Indications et modalités du traitement anticoagulant préventif pendant la grossesse et le post partum



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Transcription:

Indications et modalités du traitement anticoagulant préventif pendant la grossesse et le post partum RÉSUMÉ : La maladie thromboembolique est la troisième cause de décès maternel dont 23 % sont potentiellement évitables d après le dernier rapport sur la mortalité maternelle. L augmentation du risque d événement thromboembolique persiste au moins 8 semaines en post-partum. L identification précise des facteurs de risque personnel, familiaux, cliniques et biologiques est un enjeu majeur dans la stratégie de prise en charge. L interrogatoire recherchera l existence de facteur de risque déclenchant de l événement thromboembolique. Les facteurs de risque sont multiples et souvent cumulés. Ces éléments guideront la prescription. Le risque d événement thromboembolique est étroitement lié aux antécédents thromboemboliques personnels et/ou familiaux. Les recommandations professionnelles sont nombreuses, souvent concordantes, mais parfois discordantes. L établissement de score de risque peut être une aide à la prescription. Le port de collants de contention est recommandé. F. BRETELLE1, N. TRILLOT 2, A.-S. DUCLOY-BOUTHORS 3 1 Gynépole, AP-HM, Faculté de médecine, Aix-Marseille Université (AMU), MARSEILLE. 2 Institut d Hématologie-Transfusion, CHRU, LILLE. 3 Anesthésie-Réanimation, Pôle Mère Enfant, CHRU, LILLE. La maladie thromboembolique veineuse est une complication rare mais grave de la grossesse. Un événement thromboembolique veineux (ETEV) complique d une à deux grossesses pour 1 000 [1]. Elle reste la troisième cause de mortalité maternelle après les hémorragies et les embolies amniotiques. D après l enquête sur la mortalité maternelle, 23 % étaient potentiellement évitables. Son incidence au cours des trimestres de la grossesse reste discutée. Le risque d ETEV est environ cinq fois plus élevé chez la femme enceinte que dans la population générale, et augmente en post-partum. Le surrisque est présent dès le 1 er trimestre de la grossesse et persiste jusqu à 12 semaines en postpartum [2]. La prévention du risque thrombotique veineux au cours de la grossesse et du post-partum repose sur l identification des patientes à risque. La maladie thromboembolique est multifactorielle et multigénique. Les facteurs de risque peuvent être cliniques (alitement, obésité, grossesse multiple ) et/ ou biologiques. L identification de ces facteurs de risque cliniques et biologiques est une étape essentielle de la prévention du risque d ETEV. Très fréquemment, ces facteurs de risque se cumulent, exposant la patiente à un ETEV. Nous traiterons ici uniquement de la prévention du risque thromboembolique en excluant les traitements curatifs. [[ Facteurs de risque généraux L antécédent d événement thrombotique veineux (ETEV) personnel est un facteur de risque de récidive d autant plus fort que l événement initial était 8

sans cause déclenchante et proximale (embolie pulmonaire), survenu lors d une précédente grossesse ou sous contraception estroprogestative [3]. Un antécédent thrombotique familial direct (père, mère, frères et sœurs) augmente le risque thrombotique indépendamment de la notion d une thrombophilie constitutionnelle [4]. L âge au-delà de 35 ans, l obésité, l immobilisation, l intoxication tabagique > 10 cigarettes par jour, les pathologies associées cardiaques, inflammatoires, infectieuses, le syndrome néphrotique, l insuffisance veineuse sévère, l immobilisation 3 jours et les voyages de plus de 4 heures sont des facteurs de risque d ETEV [1]. Facteurs de risque [[[ biologiques Les facteurs de risque biologiques constitutionnels (thrombophilies) sont les déficits en antithrombine, protéine C ou S (diminution de fonction d un inhibiteur de la coagulation), ou mutations du facteur V (FV Leiden, FVL) ou du facteur II (PTG20210A). Les déficits à l état homozygote ou les déficits combinés sont associés à un risque thrombotique plus élevé. Tous ces facteurs de risque ne présentent pas le même risque prothrombotique. Le risque est clairement dépendant de la notion d antécédent ETEV familiaux ou personnels. Facteurs de risque liés [[[ à la grossesse La multiparité, les grossesses multiples, la procréation médicale assistée (PMA), la prééclampsie (PE), le retard de croissance intra-utérin (RCIU), l accouchement avant 36 semaines, la césarienne en urgence, l hémorragie du post-partum > 1 litre et/ou associée à une transfusion et l infection, sont des facteurs de risque d ETEV [1, 5, 6). En cas de PMA, le risque d ETEV est augmenté, en particulier en cas de syndrome d hyperstimulation. En l absence de facteur de risque associé, une grossesse obtenue par PMA n est pas une indication à prescrire des HBPM. La césarienne programmée n augmente pas le risque d ETEV contrairement à la césarienne en urgence. ETEV et pathologie vasculaire placentaire : l antécédent de prééclampsie ou de RCIU pour une précédente grossesse est une indication à un traitement préventif par aspirine mais ne relève pas de la prescription d HBPM. Des antécédents de pertes fœtales à répétition ne sont pas une indication de placer ces patientes ni sous aspirine ni sous HBPM. En cas d antécédent de PE ou de RCIU, un bilan de thrombophilie n est pas recommandé. Seuls les antécédents obstétricaux précoces et répétés doivent faire rechercher une thrombophilie. Il est recommandé de rechercher un syndrome des antiphospholipides [7]. Le syndrome des antiphospholipides, ou la mise en évidence d anomalie prothrombotique, peut faire discuter un traitement préventif par HBPM en intégrant l anamnèse (examen anatomopathologique placentaire, type d antécédent obstétrical et leur éventuel récurrence). [[[ Traitements antithrombotiques L ensemble des référentiels et recommandations recommandent de privilégier l utilisation des héparines de bas poids moléculaires (HBPM) à l héparine non fractionnée (HNF) pour leur absence de passage transplacentaire, leur efficacité, leur facilité d administration, leur moindre risque d ostéoporose et de thrombopénie induite à l héparine [6-9]. En France, l énoxaparine (Lovenox) et la daltéparine (Fragmine) disposent d une autorisation pour les 2 e et 3 e trimestres de la grossesse. Le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) indique que l utilisation de l ensemble des HBPM est possible aux cours des trois trimestres en raison de leur poids moléculaire élevé (tinzaparine [Innohep], nadroparine [Fraxodi, Fraxiparine]) [10]. Il est recommandé de les prescrire en unités. Les posologies sont pour le schéma préventif de 4 000 unités (U) pour l énoxaparine, 5 000 U pour la daltéparine et 4 500 U pour la tinzaparine par 24 heures. En dehors du cas particulier des femmes porteuses d une valve cardiaque mécanique, il est préférable de remplacer les AVK par des HBPM compte tenu du risque d embryopathie entre la 6 e et la 12 e semaine d aménorrhée et du risque d hémorragie en fin de grossesse. Dans le postpartum, la prescription de la warfarine (Coumadine) et de l acénocoumarol (Sintrom) est possible et compatible avec l allaitement. La prescription de nouveaux anticoagulants oraux anti- IIa (dabigatran [Pradaxa]) ou anti-xa (rivaroxaban [Xarelto] ou apixaban [Eliquis]) est contre indiquée [6]. Le contrôle de la numération plaquettaire est recommandé avant la prescription de l HNF et des HBPM. Elle doit être poursuivie sous HNF. Elle n est pas préconisée sous HBPM dans les recommandations anglo-saxonnes. En France, le référentiel de l ANAES recommande leur surveillance bihebdomadaire les trois premières semaines de traitement puis hebdomadaire. Compte tenu des récentes recommandations internationales, certaines équipes proposent une simplification avec une surveillance plaquettaire mensuelle sous HBPM. La surveillance de l activité anti-xa n est pas recommandée sous HBPM en dehors de l insuffisance rénale modérée ou poids extrêmes. Cependant, cette activité est modifiée au cours de la grossesse et souvent difficile à interpréter. 9

Indications du traitement [[[ antithrombotique Il existe des recommandations françaises de l ANAES [8], de la SFAR [9] et des recommandations nordaméricaines actualisées en 2012 de l American College of Chest Physicians (ACCP) [6], reposant majoritairement sur des études observationnelles. Plusieurs auteurs ont de plus proposé des scores d évaluation de risque pouvant être une aide décisionnelle à la pres cription [11-13]. La conférence de consensus de l ANAES (2003) et la SFAR (2005) regroupent les patientes selon quatre niveaux de risque : majeur, élevé, modéré et faible (tableau I). Ceux-ci sont définis en fonction de l existence ou non d un antécédent thrombotique veineux, de ses caractéristiques cliniques, de l existence d un antécédent familial, de la présence de facteur de risque additionnel propre ou non à la grossesse. >>> Pour l ANAES : le risque majeur est défini par un antécédent de MTEV qui justifie du maintien d une anticoagulation en dehors de la grossesse en rapport avec une thrombophilie, l existence d un déficit en AT symptomatique ou d un SAPL. Ces situations sont rares ; le risque élevé est défini par un antécédent de MTEV sans facteur déclenchant associé à la présence ou non d un facteur de risque biologique ou par un antécédent familial associé aux facteurs de risque biologique suivant : déficit en PC, PS, un FVL ou une mutation du facteur II homozygote ou une anomalie combinée ; le risque modéré est défini par un antécédent de MTEV avec facteur déclenchant et sans facteur biologique de risque, ou par un antécédent familial associé à un FVL ou une mutation du facteur II hétérozygote, ou la présence de facteurs de risque liés ou non à la situation obstétricale : césarienne, Facteur de risque majeur Déficit en AT symptomatique. SAPL (clinique et biologique) à HBPM et aspirine. Facteur de risque élevé (OR 6) : la présence d une de ces facteurs isolés (risque d ETEV > 3 % en post-partum) Antécédent d ETEV sans facteur déclenchant avec ou sans thrombophilie. Déficit en PC ou en PS, statut homozygote pour le facteur V Leiden. Statut homozygote pour l allèle 20210A du gène du facteur II. Anomalies combinées, immobilité (repos au lit strict > 1 s en antepartum), hémorragie de la délivrance > 1 000 ml, PE avec RCIU, lupus, cardiopathie, drépanocytose, transfusion sanguine, infection post-partum. Facteur de risque mineur (OR 6 en association) : présence d au minimum un de ces facteurs (risque d ETEV > 3 % en post-partum) Antécédent de MTEV avec facteur déclenchant et sans facteur biologique de risque. Statut hétérozygote pour le facteur V Leiden. Statut hétérozygote pour l allèle 20210A du gène du facteur II. Maladie thrombogène sous-jacente (syndrome néphrotique, MICI, infection). Tableau I : Classification en niveau de risque selon les facteurs de risque d événement thrombo embolique veineux (ETEV) et syndrome des antiphospholipides (SAPL), antithrombine (AT), protéine C (PC), protéine S (PS), héparine de bas poids moléculaire (HBPM), prééclampsie (PE), retard de croissance intra-utérin (RCIU), maladies inflammatoires intestinales (MICI) [6, 8, 9]. âge > 35 ans, l obésité, la multiparité, l alitement, la prééclampsie, ou la présence d une pathologie associée à un risque de thrombose (syndrome néphrotique, MICI, infection ). L ANAES propose, en présence d un risque majeur, une héparinothérapie à posologie curatrice par HNF au cours du 1 er trimestre puis par HBPM au cours des 2 e et 3 e trimestres, puis par AVK pendant 3 mois dans le post-partum. En présence d un risque élevé, une héparinothérapie préventive (4 000 à 5 000 U/24 h d HBPM) dans le 3 e trimestre, ou plus précocement en présence de facteurs additionnels et 6 à 8 semaines dans le post-partum. En cas d un risque modéré, une héparinothérapie préventive (4 000 à 5 000 U/24 h d HBPM) est proposée pendant 6 à 8 semaines dans le post-partum. >>> La SFAR définit ces niveaux de risque par l existence d antécédents d ETEV multiples, ou d un antécédent d ETEV justifiant du maintien d une anticoagulation en dehors de la grossesse en rapport avec une thrombophilie. risque majeur : antécédent d ETEV sans facteur de risque retrouvé et/ou associé à l un des facteurs biologiques de risque suivants : déficit en AT, SAPL, un FVL ou une mutation du facteur II homozygote ou anomalie combinée, ou d un antécédent de MTEV lors d une grossesse antérieure ou sous contraception estroprogestative ; risque élevé : antécédent de MTEV avec facteur déclenchant temporaire lors de l épisode antérieur ou d un antécédent de MTEV avec facteur biologique de risque autre, ou par un antécédent familial associé à un déficit en AT, un SAPL, un FVL ou une mutation du facteur II homozygote ou anomalie combinée, une césarienne en urgence ou associée à une chirurgie pelvienne, ou présence d au moins trois facteurs de risque additionnel pour le risque modéré ; le risque faible est défini par l absence ou la présence de moins de trois facteurs de risque (identique ANAES 2003). La SFAR propose des schémas identiques à la conférence de consensus de l ANAES, sauf en présence d un risque 10

élevé où il est proposé de considérer une majoration de l héparinothérapie préventive de 4 000 à 5 000 UI d HBPM par 12 heures et non par 24 heures. >>> Les recommandations récentes de l ACCP (2012) proposent des schémas différents selon que l antécédent d ETEV justifie du maintien d une anticoagulation en dehors de la grossesse, qu il soit associé à un facteur déclenchant transitoire, survenu lors d une précédente grossesse ou sous contraception estroprogestative [6]. Les schémas proposés sont différents, si le facteur de risque biologique est associé à un antécédent familial. La survenue d un syndrome d hyperstimulation ovarienne au cours de l AMP justifie d une recommandation de prévention du risque thrombotique au cours du 1 er trimestre jusqu à 3 mois après résolution des symptômes. L ACCP (2012) propose en prévention deux schémas : le shéma classique (4 000 U d énoxaparine ou 5 000 U de daltéparine ou 4 500 U de tinzaparine par 24 heures) et le schéma intermédiaire (4 000 U d énoxaparine ou 5 000 U de daltéparine ou 4 500 U de tinzaparine par 12 heures) en cas de risque élevé. Une synthèse des principaux facteurs de risque peut être retrouvée dans le tableau II. Antécédent d ETEV lors d une précédente grossesse et/ou post partum ou sous contraception oraux. Antécédent d ETEV personnel sans facteur déclenchant. Antécédent d ETEV et facteur V hétéro ou homozygote. SAPL. Déficits combinés associés à au moins un facteur de risque clinique. Syndrome d hyperstimulation ovarienne (HBPM 3 mois après résolution du tableau). Tableau II : Exemples les plus fréquents d indication de prescription d HBPM à dose préventive lors de la grossesse et dans le post-partum. Événement thromboembolique veineux (ETEV), syndrome des antiphospholipides (SAPL). Selon les recommandations, les niveaux de risque identifiés permettent d adapter les modalités de prévention, mais des variations sont observées, en particulier pour les patientes classées à risque élevé. En pratique, en cas d identification de facteurs de risque situant la patiente à risque élevé ou modéré, la plupart des équipes prescrivent une HBPM dès le 1 er trimestre de la grossesse et la poursuivent 6 à 8 semaines en post-partum. Dans certaines situations à haut risque d ETEV (risque majeur), un traitement par HBPM à dose curative sera proposé. Ces indications, à discuter en réunion multidisciplinaire, sont minoritaires. L existence de séquelles veineuse d un antécédent d ETEV devrait être intégrée dans la discussion globale. Certains facteurs de risque isolé ne sont pas une indication d HBPM (tableau III). Antécédent d ETEV avec facteur de risque déclenchant temporaire sans autre facteur de risque (sauf ETEV sous estroprogestatifs). Césarienne programmée. Grossesse multiple. Obésité. Tableau III : Exemples les plus fréquents d absence d indication de prescription d HBPM à dose préventive lors de la grossesse et dans le post- partum en l absence de facteur de risque associé à réévaluer à plusieurs reprises lors de la grossesse et du post partum. La contention veineuse [[[ ou compression veineuse L intérêt du port d une contention veineuse est rapporté en prévention d un ETEV. Elle reste cependant mal évaluée, et le niveau de preuve est faible. Il est souhaitable qu elle soit bien adaptée. En pratique, il n y pas de preuve scientifique de la supériorité des collants par rapport aux chaussettes de contention. Une classe II est recommandée. Les patientes adhérant peu à ce traitement, ainsi il est important de vérifier l observance de manière à ajuster la stratégie de prise en charge des patientes à risque. La HAS s est positionnée en faveur du port systématique d une contention veineuse toute la grossesse et 6 semaine en post-partum (jusqu à 6 mois en cas de césarienne) (14). Le niveau de preuve de ces recommandations est faible. Pour la pratique courante, il n y a pas d indication formelle du port d une contention élastique chez les patientes sans facteur de risque associé. [[[ Gestion peripartum de l accouchement et des anticoagulants Chez une patiente sous traitement antithrombotique à dose préventive, la période peripartum nécessite des discussions entre obstétriciens, sagesfemmes et anesthésistes. Les risques hémorragiques et de récurrence ETEV sont à évaluer de manière collégiale. Le traitement antithrombotique à dose préventive ne s accompagne pas d une augmentation du risque hémorragique majeur. Le risque global est faible. Une méta-analyse met en évidence une prévalence de 0,4 % en antepartum et de moins de 1 % en post-partum et d hématome de parois de 0,6 % [15]. Le risque de récurrence ou de survenue doit être évalué en réunion multidisciplinaire. En cas de risque modéré, la fenêtre thérapeutique peut être de 24 à 48 h. En cas de risque élevé, cette fenêtre sera la plus courte possible. Il s agit alors de patientes bénéficiant d un traitement curatif, situation non abordée dans cet article. La contention élastique doit être poursuivie pendant toute la durée du travail. En l absence de facteurs de risque, la césarienne programmée ne semble pas justifier de prolonger l HBPM au-delà de la durée d hospitalisation. En pratique, selon la SFAR, une anesthésie locorégionale peut être posée 12 h après la dernière injection en cas de traitement préventif et 24 h après en cas de traitement curatif [16, 17]. 11

Les recommandations d experts en anesthésie obstétricale et en obstétrique définissent les règles générales de la prise en charge de la patiente sous traitement antithrombotique [16, 17]. Pour les patientes à haut risque de récurrence de thrombose ou sous traitement à dose curative au long cours ou pour un accident aigu, pour lesquelles la fenêtre thérapeutique doit être la plus réduite possible, certaines équipes utilisent un relais par HNF en seringue, d autres fractionnent la dose d HBPM en deux prises. La décision de suspendre l administration des traitements pour déclencher l accouchement dépend des délais estimés entre le début du déclenchement et le moment de la reprise du traitement après l accouchement. [[ Conclusion La prévention du risque thrombotique au cours de la grossesse, du peripartum et du post-partum repose sur la détection des facteurs de risque cliniques et biologiques et sur la concertation multidisciplinaire. La prise en charge de la plupart des patientes devrait être guidée par des protocoles de soins. Il est fondamental de recevoir ces patientes durant la période antéconceptionnelle afin de définir une stratégie de prise en charge en accord avec la patiente. En cas d antécédents TE, les circonstances de survenue et/ou facteur déclenchant doivent être identifiés avec précision car ils conditionnent l indication de traitement. L état veineux séquellaire peut être évalué par écho-doppler par discussion avec le spécialiste sur le risque de récidive. Bibliographie 1. Jacobsen AF, Skjeldestad FE, Sandset PM. Incidence and risk patterns of venous thromboembolism in pregnancy and puerperium--a register-based case-control study. Am J Obstet Gynecol, 2008;198:233.e1-e7 POINTS FORTS Le risque thromboembolique est augmenté au cours de la grossesse POINTS FORTS et dans le post-partum. Le risque thromboembolique est augmenté dès le 1 er trimestre de la grossesse. Toutes les HBPM peuvent être prescrites lors de la grossesse. L identification des facteurs de risque devrait être systématique et standardisée (antécédents personnels, familiaux, facteur de risque clinique et/ou biologiques). En l absence de facteurs de risque clinique et/ou biologique, il n y a pas d indication à prescrire des HBPM en cas d antécédents de prééclampsie, retard de croissance intra-utérin, hématome rétropéritonéal, de mort in utero, ou encore de fausses couches précoces répétées. 2. Kamel H, Navi BB, Sriram N et al. Risk of a thrombotic event after the 6-week postpartum period. N Engl J Med, 2014;370: 1307-1315. 3. De Stefano V, Martinelli I, Rossi E et al. The risk of recurrent venous thromboembolism in pregnancy and puerperium without antithrombotic prophylaxis. Br J Haematol, 2006;135:386-391. 4. Zöller B, Li X, Sundquist J et al. Age- and gender-specific familial risks for venous thromboembolism: a nationwide epidemiological study based on hospitalizations in Sweden. Circulation, 2011;124: 1012-1020. 5. Robertson L, Wu O, Langhorne P et al.; Thrombosis Risk and Economic Assessment of Thrombophilia Screening (TREATS) Study. Thrombophilia in pregnancy: a systematic review. Br J Haematol, 2005;132:171-196. 6. Bates SM, Greer IA, Middeldorp S et al. VTE, thrombophilia, antithrombotic therapy, and pregnancy: Antithrombotic Therapy and Prevention of Thrombosis, 9th ed: American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines. Chest, 2012;141:e691S-e736S. 7. CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique. 2014. Perte de grossesse. www:// cngof.asso.fr 8. Conférence de consensus : thrombophilie et grossesse, prévention des risques thromb otiques maternels et placentaires. ANAES 2003. 9. Prévention de la maladie thromboembolique veineuse périopératoire et obstétricale Recommandations pour la pratique clinique (RPC) SFAR 2005. 10. Centre Régional des agents Tératogènes. www://crat.fr 11. Dargaud Y, Rugeri L, Ninet J et al. Management of pregnant women with increased risk of venous thrombosis. Int J Gynaecol Obstet, 2005;90:203. 12. Lindqvist PG, Kublikas M, Dahlbäck B. Individual risk assessment of thrombosis in pregnancy. Acta Obstet Gynecol Scand, 2002;81:412-416. 13. Chauleur C, Gris JC, Laporte S et al. Use of the Delphi method to facilitate antithrombotics prescription during pregnancy. Thromb Res, 2010;126:88-92. 14. HAS. Compression médicale. Décembre 2010. www://has-sante.fr 15. Galambosi PJ, Kaaja RJ, Stefanovic V et al. Safety of low-molecular-weight heparin during pregnancy: a retrospective controlled cohort study. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol, 2012;163:154-159. 1. 16. SFAR. Société Française d Anesthésie Réanimation. www://sfar.org 17. CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique. RCP hémorragie de la délivrance 2014. Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d intérêts concernant les données publiées dans cet article. 12