Se doter d'un avantage concurrentiel au Canada : l'affaire de tous Allocution de Nancy Hughes Anthony Présidente et chef de la direction Association des banquiers canadiens Prononcée devant Le Cercle de la finance internationale de Montréal Le jeudi 4 octobre 2007 Montréal (Québec) SEUL LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI
Se doter d un avantage concurrentiel au Canada : l affaire de tous Introduction Bonjour et merci de cette chaleureuse présentation. Merci également de m'avoir invitée à prendre la parole devant Le Cercle de la finance internationale de Montréal. Je suis heureuse de constater la présence d un grand nombre d anciens et de nouveaux amis et collègues, et je salue tout spécialement ceux d entre vous qui proviennent du milieu bancaire. Même si je ne suis à la tête de l ABC que depuis 100 jours, je sais que les possibilités et les défis qui se présentent aux entreprises - comme les banques ici à Montréal - sont très similaires à ceux des entreprises des autres villes et collectivités du Québec et du reste du Canada. En fait, nous nous ressemblons beaucoup plus que nous le croyons, lorsqu il s agit des enjeux auxquels nous faisons face. Dans cette optique, j aimerais mettre l accent aujourd hui sur l un de ces enjeux soit la compétitivité de notre pays et comment assurer un avantage canadien, et par conséquent, un avantage pour le Québec, et ce de façon durable dans un environnement mondial de vive concurrence. Favoriser la concurrence Qu est-ce que cela signifie que notre pays devienne l un des plus concurrentiels et que ses entreprises soient des champions mondiaux? Que faudra-t-il pour atteindre cet objectif? Cela signifie qu il faut créer des emplois de qualité, attirer les investissements et le talent, favoriser l innovation et se doter d une solide assiette fiscale pouvant soutenir les programmes sociaux que nous chérissons tous. Le succès des entreprises, quels que soient leur taille et l endroit où elles se trouvent, est important pour assurer la réussite de notre économie et, en bout de ligne, le niveau de vie de tous les citoyens d un bout à l autre du pays. Nous avons tous un rôle à jouer pour améliorer la compétitivité du Canada. Le secteur bancaire : contribuer à l économie et à la prospérité Examinons d un peu plus près le secteur bancaire : c est un important moteur de notre économie et des économies locales des villes et des collectivités aux quatre coins du pays. Voici des chiffres. 1
Les banques emploient directement un quart de million de personnes dans les collectivités - grandes et petites - de chaque province et territoire, dont 41 000 au Québec. Bien que le secteur bancaire représente 1,4 % de tous les employés au Canada, son personnel produit plus de 3 % du PIB du pays. Les banques ont une solide base ici, mais elles s ouvrent aussi sur le monde. L an dernier, plus de 40 % des revenus des banques canadiennes ont été générés à l extérieur du Canada. Par contre, plus de 80 % de leurs employés se trouvaient au Canada, et elles ont versé ici 80 % de leurs impôts. Les banques ont payé au total plus de 6,4 milliards de dollars en impôts à tous les paliers de gouvernement en 2006, dont environ 556 millions de dollars au Québec. Ce total de 6,4 milliards de dollars est quelque peu supérieur aux budgets combinés des ministères fédéraux de l Agriculture, des Affaires étrangères et du Commerce international pour 2006. En fait, le secteur bancaire paie davantage en impôts sur le revenu des sociétés que n importe quelle autre industrie au pays. Presque chaque citoyen partage ce succès. Les actions des banques forment une part importante de nombreux régimes de retraite publics et privés. Par exemple, chaque participant au Régime de pensions du Canada et à la Caisse de dépôt et placement du Québec est, qu il le sache ou non, propriétaire de nos banques. La concurrence dans le secteur bancaire Certains diront : Mais comment les banques peuvent-elles parler de compétitivité? N y a-t-il pas en fait que six banques au Canada? Voici ce que je leur réponds : vous n avez peut-être pas remarqué le vent de changement qui a balayé le secteur bancaire ces dernières années, avec l arrivée de tout un éventail de nouveaux entrants et de nouvelles institutions financières que l on ne pouvait même pas imaginer il y a une décennie. Aujourd hui, le Canada compte plus de 70 banques, dont plusieurs banques virtuelles comme ING et Banque Citizens du Canada. Certaines des principales banques au monde se trouvent ici, au Canada, comme la Banque HSBC. Nous avons aussi des banques qui appartiennent à une chaîne d épicerie, à un réseau de courtiers d assurance et à une compagnie d assurance-vie. Bref, il y a beaucoup de concurrence dans le secteur bancaire, et son intensité ne peut que s accroître. Le marché du Québec en est la preuve : le Mouvement Desjardins est un concurrent imposant qui détient 40 % de la part des dépôts. Toutefois, peut-on faire davantage pour améliorer l environnement dans lequel les banques et les autres entreprises exercent leur concurrence? S ils travaillent ensemble, le gouvernement et les entreprises 2
peuvent-ils vraiment se doter d un avantage canadien? Si tous mettent l épaule à la roue, j en suis persuadée. Le cadre gouvernemental Voilà qui m amène au prochain point dont je veux vous entretenir : le rôle que jouent les gouvernements dans l établissement d un cadre favorisant la réussite, le maintien de la compétitivité du Canada et la création de la prospérité à long terme. Notre régime fiscal, notre système de réglementation et d autres domaines clés, comme les règles régissant la concurrence, tant à l échelle nationale qu internationale, ainsi que la réglementation du marché du travail ont tous un impact sur les décisions d affaires. Prenons quelques minutes pour examiner le palier fédéral, où plusieurs avenues pourraient permettre d examiner comment accroître notre compétitivité. Ce mois-ci, le premier ministre Harper présentera les nouvelles priorités du gouvernement dans le discours du Trône. Le ministre des Finances, M. Flaherty, devrait aussi faire le point sur la situation économique et budgétaire cet automne. Suivra le budget fédéral au début de 2008. Entre-temps, les ministres fédéraux des Finances et de l Industrie ont récemment créé le Groupe d étude sur les politiques en matière de concurrence. De plus, il y a deux autres groupes dont nous attendons l annonce par le gouvernement fédéral le groupe sur l équité et la compétitivité du régime fiscal et le groupe de spécialistes sur un organisme unique de réglementation des valeurs mobilières. Ces trois groupes nous donnent la possibilité, en tant qu entreprises, de discuter de la manière dont nous pouvons travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral pour affirmer notre présence dans l économie mondiale. Lorsqu on examine la compétitivité de notre pays d un point de vue international, on constate que les défis sont nombreux. Nous sommes 16 e dans l indice de compétitivité internationale du Forum économique mondial, derrière le plus important pays du G-7. Le Canada occupait le 13 e rang l année précédente. Le Forum économique mondial classe également le Canada à un faible rang en termes de taux d imposition et de réglementation fiscale. Bien que la compétitivité comporte de nombreux aspects dont je pourrais discuter, comme les politiques touchant le commerce international, j aimerais prendre quelques minutes pour parler de la main-d œuvre, de la structure fiscale et des politiques en matière de réglementation de notre pays. 3
Main-d oeuvre Le Canada n est pas le seul pays qui fera face à de graves problèmes de main-d oeuvre dans les années à venir. Nous faisons concurrence à d autres pays pour attirer les meilleurs et les plus brillants, et la réussite de notre pays repose sur notre capacité de donner aux nouveaux immigrants l occasion de réussir. Nous savons que le rythme plus rapide de la retraite chez la génération du baby-boom fera place à des postes en gestion qui nécessiteront de l expérience et des études postsecondaires (voire supérieures). La pression exercée pour combler ces postes, que ce soit à l interne ou à l externe, fera en sorte que la concurrence pour obtenir des employés de qualité demeurera intense. À l heure où notre taux de natalité est en constante diminution, l immigration demeurera une composante importante de la croissance démographique du Canada. Pourtant, notre pays qui a toujours offert le plus imposant programme d immigration au monde fait face à une concurrence internationale croissante. Plus particulièrement, certains pays de l Europe de même que l Australie et la Nouvelle-Zélande sont tout particulièrement dynamiques. L Australie a mis sur pied une intense campagne pour attirer des immigrants qualifiés, tandis que l approche du Canada a toujours été passive. Comment réussirons-nous à être concurrentiels et à attirer le talent dont nous aurons besoin en provenance de l étranger? Nous avons besoin d une pensée novatrice et de stratégies viables pour convertir ces défis imminents en possibilités. Les entreprises et le gouvernement, ainsi que ses divers ministères, doivent collaborer sur tout un éventail d enjeux, dont les pensions, le développement des compétences et les questions d immigration. Je suis heureuse de souligner que neuf provinces ont aboli la retraite obligatoire et je crois que le Québec fut la première à prendre cette mesure. Fiscalité Notre avantage concurrentiel touche aussi notre régime fiscal, l un de mes sujets favoris. Quels que soient l industrie et l endroit au Canada, nous devons nous assurer d avoir un avantage fiscal sur les autres pays, ce qui n est certainement pas le cas à l heure actuelle. En effet, le rapport 2007 sur la compétitivité fiscale de l Institut C.D. Howe souligne que le Canada se classe au 11 e rang le plus élevé en ce qui a trait au taux réel d imposition sur le capital parmi les 80 principaux pays industrialisés et en développement. Je ne saurais trop insister sur la nécessité que les impôts de nos sociétés soient, à tout le moins, concurrentiels par rapport à ceux des principaux pays et, de préférence, créent un avantage pour les firmes d ici. Nous savons tous que la concurrence mondiale est présente dans chaque collectivité du pays. Cela 4
signifie que si nous voulons conférer à nos entreprises un avantage concurrentiel, tous les paliers de gouvernement doivent contribuer à l atteinte de cet objectif. Malheureusement, le Canada affiche toujours un taux d imposition sur le revenu des sociétés relativement élevé, soit un taux combiné fédéral et provincial de 34,2 %. Même si l on prévoit qu il diminuera pour s établir à près de 30 % en 2011, le taux moyen actuel des pays de l OCDE, soit 28 %, est déjà inférieur au niveau prévu. Face à une telle concurrence, nous croyons que le Canada doit poursuivre sur la lancée amorcée par le gouvernement fédéral pour réduire les impôts. Toutefois, ces réductions d impôt doivent être plus importantes et survenir plus tôt. Au palier fédéral, l ABC recommande que les diminutions prévues relativement à l impôt sur le revenu des sociétés soient accélérées, et que le taux soit réduit encore davantage pour s établir à 16,5 % en 2012. Les gouvernements provinciaux doivent aussi emboîter le pas. Le Québec, à l instar des autres provinces, livre concurrence à l échelle nationale et internationale. Il doit se doter d un régime fiscal qui améliorera sa compétitivité, et non le contraire. La décision du gouvernement du Québec d abolir la taxe sur le capital est une mesure très positive en ce sens. Quant à l impôt sur le revenu des particuliers, nous devons aussi être plus concurrentiels pour attirer et conserver une main-d œuvre viable et créer des mesures incitatives au travail. Un régime fiscal favorisant une solide éthique du travail par des récompenses économiques augmentera notre compétitivité mondiale. Bien que l allègement de toutes les fourchettes d imposition devrait être examiné, nous croyons qu il faudrait mettre l accent à court terme sur la réduction du fardeau fiscal fédéral de la tranche de revenus la plus faible. Vous seriez surpris d apprendre que certains travailleurs qui se trouvent dans cette fourchette d imposition voient leur revenu imposé au taux effectif marginal d imposition le plus élevé. Il est temps que les gouvernements laissent plus d argent dans les poches des contribuables. À l ABC, nous continuerons d accorder la priorité à un régime fiscal concurrentiel. Tant que d autres pays surclasseront le Canada à ce chapitre, nous mettrons de l avant des suggestions pour créer un avantage canadien. Réglementation Un autre de mes sujets favoris, qui a récemment fait l objet de nombreuses discussions, concerne l efficacité de la réglementation et ce que cela signifie pour notre compétitivité. Il s agit d une question que les banques ne connaissent que trop bien. En gros, les banques sont touchées par tout ce qui a trait à la réglementation, qu il s agisse d un simple règlement ou de l accord de Bâle. 5
Sur le plan national, les groupes financiers bancaires doivent se conformer aux exigences de quelque 50 ministères, organismes et autorités des paliers fédéraux, provinciaux et territoriaux. Le secteur bancaire est aussi touché par 150 autres autorités de réglementation et organismes. D innombrables règlements municipaux influent également sur les banques. Sur la scène internationale, les banques font actuellement face à un nombre sans précédent de projets complexes en matière de conformité réglementaire. Par exemple, pour n en nommer que quelques-uns, mentionnons : les modifications apportées aux normes comptables internationales; l adoption de normes mondiales révisées en matière de suffisance des fonds propres (accord de Bâle II); et le règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Et ce ne sont pas uniquement les banques qui sont réglementées au Canada. À coup sûr, le fardeau du chevauchement et du double emploi de la réglementation demeurera un défi majeur pour toutes les entreprises. Que ce soit à l hôtel de ville, sur la Colline parlementaire et, bien sûr, à l Assemblée nationale, un nouveau règlement voit le jour quasi quotidiennement. Au lieu de concevoir de nouveaux règlements et d ajouter au fardeau, nous devons créer un système plus souple et davantage ciblé sur des solutions axées sur le marché. Ce dont nous avons besoin, c est d un environnement réglementaire moins prescriptif et moins intrusif. Nos gouvernements devraient reconnaître que la meilleure autorité de réglementation est en fait un marché concurrentiel. Nous souhaitons aussi que les gouvernements indiquent clairement qu ils ne réglementeront que si c est nécessaire et uniquement lorsqu une analyse aura démontré que les avantages de la réglementation l emportent sur le coût et que celle-ci est vraiment nécessaire. Il est également nécessaire que les entreprises, le gouvernement et les autorités de réglementation travaillent en collaboration. Je sais, par exemple, que l Autorité des marchés financiers déploie de nombreux efforts pour rejoindre et consulter les entreprises dans l exercice de ses responsabilités. Lorsqu on parle de réforme réglementaire, la nécessité de doter le pays d une autorité de réglementation unique en matière de valeurs mobilières constitue une priorité. Non seulement les Canadiens paient-ils un coût élevé pour maintenir 13 organismes de réglementation distincts, mais le coût engagé par les entreprises pour se conformer à 13 séries de règles est également considérable. Et cet enjeu ne touche pas que les grandes entreprises. L ABC a récemment mené une étude sur les petites et moyennes entreprises mobilisant des capitaux au Canada. Cette recherche a montré que la structure réglementaire actuelle impose aux PME des coûts inutiles et des pratiques non efficientes. Mais surtout, nous 6
avons démontré qu une autorité de réglementation unique en matière de valeurs mobilières réduirait le coût des capitaux des PME, diminuerait leurs frais de conformité à autant de réglementation et améliorerait leur accès aux investisseurs à l échelle nationale Il y a des provinces, comme le Québec, qui sont en faveur d un régime de passeport pour réglementer les valeurs mobilières. Même si nous reconnaissons qu elles prennent des mesures importantes pour aider les entreprises à mobiliser des capitaux, il n en demeure pas moins qu il s agit d une solution de deuxième ordre. Le régime de passeport impose la même infrastructure, les mêmes coûts et les mêmes frais que le système actuel à réglementation multiple, en plus d établir un système qui est source de confusion et de chevauchement. Même s il semble y avoir beaucoup de mésentente, nous avons un certain consensus quant à l application stricte de la réglementation en vigueur. En fait, j ai eu des discussions intéressantes avec la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, sur notre préoccupation commune quant à la nécessité d accroître l efficacité de la réglementation à ce chapitre et sur le fait que cet enjeu doit être prioritaire. Au moment d évaluer notre système de réglementation des valeurs mobilières, nous ne pouvons pas nous en tenir à une problématique nationale. Notre régime actuel a également un impact sur notre capacité de négocier sur la scène internationale. Alors qu il est question de libre-échange dans le domaine des valeurs mobilières, le Canada participera-t-il à la négociation de ces arrangements? Nous n avons d autre choix que d y prendre part. La question est de savoir comment le Canada avec 13 autorités de réglementation en matière de valeurs mobilières et aucune voix unique parlant en leur nom - peut négocier efficacement avec les États-Unis. En bout de ligne, nous devons concevoir la meilleure solution pour le système de réglementation des valeurs mobilières de notre pays. Je crois que nous en avons la possibilité. Le groupe de spécialistes sur la réglementation des valeurs mobilières peut être le véhicule pour atteindre cet objectif. Toutefois, nous avons besoin de toutes les voix à la table et de toutes les idées. J ai bonne confiance qu il est possible d en arriver à la meilleure solution pour chaque région du pays et pour nos intérêts nationaux collectifs, si nous le souhaitons. Et je sais qu il y a une volonté d agir. Nous reconnaissons tous que le régime de réglementation actuel en matière de valeurs mobilières peut être amélioré. Même si, présentement, nous ne nous entendons pas sur le meilleur modèle à adopter, je tiens à reconnaître le travail acharné et l énorme dévouement des dirigeants provinciaux sur cette question. Je sais qu ils ont à cœur de travailler pour améliorer la structure actuelle. Conclusion Mon temps est presque écoulé cet après-midi, et je dois vous laisser vaquer à vos occupations. De nombreux éléments composent l avantage concurrentiel du Canada et je n ai souligné que quelques-uns des domaines qui devraient retenir l attention et faire l objet de mesures. 7
Je serais très heureuse que nos gouvernements s engagent à prendre des mesures concrètes à cet égard. S ils le font, il ne fait aucun doute que nous deviendrons l endroit de choix pour les investissements, attirerons des emplois de qualité et permettrons à nos entreprises de livrer concurrence aux meilleurs de ce monde. Je vous rappelle que notre avantage concurrentiel doit englober toutes les entreprises des quatre coins du pays. Lorsque je parcours la salle des yeux, j ai la conviction que nos firmes et notre secteur apportent déjà une contribution importante à l économie et à la compétitivité de notre pays. Pouvons-nous faire davantage? Bien sûr, et nous le ferons. Je suis aussi confiante que, si nous travaillons avec les gouvernements de tous les paliers, nous pourrons non seulement améliorer la compétitivité du Canada, et de toutes ses régions, mais en faire aussi l économie la plus concurrentielle du monde. Je vous remercie. 8