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Transcription:

FRANCOIS BOUCHON PARIS, LE 8 mars 2014 LICENCIE ES-SCIENCES MATHEMATIQUES LICENCIE EN DROIT 105, AVENUE DE VERSAILLES 75016 PARIS DIPLOME EXPERT COMPTABLE COMMISSAIRE AUX COMPTES TEL. 01 47 34 35 44 PORT. 06 64 93 30 88 EXPERT AGREE PAR LA COUR DE CASSATION HONORAIRE EMAIL : fr.bouchon@gmail.com. Monsieur le Président SOCIETE IMMOBILIERE DU PARC MONTMORENCY 19 Boulevard de Montmorency 75016 PARIS Monsieur le Président, Vous m avez demandé par lettre de mission du 19 janvier 2014 de : - 1) décrire l organisation de la comptabilité de votre société en précisant si cette organisation respecte les règles légales et les principes de sécurité généralement recommandés - 2) décrire les procédés mis en place pour réaliser les détournements et les masquer - 3) chiffrer le montant des détournements - 4) rechercher si les intervenants extérieurs ont rempli les obligations qui leur incombent, tant en matière de mise en garde du conseil d administration et de son président qu en matière de contrôle, et, le cas échéant, montrer le lien entre ces manquements et le préjudice. - 5) Relire le projet du nouveau manuel de procédure en cours de rédaction - 6) Le cas échéant assister la SIPM dans ses démarches en vue d obtenir indemnisation de son préjudice Je vous présente ci après le résultat de mes travaux sur les points 1 à 4 de cette mission MEMBRE D UNE ASSOCIATION AGREEE, LE REGLEMENT DES HONORAIRES PAR CHEQUE EST ACCEPTE N TVA FR 31 784 296 675 APE 6920 Z

F. BOUCHON Note n 1 2 / 13 1. Présentation générale de l organisation de la SIPM 1.1. Principes généraux d organisation 1.1.1. Organisation de la SIPM La gestion de la SIPM est organisée selon le schéma classique des sociétés françaises : l'assemblée générale des associés élit un conseil d'administration qui élit un président et un bureau. Les membres du conseil sont bénévoles Le conseil d administration définit les orientations et prend les décisions importantes. La mise en œuvre de ces décisions et la gestion courante sont confiées à des personnes rémunérées Pour assister le conseil, le personnel administratif comprenait en principe : Un directeur Une secrétaire Une comptable Une aide comptable La comptabilité était supervisée par un cabinet d expert comptable extérieur Elle est contrôlée, comme la loi l impose, par un commissaire aux comptes. Certaines opérations comptables matérielles sont effectuées par un préposé de la société chargée de la maintenance informatique. En dehors du personnel administratif la SIPM rémunère du personnel de gardiennage et d entretien Une telle organisation est classique, et respecte tant les règles légales que les principes d organisation généralement admis. Elle fonctionne parfaitement si chacun remplit correctement sa tâche.

F. BOUCHON Note n 1 3 / 13 1.1.2. Appréciation sur la fiabilité de cette organisation 1.1.2.1. Règles générales concernant la sécurité d une organisation. Toutes les organisations recherchent la sécurité, et la première idée est que la sécurité augmente au fur et à mesure qu on augmente le nombre de procédures de contrôle. La réalité est plus nuancée. Il faut, en premier lieu, se souvenir que les contrôles comptables et que leur qualité des facteurs humains. On constate en second lieu que la multiplication des procédures de contrôle se heurte, dans la pratique, à plusieurs obstacles, les principaux étant la baisse d efficacité des procédures supplémentaires et l augmentation des coûts. La pratique, aujourd hui, est de rechercher l équilibre optimum. 1.1.2.2. Cas particulier de la SIPM L organisation de la SIPM prévoit une redondance des contrôles ; les travaux matériels faits par les salariés comptables sont surveillés au quotidien par le directeur, et régulièrement par l expert comptable et le commissaire aux comptes. La mission du directeur et de l expert comptable est, chacun dans leurs domaine, d organiser et d assurer le bon fonctionnement du service, et, en cas de difficultés d informer le conseil d administration pour que celui ci puisse prendre les mesures nécessaires. La mission du commissaire aux comptes est d opérer les contrôles et vérifications prévus dans ses normes professionnelles et de signaler toutes les anomalies relevés au conseil d administration. Le travail de la comptable de SIPM était donc vérifié par trois contrôleurs (le conseil d administration, ne faisant pas parti des «opérationnels» ne devant pas, en principe, être décompté dans les organes de contrôle) Une telle organisation répond parfaitement aux critères de sécurité généralement admis dans les petites structures ; très rares sont les sociétés qui ont plus de degrés de contrôle ; un assez grand nombre en a moins.

F. BOUCHON Note n 1 4 / 13 1.2. Organisation des services administratifs de la SIPM Ma mission ne consiste pas à remonter dans le temps, ce qui ne présenterait pas grand intérêt, mais décrire l origine de la situation qui a permis à une salariée de procéder à des détournements importants pendant une période d au moins 24 mois allant de août 2011 à septembre 2013 et à décrire la situation actuelle. En 2011 les services administratifs étaient composés, comme il l a été dit précédemment D un directeur D une comptable D une aide comptable D une secrétaire La comptabilité était supervisée par le cabinet d expertise comptable AUDITEC et contrôlée par madame PINIOT commissaire aux comptes. 1.2.1. Obligations du directeur Il n existe pas, à ma connaissance, de fiche de poste définissant les attributions précises de chacun des salariés. Pour regrettable qu elle soit dans le cadre de ma mission, cette absence n est pas anormale dans le cadre d une petite structure dans laquelle la répartition des tâches répond aux compétences de chacun, complétée par les instructions orales données par le directeur. 1.2.2. Obligations de l expert comptable En ce qui concerne l expert comptable le code déontologique de la profession oblige, depuis de nombreuses années celui ci à présenter une «lettre de mission» décrivant les prestations auxquelles il s engage. Cette obligation a été confirmée par le décret n 97-586 du 30 mai 1997, remplacé depuis par l article 151 du Décret n 2012-432 du 30 mars 2012 A ma connaissance le cabinet AUDITEC n avait pas, à l époque des faits, présenté de lettre de mission ; il ne l a fait que le 30 septembre 2013, après la découverte des détournements En l absence de lettre de mission on doit considérer que la prestation de l expert comptable est l une des missions normalisée telles qu elles sont définies par l ordre des experts comptables. Dans le cas présent, sachant que le bilan de l exercice clos le 30 juin 2012 a été présenté sur une plaquette à l en tête d AUDITEC, il apparaît logique de penser que la mission adaptée est celle de «présentation des comptes» actuellement définie par la norme professionnelle NP 2300 agrée par arrêté ministériel du 20 juin 2011, cette édition ne faisant que reprendre des

F. BOUCHON Note n 1 5 / 13 normes antérieures de contenu similaire. Les obligations correspondantes pèsent donc sur l expert comptable. 1.2.3. Obligations du commissaire aux comptes En ce qui concerne le commissaire aux comptes la lettre de mission est également rendue obligatoire par la «NORME D EXERCICE PROFESSIONNELLE 210» (NEP 210) Son absence est cependant sans influence sur le présent rapport puisque la mission du commissaire aux comptes est définie par la loi et précisée par un abondant volume de NEP supervisé par le H3C (Haut Conseil du Commissariat aux Comptes) et ne peut donc faire l objet de discussion. Notons dés l abord que, selon les normes qui leurs sont respectivement applicables, ces deux professionnels doivent exercer leurs fonctions avec un esprit critique et faire part au conseil d administration de toutes les anomalies ou irrégularités relevées. L expert comptable à également un devoir de conseil (NP 2300 point 7) 1.3. Logiciel utilisé La SIPM présente la caractéristique d'être une société d'attribution ce qui implique que les logiciels utilisés doivent permettre de remplir, en principe aisément, les tâches suivantes : -gestion de l'immeuble ; ce qui implique la possibilité de faire des appels de fonds prévisionnels ou définitifs, d'envoyer aux associés les situations et comptes rendus correspondants -gestion de la société -gestion des payes Les sociétés d'attribution étant rares, il n'existe pas sur le marché de logiciel spécifique à cette particularité, mais seulement des logiciels de gestion de copropriété utilisés par les syndics d'immeuble. C'est ce qui a amené, voici de longues années, un conseil précédent de la SIPM, à commander la réalisation d'un logiciel spécifique. Des explications qui m'ont été données j'ai compris que celui ci est basé sur trois modules : -un module axé sur la gestion de l'immeuble ; ce module a été développé spécifiquement pour la SIPM et lui appartient -un module standard paye (ciel paye) -un module standard comptabilité générale (ciel compta) dans lequel se déversent les renseignements tirés des deux logiciels précédents.

F. BOUCHON Note n 1 6 / 13 Cette solution était probablement la meilleure à l'époque compte tenu de l'état de la technique. Elle pose aujourd'hui un certain nombre de problèmes. a) Les évolutions techniques mais aussi les politiques commerciales des vendeurs de logiciels standard font que ceux ci évoluent tous les trois ans environ. Ces évolutions obligent à modifier périodiquement les interfaces, à modifier les programmes ou à introduire des ajouts, fragilisant la cohésion de l ensemble. Ce qui était à l origine un ensemble cohérent s accompagne de plus en plus de «patchs» (rustines) et de programmes annexes b) le fonctionnement de l ensemble implique l intervention d un informaticien extérieur pour certaines opérations usuelles telles que les appels de fond. Même si SIPM est propriétaire du programme et des codes sources correspondants, une indisponibilité prolongée de l informaticien qui a rédigé les programmes et en a assuré depuis la maintenance, risque de poser des problèmes délicats, et ce d autant plus que, à ce que j ai compris, ce secteur d activité n est plus stratégique pour le prestataire de la SIPM. 2. Mécanisme mis en place pour les détournements 2.1. Mécanisme général d un détournement par salarié Un détournement de fond implique deux éléments : Un mécanisme permettant d appréhender des fonds appartenants à autrui Un mécanisme permettant de cacher les détournements. Le premier mécanisme concerne le maniement des fonds ; c est à dire la fonction de trésorier. Le second mécanisme relève de la description des mouvements de fonds ; c est à dire de la fonction comptable. C est pourquoi, depuis l apparition de la comptabilité, on recommande de ne pas confier les deux fonctions à la même personne ; c est l élément de base de toute organisation, un principe que tout dirigeant doit connaître, un principe dont le non respect doit immédiatement appeler des observations de la part de l expert comptable et du commissaire aux comptes.

F. BOUCHON Note n 1 7 / 13 2.2. Origine du sinistre Aux environs de 2009 la banque a proposé à la SIPM de procéder au paiement des salaires par virement transmis a la banque par internet, la validation des virements correspondants se faisant par un simple code d autorisation. Parallèlement la banque a limité le montant maximum des virements. Il en est résulté que les payes ne pouvaient plus faire l objet d un virement unique mais devaient être réparties entre deux ou trois virements, compliquant le suivi des payes. C est dans ces circonstances que le code permettant de valider les virements a été confié à la comptable de l époque. C est dans ces conditions que la comptable s est retrouvée en possession des codes permettant d accéder à la trésorerie de la SIPM, créant ainsi toutes les conditions favorables à un sinistre. 2.2.1. Mécanisme d appréhension des fonds. Contrairement au principe ci avant rappelé, on a confié à la comptable le code permettant de valider des virements bancaires ; ce qui revient, purement et simplement, à lui confier la signature sur le compte en banque et à lui permettre de faire des virements au profit de qui elle voulait. 2.2.2. Mécanisme de dissimulation des prélèvements. En principe toute dépense doit être appuyée par une pièce justificative. Dans le cas présent, l intéressée a utilisé l interface entre les comptabilité paye et comptabilité générale. L ensemble des opérations de paye, rédaction des bulletins de payes, calcul des cotisations ouvrières et patronales correspondantes et des dépenses annexes (taxes salaires, formation, transports etc.), est élaboré dans le logiciel «paye». Le résumé des opérations du mois fait l objet dans le logiciel paye de l édition du «journal de paye mensuel», puis fait l objet d un transcodage permettant de générer l écriture de paye à passer en comptabilité générale. Ce passage, entre ciel paye et ciel compta, peut être automatique, sur demande explicite, mais il peut aussi être manuel, par ressaisie complète de l écriture en comptabilité.

F. BOUCHON Note n 1 8 / 13 Le mécanisme utilisé pour masquer les détournements consistait à recopier en comptabilité générale une «écriture de paye» différente de celle émanant de la comptabilité paye en majorant le montant inscrit au compte 421 «salaires à payer» ou le compte 425 «avances» Il suffisait ensuite d adresser à la banque un ordre de virement multiple comportant les virements de paye normaux et des virements complémentaires à l ordre de la comptable apurant le compte 421 ou 425 2.3. Estimation des détournements opérés Le cabinet AUDITEC a déterminé ce montant en procédant à une analyse des virements tels que communiqués par la banque et en les comparant au journal de paye. Le montant des détournements ainsi constatés s'éleve à 124 950 3. Recherche des causes de disfonctionnements des contrôles. Il a été vu plus haut que le sinistre n a pu avoir lieu que parce que la comptable validait elle même les virements qu elle initiait, ce qui la dispensait d avoir à présenter des bulletins de paye pour justifier les sorties de fonds. L aberration que constitue à mettre les codes de banque à disposition de la comptable : -n aurait jamais du être commise par le directeur -aurait du être révélée par les intervenants extérieurs Dans le cas présent, non seulement les contrôles n ont pas fonctionnés mais la fraude a été découverte, non par les personnes rémunérées pour exercer une surveillance, mais par un membre du conseil d administration. 3.1. Découverte du sinistre La SIPM emploie une trentaine de personnes réparties entre gardiennage, entretien, concierges et personnel administratif. Les mouvements financiers correspondants sont, pour un mois normal (hors 13eme mois et primes exceptionnelles, de l ordre de 55 000 pour les salaires nets et de 130 000 pour les charges supportées par SIPM (salaires + charges sur salaires + taxes + formation + tickets restaurants et primes diverses)

F. BOUCHON Note n 1 9 / 13 A la fin de l exercice clos au 30 juin 2013, un des administrateurs de la SIPM s est étonné du résultat préliminaire qui était présenté et, en en recherchant la cause, a constaté une importante dérive des charges de salaire. En recherchant la cause de cette dérive il a constaté des anomalies qui lui ont permis, de fil en aiguille, de mettre en évidence le détournement par salarié. Il apparaît donc que la fraude a été mise a jour par un administrateur bénévole et non par l un des organes de contrôle et de surveillance rémunéré ; directeur, expert comptable, commissaire aux comptes. 3.2. Recherches des responsabilités susceptibles d êtres engagées. La SIPM est une société dont le conseil d administration est constitué de bénévoles. Dans une telle société, le conseil d administration prend les décisions importantes et délègue les tâches administratives à des employés salariés ou a des intervenants honorés, à charge pour eux de rendre compte au conseil et d attirer son attention sur tout disfonctionnement ou risque de disfonctionnement. De fait les tâches de surveillance de la comptabilité étaient, dans le cadre de la SIPM, à l époque des faits, du ressort de trois personnes : Le directeur chargé hiérarchiquement de l organisation du service et de sa bonne marche, L expert comptable qui doit s assurer de la régularité des comptes de la société et a, pour la réalisation de sa mission, l obligation de s informer sur l organisation du service, et un devoir de conseil si l organisation ne lui parait pas conforme aux règles généralement admises. Le commissaire aux comptes qui, chargé d attester la régularité des comptes, doit, lui aussi, avant de commencer sa mission, examiner les procédures de contrôle interne mises en place par la société pour adapter ses travaux, en nature et en volume, aux éventuelles faiblesses détectées. Les faits les plus importants concernant les détournements sont relevés ci après 3.2.1. Manquement du directeur à ses responsabilités. 3.2.1.1. Non respect de la séparation des fonctions. Il a été exposé plus haut que, en matière de protection des biens contre la fraude par préposé, la règle de base connue depuis la plus haute antiquité est celle de la séparation des fonctions entre le trésorier qui a accès aux fonds et le comptable qui enregistre les opérations.

F. BOUCHON Note n 1 10 / 13 Un trésorier comptable peut détourner des fonds et le dissimuler (où tenter de le faire jusqu'à un contrôle efficace). En cas de séparation des fonctions, le comptable ne peut opérer de détournement car il n a pas accès aux fonds, et le trésorier ne peut dissimuler son larcin puisque le montant des fonds détenus est calculé par le comptable. La dissimulation du détournement est impossible, sauf collusion de deux personnes, ce qui est beaucoup plus compliqué. En donnant la possibilité à la comptable de valider les ordres de virement passés à la banque on a permis les détournements par celle-ci. 3.2.1.2. Absence de suivi des dépenses de salaire Nous ne disposons pas de fiche de poste précisant le rôle du directeur Il apparaît cependant que, dans le rôle de gestionnaire qui est le sien, rentre un contrôle minimum de l utilisation des fonds qui lui sont confiés, et une surveillance minimum des opérations de paye et des montants correspondants ; dans le cas de SIPM la masse salariale représente plus de la moitié des frais de fonctionnement. Des vérifications de cohérence auraient probablement permis de découvrir plus tôt les détournements. 3.2.2. Responsabilité de l expert comptable. L expert comptable a une obligation de s informer et un devoir de conseil. Responsable de la régularité des comptes, l expert comptable doit s informer sur l organisation du service comptable qui produit les écritures ainsi que cela résulte directement de la norme NP 2300. Cette obligation concerne principalement tout ce qui peut influencer la qualité des comptes et, au premier plan, ce qui concerne les signatures bancaires Si cette mission avait correctement été remplie, l expert comptable aurait demandé le retrait de la signature à la comptable, et, en cas de refus, en aurait avisé le conseil d administration en lui conseillant de respecter la règle usuelle et les détournements auraient été évités. 3.2.3. Responsabilité du commissaire aux comptes La mission du commissaire aux comptes est très encadrée par un corpus de normes d exercices professionnelles (NEP) Le commissaire aux comptes a l obligation de s informer sur l organisation du service comptable et sur les contrôle interne mis en place, ( NEP 2-301), cette NEP précise bien que, en cas de contrôles internes déficient, le commissaire aux comptes devra ajuster le niveau de ses investigations.

F. BOUCHON Note n 1 11 / 13 En cas de découverte d anomalies, le commissaire aux comptes doit les signaler au conseil d administration. Il résulte de ce qui précède que, si le commissaire aux compte avait rempli sa mission conformément aux normes d exercice professionnel qui s impose à lui, il aurait immanquablement pris connaissance du fait que la signature était donnée à la comptable et aurait saisi le conseil d administration pour qu il mette fin à cette anomalie. Il aurait diligenté des contrôles approfondis sur les mouvements par virements qui auraient révélé la fraude. Les détournements auraient été évités. La non découverte de l anomalie par le commissaire aux comptes est d autant plus incompréhensible qu il a bien spécifié, dans les programmes de travail annexé a ses rapports, pour chaque année un contrôle sur «l exposition aux risques», travail qui, semble t il ne peut écarter la recherche des risques de fraude sur les payes, celles ci représentant plus de la moitié des frais de gestion. On note également la mention d un contrôle sur le «cadrage entre le livre de paye et la comptabilité». Or il apparaît que, sur l exercice 2011/2012, les montants portés en comptabilité ne correspondaient pas à ceux du livre de paye, en particulier sur les comptes 421 rémunérations dûes et 425 avance au personnel 4. Autres lacunes observées sur la période antérieure au 30/6/2013 Outre les faits relevés au point 3, mes investigations ont fait apparaître un certain nombre de faits qui devaient immanquablement attirer l attention d un professionnel sur un probable manque de fiabilité du travail comptable et aurait donc dû susciter des vérifications plus complètes 4.1. Sur la comptabilité de paye. J ai, dans le cadre de la présente mission, demandé à consulter les documents relatifs aux payes concernant les exercices 2011/2012 et 2012/2013. J ai fait les constatations suivantes 4.1.1. Livres légaux

F. BOUCHON Note n 1 12 / 13 Le registre unique du personnel qui m a été présenté n est pas à jour, la dernière écriture qui y est portée date du 16 octobre 2012. 4.1.2. Archives «papier» Il m a été indiqué que les documents correspondants, tels qu ils étaient au départ de l ancienne comptable, se trouvaient réunis sur une étagère contenant une douzaine de classeurs et quelques chemises à élastique. J ai dressé rapidement l inventaire de ces classeurs dont certains ne portent pas d étiquettes. Il résulte de cet examen que les archives papier disponibles sont incomplètes et, qui plus est, en grand désordre. Elles sont, en l état, inexploitables. Je n y ais, en particulier, pas retrouvé les doubles des déclarations aux organismes sociaux. Sauf si il résulte de «ménage» opéré par des salaries licenciés l état de ces archives aurait dû attirer des mesures de la part du directeur, de l expert comptable et du commissaire aux comptes. Rappellons que les documents relatifs à la paye doivent être tenus à jour et pouvoir être présenté immédiatement en cas de passage d un inspecteur du travail. 4.1.3. Archives «informatiques» La comptabilité informatique a pu, heureusement, être réinstallée sur le matériel actuellement utilisé par la comptabilité si bien que, pour l essentiel, la société est en mesure de répondre aux questions posées en cas de contrôle 4.2. Etats de rapprochement bancaire Selon la doctrine comptable les opérations doivent être immédiatement comptabilisées ; par exemple un chèque doit être comptabilisé dés son émission. Mais il se peut que le destinataire du chèque n encaisse pas celui-ci immédiatement ; à contrario la banque peut comptabiliser un prélèvement automatique bien avant que la société n en soit avisée. Il existe donc usuellement un écart entre le solde comptable du compte en banque et le solde du relevé bancaire. Cet écart doit être expliqué en détail chaque mois dans un document appelé «rapprochement bancaire» dont le principe est simple : Solde bancaire opérations passées par la banque et non comptabilisées + opération comptabilisées et non passées par la banque = solde comptable

F. BOUCHON Note n 1 13 / 13 (Le tout pris algébriquement puisqu il peut y avoir des opérations au débit et au crédit) L état de rapprochement est un instrument de contrôle essentiel ; il permet de vérifier que les opérations bancaires sont toutes comptabilisées. Des états de rapprochements erronés ou faisant apparaître des écarts sont le signe incontournable d une comptabilité déficiente. J ai demandé à consulter les relevés de banque et les états de rapprochements des exercices 2011/2012 et 2012/2013. Les classeurs auxquels j ai eu accès m ont permis de constater : -Qu ils ne contenaient pas la totalité des relevés de banque du crédit du nord -Qu ils ne comportaient pas, pour chaque mois, un état de rapprochement. -Que la plupart des états de rapprochement ont une présentation défectueuse car elle ne présente pas directement le solde bancaire ; interdisant ainsi le contrôle direct A partir des documents que j ai pu réunir il apparaît que, si on trouve, pour certains mois, des états de rapprochement visuellement corrects (c'est-à-dire dont le montant indique pour le solde comptable correspond à celui-ci, dont le montant indiqué pour le solde bancaire correspond a celui-ci et dont le solde arithmétique est nul), on trouve également des états de rapprochement portant explicitement la mention d un écart ou d autres indiquant un solde en comptabilité différent de celui relevé sur le livre comptable. En dehors des états de rapprochement dressés à la fin de l exercice social qui, pour ceux que j ai consulté, sont apparemment corrects, la moindre consultation des classeurs banque permet de constater, outre les lacunes apparentes des états de rapprochement retrouvés, le mauvais classement et l absence d un certain nombre de relevés de banque et d états de rapprochements. Tels sont les résultats de mes investigations Je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l expression de mes sentiments distingués. Paris, le 8 mars 2014 François BOUCHON