Réponse des politiques économiques à la crise: mesures prises et défis restants Cédric Tille Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement, and Center for Economic Policy Research (CEPR) Université d Automne des Acteurs Politiques Suisses 3 Novembre 2012 1
La nature de la crise. Crise financière. Crise de la zone euro. Plan de présentation Réponse des politique économiques. Monétaire, budgétaire, financière (secteur financier). Rôle des différents acteurs, et défis. Besoin de coordination internationale? 2
3 NATURE DES CRISES
La crise financière et économique Août 2007 Septembre 2008: crise financière. Chute des actifs immobiliers entraînant des pertes pour les banques (Mars 2008: Bear Stearns). Injection de liquidité par les banques centrales, recapitalisation (fonds souverains). Septembre 2008 début 2009: crise réelle et profonde. Chute de Lehman Brothers, sauvetage de AIG. Incertitude profonde avec blocage des marchés. Transmission à l économie réelle et aux pays émergents. Depuis printemps 2009: hétérogénéité. Reprise dans les pays émergents, stagnation dans les pays avancés. 4
5 Source: BNS Reprise hétérogène
Pourquoi une crise si forte? Les hypothèques suprimes n étaient qu un petit marché. Effet de levier. Investisseurs détenant des actifs immobiliers illiquides financés par des dettes à court terme. Spirale de liquidation poussant les prix à la baisse. Complexité des produits financiers. Impossible d estimer leur valeur dans une crise. Ce qu on croyait sûr ne l est pas, doute sur d autres produits. Doute sur d autres investisseurs (banques paraissant soudain moins saines). Fardeau du nettoyage des bilans bancaires. 6
La crise de l euro Décembre 2009-Mai 2010: Grèce. Insolvabilité du gouvernement, refus initial de recours au FMI et pourrissement. Depuis Mai 2010: contagion. Pression sur d autres petits pays: Portugal (faible croissance), Irlande (coût du sauvetage bancaire). Et sur des grands: Espagne (bulle immobilière), Italie (faible croissance). Dé-intégration financières et intervention de la BCE. Repli des banques sur leurs marchés domestiques. «bank jog» en Espagne et Italie. 7
Nature de la crise de l euro Excès des finances publiques? Seulement la Grèce. Crise de balance des paiements. L euro ôte le risque de change boom d investissement au sud perte de compétitivité Similaire aux situations de «sudden stop» des pays émergents. Hélas prévisible. Crises auto réalisatrices : pays dans une situation vulnérable mais pas désespérée. Si les marchés ont confiance, tout va bien. Si les marchés sont nerveux, ils imposent des taux élevés et précipitent la crise. Besoin d un prêteur de dernier recours. 8
9 Source: FMI Perte de confiance dans certains états
Divergence des balances des paiements Solde de la balance courante (mias $) 300 250 200 150 100 50 0-50 -100 Zone euro Allemagne, Benelux France Italie Espagne GIP Autres -150-200 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 10 Source: FMI
REPONSE DES POLITIQUES ECONOMIQUES 11
Politique monétaire Réduction massive des taux d intérêt, injections de liquidités. Politiques «hétérodoxes» conduisant à l accroissement des bilans des banques centrales. Déblocage de marchés spécifiques («credit easing» Fed et immobilier). Achats de bons du trésor pour pousser les investisseurs dans d autres actifs («quantitative easing»). Soutenir les anticipations d inflation, éviter une hausse des taux d intérêt réels ( = taux nominal inflation anticipée). 12
13 Source: BNS Baisse des taux d intérêt
14 Source: FMI Croissance des bilans
Politique budgétaire Plans de relance au plus fort de la crise. Le secteur privé veut réduire ses dettes et dépense moins, l état prends le relais pour éviter une récession profonde. Particulièrement efficace si la politique monétaire à réduit les taux à zéro. Durée limitée, recentrage sur les politiques d austérité suite à la hausse des dettes publiques. Pas d autres choix pour des pays comme la Grèce. Pas une fatalité pour les USA, le Royaume Uni ou l Allemagne (taux d intérêts bas). 15
16 Source: FMI Déficits et dettes publiques
Politique financière Soutient des banques centrales (problème de liquidité) Renforcement du bilan des banques suite aux pertes (problème de solvabilité). Levée de fonds propres, privés ou publics. Isolation des actifs à problème («bad bank»). Réduction de l incertitude sur la situation de banques individuelles («stress tests»). Coût substantiel, mais pas forcément. L état a retrouvé sa mise (et plus) aux USA et en Suisse. Ne pas intervenir est coûteux car les banques malades plombent la croissance. 17
Réforme de supervision financière Adaptation des lois et cadres réglementaires. Loi Dodd-Frank aux USA, mesures «too big to fail» en Suisse. Rationalisation de la supervision. Couverture large (tous les intermédiaires) évitant le morcellement entre régulateurs. Prévention des crises. «Volker rule» limitant les transactions des banques pour leur compte. Capacité d encaisser les crises. Fonds propres suffisants pour absorber les pertes. Exigences accrues pour les grandes banques. 18
Gestion de la crise de l euro Assistance financière de la troika (UE, FMI, BCE) assortie de conditions. Rôle actif de la BCE. Prêts de longue durée aux banques (LTRO). Ré-équilibrage entre pays par le biais du système de paiements «target 2». Rachats de dettes publiques pour éviter les crises auto-réalisatrices. Efforts pour compléter la construction de l euro. Coordination et supervision des politiques budgétaires. Union bancaire. 19
20 ACTEURS ET DEFIS
Deux tâches majeures: Banques centrales Stabilité des prix: inflation modérée et stable. Stabilité du système financier. Politique conduite à intervalles courts (2-3 mois). Choix du taux d intérêt de court terme. Gestion de la liquidité du système bancaire. Indépendance pour se focaliser sur le moyen terme. Défis: gérer le retour à la normale. 21 Timing de la baisse des bilans pour éviter l inflation. Maintien de l indépendance, éviter de trop «faciliter» la tâche aux autres acteurs. Inclusion des aspects financiers (outils macroprudentiels).
Politique budgétaire Départements des finances, mandats multiples: Financement de biens publics, redistribution. Soutient conjoncturel (stabilisateurs automatiques). Politique conduite à intervalles longs (1 an). Horizon souvent à court terme. Remédié par le frein à l endettement. Défis: gérer l accroissement des dettes. Besoin de consolidation à long terme (retraites, coût de la santé). Austérité immédiate peut être contre-productive. 22
Politique financière Autorités de régulation, mandat spécifique: Solidité des intermédiaires financiers individuels. Fonctionnement des marchés. Politique conduite à intervalles courts. Examen de la gestion des banques. Indépendance limitée, avec risque de pression. Défis: réforme du secteur financier. Résister aux pressions du secteur financier. Couverture suffisament large (régulation paneuropéenne). Combiner prévention et nettoyage (mise en liquidation de grands intermédiaires). 23
Institutions supranationales Banque Mondiale, accent sur le financement de projets de long terme. G20, mandat peu délimité. Fonds Monétaire International. Support financier à court terme. Suivi des politiques économiques (consultations régulières). Implémentation de réformes. Institutions régionales. Commission européenne. Banque Centrale Européenne. Fonds de recapitalisation pan-européen (ESM). 24
Réformes dans la zone euro Une union monétaire sans union budgétaire et bancaire n est pas viable. Remplacer le taux de change avec un autre outil. Efforts d union budgétaire («six pack», droit de regard de Bruxelles sur les budgets). Accent sur la santé des finances publiques, pas sur la coordination entre régions aux situations conjoncturelles différentes. Union bancaire. Trois piliers: assurance des dépôts, recapitalisation, surpervision jointe (et large). Accord limité au troisième pilier. 25
Faut-il coopérer? Politique monétaire: communication régulière (BRI à Bâle) facilitée par des mandats similiaires et simples, coordination rapide en temps de crise. Réticences envers une coopération plus formelle et contraignante. Cadre suffisant. Politique budgétaire: coopération limitée (G20). Coordination nécessaire dans la zone euro pour une politique différenciée en support de la politique monétaire commune. 26
Faut-il coopérer? Politique financière: coopération internationale limitée, Financial Stability Forum géré par la BRI (standards de Bâle). L échelle des régulateurs doit être appropriée à l échelle des banques. Coordination entre régulateurs pour les grandes banques internationales (équilibre entre vision globale et expertise locale). Mise en place de procédures de liquidation. Besoin marqué en Europe. Activité pan-europénne des banques. Régulation nationale peut conduire à des crises (Islande). Implique un transfert de souveraineté. 27
Quelques leçons Réaction rapide des politiques durant la crise. Les banques centrales demeurent actives, mais arrivent en bout de course. La politique budgétaire s est (trop) rapidement recentrée sur la consolidation. Progrès pour la politique financière, mais peut faire mieux. 28