La négociation d une acquisition en droit anglais



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Transcription:

La négociation d une acquisition en droit anglais 2004

LA NÉGOCIATION D UNE ACQUISITION EN DROIT ANGLAIS 1 Introduction On ne négocie pas un contrat avec les anglais comme on négocie avec les français. Le droit et la culture juridique anglaise présentent des différences fondamentales avec leurs équivalents français. Les entreprises françaises qui pensent encore que les affaires se traitent de la même manière partout et que l on peut en toute impunité négocier d abord et laisser les juristes régler les "problèmes de détail" commettent des erreurs lourdes de conséquences financières. De plus, une telle approche est culturellement différente de l approche anglo-saxonne où le plus souvent les "lawyers" sont impliqués depuis le départ et tout au long de la négociation et font partie intégrante du processus de décision. Cet article a pour but d analyser et de faciliter une meilleure compréhension des différences essentielles entre les règles de fond des systèmes français et anglais qui exercent une influence déterminante sur toute négociation contractuelle conduite dans le système juridique britannique. Les différents éléments intervenant dans la négociation d une joint-venture ou d une acquisition telles que les questions de contrôle, de blocage, d évaluation etc. ne sont pas très différents de ceux qui existent dans la négociation d une joint-venture en France. Mais la manière dont il convient de les approcher, le contexte dans lequel ils s analysent, sont fondamentalement différents et il est absolument nécessaire d être conscient de ces différences. Cette étude est donc par définition générale, car il est nécessaire d aller du général au particulier et qu à défaut de compréhension préalable du contexte juridique et culturel, il existe un risque certain de passer à côté de problèmes potentiels sérieux qui peuvent s avérer coûteux pour l entreprise. 2 La nature juridique des pourparlers contractuels Absence de devoir général de bonne foi Le droit français impose une obligation générale de négocier de bonne foi. Ce principe vague a des répercussions pratiques importantes. Par exemple, dans le domaine de la vente, l obligation de négocier de bonne foi a des répercussions fondamentales sur les obligations du vendeur professionnel. Il a un devoir d information et de conseil surtout vis-à-vis de l acquéreur dit profane (c est à dire l acquéreur n ayant pas la même spécialité que le vendeur). Ce devoir peut aller très loin, il a été jugé que le vendeur se doit d attirer l attention de l acheteur sur les inconvénients de la chose vendue. En matière de cession d entreprise, cette obligation se traduit par le fait que si le cédant dissimule à l acquéreur des éléments importants de nature à modifier, par exemple, l évaluation de la société, dans la plupart des cas, sa responsabilité pourra être engagée après la cession. De plus, la rupture abusive de pourparlers peut entraîner l obligation de réparer les conséquences dommageables qui en découlent pour l autre partie. Rien de tel en droit anglais dans les négociations contractuelles entre commerçants. Contrairement au droit français, très protecteur vis à vis de l acheteur, le droit anglais considère que les co-contractants doivent veiller eux-mêmes à la défense de leurs intérêts économiques. Les parties n ont aucune obligations réciproques d information et de conseil. Il a même été jugé qu un engagement réciproque de traiter de bonne foi n engendre aucune obligation (Courtney & Sairbairn v Tolaini Bros. 1995, 1 All E.R. 717). Lord Ackner dans un arrêt de la Chambre des Lords (Walford and Others v Miles and Another, 1992) a indiqué: "a duty to carry on negotiations in good faith is entirely repugnant to the adversarial position of the parties when involved in negotiations" and "unworkable in practice". (Une obligation de négocier de bonne foi est totalement contraire à la position d adversaires des parties à la négociation" et "totalement impraticable"). Considérons le cas relativement fréquent où une partie commence à préparer ou même à fournir ses prestations pendant les pourparlers avant que le contrat ne soit conclu. En droit français, s il est possible de démontrer une rupture abusive des pourparlers contractuels, il est possible d obtenir paiement d une indemnité ou de dommages et intérêts. En principe, en droit anglais cela n est pas le cas. Les parties ont le droit de rompre les pourparlers contractuels à tout moment et si l une des parties a engagé des dépenses avant que le contrat ne

FIELD FISHER WATERHOUSE soit conclu elle n aura droit en principe a aucune indemnité même si la rupture des pourparlers est peu justifiable et brutale. L absence de devoir général de bonne foi a des conséquences pratiques pour le négociateur français - il convient de se montrer particulièrement prudent durant la phase des négociations et en particulier: Il est essentiel de ne pas oublier que le négociateur britannique n est pas tenu à une obligation d information. En matière d acquisition de société, qu il s agisse d une cession d actifs ou d une cession de contrôle, il est indispensable de faire procéder à un audit complet d acquisition des risques juridiques et financiers. Cet audit (appelé "due diligence") de ce fait, revêt une importance plus grande que son équivalent français. Dans le cadre d une acquisition, même si les parties ont signé une Lettre d Intention ou un Protocole d Accord ("memorandum of understanding" ou M.O.U.) qui prévoit que les parties vont négocier en toute bonne foi, cette obligation n a aucune force juridique en droit anglais. Un tribunal ne peut sanctionner sa violation. Par conséquent, il est prudent de prévoir que tous les autres termes de la lettre d intention ou des Protocoles d accord n ont pas d avantage de force obligatoire sauf en ce qui concerne les clauses d exclusivité (au profit de l acquéreur potentiel) et la clause de confidentialité (au profit du vendeur). Il est très risqué de s engager avant d avoir conduit une recherche approfondie sur la société cible, même s il existe des clauses de sortie dans le M.O.U ou dans la Lettre d Intention car il est très difficile de prévoir tous les problèmes qui peuvent surgir. Il est indispensable de poser par écrit toutes les questions utiles à votre co-contractant et d exiger des réponses précises et écrites. Si votre cocontractant vous dissimule volontairement certains aspects négatifs ou certains problèmes possibles, le juge anglais ne lui en tiendra pas rigueur si vous n avez pas fait l effort nécessaire de vous informer. En revanche, s il y a une réponse fausse à une question précise, cela pourrait constituer ce que l on appelle en droit anglais "misrepresentation" (c est à dire une forme de dol) et entraîner la responsabilité contractuelle du cédant. C est le travail de vos conseils britanniques, les solicitors qui rédigeront une interminable "check-list" de questions et documents à fournir qui varient selon la nature de l acquisition. Ils ne le font pas pour le plaisir; ils le font pour vous protéger, pour essayer d éviter la dissimulation possible d un élément qui pourrait entraîner une responsabilité financière future de la société cible. Il est conseillé d accepter de vous engager à conserver un caractère strictement confidentiel à l information fournie ("confidentiality undertaking") ce qui augmente vos chances d obtenir des informations complètes et exactes. Les solicitors des parties vont négocier âprement la teneur d une liste de garanties ("warranties") données par le vendeur et sur lesquelles l acheteur se fonde pour décider de l acquisition. Si elles se révèlent inexactes après l acquisition, l acquéreur peut assigner le vendeur en dommages et intérêts. Attention - a contrario, tout élément absent de la liste n est pas garanti. Validité du contrat oral - preuve par témoins Bien que le droit français reconnaisse la validité du contrat oral en matière commerciale, les difficultés de preuve font qu en pratique les parties recourent presque toujours à un écrit. L expérience montre que le négociateur français a souvent tendance à considérer que les paroles n ont de poids que si elles sont confirmées par un écrit. Il peut de ce fait se laisser entraîner au cours d un meeting ou d un entretien téléphonique à exprimer oralement un accord dont il pense qu il aura la faculté de le rétracter par la suite si besoin est. Cette attitude est dangereuse dans le contexte d une négociation contractuelle avec des britanniques. En effet, le droit anglais reconnaît tout à la fois la validité du contrat oral et la preuve par témoins même lorsque ces témoins sont les parties en cause. L existence d un contrat peut être prouvée devant les juridictions britanniques par le témoignage des participants anglais au meeting ou par la production en justice de l enregistrement de la conversation téléphonique. Il n est pas inhabituel en Angleterre d enregistrer les conversations téléphoniques importantes. Dans le cas de propos tenus lors d un meeting, le fait que tous les témoins anglais soient par exemple des employés de la société qui serait votre cocontractante n implique nullement que leur témoignage sera considéré avec suspicion par le juge britannique. Lorsque vous négociez une acquisition, vous allez discuter de nombreux documents contractuels au cours de réunions qui peuvent se prolonger tard dans la nuit. Attention - au vu des principes décrits ci-dessus, à la suite de l un de ces meetings, pendant lequel des amendements ont été faits, clauses par clauses, sur le contrat d acquisition, vous pourriez vous retrouver le jour suivant devant un contrat modifié dont on vous dira que vous avez accepté les termes et qu il lie maintenant votre société. Un contrat parfaitement valide pourrait être conclu dans ces conditions même s il portait sur plusieurs millions de livres sterling.

LA NÉGOCIATION D UNE ACQUISITION EN DROIT ANGLAIS Pourparlers "subject to contract" Pour cette raison (et aussi pour des raisons tenant à l incertitude du moment de formation du contrat examinées plus loin), les négociations contractuelles en Angleterre se font généralement "subject to contract"; cette phrase figurera fréquemment en tête des courriers échangés entre les parties durant la négociation. De même les rendez-vous de discussion entre les parties se tiennent "subject to contract". La mention "subject to contract" signifie que les parties à la négociation ne pourront être liées par des engagements écrits ou oraux pris antérieurement à la signature du contrat définitif. Les courriers et propos échangés "subject to contract" ne pourraient de plus être utilisés dans le cadre d une action en justice qui serait destinée à prouver qu un contrat a été formé. En revanche, si le contrat est signé et que par la suite un litige survient entre les cocontractants, ces courriers pourraient être produits en justice par exemple pour éclaircir le sens de telle ou telle clause contractuelle dont l interprétation serait mise en cause par l une des parties au contrat. Par conséquent, la mention "subject to contract" n assure un caractère confidentiel qu en cas de rupture des pourparlers contractuels. Recommandations pratiques: Faites figurer sur tous vos courriers de négociations contractuelles la mention "subject to contract". Précisez systématiquement au début d un meeting ou d une conversation téléphonique que la discussion a lieu "subject to contract". Ce formalisme pourra vous éviter de conclure un contrat sans l avoir vraiment voulu. 3 Formation du Contrat en Droit Anglais Cependant, il n est pas toujours possible (et quelque fois pas souhaitable, notamment pour le vendeur!) de négocier "subject to contract". Bien souvent, dans le monde commercial, les contrats sont conclus sans véritable formalisme, sans discussions précontractuelles, par exemple par un échange de télécopies en l espace de quelques heures. La question de savoir si oui ou non un contrat a été formé et à quel moment, est d une importance commerciale considérable. Offre, acceptation et "battle of forms" En théorie, un contrat est formé dès lors qu il y a eu une offre et une acceptation de cette offre. L offre doit être distinguée de la simple "invitation to treat" (une invitation à négocier). Par exemple, en droit anglais (contrairement au droit français) la publication d un catalogue de marchandises avec indication des prix n est pas considérée en droit anglais comme une "offre" de vente. Si une personne place une commande à la lecture du catalogue, le vendeur n est pas obligé de fournir la marchandise. De même, le fait de placer des marchandises dans un supermarché avec indication de leurs prix n est pas considéré par la jurisprudence anglaise comme une offre de vente mais comme une simple invitation à négocier suivie d une offre d achat par l acquéreur potentiel. C est seulement lorsque cette offre est acceptée par le vendeur que le contrat se forme. Pour qu il y ait une offre valable, il faut qu il ressorte des termes de l offre que son auteur a l intention d être lié par les termes qu il propose. Une offre peut toujours être rétractée tant qu elle n a pas été acceptée même si son auteur a expressément indiqué que son offre serait valable pendant une certaine période. Si par exemple une société anglaise (Smith Limited) écrit à une société française (Durand S.A.) indiquant: "nous vous offrons 51% des actions de notre filiale à un prix de 1,000 livres par action. Cette offre expire expirant le 30 juin 1996 à 18 heures heure anglaise". Cette offre peut-être rétractée à tout moment avant le 30 juin tant qu elle n a pas été acceptée par Durand S.A. Ce principe provient du fait que le droit anglais ne reconnaît pas les engagements unilatéraux. Pour que le contrat soit formé par l acceptation de l offre, il faut que cette acceptation soit donnée sans conditions ni réserves. Si certains des termes de l offre sont rejetés ou modifiés, la jurisprudence considère alors qu il n y a pas acceptation mais contre-proposition. Sauf indication contraire, le contrat est conclu en principe lorsque l offrant apprend que son offre a été acceptée. Mais il y a une exception importante - si l acceptation est expédiée par la poste dans une lettre adressée et affranchie correctement, la date d acceptation est la date d expédition du courrier et non, comme on pourrait s y attendre, la date de réception par

FIELD FISHER WATERHOUSE le destinataire. Cette règle ne s applique pas aux communications instantanées (télex, fax) - dans ces cas, l offrant n est lié que lorsqu il apprend que son offre a été acceptée, c est à dire lorsqu il reçoit le fax ou le télex. Eléments essentiels à la formation du Contrat - Le Critère de "Certitude" De manière générale, les éléments essentiels à la formation du contrat dépendent du contrat en question. Il existe une différence essentielle avec le droit français de la vente. En droit français, l article 1583 du Code Civil dispose que la vente est parfaite "dès qu on est convenu de la chose et du prix quoique la chose n ait pas encore été livrée ni le prix payé". Par conséquent, dès qu il y a accord sur la chose et le prix (ou à tout le moins dès que le prix est "déterminable"), le contrat de vente est formé. La situation en droit anglais est malheureusement plus vague et il est très difficile de dégager des règles précises. En effet, la common law ne connaît pas une liste d éléments essentiels pour la validité du contrat. La jurisprudence exige qu il existe un degré "raisonnable" de certitude sur l intention des parties de conclure un contrat et qu il y ait un accord sur les termes essentiels de ce contrat. Comme indiqué ci-dessus, la définition des "termes essentiels" varie selon les différents types de contrat. Principaux points à sécuriser dans les documents contractuels dans le cadre de la cession d entreprise Il est bien sûr extrêmement difficile de répondre à cette question sur un plan général. Les principaux points à sécuriser dans les documents contractuels dépendent, essentiellement, du type de contrat conclu, du type d acquisition et de la position respective des parties. Dans le contexte d une cession d entreprise, il est cependant possible de dégager quelques points fondamentaux: Clauses de non-concurrence Il est de l intérêt de l acquéreur de limiter la liberté du vendeur de lui faire concurrence après l acquisition et c est un point qu il est important de sécuriser dans les documents contractuels. Cependant, une clause de non-concurrence n a force obligatoire en droit anglais que si elle revêt un caractère raisonnable. Toute clause trop large ou trop vague est réputée non-écrite. En général, les clauses de non-concurrence comportent les restrictions suivantes: le vendeur ne doit pas exercer la même activité commerciale il ne doit pas essayer de détourner la clientèle de l acheteur il ne doit pas utiliser un nom commercial similaire au nom de la société cédée il ne doit pas utiliser ou divulguer les secrets de fabrication de la société cédée il ne doit pas essayer d attirer les anciens salariés de la société. Toutes ces clauses doivent être assorties de limitation, dans le temps et dans l espace etc. pour leur conférer un caractère raisonnable. Continuation des services fournis par d autres sociétés du groupe Si la société cédée fait partie d un groupe, certains des services essentiels à son fonctionnement peuvent être assurés par d autres sociétés du groupe (fonctions administratives, utilisation d un logiciel appartenant à une autre société du groupe ou dont elle a la licence, etc.). Pour permettre à la société acquise de fonctionner efficacement dans la période suivant l acquisition, il est souvent indispensable de mettre en place des solutions temporaires assurant la continuité de ces services fournis par les autres entreprises du groupe. Cession sous conditions suspensives - responsabilités des parties Si une promesse de cession ou une cession sous conditions suspensives est conclue, le problème est de savoir qui est responsable pendant la période entre cet accord et le moment où l accord devient définitif. C est ce que l on appelle le "gap between exchange and completion". Exchange est le moment de la signature du contrat de cession et completion est le moment du paiement du prix, quand les conditions suspensives ont été remplies. Les responsabilités respectives des parties pendant cette période doivent être clairement définies dans l accord préliminaire. Le contrat de cession - "warranties" et "indemnities" Warranties Une "warranty" est l assurance d un état de fait donnée par le vendeur. Si cet état de fait est incorrect, l acheteur a le droit à réparation du préjudice résultant de cette inexactitude. La réparation consiste à remettre l acheteur dans la position où il se serait trouvé si la "warranty" avait été correcte. Cependant, le montant du préjudice peut être limité par le contrat qui peut également fixer une période déterminée (entre 2 et 5 ans).

LA NÉGOCIATION D UNE ACQUISITION EN DROIT ANGLAIS Les "warranties" sont généralement énumérées dans une longue liste annexée au contrat. Elles concernent la situation fiscale, l état des machines, l exactitude des comptes sociaux, les contrats en cours, l existence de contentieux en instance, les biens immobiliers, les licences, brevets, marques, les contrats de travail en cours et les obligations financières en résultant, etc. Cependant, contrairement à la pratique en France, les "warranties" ne sont pas accompagnées d une garantie générale de toute diminution d actif ou d augmentation du passif, ni d une clause précisant que le vendeur serait responsable de tout préjudice subi en raison d un fait générateur antérieur à l acquisition. Il n existe aucune obligation légale du vendeur de réparer le préjudice subi par l acquéreur pour des faits antérieurs à la vente. Toute indemnity (c est-à-dire une obligation contractuelle du vendeur de rembourser à l acquéreur, pounds per pounds, le préjudice subi par l acquéreur) est, en général, limitée à des faits très précis, connus au moment de la vente (par exemple, un contentieux en cours) et est généralement, limitée en son montant. Pour limiter la portée des "warranties", le vendeur va toujours incorporer dans les accords contractuels une "disclosure letter" ("lettre de déclaration") dans laquelle il va informer l acheteur d éléments spécifiques qui, s ils n étaient pas portés à la connaissance de l acheteur, constitueraient une violation des "warranties". Par exemple, s il y a une "warranty" concernant le bon état général des machines et que le vendeur indique dans la "disclosure letter" que l une des machines présente un défaut de fonctionnement, il s assure par cette déclaration que l acquéreur ne pourra pas l assigner pour "breach of warranty". Si l acquéreur est informé du défaut et qu il l accepte implicitement, il ne peut plus le soulever par la suite. Indemnities Une "indemnity" est un engagement contractuel pris par le cédant d indemniser l autre partie ou la société acquise (ou la nouvelle entité juridique qui lui succède après l acquisition) d un préjudice spécifique. Par exemple, la condamnation possible dans le cadre d une action en justice ou de poursuites fiscales, résultant de faits antérieurs à l acquisition. Mais, comme indiqué cidessus, en Angleterre, à la différence de la situation en France, en l absence de clause d indemnité, il n existe aucune obligation légale du vendeur de procéder à une telle réparation. Conditions Un contrat anglais est divisé en trois sortes de dispositions contractuelles - nous avons vu les "indemnities" et les "warranties", il convient d y ajouter les "conditions". Les "conditions" contiennent les obligations substantielles du contrat. Par conséquent, s il y a violation d une "condition", l autre partie a le droit de résilier le contrat et de ne pas exécuter ses obligations contractuelles. Les "warranties" au contraire sont des termes contractuels qui, s ils sont violés, n altèrent pas la substance même du contrat. Par conséquent, leur violation donne droit à des dommages et intérêts mais non pas à la résiliation du contrat. La partie victime demeure tenue à l exécution de ses obligations contractuelles. Il est possible de transformer certains termes contractuels qui sont normalement de simples "warranties" en "conditions" ouvrant droit à résiliation en précisant dans le contrat que ces termes sont "of the essence" c est-à-dire substantiels. Par exemple, si vous voulez être sûr que l inexécution par votre co-contractant de son obligation de renouveler un contrat de fourniture avant la cession de son entreprise vous permet de résilier le contrat, vous devez prévoir: Soit que cette obligation est "of the essence" du contrat. Dans ce cas, si elle n est pas respectée, vous aurez le droit de résilier le contrat car le renouvellement sera une "condition" et non une "warranty"; ou bien Vous devez prévoir expressément une clause de résiliation contractuelle permettant de résilier le contrat à défaut de renouvellement du contrat de fourniture.

FIELD FISHER WATERHOUSE 4 Comment auditer efficacement les accords contractuels préexistants Lorsqu une société française procède à une acquisition soit des actions soit du fonds de commerce d une société britannique, il est nécessaire de procéder à un audit des documents contractuels préexistants que l on appelle, en anglais, "due diligence". En pratique, un audit d acquisition en Angleterre n est pas très différent d un audit d acquisition en France. Les accords contractuels préexistants qu il est nécessaire de revoir avant de procéder à l acquisition sont les mêmes, c est à dire: les baux commerciaux les polices d assurance les contrats de travail les autorisations administratives nécessaires à l exercice de l activité commerciale (comme, par exemple, en matière de débits de boissons etc.) les contrats de licences, de marques etc. les contrats avec les principaux fournisseurs les garanties bancaires, les sûretés, les prêts entre sociétés du même groupe, les prêts bancaires les aspects fiscaux - la société est-elle bien en règle sur le plan fiscal, quel est le passif fiscal? y-a-t-il des contentieux existants ou sur le point de commencer? Cependant, dans le contexte anglais, les "due diligence" ont une importance fondamentale dans le cadre d une acquisition, particulièrement d une acquisition d actions d une société. Comme exposé ci-dessus, en droit français, en cas de cession de contrôle, le vendeur généralement garantit l acquéreur de toute diminution de l actif ou augmentation du passif résultant d opérations de toute nature et dont le fait générateur est antérieur à la date du transfert de propriété. L acquéreur est donc assez bien protégé contre un événement dommageable survenant après l acquisition, prévisible ou imprévisible. garanties au cas par cas. Tout événement survenant postérieurement à l acquisition entraînant un accroissement du passif de la société mais qui n est pas couvert par une "warranty" expresse dans le contrat ne permet pas d assigner le vendeur en dommages et intérêts (à moins de pouvoir démontrer la "misrepresentation" (dol) ou la fraude, ce qui est très difficile). Par exemple, imaginez que la société Durand découvre après l acquisition de la société Smith que celle-ci a pollué les eaux de la ville voisine entraînant ainsi sa responsabilité. A moins que le contrat ne contienne une clause prévoyant spécifiquement une "warranty" en cas de dommage à l environnement, le vendeur de la société Smith ne sera pas tenu d indemniser la société Durand des conséquences du préjudice subi par la ville. De plus, il convient de conserver à l esprit le fait qu en matière de négociation contractuelle en droit anglais, il n existe pas d obligation de négocier de bonne foi. Par conséquent, il n y a aucune obligation pour la société Smith, même si elle soupçonne l existence de cette responsabilité, de la mentionner à la société Durand, à moins qu une question ne lui soit posée. D où l extrême importance des due diligence en Angleterre. Les due diligence ont pour but de permettre l identification des risques et par conséquent sont étroitement liées à la négociation des warranties. S il existe, par exemple, une zone d ombre dans la réponse à une question soulevée dans les due diligence, le solicitor de l acheteur insérera une warranty dans le contrat pour obliger le vendeur à révéler l existence d un problème potentiel dans la disclosure letter. Due diligence et warranties ont essentiellement pour objet d obliger le vendeur à communiquer des informations complètes et sincères sur sa société. Pour conclure, le principe demeure "caveat emptor" - acheteur prends garde, tel le toreador dans Carmen, l acquéreur, en droit anglais, doit protéger ses arrières et se méfier. En droit anglais, comme nous l avons vu, en cas d acquisition de société, il est nécessaire de prévoir des

LA NÉGOCIATION D UNE ACQUISITION EN DROIT ANGLAIS 5 Contact Pour plus de renseignements, veuillez contacter Marie-Caroline Frochot t: +44 (0)20 7861 4164 e: mcf@ffw.com Ce document ne peut être reproduit ou publié en tout ou en partie sans autorisation expresse de Field Fisher Waterhouse Copyright Field Fisher Waterhouse 2004. All rights reserved Field Fisher Waterhouse 35 Vine Street, London, EC3N 2AA t: +44 (0)20 7861 4000 f: +44 (0)20 7488 0084 e: info@ffw.com www.ffw.com www.thealliancelaw.com