«La» mémoire. en neuropsychologie. Analyse de pratiques GM Laetitia ELBAZE

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NB : J ai trouvé ce texte sur le net sans que son auteur soit indiqué. Je regrette donc de ne pouvoir lui rendre hommage pour ce travail.

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Transcription:

«La» mémoire en neuropsychologie Analyse de pratiques GM Laetitia ELBAZE

Plan Généralités Les différents systèmes de mémoirem moire Les processus mnésiques L évaluation de la mémoire m moire en neuropsychologie

Définition La mémoire m moire est une fonction qui permet de capter, coder, conserver et restituer les informations que nous percevons

Propriétés s de la mémoirem moire La mémoire m moire est une fonction indépendante des autres fonctions cognitives argument = hétérogh rogénéité des troubles cognitifs La mémoire m moire est formée e d un d ensemble de systèmes relativement indépendants et sous-tendus par des structures cérébrales c au moins en partie différentes argument = doubles dissociations

Double dissociation Lésion X Lésion Y Tâche A - + Tâche B + -

Il n existe n pas une, mais des mémoiresm moires

Les systèmes de mémoirem moire On peut distinguer en fonction du facteur temps différents systèmes de mémoire : Mémoire sensorielle Mémoire à court terme et mémoire de travail Mémoire à long terme

Mémoire sensorielle Conserve brièvement (quelques millisecondes) une empreinte laissée par un ou plusieurs stimuli sensoriels Mémoire iconique pour la vision, mémoire échoïque pour l audition Pas étudiée par les neuropsychologues

Mémoire à court terme Durée de vie = quelques secondes Oubli massif dans les quelques secondes qui suivent la présentation, si le sujet n a pas la possibilité de répéter les items ou de faire un traitement profond Limitée à 7 (± 2) unités Capacité de la MCT est déterminée plus par le nombre de «chunks» que par le nombre d items «Chunking» : regrouper les items en petits groupes qui font du sens pour le sujet Capacité limitée mais temps d acquisition et de récupération rapide

Mémoire à court terme (2) Effet de primauté: transfert de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme à cause de la répétition mentale. L effet de primauté disparaît lorsque les stimuli sont présentés très rapidement Effet de récence : les items qui viennent juste d être vus, sont encore disponible en MCT. L effet de récence disparaît lorsqu il y a une tâche d interférence % de réponses correctes 120 100 80 60 40 20 0 Courbe de position sérielle EFFET DE PRIMAUTE 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Ordre des items EFFET DE RECENCE

Mémoire de travail Système servant à maintenir temporairement des informations actives, et à manipuler ces informations pour la réalisation de différentes activités cognitives À la différence de la MCT («maintenance»), la MDT implique un traitement additionnel des items maintenus («maintenance + processing») Impliquée dans de nombreuses situations de la vie quotidienne : lecture, calcul mental, compréhension du langage (surtout les phrases complexes), raisonnement (par exemple déductions logiques) etc.

MDT, modèle de Baddeley Administrateur central : système attentionnel de gestion Contrôle la boucle phonologique et le registre visuospatial Permet de sélectionner des stratégies pertinentes Répartit les ressources attentionnelles Gère le passage des informations des systèmes satellites vers la mémoire à long terme Boucle phonologique : traite le matériel verbal Calepin visuo-spatial : stocke temporairement les informations spatiales et visuelles, formation et manipulation des images mentales Buffer épisodique (mémoire tampon épisodique) : système de stockage temporaire qui maintient disponible les informations multimodales sur la réalisation de la tâche

Mémoire de travail (Baddeley( Baddeley,, 2000) Administrateur central Coordonne les opérations des systèmes spécialisés Sélectionne et contrôle les traitements Gère le passage des informations vers la mémoire à long terme Stocke et rafraîchit l information verbale Boucle phonologique Stocke les informations multimodales situées dans un contexte spatio-temporel Buffer épisodique Maintient les informations spatiales et visuelles et intervient dans la manipulation des images mentales Calepin visuo-spatial Langage MLT épisodique MLT visuelle Mémoire à long terme

Mémoire à long terme Système mnésique permettant d'encoder, de stocker et de restituer des informations Capacité théoriquement illimitée Enorme capacité,, mais acquisition et récupération plus lentes qu en MCT De nombreuses classifications : Mémoire antérograde/m rograde/mémoire moire rétrograder Mémoire prospective Mémoire déclarative/md clarative/mémoire moire non-déclarative Mémoire sémantique/ms mantique/mémoire moire épisodique Mémoire autobiographique

Mémoire antérograde vs rétrograder Terminologie utilisée e en cas de lésion l cérébralec Antérograde : difficultés à mémoriser moriser de nouvelles informations Rétrograde : difficultés à restituer les informations apprises avant la lésionl Lésion cérébrale AMNÉSIE RÉTROGRADE Passé AMNÉSIE ANTÉROGRADE Récent

Mémoire prospective La mémoire m moire prospective est «la mémoire m moire des actions futures».. Contrairement à la mémoire m moire rétrospective, la récupr cupération de la mémoire m moire prospective doit être initiée e au moment opportun et ce, alors que nous sommes occupés à une autre tâche. Elle implique de se désengager d de l activitl activité courante, d effectuer d l action l prospective, et de revenir à l activité courante. La fenêtre durant laquelle l action l doit être réalisée e est limitée

Mémoire déclarative d vs non déclarative Mémoire à long terme : Squire et Knowlton, 1995

Mémoire déclarative d vs non déclarative

Mémoire non déclaratived Les effets d amorçage se manifestent par le fait qu une seule présentation d un stimulus biaise, habituellement dans le sens de la facilitation, le traitement ultérieur de ce même stimulus ou d un item qui lui est proche, en l absence de toute récupération consciente d une rencontre préalable avec ce stimulus. La mémoire procédurale permet l acquisition l d habiletés s motrices, verbales ou cognitives. Les connaissances procédurales sont difficilement verbalisables et s expriment s dans l action l finalisée.

Mémoire déclaratived La mémoire m moire déclarative d stocke les informations générales g (mémoire moire sémantique) et spécifiques (mémoire moire épisodique). facilement verbalisables et accessibles à la conscience. Ces connaissances sont facilement

Mémoire sémantiques La mémoire sémantique concerne les concepts, le langage, les connaissances générales sur le monde. Elle est dépourvue de contexte spatio-temporel. Elle constitue notre savoir et l expérience que nous avons de son contenu est de l ordre du je sais

Mémoire sémantiques Le modèle de Collins et Quillian (1969) : est fondé sur la supposition de l existence d un réseau de relations hiérarchisées entre les concepts les concepts concernent la manière dont nous catégorisons le monde, afin de le comprendre et d en parler (ex : «chien») les concepts sont représentés comme les nœuds du réseau, et chaque nœud est associé à un certain nombre de propriétés hypothèse d économie cognitive : les propriétés propres à un concept sont stockées au niveau le plus haut auquel elles sont applicables

Mémoire sémantiques Le modèle de Collins et Quillian

Mémoire épisodique La mémoire épisodique se définit comme un système d enregistrement, de stockage et de récupération des événements vécus, situés dans un contexte spatial et temporel d acquisition précis

Mémoire autobiographique Souvenirs des événements personnellement vécus ainsi que de leur contexte (date, lieu, état émotionnel) Permet de construire notre identité et forge au fil du temps notre sentiment d identité et de continuité

Tulving,, 2005

Les processus mnésiques Le système mnésique fonctionne selon 3 processus : l encodage le stockage la récupération Encodage stockage Récupération

L encodage A cette étape, identification et association de l information perçue Plus un matériel est répété,, plus il a de chances de pénétrer p en MLT (Atkinson et Shiffrin 1968) Théorie de la profondeur de l encodage l (Craik et Lockart,, 1972) : le niveau de traitement (profond ou superficiel) serait plus important que le nombre de répétitions r (en cas de traitement profond, l information à mémoriser moriser est associée à un plus grand nombre d indices d de rappel) Théorie de la spécificit cificité de l encodage l (Thomson et Tulving,, 1970) : l efficacitl efficacité des indices en rappel dépend des conditions dans lesquelles l info l a été encodée

Le stockage Également appelé consolidation Stockage de l information avec formation d un «engramme» ou trace mnésique Théories de l oubli : Déclin de la trace (qui serait érodée e par le passage du temps) Interférence rence de nouveaux éléments

La récupr cupération = rappel d un souvenir Il peut s agir s d un d souvenir volontaire (qui implique un processus de recherche active en mémoire) moire) ou d un d souvenir involontaire (processus automatique par lequel l information l surgit de nulle part) En situation de test, le processus de récupr cupération est évalué par : Rappel libre différé (délai variable entre l encodage l et la restitution) Rappel indicé différé Reconnaissance différée

L évaluation de la mémoire m moire (1) Mémoire à court terme : empans endroit (chiffres + blocs) Mémoire de travail : empans envers, ordre croissant, arithmétique tique

L évaluation de la mémoire m moire (2) La mémoire m moire prospective : Très s peu d éd épreuves validées épreuve de l enveloppel épreuve dite «maison»

L évaluation de la mémoire m moire (3) La mémoire m moire sémantiques : Dénomination d imagesd Appariement sémantique s d images d ou de mots Connaissances sur personnes ou évènements célèbresc Évocation lexicale

L évaluation de la mémoire m moire (4) La mémoire m moire épisodique : en modalité verbale Liste de mots Histoire en modalité visuelle Figure géomg ométrique Reconnaissance d objets d ou de visages Scènes

Profils attendus 1. Troubles de l encodage : rappel libre et reconnaissance > après encodage profond et contrôlé efficacité de l aide à l encodage 2. Troubles de la récupération : reconnaissance > rappel libre efficacité de l aide à la récupération 3. Troubles du stockage : rappel libre et reconnaissances perturbés inefficacité des aides