MARSEILLE (13), Fort d Entrecasteaux RESTAURATION DES REMPARTS, DEMI-LUNES ET BASTIONS Arnaud Castagnède, directeur général Acta Vista Isabelle Guérin, architecte du patrimoine 13 Marseille - Vue du Vieux-Port L ancienne citadelle Saint-Nicolas installée en vis à vis du fort Saint-Jean protège depuis le XVIIème siècle l entrée du port de Marseille. Repère urbain inscrit dans la mémoire collective des marseillais, la citadelle cumule toutes les valeurs patrimoniales : paysagère, urbaine, historique, architecturale et symbolique. Ses murailles roses en pierre de la Couronne confèrent leur teinte au paysage du Vieux-Port. La partie haute de la citadelle, dite fort d Entrecasteaux, est devenue fin 2010 propriété de la ville de Marseille, après 350 ans d histoire militaire. En 1660, Louis XIV se déplace à Marseille en rébellion contre le pouvoir central et ordonne la construction de la citadelle Saint-Nicolas et du fort Saint-Jean. Ces forts répondent à deux objectifs, protéger la ville en parant à une attaque venant de l étranger mais aussi rappeler aux marseillais qu une révolte pourrait se solder par l arrêt de leur commerce ou le bombardement de la cité. La citadelle est conçue par Claude- Nicolas de Clerville, commissaire général des fortifications, et réalisée prestement en 4 ans. Implantée en accroche sur un massif rocheux qui s élève à 50 m au dessus du niveau de la mer, l ensemble bastionné couvre 6 hectares. Plus de 2 km de remparts s étagent autour du haut fort en couronnes successives. Plan relief du haut fort Hôtel des Invalides 1
L ensemble du fort est réalisé en pierre de la Couronne. Le gros-œuvre de surface est très bien fait, en pierres de taille posées par assises réglées avec un cordon rond en forme de corniche, une succession d embrasures de tir et d échauguettes. Les chaînages sont ornés de bossages. En 1790, un commando de gardes nationaux s empare de ce symbole de l autorité royale. La population entreprend la démolition des remparts qui ne durera que dix jours, suite à l intervention de Napoléon Bonaparte alors en poste à Toulon. De 1830 à 1840, les remparts démolis à la Révolution Française sont remontés et parfois rehaussés afin de protéger le fort des pilleurs. Une poudrière est construite dans la demi-lune de Villeroy. Les carrières de la Couronne, épuisées, ne sont plus utilisées. Les parties de remparts redressées sont en moellons enduits qui tranchent avec les pierres de taille du XVIIè siècle. La limite des démolitions reste très lisible. La pierre de Sausset à la tonalité beige est employée pour les modénatures, les carreaux et briques de terre cuite des tuileries de Saint-Henry habillent les aplats des parapets, la pierre de Cassis, très résistante, sert pour les emmarchements et certains murs. En 1864, la réalisation du boulevard de l Empereur coupe la citadelle en deux parties distinctes. Des murailles hautes en pierre de Cassis sont remontées de part et d autre du boulevard. 13 Marseille - Le boulevard Charles Livon (ancien boulevard de l Empereur) Les autorités militaires renomment la partie supérieure de la citadelle Saint-Nicolas Fort d Entrecasteaux et la partie inférieure Fort Ganteaume. Différents services de l Armée de Terre se succèdent dans le fort. Des travaux sont réalisés au coup par coup en fonction des besoins, ajouts d édicules ou démolitions intempestives, percements de baie, cloisonnements, ajout de réseaux apparents pour apporter électricité et chauffage. Le tout est hétéroclite et nuit à la perception du fort. L armée allemande occupe le fort pendant la seconde guerre mondiale. Elle ponctue les remparts de batteries en béton armé, un blockhaus est dressé dans le bastion de Beaufort. XVIIè s. pierre de la Couronne XIXè s. briques et pierre de Sausset XXè s. batterie en béton armé 2
La citadelle est classée en totalité au titre des Monuments Historiques en 1969. La citadelle, solide, a été conçue pour résister au canon et a résisté à l usure du temps, aux embruns et au vent. Les pierres ont peu subi la pollution urbaine du fait de son emplacement. Les appelés s occupaient de l entretien du fort. La suppression du service militaire mais aussi le désengagement programmé de l armée sur ce site ont contribué à la dégradation progressive des maçonneries. LE CHANTIER D INSERTION En 2003, l armée confie les travaux d entretien et de restauration du fort au chantier d insertion Acta Vista dont l encadrement effectué par des compagnons garantit la bonne transmission des savoir-faire traditionnels. Acta Vista, association spécialisée dans la formation et l insertion professionnelle, a créé le pôle de formation aux métiers du patrimoine et à l éco-construction. De 2003 à 2008, grâce aux chantiers de formation «Ecole du Patrimoine», elle réalise dans le cadre de son pôle de formation la restauration de 600 ml de remparts. En 2008, le chantier d insertion est désigné maître d ouvrage délégué par le Génie Militaire pour mettre en place un projet de restauration des bastions et demi-lunes de la première enceinte afin d y accueillir le pôle de formation. Isabelle GUERIN, architecte du patrimoine est maître d œuvre du projet de restauration. Les travaux sont réalisés grâce au soutien de partenaires publics/privés et de mécènes, sous le contrôle de la direction régionale des affaires culturelles (conservation régionale des monuments historiques et service territorial de l'architecture et du patrimoine). Ils concernent l aménagement des demi-lunes Dauphine et de Villeroy, du bastion de Beringhen et de la courtine nord, soit 1 300 m² de surfaces utiles dédiées à la formation mais aussi à la culture et aux métiers d arts au travers d expositions et d évènements ouverts au public qu Acta Vista organise. LE PROJET DE RESTAURATION Afin de bien comprendre l évolution historique du fort et son état actuel, une recherche documentaire est effectuée dans les différents services d archives concernés, complétée par une analyse archéologique du bâti qui s affine tout au long du chantier. Les enduits récents sont décroûtés et les baies d origine mises à jour. Les sols successifs sont déposés. Les matériaux trouvés sont analysés et associés aux différentes époques d intervention. Le premier objectif de restauration est de mettre en valeur l architecture bastionnée du XVIIème siècle tout en conservant la trace des campagnes d intervention significatives. Chaque époque témoigne des techniques militaires et des méthodes constructives du moment et doit rester lisible. 3
Les dispositions du XVIIème siècle sont ainsi mises en valeur dans la demi-lune Dauphine et le bastion de Beringhen, celles du XIXème siècle dans la poudrière et la demi-lune de Villeroy. Les batteries de la deuxième guerre mondiale sont conservées et entretenues. Développé des façades internes de la demi-lune Dauphine Le deuxième objectif est d adapter autant que possible le bâti aux normes de confort actuelles en s appuyant sur une approche environnementale. Pour rendre l utilisation du fort économe, des modes d isolation adaptés à l édifice sont trouvés. Les épais remparts sont isolés avec une fine couche de chanvre et chaux qui joue le rôle des tapisseries d autrefois. Du béton d argile isole les extrados des voûtes des bastions. Les dispositions d origine du fort sont optimisées, les cheminées présentes dans chaque pièce sont utilisées pour la ventilation, le système de récupération des eaux de pluie pour l alimentation des citernes est restauré et pourra être utilisé pour alimenter les sanitaires ou arroser les espaces végétalisés. Les réseaux d électricité et de chauffage sont intégrés dans des caniveaux et gaines réservés lors de la restauration des maçonneries et des sols, des planchers chauffants sont posés afin de ne pas perturber la lecture des volumes intérieurs. Une pompe à chaleur est installée pour chauffer de façon économe. Le chantier d insertion s approvisionne en matériaux locaux, mène un chantier «propre» au niveau de la gestion des déchets. Le maximum de matériaux est récupéré sur le chantier pour être réemployé, pierres, moellons, sables, terres cuites. La demi-lune Dauphine avant et après restauration 4
PROSPECTIVE Fin 2013, les aménagements intérieurs de la demi-lune Dauphine sont terminés, Acta Vista organise une première exposition des œuvres de 4 artistes, plasticiens, aquarelliste, photographes, ouverte au public durant 3 semaines qui relie ainsi patrimoine et culture. C est dans cette direction, la combinaison d activités culturelles, patrimoniales, sociales et solidaire qu Acta Vista s engage désormais pour l organisation de futures expositions et évènements qui s associeront aux différentes étapes d avancement de ses chantiers de formation. Ce projet intitulé «Vers un projet Fort» associe déjà plusieurs partenaires spécialisés (programmistes, fondations) pour permettre une vision globale et ambitieuse d optimisation du fort d Entrecasteaux tout en maintenant les impacts combinés d emploi, de qualification, de culture et de patrimoine. En effet, grâce à la réalisation de ses chantiers «Ecole du Patrimoine», Acta Vista a employé et formé plus de 4 500 personnes depuis 2003, plus de 350 chaque année, et a déjà contribué à hauteur de 2 M sur ses fonds propres, à la réalisation de ces travaux. Pour le projet de restauration de la demi-lune Dauphine, Le chantier d insertion s est adjoint les compétences de Daniel Fauré et Thierry Cabirol, ingénieurs thermiques conseils spécialisés en approche environnementale et du BET fluides Adret. 5