La Charte de l assuré social : un outil méconnu au service de l effectivité des droits sociaux



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Transcription:

La Charte de l assuré social : un outil méconnu au service de l effectivité des droits sociaux Jean-François Neven Conseiller à la Cour du travail de Bruxelles Maître de conférences invité à l UCL* Lorsque, comme c est le cas actuellement, l heure n est plus à l extension des droits sociaux, il est particulièrement important de s assurer de l effectivité des droits existants. L effectivité renvoie à différentes exigences. Elle requiert tout d abord que les droits reconnus soient suffisamment concrétisés, ce qui suppose que les moyens nécessaires à leur mise en pratique (et notamment les moyens financiers) soient dégagés en suffisance par les pouvoirs publics 1. Elle postule ensuite que les droits soient accessibles à leurs destinataires. L effectivité renvoie alors à la nécessité de supprimer les barrières de tous ordres qui rendent problématique le plein exercice des droits sociaux. La Charte de l assuré social s inscrit dans cette seconde perspective. La loi du 11 avril 1995 qui institue la Charte de l assuré social, est entrée en vigueur le 1 er janvier 1997. Elle résulte de l initiative de parlementaires sensibles à l idée qu il «n est que normal de faire bénéficier de leurs droits sociaux des gens qui ne les connaissent pas» 2. Le gouvernement ne s est rallié à ce texte que fort tardivement. Les institutions de sécurité sociale n étaient guère préparées à le recevoir. Nous verrons que la Charte a longtemps été marquée du sceau d une certaine défiance de la part de ceux qui doivent l appliquer. * Les commentaires et suggestions peuvent être adressés à jean-francois.neven@uclouvain.be 1 La Belgique a récemment été prise en défaut de concrétisation des droits à l aide matérielle reconnus aux demandeurs d asile et à certaines autres catégories d étrangers (notamment les «mineurs non accompagnés» et les familles déboutées du droit d asile). Une loi du 12 janvier 2007 leur garantit un droit à l hébergement dans un centre d accueil géré par FEDASIL (ou l un de ses partenaires). Cette loi est généralement considérée comme satisfaisante. De 2009 à fin 2011, toutefois, faute de places suffisantes dans le réseau d accueil, des centaines de demandeurs d asile, de mineurs non accompagnés et de familles en séjour irrégulier, n ont pas obtenu l accueil auquel ils avaient pourtant droit et se sont retrouvés dans la rue... Le Conseil de l Europe, via son Comité des Droits sociaux, a en octobre 2012 adressé à la Belgique une sérieuse remontrance, considérant qu un tel défaut de concrétisation de droits pourtant formellement reconnus, constituait une violation multiple de la Charte sociale européenne. 2 Documents parlementaires de la Chambre, session 1991-1992, n 353/1, p. 1.

La Charte de l assuré social s adresse à toutes les institutions de sécurité sociale 3. Elle comporte une série de devoirs généraux et codifie certains principes de bonne administration qui doivent être respectés par les décisions individuelles ayant pour objet l octroi, la révision ou la suppression des prestations sociales. Schématiquement, la Charte de l assuré social prévoit : - une obligation d information et de conseil dans le chef des institutions de sécurité sociale (article 3 et 4), - l obligation d utiliser un langage compréhensible (article 6), - l obligation de motiver les décisions et d informer les destinataires des possibilités de recours (articles 7, 13 et 14), - l obligation de réorienter, si nécessaire, le demandeur vers l institution de sécurité sociale compétente (articles 5 et 9), - l obligation de statuer dans les délais légaux, et en tout cas, dans les délais maxima fixés par la Charte (article 10), - l obligation d instruire la demande de manière minutieuse, en recueillant «d'initiative toutes les informations faisant défaut en vue de pouvoir apprécier les droits de l'assuré social» (article 11), - l obligation, en cas de décision ordonnant la récupération d un indu, d informer spécialement l assuré social sur l origine et les modalités de calcul de l indu, en lui permettant de demander à l institution de renoncer à la récupération de cet indu (article 15), - l obligation de payer des intérêts de retard si le paiement des prestations n intervient pas dans les délais légaux (article 20). J évoquerai plus précisément l obligation d information et la question de la récupération de l indu, après avoir dit quelques mots des réticences ayant parfois été constatées lors de la mise en œuvre de la Charte. La Charte est longtemps restée un instrument mal connu et trop peu fréquemment invoqué devant les tribunaux. Sa mise en œuvre a nécessité différentes clarifications qui n ont été apportées, le plus souvent, que grâce à l action des tribunaux et de la Cour constitutionnelle. C est ainsi que dans un premier temps, certaines institutions coopérantes (comme les mutuelles) ont estimé que différentes dispositions de la Charte ne leur étaient pas applicables. Ce point de vue n a pas été suivi par la Cour constitutionnelle. De même, la disposition relative aux intérêts de retard a suscité des réticences de la part de certaines institutions (notamment du Fonds des maladies professionnelles) : là 3 Institutions publiques : Onem, Onp, Onafts, Inami, Capac mais aussi institutions coopérantes : mutuelles, caisses syndicales de paiement des allocations de chômage, caisses de compensation pour allocations familiales, assureurs accidents du travail

aussi, la Cour constitutionnelle est intervenue afin que la Charte soit appliquée de manière uniforme. Le législateur est parfois intervenu pour tenter d atténuer, dans certains secteurs, la portée de la Charte de l assuré social 4. De manière particulièrement intéressante, la Cour constitutionnelle a estimé que le législateur ne peut déroger à la Charte dans un sens défavorable aux assurés sociaux que moyennant «une justification spécifique pertinente» et qu en l occurrence, une telle justification faisait défaut. Relevons enfin qu à l origine, la Charte ne s appliquait pas à l aide sociale. Le législateur a revu toutefois son point de vue en 2005 : depuis lors, la Charte est pleinement applicable aux CPAS. L obligation d information et de conseil est de première importance. Elle impose aux institutions de sécurité sociale de mettre une information générale à disposition des assurés sociaux, ce qu elles font actuellement via leur site internet. A côté de cela, les institutions sont tenues, lors de l examen des dossiers individuels, d informer utilement les assurés sociaux en leur fournissant, s il y a lieu, les compléments d'information nécessaires au maintien de leurs droits. Cette obligation est interprétée comme imposant une certaine pro-activité de la part des institutions. Un exemple permettra de mieux comprendre la portée de cette obligation. Il a été reproché au SPF sécurité sociale d avoir laissé sans suite la lettre d une personne handicapée qui lui communiquait sa nouvelle adresse et lui indiquait que «dorénavant elle habite seule» : le tribunal a jugé que même si l intéressée n a pas utilisé le formulaire ad hoc, le SPF a manqué à son devoir de pro-activité en ne l ayant pas immédiatement invitée à introduire une demande en bonne et due forme afin que les allocations lui soient accordées, dès le mois suivant, comme personne isolée et non plus comme personne cohabitante. Il serait toutefois erroné de penser qu en ce qui concerne l obligation d information et de conseil, tout est parfait. On peut tout d abord regretter que la Charte ne prévoie pas de sanction spécifique en cas de violation de l obligation d information et de conseil. 4 On peut citer l exemple du secteur des allocations familiales et du secteur des soins de santé et des indemnités d incapacité de travail. Pour ces prestations, une loi postérieure à la Charte a prévu qu en cas d indu trouvant sa cause dans une erreur de l institution, cette dernière pourrait malgré tout récupérer les sommes versées indument au cours des 12 derniers mois. L intention était de s écarter la Charte qui prévoit qu en cas d erreur de l institution, la révision n a pas d effet rétroactif (de sorte que l indu reste acquis à l assuré social). La Cour constitutionnelle a fait prévaloir la Charte de l assuré social.

Il n est, dès lors, pas toujours simple d obtenir devant les tribunaux, réparation du préjudice subi. On peut suggérer que la Charte de l assuré social devrait être complétée de manière à offrir des possibilités raisonnables de sanctions spécifiques. Par ailleurs, si l information disponible sur les sites internet des institutions est globalement de bonne qualité et témoigne d un réel effort d accessibilité, on ne doit pas perdre de vue : - que les assurés sociaux les plus précarisés n ont généralement pas accès aux outils internet et qu en la matière, le risque de «fracture numérique» est bien réel, - que l information est donnée pour chaque secteur alors que la sécurité sociale est globale et que les difficultés (surtout au sein des publics les plus précarisés) sont souvent intersectorielles (la mauvaise application et/ou la mauvaise compréhension d une réglementation pouvant avoir des conséquences sur d autres droits sociaux) 5. L information disponible sur internet ne doit pas faire oublier la nécessité de points de contact physiques. L expérience positive de l ombudsman des pensions (qui traite annuellement près de 1.800 dossiers dont la moitié débouche sur une révision favorable aux assurés sociaux), plaide largement en faveur de la mise en place de pareils points de contact. En matière d indu (de «trop-perçu»), la Charte de l assuré social comporte des principes intéressants. Ainsi, si l indu résulte d une erreur de l institution 6, cette dernière ne peut pas le récupérer auprès de l assuré social. Curieusement, toutefois, cette disposition n est pas applicable aux erreurs des organismes de paiement des allocations de chômage! Si l indu n est pas imputable à l institution, mais découle de ce que l assuré social n a pas accompli certaines formalités, l indu est entièrement récupérable, dans les limites de la prescription (qui, sauf fraude, est de 2 ou 3 ans). Dans la pratique, on constate que grâce aux «croisements» entre les banques de données des institutions de sécurité sociale et grâce au registre national, certaines 5 Il arrive en effet assez fréquemment qu une mauvaise application de la réglementation du chômage ait des incidences sur, par exemple, le montant des allocations familiales 6 Il peut s agir d une erreur matérielle (ainsi, lorsque l institution interprète mal les documents que lui remet l assuré social) ou d une erreur de droit (ainsi, lorsque l institution applique mal la réglementation).

situations anormales peuvent actuellement être détectées relativement vite 7, ce qui n était pas le cas lorsque la Charte a été adoptée : il n est pas rare toutefois que l institution ne réagisse qu après de nombreux mois (ce qui peut avoir pour conséquence de laisser croître l indu). On peut suggérer que lorsqu une situation génératrice d indu peut être détectée rapidement, la Charte devrait prévoir une obligation, juridiquement contraignante pour les institutions, de faire diligence. L instauration d une telle obligation (avec des sanctions spécifiques) serait favorable tant aux assurés sociaux (que les récupérations d indu fragilisent lorsque, comme c est souvent le cas, elles interviennent par le biais de retenues de 10 % sur les allocations) qu au système de sécurité sociale (qui a tout intérêt à éviter des indus dont la récupération peut être aléatoire et qui nécessitent une gestion administrative assez lourde). Enfin, il est sans doute regrettable que la Charte n aborde pas la question particulièrement sensible des indus résultant de manœuvres frauduleuses. Il aurait pourtant été souhaitable d adopter une définition claire et commune de la fraude et un régime de prescription qui tienne compte, comme l a admis la Cour constitutionnelle, que les assurés sociaux ne sont pas des débiteurs comme les autres 8. Pour en savoir plus : Dix ans d'application de la Charte de l'assuré social, Waterloo, Kluwer, 2008, Etudes pratique de droit social, ouvrage collectif sous la direction de J-Fr. NEVEN et S. GILSON J-Fr. NEVEN, «Réparation selon le droit commun des fautes des institutions de sécurité sociale», in Regards croisés sur la sécurité sociale, Commission Université- Palais, Anthémis, 2012, p. 247-275. J-Fr. NEVEN, «Les principes de bonne administration, la Charte de l assuré social et la réglementation du chômage», in La réglementation du chômage : 20 ans d application de l arrêté royal du 25 novembre 1991, J-Fr. NEVEN et S. GILSON (coord.), Kluwer, 2011, p. 581-652. 7 Exemple : un bénéficiaire d indemnités d incapacité de travail a, sans en informer sa mutuelle, repris temporairement une activité chez son employeur qui à la fin du trimestre déclare cette activité à l ONSS : la situation «anormale» peut être détectée dès ce moment. 8 Les récentes initiatives du législateur (loi-programme du 28 juin 2013) visant à lutter contre certaines fraudes présumées dans le secteur des allocations familiales et à allonger le délai de prescription, ne vont pas dans cette direction.

J-Fr. NEVEN, Commentaire d arrêts de la Cour Constitutionnelles, in Les grands arrêts de la Cour Constitutionnelle en droit social, Ch.-E. CLESSE (coord.), Bruxelles, Larcier, 2010. J-Fr. NEVEN, «Les délais de prescription applicables à la récupération des prestations de sécurité sociale payées indûment. Commentaire de l arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 30 octobre 2008», Chron. D.S., 2009, p. 405-412 J-Fr. NEVEN et S. GILSON «La Charte de l'assuré social à la lumière de la jurisprudence, avec S. GILSON, in CUP Questions de droit social, J. CLESSE et F. KEFER (dir.), Liège, Anthémis, 2007, p. 49-123.