interroger sur l opportunité d une fusion des universités présentes sur un même territoire. Bien que les approches divergent encore en la matière, ce mouvement a favorisé l échange entre les acteurs, et Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 1

l apparition du PRES a, de ce point de vue, favorisé l émergence de stratégies communes à plus ou moins long terme. Le développement économique est régulièrement cité parmi les avantages les plus visibles du rapprochement entre collectivités locales et université. La dimension économique sous tend en effet la question de l ancrage territorial des établissements d enseignement supérieur, qui doivent répondre à une demande à la fois locale, nationale et, de plus en plus fréquemment, internationale. Pour essentielle que soit la dimension économique, elle n est pas la seule. Les établissements d enseignement supérieur ont en effet la charge, entre autres missions, de diffuser la connaissance et d assurer un certain rayonnement international de l enseignement français. Les collectivités territoriales ne s étant pas encore emparées de ces aspects, il sera nécessaire d identifier des structures et des lieux de rencontre entre collectivités et universités afin de co-construire des projets au lieu de s inscrire dans une logique de financement pure. II. Les actions conduites sur le territoire de Saint Nazaire : développement d une gouvernance avec l Université, la Chambre de Commerce et d'industrie et la Communauté d'agglomération (Nicolas DEBON) 1. Présentation générale La Carène (Communauté d'agglomération de Saint-Nazaire) compte 115 000 habitants, 7 000 entreprises et 45 000 emplois, principalement autour de l industrie navale, de l aéronautique et du tourisme ; une diversification est également en cours dans le secteur tertiaire et le domaine des biotechnologies. Le taux de chômage actuel du territoire est de 6,8 %. Troisième Université pluridisciplinaire de France, l Université de Nantes-Saint-Nazaire regroupe pour sa part un total de 45 000 étudiants, dont 3 000 seulement sur les sites de Saint-Nazaire et de la Roche-sur-Yon. Il convient donc, pour la Carène, d envisager les moyens d ancrer l enseignement supérieur sur le territoire de Saint-Nazaire. La situation actuelle est en effet porteuse de risques : rapatriement des formations à Nantes, manque de moyens locaux, déconnexion de l enseignement du monde économique, etc. Les enjeux du développement de ce territoire sont les suivants : - conforter les filières d enseignement connectées au tissu économique ; - développer et asseoir les laboratoires de recherche ; Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 2

- développer la qualité des sites. 2. Moyens d action L agglomération peut agir sur cinq leviers essentiels. Elle doit tout d abord constituer une gouvernance locale permettant d aboutir à l élaboration d un Programme de Progrès Concerté (PPC) entre la Chambre de Commerce et d'industrie (CCI), l Université et la Carène, mais également partager ce PPC avec Nantes Métropole ; cela passe par la définition des enjeux communs et de ceux propres à chaque territoire. A l échelle locale, la Carène a également mené une étude stratégique sur le positionnement de chaque site universitaire, qui a permis d envisager l optimisation de l immobilier. Le soutien au développement de la recherche s est traduit de diverses manières : - mise à disposition de d immobilier pour les laboratoires ; - participation aux bourses de thèse ; - soutien au fonctionnement des laboratoires, - soutiens aux colloques et autres manifestations ; - soutien aux échanges internationaux. Le budget engagé pour la réalisation de ces actions avoisine les 450 000 euros. La Carène se fixe également pour mission de renforcer le lien entre entreprises, recherche et enseignement par le soutien dans les PME locales de l innovation apportée par les étudiants. Cela permet tout à la fois aux étudiants de se sensibiliser à l entreprise tout en offrant à de petites sociétés des compétences techniques dont elles ne disposent pas nécessairement. Deux autres projets structurent l action de la Carène : le développement d un pôle logistique et la structuration de la filière bio ressources marines, qui s appuient tout deux sur un fort ancrage local lié à la présence d acteurs d importance. L attraction d un établissement d enseignement supérieur passe également par les conditions de vie des étudiants que ce soit en termes de communication, de soutien de projet ou de services. Enfin, la collectivité doit jouer son rôle en matière de soutien au développement de la formation. Cela se traduit notamment par le financement d équipements informatiques. Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 3

3. Objectifs A un horizon de cinq ans, la Carène se fixe les objectifs suivants : Asseoir la position des laboratoires en assurant le développement des filières économiques qui y sont rattachées ; Renforcer la lisibilité et l attractivité du pôle ; Assurer une meilleure coordination des filières à développer avec Nantes Métropole. III. Enjeux du développement de la métropole lyonnaise et interactions avec le système d enseignement supérieur et de recherche en matière de politique d innovation marketing et d aménagement (Lionel MARTINEZ) La métropole lyonnaise compte 120 000 étudiants et près de 5 000 doctorants, dont environ 15 % sont des étudiants étrangers. En favorisant la collaboration entre les collectivités territoriales et l enseignement supérieur, le Plan Technopole entre 1988 et 2003 a permis de fonder le développement de la métropole sur l innovation. Cela s est notamment traduit par la structuration de filières BIO et TIC, et par un soutien renforcé à l incubateur local et ainsi qu au pôle Universitaire de Lyon ; près de 27 millions d'euros ont ainsi été investis sur la période 2000-2006 dans le cadre du CPER. Le lancement et la labellisation de cinq pôles de compétitivité locaux entre 2003 et 2005 s est montré structurant dans la relation publique / privé. Le rôle de la collectivité a été important dans le lancement de 2 pôles mondiaux avec les entreprises et les scientifiques. La mutualisation de la valorisation en 2005 s est également révélée être un enjeu hautement stratégique pour la Collectivité. Le lancement, en septembre 2007, du Schéma de Développement des Universités (SDU) résulte d une volonté politique locale qui a permis aux établissements d enseignement supérieur de passer d une logique court-termiste à une réflexion plus pérenne et collective, permettant ainsi de programmer divers investissements. Ces investissements ont notamment permis au campus de Lyon-Cité de devenir lauréat du Plan Campus en 2008. Une convention cadre définissant un système de suivi et de pilotage extrêmement précis a également pu être conclu entre le Conseil régional, le PRES et la communauté urbaine de Lyon. Le Grand Lyon focalise son action sur deux compétences essentielles : l aménagement du territoire et le développement économique ; les autres aspects sont laissés aux acteurs compétents. L action en matière de développement s est traduite par la création de pôles de compétitivité et par l appui d une fonction d incubateur de projets. En matière d aménagement, le lancement du schéma de développement et d aménagement Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 4

universitaire, l appui à la réponse au Plan Campus et la maitrise d ouvrage des deux projets CPER sont autant d actions engagées par le Grand Lyon. Enfin, la Communauté urbaine est membre du Conseil d'administration de l Université de Lyon, qui est ellemême présente dans le cadre d une réflexion menée sur le développement économique du territoire. L Université est également associée à la démarche marketing du territoire. Parmi les enjeux du mandat 2008-2013, le Grand Lyon va rechercher à mieux connecter l Université aux milieux économiques, mais également à accélérer l internationalisation de la recherche et à positionner la marque «Université de Lyon» à l international ; les campus seront également mis en conformité avec les standards internationaux. Pour ce faire, la Communauté a mis en place, depuis novembre 2007, un management de projet équivalent à 2 ETP au sein duquel le Grand Lyon se place davantage en tant que développeur qu en tant que financeur. IV. Questions-réponses Durant ma carrière, j ai régulièrement été confronté à des levées de bouclier dès qu on touche au monde enseignant. J estime par conséquent qu il est difficile pour les collectivités de se placer autrement qu en simple financeur. Jean-Michel JOLION La contribution de l État au budget de l'université de Lyon ne pèse que pour 2,7 % du budget (bien que l'université de Lyon soit un établissement public). Les collectivités contribuent à hauteur de 40% du budget et doivent donc être pleinement reconnues en tant qu administratrices de l Université. A mes yeux, les difficultés que vous soulevez proviennent plutôt d une certaine crainte de voir l Université favoriser les filières professionnalisantes ; les collectivités territoriales doivent se montrer très claires sur leur stratégie à ce sujet. S il est relativement aisé de travailler avec les sciences dures, le cas des sciences humaines me semble différent de par la rareté des lieux de rencontre. Je me demande donc comment conserver les étudiants sur le territoire. Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 5

Jean-Michel JOLION La volonté politique de certaines personnes peut suffire à bousculer les habitudes. J estime en outre que la relative déshérence des filières sciences humaines n est pas le seul fait des universités. Les entreprises françaises peinent en effet à saisir leur intérêt d embaucher des docteurs en histoire de l art alors même que ces profils sont très recherchés à l étranger. La collectivité doit donc fournir un effort pour promouvoir ces filières. La région Alsace a conclu un plan cadre visant à améliorer l ancrage des formations d ingénieurs sur son territoire. Cette action devrait permettre d augmenter le nombre de diplômés en ingénierie de 700 par an à un millier. En outre, un ancrage territorial renforcé des écoles favorise l interaction entre l étudiant et l entreprise ; la Région a donc encouragé les écoles favorisant cette approche locale. J estime en outre que les pôles de compétitivité véritables révolution culturelle - représentent une étape importante dans la construction d une vision partagée du développement économique de la Région. Ces observations m amènent à m interroger sur le mode de gouvernance à venir. S agirat-il d une simple substitution de l Etat par la Région? La Région Alsace ne le souhaite pas En la matière, je crois qu il faut quitter notre ancienne vision tutélaire pour s inscrire dans une démarche plus partagée. Où en sont nos voisins européens? Jean-Michel JOLION Les comparaisons entre les universités de différents pays ne me semble par pertinente. En effet, dans d autres pays, les universités ont la faculté de choisir leurs étudiants et de fixer le montant de leur frais de scolarité. Les universités françaises ont une mission de service public et un devoir d'accueil pour la jeunesse de ce pays. S agissant du lien entre collectivités locales et universités, l Etat reste le principal acteur, il faut avoir à l esprit que les universités sont souvent tiraillées entre leur ancrage territorial et une vision tutélaire de l action publique. Le fait que les regroupements d Universités soient régulièrement baptisés du nom de la principale métropole présente sur le territoire souligne à ce titre la volonté des universités de se doter d une visibilité internationale tout en affirmant leur ancrage local. Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 6

Il faut également se rappeler que l excellence d une université est appréciée au regard de critères internationaux largement liés au nombre d étudiants. Des indicateurs sociaux tels que l insertion professionnelle, pourtant pertinents à l échelle locale, ne sont pas des critères d évaluation de l excellence. Tenir ce rôle à la fois local et international pose un véritable problème d identité à nos universités et à terme, je pense que cette dichotomie aboutira à la création un enseignement supérieur à deux vitesses. A mon sens, le principal écueil à éviter pour les collectivités locales est de ne pas chercher à systématiquement compenser le désengagement de l Etat. Si le financement des établissements d enseignement supérieur ne doit pas être écarté a priori, celui-ci doit toujours s inscrire dans une démarche de co-construction. Je crois pour ma part que nous devons nous interroger sur le rôle de l université dans l économie de l information. La région Alsace considère à ce sujet que l échelon régional est le plus pertinent pour développer une démarche constructive avec les entreprises, et je suis toujours choqué de constater que les universitaires alsaciens, qui publient à l international, sont totalement absents des médias locaux. Strasbourg, les 3 et 4 décembre 2008 7