L'AEROSOLTHERAPIE (Kinésithérapie Scientifique Mai 2000) Valérie Doudeuil José Curraladas Masseurs- kinésithérapeutes. CHU Henri Mondor Créteil. Sollicité quotidiennement dans les services d'hospitalisation pour effectuer des soins de kinésithérapie respiratoire, le masseur kinésithérapeute est souvent confronté à une méconnaissance des bases anatomo-physiologiques respiratoires et à une mauvaise utilisation de l'aérosol thérapie. Cette ignorance de l'équipe soignante entraîne parfois un traitement inadapté pour le patient. Il nous paraît important de préciser les règles élémentaires de la bonne utilisation des aérosols afin que nos confrères puissent diffuser l'information (que nous avons voulue la plus simple possible) auprès des prescripteurs et des équipes de soins. 1/ Définition C'est un ensemble de particules liquides ou solides dispersé et transporté en suspension par un gaz. 2/ Buts et avantages Buts Selon le produit, la nébulisation a pour effet :
Avantages L'humidification simple (eau distillée ou sérum) des gaz inspirés. La déposition in situ, dans le tractus respiratoire, de produits médicamenteux pour lutter contre l'infection et/ou améliorer la perméabilité des voies aériennes. Organes ciblés directement Faibles doses de produit actifs Action rapide Minimum d'effet systémique 3/ Les différents systèmes générateurs d'aérosol 1) Les inhalateurs pressurisés = les aérosols doseurs (Fig n 1) Avantage : une quantité précise de produit est délivrée et propulsée par un gaz inerte Inconvénient : la difficulté d'utilisation entraîne souvent l'inefficacité * il existe une faible déposition alvéolaire ± 15% Fig n 1
Un protocole d'administration est impératif. o Agiter le doseur o Expirer lentement et profondément o Placer l'embout buccal correctement, c'est à dire lèvres hermétiquement fermées autour de l'embout. o Déclencher l'aérosol dès le début de l'inspiration qui doit être complète à grand volume et rapide. o Faire une pause inspiratoire pendant un minimum de 10 secondes bouche fermée (apnée inspiratoire). o Expirer doucement. o La seconde bouffée est inhalée au moins une minute après. Leur utilisation est améliorée par l'adjonction d'une chambre d'inhalation munie d'une valve unidirectionnelle inspiratoire permettant l'inhalation sur plusieurs cycles respiratoires après libération de la bouffée dans la chambre (Fig n 2). Il faut nettoyer la chambre d'inhalation au moins une fois par semaine à l'eau savonneuse. Fig n 2
2) Les rotateurs ou aérosol de dispersion solide. Ils permettent l'inhalation de poudres médicamenteuses. Avantages : c'est l'inspiration qui provoque la dispersion de la poudre en entraînant une turbine sur laquelle est fixée une gélule contenant le produit. Donc absence de synchronisation Inconvénients : un débit inspiratoire élevé est nécessaire pour vider la gélule.une irritation peut déclencher la toux et parfois un bronchospasme.faible déposition efficace du produit ± 5%. 3) Les nébuliseurs et nébuliseurs mécaniques à énergie pneumatique (effet Venturi). Ils permettent d'administrer en continu un aérosol constitué d'un produit actif dissout en milieu aqueux. Constitué d'un réservoir dans lequel un flux gazeux continu crée l'aérosol, il se fixe sur un masque facial ou sur un embout buccal (Fig n 3).
Fig n 3 Il ne faut pas de fuites de pressiondans le circuit pour que l'aérosol soit efficace. Avantages : utilisation simple. ils assurent une granulométrie fiable. Inconvénients : déperdition de produit à l'expiration. présence d'un espace mort important qui nécessite d'adapter les doses et le débit des gaz ± 10% de produit atteint le tractus alvéolaire.
4) L'aérosol de Pierre (figure n 4) Avantages : utilisation simple, et humidification permanente. Inconvénients : Une grande dispersion du produit à nébuliser (mais il est couramment utilisé pour une humidification simple). Source de propagation des germes si l'entretien n'est pas effectué scrupuleusement et régulièrement. Fig n 4 L'aérosol de Pierre
4/ Caractéristiques L'aérosol thérapie est un moyen simple et efficace d'améliorer les fonctions respiratoires à condition d'en connaître précisément les limites, les indications, les propriétés et enfin l'utilisation. Les indications. L'aérosol est mis en place sur prescription médicale. En effet, compte tenu de ces propriétés il peut avoir des conséquences tout à fait néfastes en fonction du patient et de sa pathologie. D'ou l'intérêt d'une auscultation précise et d'une séance de kinésithérapie respiratoire avant la mise en place et le choix de l'aérosol. Dessèchement de la zone nasopharyngée et bronchique. En réanimation cette situation est fréquente en cas d'intubation prolongée, d'un apport hydrique réduit (même s'il est volontaire) rendant la situation du patient inconfortable. L'utilisation quasi systématique de l'oxygène par sonde nasale ou par lunettes rend les muqueuses inflammatoires et sèches. Aérosol à visée d'humidification simple. Expectoration difficile uniquement liée à cet état de sécheresse peut amener le médecin à prescrire une humidification locale par aérosol, exemple : l'aérosol de Pierre en continu. Encombrement bronchique. Si les sécrétions sont solides, adhérentes, mousseuses, très fluides, le choix du produit sera différent : fluidifiants, asséchants, mucolytiques. Expectorations purulentes.
Le bilan kinésithérapique peut aider au choix de l'aérosol et du produit en fonction de l'action recherchée. Ce bilan prend en compte : La qualité du mucus bronchique (présent normalement, il peut se raréfier ou au contraire être en hyper production). Le coefficient de viscosité des sécrétions. La couleur de l'expectoration. Le type de toux. Le type de ventilation du patient. La difficulté à expectorer. D'une manière générale, on utilisera l'aérosol avec adjonction de produits pour lutter contre l'infection et améliorer la perméabilité des voies aériennes. L'aérosol à donc sa place dans la : Lutte contre l'infection. lutte contre le bronchospasme. Lutte contre l'inflammation. Fluidification de sécrétions. Les propriétés physiques et mécaniques. Différents paramètres entrent en jeu dans l'efficacité d'un aérosol. Il faut donc les connaître pour ne pas faire d'erreur et optimiser le résultat escompté. a) La déglutition absorbe 80% de tout l'aérosol!.et seulement 10% à 20% des particules atteignent les voies aériennes. b) La fixation des particules sur l'épithélium broncho-alvéolaire se fait par :
Impaction pour les grosses particules > 10 m au niveau des grosses voies aériennes ou il règne un flux turbulent. Sédimentation pour les particules ³ 1 m au niveau des petites bronches et des alvéoles ou règne un flux laminaire (seules les particules < 5 m sont capables d'atteindre les alvéoles). Déposition, les particules ne se déposent pas et ressortent avec l'air expiré. La déposition est fonction du temps de contact aérosol / surface c) Les substances sont retenues plus ou moins longtemps Localement : par la phase gel composée du mucus fibrillaire, par le surfactant, par les liquides pathologiques. Les substances inhalées ont ensuite la possibilité de passer dans les capillaires pulmonaires et d'entraîner éventuellement des effets sur l'état général du patient. En fonction du mode ventilatoire. Plus le volume courant est important, plus la déposition est périphérique. La fréquence respiratoire doit être basse. L'apnée de 2 secondes en fin d'inspiration permet la déposition périphérique des particules dont la vitesse de sédimentation est faible avec un gain de déposition de près de 13%. Pour une efficacité optimum, il faut donc demander au patient de respirer lentement, profondément, en marquant un temps d'apnée en fin d'inspiration. Les principes physiques. Homogénéité et taille des particules : Pour qu'un aérosol soit le plus efficace possible, il faut que le diamètre aérodynamique moyen (DAM) des particules en suspension soit grand afin d'éviter toute déposition sur le premier obstacle venu. Plus les particules sont petites plus leur vitesse de sédimentation est faible. Plus les particules sont de diamètre voisin et plus la stabilité de l'aérosol est grande.
Charge électrique, ph et température : Afin d'éviter tout regroupement de particules, la charge électrique e des particules doit être la même (nous sommes en présence d'un mélange aqueux et donc ionique). L'activité ciliaire est très sensible aux modifications de ph. La paralysie ciliaire apparaît pour un ph =6,5. Enfin, la température idéale de l'aérosol est de 32 à son entrée au niveau de la bouche et du nez. Compte tenu de tous ces paramètres, l'aérosol devient un outil beaucoup moins anodin qu'il n'y paraît. Voici quelques conséquences possible d'une mauvaise utilisation : Inefficace et dangereux en cas d'encombrement bronchique non drainé préalablement. Les produits sont arrêtés par les substances pathologiques qui recouvrent la muqueuse bronchique. Elles sont inactives en cas d'encombrement important car elles ne peuvent être en contact avec les sites récepteurs. Dans cette situation, il faut donc désencombrer le patient avant la séance d'aérosol. En cas d'hyper ventilation due à une détresse respiratoire, à un état d'angoisse, d'inconfort (port du masque), le patient peut modifier son rythme et ses volumes ventilatoires et rendre inefficace l'aérosol. Inefficace également en cas de mauvais choix du produit si l'encombrement est distal et les particules trop grosses. Dangereux si l'encombrement est très fluide et que le patient à des difficultés à expectorer. La prescription de mucolytiques peut provoquer une inondation alvéolaire. L'association de certains produits en aérosol peut être dangereuse car ils sont incompatibles et neutralisent leurs effets..
3/ La séance d'inhalation. Préparation. La préparation est extemporanée et stérile. La durée de l'aérosol varie de 10 à 30 minutes suivant le produit, la quantité de solution et le nombre de séances quotidiennes. En moyenne, 15 à 20 mn avec un débit d'o2 suffisant pour obtenir un nuage dans le masque (Le bruit du passage de l'o2 dans le liquide ne suffit pas à la nébulisation du produit!, il faut vérifier que le nuage de particules est bien réalisé!! ) Nuage ne veut pas dire brouillard, l'aérosol ne durerait pas assez longtemps. En général, 4 à 6 litres/ mn de débit suffisent. Si le patient bénéficie d'une oxygénothérapie par sonde nasale ou lunette en continu à plus de 3 litres et dépendant de l'o2, on diminuera l'apport en oxygène pendant le temps de l'aérosol. Dans les autres cas, on pourra se permettre d'arrêter temporairement l'o2. Il faut éduquer le patient lors des premiers aérosols. La respiration doit être lente, profonde et accompagnée d'années inspiratoires. Il va de soit que pour certains patients (hypertendu par exemple), on ne demandera pas cette phase dans le cycle respiratoire. La séance d'aérosol sera précédée d'une séance de kinésithérapie respiratoire. D'une part, pour désencombrer le patient et lui apprendre à ventiler à basse fréquence et à haut volume, et d'autre part pour localiser et identifier le type d'encombrement afin de permettre au prescripteur d'utiliser les produits adaptés.
Pour les aérosols de Pierre, il faut qu'ils soient nettoyé et stérilisés entre chaque patient (L'utilisation de matériel stérile à usage unique est de plus en plus répandue mais il reste quelques ancien aérosol de Pierre qui fonctionnent encore dans les services d'hospitalisation). Il faut aussi vider régulièrement l'eau qui s'accumule dans le tuyau, faute de quoi l'aérosol n'est pas efficace (Fig n 5). Fig n 5 Vider régulièrement l'eau qui s'accumule dans le tuyau. 4/Les produits utilisés. a)les broncho-dilatateurs. En général on utilise les Béta2 Adrénergiques. Salbutamol ( Ventoline ). Terbutaline ( Bricanyl ). Ferroterol ( Berotec ).
Tous existent sous forme aérosol doseur. Le salbutamol existe sous forme nébulisable ( Ventoline solution en flacon de 30 cm3= 50 mg de salbutamol ). La Terbutaline= Bricanyl dose. Précaution d'emploi. Les broncho-dilatateurs de par leur effet sur les volumes pulmonaires aggravent parfois les troubles du rapport Va/Q en majorant d'avantage la perfusion que la ventilation des territoires pathologiques et d 'autant plus lors d'un encombrement important (d'ou la nécessité d'un drainage bronchique préalable). On retiendra une utilisation de 5mg de produit correspondant à 1 cm3 de Ventoline solution diluée dans 4 cm3 de sérum physiologique. b) Les corticoïdes. Ils ont trois actions principales sur l'obstruction bronchique de l'asthmatique. Bronchodilatation. Antisecrétoire. Antioedemateuse. Ils peuvent prendre le relais d'une corticothérapie générale pour diminuer les effets secondaires. Le produit le plus utilisé est le Dipropionate de Bechometadone ou Bécotide. Ils sont utilisés également dans le traitement des dyspnées laryngée de faible intensité après extubation. Leur déposition sur la muqueuse buccale (spray de Bécotide) nécessite le rinçage de la bouche après chaque bouffée à cause des risques de mycose.
c) Les mucolytiques et mucorégulateurs. Les avis sont partagés. Le choix dépends de : l'existence ou non de surinfection. De la rhéologie des crachats ( On n'agira pas de la même façon sur des sécrétions visqueuses et très abondantes que sur des sécrétions collantes voir plus ou moins solides et peu abondantes ). Du risque non négligeable d'inondation alvéolaire. Le Mucomyst Solution. 2,2 à 10 ml / 24 heures en une à quatre séances de 10 à 40 minutes. C'est un muco-modificateur bronchique, mucolytique ayant une action sur la phase gel du mucus. Il est à utiliser avec précaution chez l'asthmatique et contre indiqué chez l'asthmatique en crise. Association compatible : dilatateurs bronchiques, B2 stimulants, détergents, mouillants. Chez le BPCO, l'utilisation des aérosols de mucolytiques doit être précédé et suivit d'une séance de désencombrement bronchique, sans quoi le risque de " noyade " est majorée. d) Les antibiotiques. L'efficacité est accrue quand la concentration locale est grande donc il faut les utiliser : Isolément. Etre sur au préalable de la sensibilité des souches à ces agents. Le risque de la sélection bactérienne est le développement possible de mycoses.
Interaction dangereuse : Célestène + Soframycine e) Autres. Le Goménol soluble. En ampoules de 5 ml. C'est un antiseptique local, décongestionnant de la muqueuse. C'est un traitement d'appoint des états infectieux des voies aériennes supérieur et des bronches. Une à deux séances de 15 à 20 minutes par 24 heures. Dilution au sérum physiologique chez l'asthmatique. Le Surbronc et le Soludécadron : injectables, sont fréquemment utilisés en nébulisation mais cette possibilité n'est pourtant pas indiquée comme telle dans le Vidal. 5/ Conclusion. Malgré leur apparente simplicité d'utilisation, les aérosols doivent être préparé convenablement, réglés correctement, et surveillés lors de la séance pour optimiser leur efficacité. Bibliographie 1 D. Delplanque, M. Antonello, E.Corriger Kinésithérapie et Réanimation respiratoire. 1994 Masson.Paris. 2 P. Godard, P. Chanez, J. Bousquet, P. Demoly, J.L Pujol, F.B Michel Asthmologie Abrégés Masson1996 3 P. Burtin Aérosolthérapie par nébulisation. Kinéréa 1999 n 22 4 A Vandevenne Rééducation respiratoire des broncho-pneumopathie chroniques obstructives. Monographie de Bois Laris Editions MASSON. Paris