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ARTICLE ORIGINAL ORIGINAL ARTICLE J Pharm Clin 2009 ; 28 (4) : 207-11 Quantification des activités de pharmacie clinique : utilisation au quotidien de l outil proposé par la Société française de pharmacie clinique Quantification of activities of clinical pharmacy: daily use of document proposed by the French society of clinical pharmacy S. COURSIER, H. BONTEMPS Département de pharmacie, Centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, 69655 Villefranche Cedex <scoursier@ch-villefranche.fr> Résumé. Dans le contexte actuel de tarification à l activité et Contrat de bon usage, quantifier l exercice de la pharmacie clinique devient essentiel. La Société française de pharmacie clinique a proposé une codification des interventions pharmaceutiques au moyen d une fiche standardisée de recueil de données. Les discordances de codification entre deux pharmaciens cliniciens sur 122 interventions ont été étudiées, en se basant sur l analyse des prescriptions informatisées de quatre services de soins pendant seize mois. Durant l étude, les pharmaciens ont validé 8 623 modifications ou initiations de prescriptions et émis une intervention pharmaceutique dans 12 % des cas. Dans 23 % des interventions, ils ont été confrontés à des discordances de codification concernant des items de la fiche proposée. Faute d items adéquats, la codification d erreurs générées par mauvaise utilisation et/ou ergonomie de l outil de prescription vient surestimer à tort certains critères de la grille. De plus, les demandes d informations complémentaires aux prescripteurs pour s assurer de la cohérence du traitement ou transmettre des conseils pour prévenir l iatrogénie médicamenteuse ne sont pas intégrées au codage. L outil proposé par la Société française de pharmacie clinique est un apport majeur car il est le seul moyen standardisé et validé pour quantifier l activité de pharmacie clinique. Cependant, au quotidien, des difficultés de codage existent. L évolution d un outil de recueil de données vers un outil qualitatif visant à mieux valoriser la pertinence de l activité de pharmacie clinique est à envisager. Mots clés :pharmacie clinique, interventions pharmaceutiques, codification, outil, SFPC Abstract. In the current context of activity pricing model and contract of good use, it becomes essential to quantify the activity of clinical pharmacy. The French Society of Clinical Pharmacy has proposed a tool to valorize clinical pharmacist s interventions. We performed a prospective study during 16 months in four different wards. The aim of our study is to compare how two clinical pharmacists codify. Clinical pharmacists disagreed on the way to codify 122 interventions with the tool. We have studied these discrepancies. During the study, clinical pharmacists validated 8 693 changes or initiations of prescriptions. 12% of cases justified clinical pharmacist s interventions. In 23% of interventions, they were confronted with discrepancies in coding. Inattention or ignorance of the software prescribing errors are neither appropriate nor relevant to criterias of the tool. Criterias finally used are overestimated. Moreover, requests for information to doctors in order to review treatment or to prevent drug iatrogenic disease are not included. The tool proposed by The French Society of Clinical Pharmacy is a major advance because it is the only validated and standardized way to generate activity report, to valorize the daily activity of Clinical Pharmacy. However, in a daily use, documenting the tool is difficult. An evolution of a data collection to a qualitative instrument to enhance the quality of the activity is essential. Key words: clinical pharmacy, pharmaceutical interventions, codification, tool, SFPC doi: 10.1684/jpc.2009.0126 du 31 mars 1999 [1] définit le cadre juridique du circuit du médicament. La «distribution» globale de médicaments, sans référence à L arrêté une prescription médicale, devient illégale. Seule la * Correspondance et tirés à part : S. Coursier «dispensation» au sens du Code de déontologie des pharmaciens est licite : elle associe délivrance des produits à une analyse pharmaceutique de la prescription, associée à un conseil pharmaceutique adapté. Pour répondre à une politique d amélioration de la qualité des soins et de prévention de l iatrogénie médicamenteuse, la pharmacie clinique, définie par l activité du J Pharm Clin, vol. 28, n o 4, ocotbre-novembre-décembre 2009 207

S. Coursier, H. Bontemps pharmacien au lit du patient [2], intégrant en même temps les propriétés pharmacologiques des médicaments et la physiopathologie du patient, se développe. Dans le contexte actuel de tarification à l activité, les interventions pharmaceutiques (IP) liées à la thérapeutique doivent être quantifiées et qualifiées. Un modèle français pour la codification des interventions pharmaceutiques a été élaboré par la Société française de pharmacie clinique (SFPC) [3, 4]. Historiquement, la première typologie des interventions a été proposée par Strand et al. [5]. Cette typologie a évolué au grès des indicateurs de problèmes liés à la thérapeutique dans différents pays [6-13]. En France, le groupe «Standardisation et valorisation des activités de pharmacie clinique» de la SFPC, mis en place en 2003 et composé de huit pharmaciens exerçant dans six établissements publics de santé, a développé un outil de recueil, classification et codification des problèmes liés à la thérapeutique médicamenteuse et aux IP. À partir des données de la littérature et de leur expérience acquise sur le terrain, ce groupe a élaboré une fiche de recueil d informations sur les problèmes médicamenteux rencontrés, les IP générées, les familles de médicaments concernés et le devenir des IP. Cette fiche offre la possibilité de codifier de manière standardisée les IP. Une codification homogène et concordante doit permettre de décrire l activité dans un site donné, mais aussi de comparer les sites entre eux. Après codification des mêmes IP par deux pharmaciens cliniciens au moyen de la fiche développée par la SFPC, notre étude a pour objectif d évaluer leur concordance de codification, d identifier et d analyser leurs éventuelles discordances. Matériels et méthodes Contexte du centre hospitalier Le site de l étude est un centre hospitalier général comptant 336 lits de médecine, chirurgie, obstétrique. À ce jour, la majorité de ces lits (210 lits) est informatisée pour le circuit du médicament. Chaque pharmacien clinicien accède aux prescriptions informatisées pour réaliser leur activité de validation pharmaceutique. La totalité des initiations de traitement ou modifications de prescriptions sont validées quotidiennement. Pour réaliser cette activité, les pharmaciens disposent d un accès aux résultats biologiques des patients et au dossier patient informatisé. Ils peuvent ainsi consulter les traitements en cours, les examens paramédicaux réalisés, l historique médicamenteux du patient, les comptes rendus d hospitalisation, l évolution des constantes du patient au cours du temps et les transmissions ciblées des équipes soignantes. Méthode de validation pharmaceutique des prescriptions L analyse pharmaceutique consiste, dans un premier temps, en la vérification de la saisie de la prescription par le médecin (formulation correcte des prescriptions conditionnelles, prescription exacte des fractions de doses, concordance des dates lors des posologies en alternance ). Cette première étape, sans réelle valeur pharmaceutique ajoutée, permet toutefois de mettre en évidence de nombreuses erreurs, source de l iatrogénie 208 médicamenteuse évitable. Les pharmaciens procèdent, dans un second temps, à l analyse des choix thérapeutiques au regard des référentiels de pratiques correspondants. Ils étudient, ensuite, les points critiques de la prescription (contre-indications physiopathologiques, interactions médicamenteuses, posologies) et les points d optimisation (suivi du traitement, plans de prise, adaptation posologique). De plus, les pharmaciens cliniciens participent de façon hebdomadaire à la visite médicale en services de pneumologie et rhumatologie. La fiche de codification des interventions pharmaceutiques de la SFPC est intégrée au logiciel de validation pharmaceutique, ce qui permet de coder quotidiennement les interventions en temps réel à chaque étape de la validation du traitement. Caractéristiques de l étude Notre étude a consisté à analyser pendant seize mois de manière prospective la codification des IP portant sur les services de rhumatologie, gastroentérologie, pneumologie et huit lits de chirurgie orthopédique au moyen de la fiche de codification proposée par la SFPC. Lorsque le pharmacien n est pas satisfait par l item choisi au sein de la fiche de codification de la SFPC, un deuxième pharmacien réalise alors une seconde codification au moyen de cet outil sur les deux critères principaux : «problème» et «intervention». Les discordances observées entre les deux pharmaciens codant la même intervention pharmaceutique ont été analysées et catégorisées. Résultats Durant l étude, les pharmaciens cliniciens ont validé un total de 8 623 ordonnances et effectué 1 000 IP, soit un taux de 12 %. Les résultats globalisés des quatre services de soins étudiés indiquent que les problèmes majoritairement signalés dans notre établissement sont les voies et/ou administrations inappropriées suivies des surdosages (tableau 1). Logiquement, les pharmaciens préconisent dans 24 % des cas un arrêt de traitement, une optimisation des modalités d administration à hauteur de 23 % ou une adaptation posologique (21 %) (tableau 2). Sur les 1 000 IP réalisées, les pharmaciens ont été confrontés à des hésitations d items lors de la codification de 229 IP soit 23 % des interventions. Ainsi, 122 interventions pharmaceutiques ont été recodées par un second Tableau 1. Répartition en pourcentage des problèmes codés suite aux 1 000 interventions pharmaceutiques réalisées dans les quatre services de soins étudiés. Non-conformités auxréférentiels/contre-indications 11 % Indication non traitée 5 % Sous dosage 8 % Surdosage 19 % Médicament non indiqué 13 % Interaction 6 % Effet indésirable 3 % Voie/Administration inappropriées 27 % Traitement non reçu 1 % Monitorage 7 % J Pharm Clin, vol. 28, n o 4, ocotbre-novembre-décembre 2009

Quantification des activités de pharmacie clinique pharmacien concernant les items «problèmes» et «interventions», afin d identifier et analyser les différences observées (figure 1). Pour l item «problèmes», les deux pharmaciens sont discordants dans 46 % des cas. Sur les 122 IP doublement codifiées, 41 % concernent des surdosages, suivis par les non-conformités aux référentiels et les interactions (12 %) (tableau 3). Les écarts portent majoritairement sur les confusions de critères suivants : entre «voie et/ou administration inappropriées» et «surdosage» ; entre «voie et/ou administration inappropriées» et «interaction» ; entre «monitorage à suivre» et «interaction». Pour l item «interventions» (tableau 4), les deux pharmaciens sont majoritairement concordants (75 % des cas). Lorsqu une discordance est retrouvée, la confusion porte essentiellement sur les critères «optimisation des modalités d administration» et «adaptation posologique». Sur les 122 interventions pharmaceutiques recodées, seules 53 sont concordantes (43 %) pour les deux évaluateurs à la fois sur l item «problème» et sur l item «interventions». Les discordances de codifications portent majoritairement sur les problèmes générés par mauvaise utilisation ou ergonomie de l outil de prescription (83 interventions pharmaceutiques sur les 1 000 enregistrées) ; 73 cas sur les 83 interventions concernées sont liés à l absence d un item «adaptation de la durée de traitement». Par exemple, lors de la prescription de cholécalciférol «tous les jours» (variable mise par défaut par le logiciel de prescription) au lieu de «pendant un jour», le problème est codé en «médicament non indiqué» pour «le médicament est prescrit sur une durée trop longue sans risque de surdosage» alors qu il s agit d une erreur de manipulation de l outil informatique, plus qu une réelle méconnaissance des conditions de prescription de ce produit. De ce fait, on surestime dans ce cas un item inapproprié. Dans cet exemple, l intervention est codée maladroitement en «arrêt» alors qu il s agit d une adaptation de la durée de traitement. L existence d un code de problème intitulé «problèmes générés par difficulté d utilisation de l outil de prescription» et un code d intervention «adaptation de la durée de traitement» nous auraient dans un certain nombre de cas mieux satisfait. Tableau 2. Répartition en pourcentage des propositions de solutions codées suite aux 1 000 interventions pharmaceutiques réalisées dans les quatre services de soins étudiés. Ajout (nouvelle prescription) 5 % Arrêt 24 % Substitution/Échange 12 % Choix de la voie d administration 6 % Suivi thérapeutique 9 % Optimisation des modalités d administration 23 % Adaptation posologique 21 % Tableau 3. Répartition en pourcentage des problèmes codés suite aux 122 interventions pharmaceutiques concernées par une double codification. Non-conformités auxréférentiels/contre-indications 12 % Indication non traitée 0 % Sous dosage 7 % Surdosage 41 % Médicament non indiqué 16 % Interaction 12 % Effet indésirable 0 % Voie/Administration inappropriées 10 % Traitement non reçu 0 % Monitorage 2 % Tableau 4. Répartition en pourcentage des propositions de solutions codées suite aux 122 interventions pharmaceutiques concernées par une double codification. Ajout (nouvelle prescription) 1 % Arrêt 29 % Substitution/Échange 16 % Choix de la voie d administration 0 % Suivi thérapeutique 7 % Optimisation des modalités d administration 17 % Adaptation posologique 30 % Les pharmaciens cliniciens ont émis une intervention pharmaceutique sur 12 % des prescriptions validées Dans 23 % des interventions, ils ont été confrontés aux limites de la codification via l outil de la SFPC Au sein de ces 23 %, recodification par un second pharmacien de 122 interventions 46 % de discordance pour le critère «problème» de la fiche de codification de la SFPC 53 interventions pharmaceutiques sur 122 sont concordantes pour les 2 critères étudiés 25 % de discordance pour le critère «intervention» de la fiche de codification de la SFPC Figure 1. Démarche entreprise et principaux résultats. Quatre-vingt-dix-sept interventions pharmaceutiques sur les 1 000 analysées relèvent de fautes d inattention du prescripteur (par exemple, prescription de 1 000 litres de chlorure de sodium 0,9 % par 24 heures parce que le prescripteur omet de vérifier l unité de prescription saisie par défaut sur le logiciel) et sont tellement grossières qu elles sont sans conséquences cliniques. Ainsi, la codification des erreurs d inattention dans ce cas vient surestimer à tort certains critères de la grille. Citons les doublons de lignes (37 cas dans lesquels la même ligne est saisie deux fois et codée à tort en surdosage) et les erreurs grossières de doses lors de la saisie informatique (38 cas). Par exemple, la prescription de 1 mg par prise de paracétamol au lieu de 1 g. La codification en «sous dosage» est inadaptée. Les erreurs de choix de la galénique entre les formes pédiatriques et adultes mériteraient également un classement dans un item type «erreurs d inattention». Il s agit d une sélection inappropriée sur le logiciel sans conséquence car les formes pédiatriques ne sont pas disponibles en service J Pharm Clin, vol. 28, n o 4, ocotbre-novembre-décembre 2009 209

S. Coursier, H. Bontemps 210 adulte. Ce type d erreurs sera détecté lors de l administration en l absence d intervention pharmaceutique. Six erreurs de ce type ont été relevées. Discussion La non-qualité du recueil de données est basée sur le libellé de chaque item proposé. Les items sélectionnés ne doivent pas comporter d ambiguïtés et être pertinents. Ainsi, la grille de recueil proposée par la SFPC a été testée par des pharmaciens répartis en deux groupes : les pharmaciens «experts» appartenant au groupe de travail de la SFPC et les pharmaciens «naïfs». L accord entre les pharmaciens a été estimé par un test de concordance. Un test de concordance insatisfaisant a entraîné une modification du libellé des items. Trois versions successives de la fiche d intervention pharmaceutique ont ainsi été réalisées [3], ce qui prouve la difficulté à créer des items satisfaisants et exhaustifs. Le même groupe de la SFPC a généré suite à ce travail une base de données de 1 800 IP issues de leur utilisation journalière [4, 14, 15], prouvant ainsi la faisabilité de son utilisation dans la pratique pharmaceutique quotidienne. De plus, le groupe SFPC a clarifié l utilisation de sa grille de codification par l ajout de deux tableaux d aide à la codification, facilitant le choix des items pour certaines situations discutables. Malgré ces améliorations, il demeure parfois délicat de ne pas hésiter entre différents items proposés pour une même intervention. Dans notre utilisation quotidienne, nous avons relevé plusieurs exemples de codifications différentes en fonction de l opérateur. Le signalement du remplacement d un valsartan 160 mg à la posologie de 1/2 par jour par valsartan 80 mg à la posologie de un par jour, disponible au livret thérapeutique est codé selon le pharmacien soit en «non-conformité du choix du médicament au livret thérapeutique» car visiblement le prescripteur a une méconnaissance des spécialités présentes sur l établissement, soit en «voie et/ou administration inappropriée» puisque la méthode d administration est inadéquate. De même, la prescription d oméprazole 20 mg chez un patient relevant d une indication à 10 mg doit-elle être codée en «non-conformité aux référentiels» puisque la prescription n est pas conforme aux consensus ou en «surdosage»?enfin,selonlepharmacienclinicien,undécalage de prise entre deux spécialités signalé est codé soit en «interaction médicamenteuse» soit en «voie et/ou administration inappropriée» pour l utilisation d un plan de prise non optimal. Au-delà des problèmes de codifications, une des difficultés mise à jour par cette étude est la valorisation des interventions portant sur une vérification d informations. La vérification d une posologie possible dans une indication donnée mais rare (par exemple, forte posologie de lactulose dans l encéphalopathie hépatique) fait partie intégrante de l activité de pharmacie clinique. Malheureusement, ces demandes d informations complémentaires au prescripteur ne sont pas intégrées au codage. S assurer de la cohérence du traitement et transmettre des conseils pour prévenir l iatrogénie médicamenteuse est un exercice méritant d être valorisé dans l activité quotidienne au même titre que la mise en évidence d un surdosage par exemple. Dans ces cas, nous utilisons actuellement la boîte de dialogue entre le médecin et le pharmacien pour alerter le prescripteur et non la fiche de codification de la SFPC intégrée à notre logiciel. Ce mode de fonctionnement entraîne inévitablement une perte d indicateurs d activité puisque les transmissions liées à la boîte de dialogue ne sont pas tracées, contrairement aux items saisis pour la codification des IP. Cette expérience locale nous a permis de réfléchir à la pertinence de certains items et à la proposition d items complémentaires type «erreur de manipulation de l outil de prescription» pour les problèmes ou «adaptation de la durée de traitement» pour les interventions. Nous sommes conscients que la grille de codification proposée par la SFPC se doit d être utilisable quel que soit le support de prescription (écrit ou informatisé). Toutefois, dans le contexte actuel où l informatisation du circuit du médicament se développe au sein de nos structures hospitalières, il nous semble important de prendre en compte ce type d IP, qui certes ne peuvent s entendre en terme de valeur ajoutée pharmaceutique, mais font partie intégrante de notre activité quotidienne. La grille de la SFPC est un outil de codification des «erreurs» et non des «causes d erreurs» [16]. Dans le cas particulier des erreurs liées à la méconnaissance de l outil de prescription, le groupe d experts de la SFPC considère à juste titre qu on se rapporte déjà à une cause d erreurs. En pratique, l absence de ce type d items conduit à surévaluer certaines propositions de la grille de codification sans réelle pertinence. Dans une publication [16], douze experts francophones (six Français, deux Canadiens, deux Suisses et deux Belges) ont travaillé sur la validation de l outil de la SFPC. Au final, quatre experts trouvent la description des problèmes et interventions «très claire», sept «claire», et un «pas assez claire». Au cours de ce travail, plusieurs experts ont souhaité un code spécifique pour les problèmes de transcription et les problèmes générés par l outil informatique. Pouvoir isoler les IP qui reflètent plus d une mauvaise utilisation et/ou d une ergonomie inadaptée de l outil est nécessaire. L évolution d un outil de recueil de données vers un outil qualitatif visant à mieux valoriser la pertinence de l activité de pharmacie clinique est à considérer. Au-delà des discordances mises en évidence dans ce travail, la codification au moyen de l outil de la SFPC est quotidienne au sein de notre établissement. Cette grille de codification est le seul outil existant, validé et facilement accessible pour standardiser ce type de recueil de données, indispensable à la valorisation de l activité de pharmacie clinique [17]. Conclusion L extension de la pratique de la pharmacie clinique nécessite la mise en œuvre de moyens humains afin de pérenniser et développer cette activité [18]. Pour obtenir ce temps supplémentaire indispensable, l impact au niveau de l établissement doit être démontré par des preuves tangibles. Dans ce contexte, quantifier l exercice de la pharmacie clinique d une pharmacie à usage intérieur est essentiel. La Société française de pharmacie clinique a proposé une codification des interventions pharmaceutiques au moyen d une fiche de recueil de données. Cet outil répond à l objectif de quantification, mais son utilisation demeure délicate dans certaines situations de la pratique quotidienne (notamment les interventions liées à des erreurs de manipulation de l outil de prescription, à des erreurs J Pharm Clin, vol. 28, n o 4, ocotbre-novembre-décembre 2009

Quantification des activités de pharmacie clinique d inattention de saisie ou à des demandes d informations complémentaires sur la prise en charge ). Des difficultés de codifications nous sont apparues. L outil actuel, unique moyen standardisé et validé pour quantifier l exercice de la pharmacie clinique, se doit d évoluer vers un outil qualitatif, indicateur de la pertinence des IP. Références 1. Arrêté du 31 mars 1999 relatif à la prescription, à la dispensation et à l administration des médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses dans les établissements de santé, les syndicats inter-hospitaliers et les établissements médico-sociaux disposant d une pharmacie à usage intérieur mentionnés à l article L 595-1 du Code de la Santé publique. Journal officiel du 1 er avril 1999. 2. Calop J. Avant-propos. In : Gimenez F, Brazier M, Calop J, Dint T, Tchiakpe L, eds. Pharmacie clinique et thérapeutique. 2 e édition. Paris : Masson, 2002. 3. Conort O, Bedouch P, Juste M, Augereau L, Charpiat B, Roubille R, et al. Validation d un outil de codification des interventions de pharmacie clinique. J Pharm Clin 2004 ; 23 : 141-7. 4. Allenet B, Bedouch P, Calop J. Les pratiques professionnelles : lutte contre l iatrogénie médicamenteuse, quelles perspectives pour le pharmacien clinicien? Dialog Hôpital 2006 ; 1 : 4-6. 5. Strand LM, Morley PC, Cipolle RJ, Ramsey R, Lamsam GD. Drugrelated problems : their structure and function. DICP Ann Pharmacother 1990 ; 24 : 1093-7. 6. Barber ND, Batty R, Ridout DA. Predicting the rate of physicianaccepted interventions by hospital pharmacists in the United Kingdom. Am J Health-Syst Pharm 1997 ; 54 : 397-405. 7. Mutnick AH, Sterba KJ, Peroutka JA, Sloan NE, Beltz EA, Sorenson MK. Cost savings and avoidance from clinical interventions. Am J Health-Syst Pharm 1997 ; 54 : 392-6. 8. Weidle P, Bradley L, Gallina J, Mullins CD, Thorn D, Siegel LP. Pharmaceutical care intervention documentation program and related cost savings at a university hospital. Hosp Pharm 1999 ; 34 : 43-52. 9. Galindo C, Olivé M, Lacasa C, Martninez J, Roure C, Llado M, et al. Pharmaceutical care : pharmacy involvement in prescribing in an acute-care hospital. Pharm World Sci 2003 ; 25 : 56-64. 10. Mallet LM, Binette MC, Dubois M. Enseignement clinique, manuel de l étudiant. Faculté de pharmacie. Université de Montréal, 1998. 11. Morris CJ, Cantrill JA, Hepler CD, Noyce PR. Preventing drugrelated morbidity- determining valid indicators. J Qual Health Care 2002 ; 14 : 183-98. 12. Flanagan PS, MacKinnon NJ, Bowles SK, Kirkland SA. Validation of four clinical indicators of preventable drug-related morbidity. Ann Pharmacother 2004 ; 38 : 20-4. 13. Winslade NE, Bajcar JM, Bombassaro AM, Caravaggio CD, Strong DK, Yamashita SK. Pharmacist s management of drugrelated problems : a tool for teaching and providing pharmaceutical care. Pharmacotherapy 1997 ; 17 : 801-9. 14. Bedouch P, Charpiat B, Roubille R, Juste M, Rose FX, Escofier L, et al. Site internet de la Société française de pharmacie clinique pour l analyse des interventions pharmaceutiques : finalité, mode d emploi et perspectives. J Pharm Clin 2007 ; 26 : 40-4. 15. Roubille R, Charpiat B, Escoffier L, Bedouch P, Juste M, Rose FX, et al. Potentiel d étude de la base ACT-IP : illustration avec les interactions médicamenteuses. J Pharm Clin 2007 ; 26 : 261-6. 16. Allenet B, Bedouch P, Rose FX, Escofier L, Roubille R, Charpiat B, et al. Validation of an instrument for the documentation of clinical pharmacists interventions. Pharm World Sci 2006 ; 28 : 181-8. 17. Demange C. Analyse pharmaceutique des prescriptions en unité de soins à l aide de la fiche d intervention de la Société française de pharmacie clinique. J Pharm Clin 2007 ; 26 : 45-52. 18. Benoit P, Mangerel K, Garreau I, Vonna P, Juste M. Evaluation des moyens mis en œuvre et acceptation d une présence pharmaceutique dans les services de soins. J Pharm Clin 2007 ; 26 : 83-90. J Pharm Clin, vol. 28, n o 4, ocotbre-novembre-décembre 2009 211