Comment faire d une PME une entreprise performante



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Transcription:

Comment faire d une PME une entreprise performante Collection «L essentiel pour agir»

Comment faire d une PME une entreprise performante Carnet de bord d un PDG Édition 2011 Ouvrage conçu et réalisé sous la direction de Catherine FOURMOND Auteur : Patrick DUSSOSSOY Suivi éditorial, conception graphique : GERESO Édition Photo de couverture : Steex/Istockphoto.com GERESO Édition 2011 26 rue Xavier Bichat 72018 Le Mans Cedex 2 France Tél. 02 43 23 03 53 Fax 02 43 28 40 67 www.la-librairie-rh.com e-mail : edition@gereso.fr Reproduction, traduction, adaptation interdites Tous droits réservés pour tous pays Loi du 11 mars 1957 Dépôt légal : octobre 2011 ISBN : 978-2-35953-081-0 EAN 13 : 9782359530810 GERESO SAS au capital de 160 640 euros RCS B 311 975 577 Siège social : 28 rue Xavier Bichat 72018 Le Mans Cedex 2 France

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Introduction Mon parcours traditionnel avec une enfance studieuse, stricte mais facile, m a conduit naturellement au métier confortable de banquier dans la prestigieuse banque américaine J.P. Morgan. Première étape d une belle carrière promise dans des grandes entreprises. Trois semaines de croisière et de grande liberté en voilier, et tout a basculé. Je tirais un trait brutal sur cet itinéraire rectiligne tout tracé. Par un hasard inattendu, je plongeais le même jour dans l univers de la PME que je ne quitterai plus. Trois ans plus tard, je devenais PDG de l entreprise que je venais de créer. Le métier dont beaucoup rêvent. Mais un métier plutôt impopulaire pour la majorité des Français. Et qui l est devenu encore plus avec le comportement de quelques grands patrons qui ont perdu le sens des réalités. Avec cette manière brutale de nombreux responsables d entreprises, de jeter à la rue des salariés pour maximiser leurs résultats financiers. Et pourtant, il est une multitude d entreprises, une majorité des PME en particulier, beaucoup de PDG, dont la conduite est très loin de ces excès. Qui se cache en fait derrière ce PDG? Est-ce un exploiteur, un manipulateur, un despote, un privilégié? Ou est-ce un champion, un aventurier, un manager, un homme de pouvoir, un général? Est-ce un organisateur, un décideur, un super-commercial, un créatif, un inventeur, un meneur, un fonceur, un courageux? Et peut-être tout ceci à la fois. Vu de l intérieur, ce métier est en tout cas passionnant, mais aussi totalement dévorant. Une première question se pose avant d entrer dans le sujet. Faut-il être né entrepreneur pour réussir à diriger une entreprise? Question sur laquelle je me suis souvent interrogé avant de devenir moi-même entrepreneur. Enfant, je fus d abord un bon soldat. J étais l aîné de sept ; je devais montrer l exemple. Ce faisant, consciemment ou non, mes 15

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE parents me préparaient très jeune à prendre des responsabilités. J ai, paraît-il, bien tenu mon rôle. J ai été élevé avec des valeurs et des principes catholiques. Mais aussi avec celles de la République : mes parents avaient été résistants très tôt. J y apprenais à mettre la barre toujours plus haute, à vaincre ma peur, à commander les autres. Expérience qui complétait bien des règles familiales strictes mais pas trop difficiles : il fallait travailler en classe, parce que la valeur suprême était la réussite dans la vie. Le mot bonheur ne se prononçait pas, vertu païenne à cette époque. De la discipline je n ai pas souffert ; à la maison elle n était que maternelle, ce qui aura beaucoup d influence sur mon leadership futur. Un père solitaire, respectueux de la pensée de chacun. Un père, exemple de réussite, mais surtout de droiture. Trop bien, trop comme il faut. Ce pourquoi peut-être je me suis rebellé contre le système... mais sans être un révolutionnaire. Plutôt une recherche d indépendance, de liberté. Mes parents avaient décidé mon plan de carrière : ce serait une école d ingénieur. Je suivais en parallèle Sciences économiques en cours du soir, pour apprendre et rencontrer un autre monde que celui de mon enfance. C est à ce moment-là que j ai commencé à me libérer du modèle familial. C était la période 1968, vécue à Paris. Un engagement fort dans le syndicalisme étudiant. Sans être un agitateur, plutôt un idéaliste optimiste. De ceux qui agissent, pas de ceux qui critiquent tout systématiquement. Parce que je me méfiais déjà des dogmes, de la pensée unique. Des années bénies où je me réalisais dans de multiples activités, avec la quasi-certitude de trouver un emploi à la fin des études. Je trouvais mon premier job sans trop d effort, par le réseau : chargé d étude à la création d une SSII qui deviendra l un des leaders européens 20 ans plus tard, la Sligos. Envie d un peu d aventure ; je partais 15 mois plus tard pour la Nouvelle-Calédonie en coopération. Un titre ronflant d économiste à la Mission d Aménagement du Territoire. La réalité fut beaucoup plus modeste. J étais parti aussi là-bas pour la mer. J ai pu y acheter mon premier voilier habitable. Un espace idéal pour exercer vos talents de leader. Je suis rentré de ce paradis parce que j avais d autres ambitions qui commençaient à se préciser. Un an plus tard j intégrais l INSEAD à 16

INTRODUCTION Fontainebleau, où j allais pendant un an acquérir les bases nécessaires à mes projets. Ce fut ensuite la banque américaine J.P. Morgan. Très grande entreprise certes, ce qui n était pas ma préférence. Mais elle m envoyait à New York. Exposition forte à une multinationale, et surtout à la finance. Retour à Paris. Salaire confortable. Je gérais six cents millions de francs de crédit à trente ans. J étais devenu quelqu un d important. Mais je n arrivais pas à me situer dans ce monde de la banque et à m y projeter pour l avenir. Quelque chose d indéfini ne fonctionnait pas. Je ne m y sentais pas bien. Je manquais de liberté. Je n étais pas mon maître. Je ne souhaitais pas faire partie de cette caste, de ce modèle. J étais trop indépendant et fier pour supporter les règles d un métier trop formel, trop codé. Au retour d une croisière en bateau en 1978, je remettais ma démission. C est à ce moment-là, que j ai vraiment commencé à ressentir l envie d entreprendre. La chance s en est mêlée. Le soir même de ma démission, Pierre Prieux, PDG des bateaux Dufour et camarade de l INSEAD, me proposait de le rejoindre. Le baron Bich, propriétaire de Dufour venait de racheter une petite entreprise en difficulté Tabur Marine. Pierre Prieux avait besoin d un second. Ma vie d entrepreneur commençait. J entrais dans l univers de la PME. Je gagnais ma liberté. Tabur fabriquait des annexes. La société perdait beaucoup d argent. Mais sa technologie était adaptée à un produit qui se développait rapidement, la planche à voile. Nous avons lancé en quelques mois la Dufour Wing qui fut la planche à voile la plus vendue au monde dès sa première année. En deux ans le chiffre d affaires de la société était multiplié par cinq et les résultats devenaient exceptionnels. Deux ans qui sont passés vite, enthousiasmants. Puis le grain de sable. Suite à un désaccord avec le baron Bich, Pierre Prieux démissionnait et quittait aussitôt le groupe. Solidaire, je refusais de prendre la direction de Tabur. Trois jours plus tard, j étais dehors. En démissionnant j étais libre ; libre pour un plus grand projet. L envie d entreprendre devenait très forte. Une envie qui s est manifestée parce que j ai bénéficié d un concours de circonstances. Il fallait ce déclic. La suite de l histoire se construira progressivement à travers les exemples décrits dans le livre. Quelques mots cependant, pour en comprendre la chronologie. 17

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE L étape suivante, ce fut le lancement et la réussite de Tiga. Un summum d accomplissement. Ce fut une belle bataille totalement déséquilibrée contre notre concurrent principal Bic, mon ex-employeur, sur un marché qui commençait à s effondrer peu après le lancement. Un jeu terriblement stimulant parce qu il nous forçait à être hypercréatif et combatif, si nous voulions survivre. Une expérience dont la fin fut douloureuse. En 1987, six ans après la création de Tiga, deux banquiers ont brutalement coupé les vivres de la société. Conséquence de faibles pertes annoncées dans un contexte de trésorerie tendue, de très forte concurrence et d une chute du marché de 50 % de son volume en cinq ans. Jouer la transparence avec ces deux banquiers, fut de loin ma plus grosse erreur en plus de vingt-cinq ans comme dirigeant. Trois ans plus tard, une assignation en dépôt de bilan par une ancienne championne de l équipe Tiga, Jenna de Rosnay, que je n attendais vraiment pas dans ce rôle, mettait la société en redressement judiciaire. Deux mois plus tard elle était reprise par l un de ses actionnaires. Il s ensuivit un procès au tribunal de commerce qui aura duré quatorze ans. Expérience qui peut devenir particulièrement marquante, tant l univers de la justice des tribunaux de commerce peut être incontrôlable. À partir de là mes métiers se sont toujours accompagnés de restructuration drastique. Ce fut d abord les spiritueux comme responsable d une filiale du groupe Rémy Cointreau, le rhum Mount Gay à la Barbade aux Antilles. Celle-ci avait été rachetée trois ans plus tôt. La reprise s était mal engagée. La situation était inquiétante : usine tournant très en dessous de sa capacité théorique, un grand procès avec le fournisseur principal qui affectait directement la qualité, ventes en déclin, pertes importantes. Trois directeurs généraux qui s étaient succédé n étaient pas parvenus à retourner la situation. J avais pour première instruction de licencier trois des quatre directeurs, causes de tous les maux m avait dit mon supérieur direct au niveau de la maison mère. Instruction non suivie. Nous nous sommes tous mis au travail. À peine un an plus tard, la société avait un vrai projet et était restructurée. Elle redevenait profitable. Je reprenais ensuite une unité fabricant de l armagnac Clés des Ducs et de la liqueur du Pays basque, Izarra. Le challenge y fut surtout marketing. Clés des Ducs devint premier mondial de l armagnac en volume. Pas enthousiasmé par la multinationale, je rachetais ensuite avec ma femme une société fabricant de rôtissoires industrielles et de matériel 18

INTRODUCTION de restauration, la société Chergui, la seule entreprise dont j ai contrôlé totalement le capital. Société quasi morte à la reprise, parce que s étant endormie depuis quinze ans. Ce fut plus long à restructurer parce qu il fallut tout revoir. Après quatre ans nous avons cédé l entreprise. Finalement je reprenais la direction d un fabricant d étiquettes adhésives, ayant pour clientèle essentiellement des multinationales du cosmétique, la société Gouzy. Là encore il s agissait de restructurer. Ce fut l entreprise la plus profitable que j ai eue à diriger, tellement profitable que mes prédécesseurs n avaient pas vu venir un changement complet d environnement qui les avait amenés à perdre complètement leur avantage concurrentiel sans réagir. Après 25 ans de direction générale de PME, mon enthousiasme pour ce métier que j ai choisi n a pas faibli. Je ne regrette pas d avoir quitté à trente-deux ans une multinationale prestigieuse et confortable, pour plus d autonomie, plus de risque et beaucoup moins d argent. J ai aimé ce métier très complet, qui demande une énergie incroyable, beaucoup de courage, un métier d aventures que les autres ne connaissent pas, ne comprennent pas. 19

Chapitre 3 Le «leader» Dans les années 1980 les patrons managers dominaient la grande entreprise traditionnelle. Ces gestionnaires pouvaient être de bons dirigeants lorsque les entreprises étaient mûres, profitables, enfermées dans des systèmes de contrôle, le tout dans un environnement concurrentiel relativement stable. Dans les entreprises dites de la nouvelle économie, la situation a déjà beaucoup changé. Dans toutes les autres, elle est en train de changer. Le patron maintenant est plus un leader. Le leadership ne s apprend pas dans des manuels scolaires, dans les grandes écoles ou les business schools, mais au contact de la réalité. Un PDG leader, ce n est pas celui qui a réussi les meilleures études, celui qui a une grande intelligence scolaire. C est celui qui motive et rassemble. Il délègue, il décide, il prend des initiatives, il prend des risques. Il est capable de rester dans l ombre, ou de s exposer si nécessaire. C est un visionnaire qui prépare l avenir, anticipe les besoins futurs, l évolution des produits et de l organisation. Il donne envie aux autres de le suivre dans ses projets, ses objectifs. Il aide les autres. Il est attentif à tout. C est le capitaine du bateau. Est-ce qu on naît leader, ou est-ce qu on le devient? Un peu des deux en réalité. L enfance et l adolescence vous fournissent les qualités nécessaires pour ce rôle. Elles façonnent déjà le personnage. Le reste s acquiert avec l expérience, avec les années, cela se travaille. Avec les réussites et les échecs. 73

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE Être leader, chef d entreprise, c est beaucoup d engagement de soi, d effort, de satisfactions, mais de douleur aussi. À l arrivée, une impression formidable de se réaliser. La réussite d un patron leader va s accompagner souvent d une réussite financière. Mais ce n est pas pour l argent uniquement que le leader va se battre. Sinon, il abandonnerait beaucoup plus rapidement dès qu il rencontre des difficultés. En d autres termes, si vous voulez être sûr de faire fortune, mieux vaut spéculer ou être intermédiaire que chef d entreprise. Chef d entreprise et leader. Les deux se confondent un peu dans ce livre. Parce qu un chef d entreprise aujourd hui devrait être un leader. L inverse n est pas nécessairement vrai. Beaucoup de leaders ne sont pas chefs d entreprise, ou pas encore. De même, beaucoup de responsables sont leaders de quelqu un, ou de quelques-uns. Ils sont donc amenés à exercer leur propre leadership. Beaucoup de ces lignes s adressent aussi à eux. Ils se reconnaîtront dans beaucoup de descriptions, d expériences. Manager, c est montrer l exemple À chaque minute, à chaque seconde le patron est épié par ses collaborateurs. S ils sont nouveaux dans l entreprise, nouveaux venus au travail, son exemple est encore plus important. Il va leur permettre de se positionner, de comprendre comment fonctionne l entreprise, l équipe, quelles sont ses valeurs, comment lui-même fonctionne, qu est-ce qui est important pour lui, ce qui ne l est pas. Positif ou négatif, son comportement va rapidement dicter le leur. Il va les aider à façonner les leurs. Il doit donc être le reflet de ses propres convictions, de ses principes. Il doit aussi être cohérent avec les objectifs qu il a fixés à l entreprise. Donner envie de suivre son projet. L exemple à montrer à son équipe, c est une multitude de détails. Cela commence avec les signes du pouvoir. Le patron qui va demander des efforts, commence par faire lui-même des efforts. S il se relâche, ses collaborateurs pourront se relâcher. S il s absente trop souvent sans explication, ses commerciaux n hésiteront pas à prendre des libertés dans leur déplacement. S il arrive tard, ou part tôt, ceux qui ne pointent pas se caleront sur ses horaires. S il est inquiet, ils auront peur. S il 74

LE «LEADER» est trop familier, ils le tutoieront peut-être, et son autorité en pâtira. À chaque instant, il doit montrer l exemple, être cohérent. Montrez-vous déterminé Les réactifs se laissent guider par les évènements, par les conseils de leurs proches, par les circonstances. De même, par moments la tentation est forte pour un dirigeant de se laisser porter. Pas nécessairement, par paresse, par facilité ou manque de volonté. Mais simplement parce que l intuition que ce qui arrive tout seul sans effort ne peut être que bénéfique. Ce peut être par exemple un nouveau client qui sollicite la société directement, un nouveau marché, un collaborateur qui apporte une bonne idée. Ce n est pas sûr que ce soit bon pour l entreprise. Parce que cette démarche peut éloigner des objectifs, parce que l énergie dépensée dans la mauvaise direction n est pas utilisée pour atteindre les objectifs que la société s est fixés. Ceci ne saurait correspondre à un leader. Celui qui a un tel comportement n ira pas loin. Il n entraînera pas beaucoup d équipiers avec lui. Celui qui pense être un leader, doit rester le maître. Son comportement doit résulter de ses choix, de ses décisions. Il doit garder l initiative dans sa propre vie, comme il va la garder dans son entreprise. Parce qu il sera responsable de la vie de l entreprise et de celle de son équipe. Un effort est toujours nécessaire pour tendre vers ses objectifs, parce que ce n est pas nécessairement le plus facile, parce qu il va falloir faire des choses déplaisantes : prendre sa voiture une fois de plus pour aller dans une région qui est éloignée, rencontrer un client agressif, le fournisseur qui fait perdre du temps, aller très loin dans les détails, faire profil bas devant un banquier. Bref, le quotidien, surtout en période tendue. En toutes circonstances, soyez déterminé dans le sens du projet que vous vous êtes fixé. Cultivez la volonté d atteindre vos objectifs. Ne vous dispersez pas. Soyez engagé, passionné Sans engagement, sans passion, chacun est beaucoup moins performant, le stress devient plus difficile à gérer, et tout s en ressent, le travail, la vie familiale... C est malheureusement la situation de plus en plus de salariés, y compris de cadres, dans les entreprises. Et plus 75

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE encore chez les jeunes qui devraient au contraire être enthousiastes, capables de remuer des montagnes. Aucun PDG ne peut se permettre une telle attitude s il veut réussir. Celui donc qui se reconnaît dans ce comportement doit se dépêcher de prendre des mesures pour son équilibre. Et s il n y parvient toujours pas, mieux vaut peut-être pour lui changer de direction, transmettre l entreprise si elle lui appartient, et faire autre chose qui le passionne. Plus encore que ses collaborateurs, le dirigeant devrait être passionné par son travail. C est possible, et s il y parvient et que cela résulte d un choix personnel profond, cela conduira probablement à un haut niveau de qualité et de performance. L idée peut faire sourire, tant elle est loin de la réalité pour la majorité. Mais c est envisageable pour beaucoup si les conditions sont réunies. Ainsi le commercial peut être content de boucler une vente, le chercheur de trouver une solution, le comptable de clôturer son bilan. Pour le patron qui vise à être performant, le travail est un combat de chaque instant. Et s il est engagé complètement dans son projet, il verra ce combat différemment, de l intérieur, avec satisfaction, peutêtre même plaisir. Avec l insouciance d un jeune qui débute et qui n a pas encore perdu beaucoup de ses illusions. Avec cette jeunesse qui ne se mesure pas à l âge. Avec Tiga, avec le rhum Mount Gay, avec l armagnac Clés des Ducs j étais passionné. Avec les rôtissoires Chergui, avec les étiquettes Gouzy, je ne l étais pas. Mon engagement était beaucoup plus difficile. Je souhaitais qu il ne s éternise pas. Essayez d être un exemple de transparence et de franchise Pour une bonne part de la société française, la langue de bois est un mode profondément enraciné de présentation de la vérité. Dès l enfance les parents, les enseignants vous apprennent comment enrober les mauvaises nouvelles, et éviter les sujets qui fâchent. Il vaut mieux se taire, ne rien dire. C est la meilleure façon de ne pas créer de désordre, de ne pas fairedelapeine,denepasavoird ennui.direleschosescrûment,direla vérité, sème le désordre, la colère, la peine, le ressentiment. Ce faisant, en réalité on détruit la confiance en la vérité. Parce qu un trouble se crée, entre le fait qu il ne faut pas mentir, et le fait qu il ne faut pas dire. 76

LE «LEADER» Ainsi la paranoïa collective de Gouzy face au risque d erreur, se traduisait par un manque total de franchise à tous les niveaux, tant la peur était forte, ancrée dans le mode de fonctionnement de chacun. Ce manque de franchise était devenu un des modes de communication interne de l entreprise. La situation idéale qui bloque les idées, ralentit l action, empêche de se donner à fond. Autre exemple. J avais adressé une note de contestation à la direction générale de Rémy Cointreau à propos de dérapages par rapport à la stratégie décidée. Celle-ci m avait été aimablement rendue en mains propres, parce que cela ne se faisait pas. Sans commentaire, ni réponse sur le fond. Langue de bois, mais acceptation de l incohérence aussi. Doute. Dans la fonction publique, dans la médecine, l enseignement, dans la politique, cette façon de communiquer, ou plutôt de ne pas communiquer est la règle. La transgresser est une faute, voire une trahison. L absence de franchise permet de sauver la face, de ne pas être ennuyé, de ne pas être sanctionné par un retour de bâton d un supérieur hiérarchique. Elle permet de mener une vie tranquille, discrète. Dans beaucoup d entreprises, c est pareil. Les évaluations annuelles par exemple restent un bel exercice d hypocrisie. Le supérieur met les formes pour exprimer ce qu il ressent. Résultat, le jour où il n est vraiment plus content de son collaborateur et qu il l en informe, celui-ci est très surpris, ne comprend plus, puisque rien ne lui avait été dit. Tous s accommodent en fait du statu quo. Ceux qui disent la vérité sont des empêcheurs de tourner en rond, des provocateurs. La franchise est dangereuse pour leur carrière. Aujourd hui la franchise entre un peu dans l entreprise, mais doucement. Dans la PME qui cherche l efficacité, le modèle qui nous intéresse, il y a tout intérêt à faire baisser vite le manque de franchise, s il existe. Cette pratique est en effet contraire à toutes les théories sur la communication. Elle ne favorise pas l échange d idées et complique fortement les relations entre les individus. Elle est source de grandes pertes d énergie. Au contraire la franchise, la transparence débloquent les situations, accélèrent la prise de décision. La connaissance de ce qui se passe est un facteur d équilibre pour chacun, de motivation. Mais alors pourquoi la transparence apparaît-elle toujours si difficile? Le dirigeant n évitera pas que les relations entre ses collaborateurs soient empreintes de suspicion, de doutes. Par contre, par son com- 77

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE portement, il peut créer un climat plus favorable à la franchise. La mauvaise foi est à proscrire vis-à-vis de ses collaborateurs. Soyez franc, ne trichez pas avec eux. Il faut ajouter, ne mentez pas avec eux. Ce n est pas pour autant qu il faut tout dire à son équipe? Le mensonge par «omission» est souvent nécessaire pour la bonne cause. Il s agit d abord de ne pas inquiéter ses équipes inutilement, de ne pas parler des projets à moyen terme qui pourraient les déstabiliser, des projets qui ne sont même pas sûrs. Il ne sert à rien d annoncer les mauvaises nouvelles à venir trop vite, un plan de licenciement par exemple, un changement d organisation... Comme les bruits de couloir sont nombreux, l information circulera plus tôt que souhaité de toute façon. Mais l information ne deviendra pas tout de suite réalité. Il sera toujours temps d expliquer pourquoi il ne fallait pas dire. Vous ne serez pas qualifié pour autant de menteur. Essayez donc d être un exemple en pratiquant le mieux possible la franchise. Et quelles que soient leurs compétences, il faut envisager sérieusement de se séparer de ceux qui ne peuvent s empêcher de tricher sur ce sujet. Ils pourrissent le climat de l entreprise. Soyez conforme à vos propres valeurs : éthique, honnêteté, justice Tout homme se forge un système de valeurs au fil de son existence, pour donner du sens à ses actions, à son comportement. Celui-ci résulte d une culture, d une éducation et de choix en cours de route. Le leader d une entreprise sera porteur de ses valeurs. Il est donc indispensable qu il les respecte. Plus, qu elles soient profondément ancrées en lui. Ce n est qu à ce prix que le leader saura toujours vers où aller, quelles décisions prendre, qu il pourra montrer la route aux autres. Qu il pourra transmettre un climat de confiance à ceux qui l entourent. Les enfants du papy-boom, dont je fais partie, ont eu la chance de grandir dans un environnement professionnel fait d une relative confiance mutuelle. Aujourd hui, la société a profondément changé, la méfiance est partout, ce qui devrait conduire un patron à un maximum d exemplarité s il veut maintenir la confiance de son équipe. Pour faire partager son éthique et l appliquer. Malheureusement beaucoup de chefs d entreprise en sont très loin. Soyez convaincu qu une motivation positive dans une équipe va de pair avec l honnêteté, avec beaucoup de sens moral, même si ceci 78

LE «LEADER» peut paraître naïf dans la conduite des hommes et des affaires. Le chef doit s efforcer d être un modèle de comportement qui soit conforme aux valeurs qu il énonce. La confiance va reposer sur un juste équilibre entre les capacités, le courage, la vision, l audace, mais aussi l intégrité. Transparence, sincérité, justice, altruisme, reconnaissance, génèrent une motivation positive. Sinon, la priorité ne sera jamais l entreprise. Ce sera chacun pour soi. Le leader ne doit jamais dire le contraire de ce qu il a dit pour se disculper, faire porter le chapeau d une erreur à un autre. S il ment un peu, que ce soit pour la bonne cause. De même, ce n est pas parce que la justice n a pas été juste avec lui qu il ne l est pas. Il s efforce au contraire d être juste. Pas toujours facile. Quand il faut choisir entre deux personnes, pour une promotion par exemple, la décision sera injuste pour celui qui n est pas retenu. Dans de telles situations où il faut sélectionner, il doit s efforcer d établir des critères objectifs. Mais le sont-ils réellement? Quelle est la vérité vraie? Il faut se donner du temps dans les décisions qui pourraient paraître litigieuses. Et y associer d autres décideurs. Jusqu au moment où il faut avancer. Ce partage de valeurs avec son équipe, ces règles qu il s applique, ont aussi beaucoup d importance dans les relations avec les clients. Si un concurrent n a pas d éthique, l entreprise a un gros avantage concurrentiel sur lui. D autant qu en général il n en est pas conscient. Parce qu il ne sait pas que c est possible, qu il pourrait établir un meilleur climat de confiance avec ses clients, et que ceci constitue un critère important de développement des relations, surtout aujourd hui où les rapports dans le travail deviennent de plus en plus brutaux. Soyez modeste, parce que le contraire n impressionnera pas ; osez dire «je ne sais pas» Pourquoi beaucoup de patrons sont-ils des personnages arrogants, prétentieux? Qui espèrent-ils impressionner avec ce comportement, si ce n est quelques courtisans qui feront semblant d être admiratifs, et sauront en profiter, voire quelques clients ou fournisseurs qui ne sont pas dupes, et bien sûr eux-mêmes? Les leaders, les PDG ont besoin d être sûrs d eux pour donner confiance. Notre orgueil personnel nous conduit aussi souvent à 79

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE nous présenter uniquement sous des aspects positifs. Ce peut être aussi une défense. Pour celui par exemple qui est sur un siège éjectable dans une entreprise, avec plusieurs proches prêts à prendre sa place. Sa réaction sera d essayer de prouver qu il est le meilleur. Il sera donc prétentieux puisqu il doit avoir raison sur tous les sujets. Combien de chefs dans les grandes entreprises excellent dans le paraître, mais sont en réalité décevants. C est une des raisons qui m avaient fait démissionner de la banque. Le paraître m y semblait plus important que la performance. Nulle part dans nos sociétés, l arrogance, l orgueil, la vanité ne motivent les foules. La vanité ne trompe que peu de personnes. Elle n est que le reflet d un manque de confiance en soi, le refus de se voir tel que l on est. À quoi servirait-il de mettre en avant des qualités que vous n avez pas? À dépenser de l énergie à se vanter, à essayer de prouver sa valeur supposée ou imaginée. À se montrer sous un meilleur jour que vous êtes. De toute façon vous seriez seul à y croire, et encore! Il faut une fierté intérieure pour réussir, mais de la simplicité dans les rapports avec les autres. Le patron doit donc montrer beaucoup de force, de fermeté, de courage, d assurance, mais beaucoup d humilité, se rendre compte qu il n est pas toujours le meilleur. Se remettre en cause, même devant ses collaborateurs. Le leader est alors perçu avec détermination, dynamisme, talent, mais aussi faiblesse, authenticité. De la même manière pourquoi ne pas reconnaître que vous ne savez pas? Celui qui a déjà établi la confiance, et démontré ses compétences pour assumer son rôle de leader, n en sera que mieux respecté. Qui peut croire sérieusement qu il sait tout? Ce n est pas ce qui lui est demandé. Le même comportement doit se manifester aussi dans les relations clients, fournisseurs, partenaires. Impressionner bien sûr son client, ses prospects, sur ses produits, ses performances. Mais la modestie ne rendra que plus crédible le discours. Laissez les superlatifs à vos collaborateurs. Même s ils exagèrent un peu quelquefois. Une occasion d exprimer leur confiance du produit, et de les laisser se valoriser. 80

LE «LEADER» La pression est indispensable pour la performance, gardez-en le contrôle La pression est indispensable, mais il ne faut pas en abuser La compétition dans l entreprise est omniprésente. Plus l entreprise est profitable, et plus les collaborateurs ont la possibilité d en tirer un profit personnel, plus elle a des chances d être forte. Cette compétition a pour intérêt de stimuler les équipes. Elle met en avant les performances de chacun, elle lui permet de dépasser son voisin, et donc d accroître ses chances de bonus, de promotion, d augmentation de salaire. Elle peut être positive. Elle donne souvent de bons résultats, comme le montrent les performances de beaucoup des meilleures entreprises mondiales. Mais faut-il mettre la pression tout le temps? C est un mode de management qui peut être efficace à court terme, et avoir aussi des résultats sur le long terme, s il y a un vrai projet, de bons dirigeants. Ces méthodes sont dures pour les nerfs, pour l équilibre, parce qu elles passent aussi par des déceptions, des sanctions et par l élimination des moins bons. Elles peuvent aller jusqu à entraîner la peur et donc des contre-performances. Elle peut amener certains à multiplier les coups bas, les comportements injustes pour durer. Le climat peut devenir détestable et contre-productif. Dans une PME la compétition interne est moins forte. Parce qu il y a beaucoup moins de collaborateurs ayant les mêmes fonctions. Parce que la hiérarchie est courte et que les objectifs ne sont pas imposés par une direction fantôme qui n a pas à assumer ses directives. La pression qui vient d en haut y est moins forte qu en grande entreprise. Mais elle doit être présente, elle est indispensable. Il faut fixer à chacun des objectifs ambitieux. Des objectifs qui soient qualificatifs, subjectifs, mais surtout des objectifs chiffrés qui soient acceptés, des objectifs qu il soit possible d atteindre. Il faut des objectifs qui seront dépassés si le travail est bon. Les objectifs très difficiles à atteindre sont à proscrire, parce qu ils engendrent découragement et frustration. Pourquoi ne pas revoir les objectifs des commerciaux à la baisse lorsque l environnement change défavorablement, et qu ils deviennent trop difficiles à atteindre? L entreprise y est toujours gagnante. C est un partage qui ne coûte pas cher et qui est juste. Les objectifs doivent être très clairs, parce que dans le cas inverse un collaborateur aura toujours l impression de s être fait avoir. Il faut donc 81

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE un savant dosage, et le revoir régulièrement, pour remettre la pression, pour éviter le découragement. La pression, c est aussi une multitude de petites actions. C est poser régulièrement des questions sur l avancement d un projet, demander des explications sur les retards, les erreurs. Et de plus en plus souvent si nécessaire. Dans les situations plus graves, la pression qui consiste à lever la voix ne sert que rarement. Je ne crois pas à son efficacité. Si vous avez à vous plaindre de quelqu un, mieux vaut le convoquer ou le coincer sur son poste de travail, pour une explication franche, et pour le prévenir que la prochaine fois la sanction pourrait tomber. Il ne faut pas oublier enfin la pression qui vient de la charge de travail. Elle est très utile, mais il ne faut pas en abuser. Les hommes de première qualité sont rares ; pour obtenir le meilleur d eux-mêmes, il ne faut pas les surcharger de travail, de responsabilités. C est une solution de facilité pour le dirigeant, mais ils finiront peut-être par se fatiguer. Ils risquent de devenir moins bons, parce que trop dispersés, et parce qu ils ne peuvent plus remplir correctement chacune des tâches qui leur est assignée. Respectez les autres Seul, le chef d entreprise ne fera rien. Sauf s il est son propre employé dans une profession libérale par exemple, ou comme artisan. La réussite d une entreprise, d un projet, d une action, dépend forcément et totalement de ses collaborateurs. Il faut donc les encourager, les valoriser dans leur travail. Il faut savoir reconnaître leurs bons résultats, leurs qualités. Ne pas s attribuer injustement les mérites de leur travail. Il faut aussi les traiter avec respect et courtoisie. Mais alors, qu est-ce qui autorise tant de responsables à traiter avec mépris ceux qui ne sont pas du même niveau hiérarchique qu eux? Alors que pour beaucoup d entre eux ils l étaient peu de temps auparavant. Qu est-ce qui les autorise à être en retard systématiquement ou à faire attendre les autres? À passer un long moment au téléphone lors d un rendez-vous, à ne pas saluer ceux qu ils croisent? Autant de formes de manque de respect des autres. Pourquoi les mêmes sont d ailleurs souvent les plus familiers, ceux qui vous donneront une claque dans le dos? Garder de la distance dans les rapports hiérarchiques, c est aussi une forme de respect qui n empêchera pas une bonne relation de s installer. 82

Chapitre 2 Quelle stratégie par fonction? L objectif de ce livre n est pas de fournir des théories ou des réponses sur tous les thèmes techniques qui intéressent l univers de l entreprise. Ils sont suffisamment abordés dans de multiples ouvrages écrits par de très nombreux experts. Ce chapitre est une réflexion personnelle sur mes pratiques, ce qu il me paraît nécessaire et important de savoir, de maîtriser, ou de contrôler dans les différentes fonctions pour conduire une entreprise à la performance. Sachant que le chef d entreprise ne pourra pas optimiser toutes ces fonctions en ayant des professionnels dans chacune d entre elles. Dans plusieurs domaines, il sera donc le premier expert. Gardez la maîtrise de la production Ne croyez pas tout ce que vos responsables vous racontent Si la culture, la formation, l expérience du PDG le tournent vers la production, il aura une tendance naturelle à bien la maîtriser. S il est un commercial, un spécialiste du marketing, un financier il y a des chances pour qu il en confie la responsabilité à un homme du métier. Il y a des chances alors, pour qu il perde le contrôle de la situation. Il entendra donc des discours qui ressemblent aux suivants : «nous n avons pas le temps, ce ne sera possible que dans trois semaines», «c est techniquement irréalisable, ce serait trop cher». Ou alors : «il n est pas possible d organiser une nouvelle équipe de nuit, le personnel n acceptera jamais», «nous sommes au maximum d heures supplémentaires supportables par les ouvriers, il faut investir en capacité»... Les filtres seront multiples, et le patron ne sera pas en mesure de juger de la réalité. 157

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE Lors de mon passage chez Tabur Marine, j ai pu expérimenter les conséquences d une grande domination par la production des décisions produits et de la planification, ceci avec un mépris profond pour le commercial et le marketing dont j étais le responsable. Les réunions avec la production étaient une véritable corvée où il fallait tout négocier. Curieux jeu de massacre où le plus difficile était à l intérieur de l entreprise. Jamais plus je n ai laissé la production dominer le commercial et le marketing. Les trois directeurs généraux de Mount Gay qui m ont précédé étaient successivement un financier, puis deux spécialistes du marketing. Ils ne comprenaient pas l usine, la production. Ils n ont pas vu que les nombreux problèmes qu ils y rencontraient étaient d abord des problèmes humains. Tout ce que faisait l un de ces directeurs généraux qui était une jeune et brillante New-Yorkaise spécialiste de marketing était de donner l ordre à l équipe de production d augmenter la productivité. Objectif louable, mais méthode totalement inefficace, puisqu il n y avait aucune discussion sur le fond, sur le comment... Le dirigeant de PME est hiérarchiquement au-dessus de son responsable production. Il doit donc toujours s intéresser à la fabrication. Parce que s il a les concepts les plus brillants, mais que derrière la machine ne suit pas, il ne réussira pas, ou mal, pas suffisamment pour être réellement performant. Et s il ne comprend pas, il doit obligatoirement s appuyer sur un responsable en qui il ait totalement confiance, et avec lequel il puisse facilement partager des idées et des décisions. À défaut, il doit prendre conseil à l extérieur, mais ce ne devrait être qu une situation temporaire. Et si l entreprise ne produit pas, le dirigeant doit s assurer lui-même que les produits distribués répondent le mieux possible au cahier des charges imposé au fournisseur, ou à défaut, à l offre que ce dernier a fait. Il ne doit pas se contenter de l affirmation de ses collaborateurs. Quel que soit votre positionnement, produisez au mieux de la qualité, au meilleur prix de revient Un des choix importants d une stratégie pour toute entreprise est le mix qualité - produit. Suivant le positionnement produit, l historique de l entreprise, la concurrence, le niveau d innovation offert, l entreprise retiendra une stratégie de prix élevé, moyen, ou bas. La qualité visée sera exceptionnelle, satisfaisante, le design plus ou moins flashy, classique... Et l entreprise essaiera toujours de se tenir à ce choix de positionnement. 158

QUELLE STRATÉGIE PAR FONCTION? Mais l environnement change constamment, et certains prix finissent par ne plus être cohérents avec le marché, particulièrement si l entreprise applique un coefficient multiplicateur sur ses prix d achat, une méthode courante des sociétés de distribution. Pour chaque produit, le bon prix est fonction de la stratégie ou des objectifs fixés, mais il est surtout celui que le client est prêt à payer en fonction de sa perception de la qualité, de l image, de la concurrence. Et s il s agit d un produit de luxe, en fonction peut-être de l image que ce client veut donner de lui-même en le portant. En moyen et bas de gamme, la recherche de qualité peut paraître moins importante. Mais c est une illusion, parce que sauf pour un produit jetable, ou un produit d impulsion, le client veut de la qualité. Et ceci de plus en plus, tant le client est averti aujourd hui. Un prix moins élevé devrait donc correspondre à une finition moindre, un design moins séduisant, une image de la marque différente, un service moins efficace. L autre facteur de changement pour le dirigeant est que le prix pratiqué aujourd hui ne sera plus valable demain, parce qu un nouvel entrant, une innovation peuvent bouleverser les règles du jeu. Il faut s y préparer. Pour ces raisons, celui qui rejoint une entreprise, doit s efforcer très vite d étudier comment baisser les prix de revient et comment améliorer la qualité si nécessaire. Ensuite, n avoir de cesse de baisser ces prix de revient, et d augmenter la qualité au-delà des besoins qui paraissent suffisants en première analyse. Et cela, même si l entreprise a une stratégie de prix élevés. Parce que réduire les coûts, augmenter la qualité, dépend de l entreprise, de ses choix, de ses décisions, donc du patron. Par contre, l entreprise n est pas maître de ce que veut le client, de ce que fera le concurrent. Il faut donc être prêt à tout moment à des améliorations importantes ou à baisser ses prix. Anticipez donc ces changements futurs plutôt que de les subir le jour où ils se présentent. L effort ne doit jamais s arrêter. Il fait partie des objectifs permanents. C est tellement plus confortable ensuite quand il y a un changement d environnement. Et si cette tâche paraît difficile, il faut y mettre beaucoup de ressources, insister, ou alors se préparer à changer de produit, de métier, à sous-traiter. Les étiquettes Gouzy étaient des très bons produits. Les concurrents ont proposé des solutions qui répondaient au cahier des charges des clients et qui étaient beaucoup moins chères. Plusieurs raisons expliquaient ces écarts, l excès de tech- 159

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE nicité des solutions retenues, le manque d évolution, le choix des matières premières choisies, la politique d achat et la faible productivité. Une étude de la profession en 2002 a fait apparaître que les prix de revient de Gouzy étaient supérieurs de 40 % à plus du double des prix de la profession pour un même produit. L entreprise n avait pas su s adapter. Si elle avait été prête, elle aurait pu réagir partiellement rapidement, mais tout était à faire. Avec Tiga, l usine était en permanence en recherche d amélioration de qualité et de baisse des prix de revient, ce qui nous permettait d atténuer l effet des baisses de prix brutales de Bic. Dans la société de rôtissoires, nous fabriquions aussi des toasters industriels. L analyse du produit et de nos méthodes montrait rapidement que nous n arriverions jamais à être compétitifs face au «leader» du marché. Dans un premier temps, nous avons sous-traité la fabrication des composants en Espagne, ce qui nous a permis de faire des baisses significatives de prix de revient. Ce n était pas suffisant. Finalement le meilleur prix a été obtenu en sous-traitance en France par le «leader» européen du marché qui entrait alors dans notre capital. Développez tout ce qui permet de vendre plus cher À tout moment, il faut vérifier que ses avantages concurrentiels sont réels, qu ils n ont pas été rattrapés par un concurrent, un nouveau venu, un changement de l environnement. La réalité pour beaucoup de patrons, c est que plusieurs entreprises font à peu près le même métier, dans à peu près la même zone géographique, avec à peu près les mêmes clients. Comment se différencier alors? Par les hommes, les contacts, par la qualité du service, par l image, la solidité financière qui rassure, mais le plus souvent par le prix. La conséquence est une réduction des marges, et comme beaucoup jouent au même petit jeu, celles-ci deviennent insuffisantes. L un des moyens de ne pas entrer dans la guerre des prix est de se différencier par le produit, parce que même une petite différence permet de justifier un prix légèrement plus élevé. Et si l argumentation, la communication, et la qualité suivent, ce sera quelques pour-cent qui suffiront à rendre votre entreprise performante. 1 % de gain de productivité dans la grande distribution ou 2 % dans l automobile, c est considérable. 2 % dans un produit moins concurrentiel, c est plus facile à atteindre. Ce peut être suffisant pour améliorer nettement sa rentabilité. Le dirigeant doit donc rechercher tous les moyens de justifier un prix légèrement supérieur. Aujourd hui la différenciation par la technologie devient plus difficile. Elle est effectivement souvent éphémère parce que les concurrents rattrapent vite leur retard. Mais le provisoire peut faire la différence 160

QUELLE STRATÉGIE PAR FONCTION? quelque temps. Autre solution, ces petites idées innovantes qui, sans nécessairement apporter une révolution au produit, lui donnent un peu de valeur ajoutée. C est par exemple, une astuce pour l utilisation ou le montage, une idée pour faciliter l emballage ou la préparation à la production, une meilleure finition, un design plus séduisant. Une nouvelle matière que le fournisseur apporte. L idée d un concurrent étranger repérée sur un salon ou directement chez un client. Les idées des ouvriers qui seraient déjà connues s ils avaient pu en parler. Dans certains métiers les possibilités de changer sont faibles, voire presque nulles. La guerre des marges s y gagnera sur la productivité, le service... Mais là où les améliorations sont possibles, il faut chercher. Et, sauf s il a dans son équipe un bon créatif, un chercheur malin à qui il a donné du temps, c est souvent au PDG de donner l influx. Parce que changer aura de nombreuses conséquences qui fatiguent l équipe d avance, même les petits changements. Quels actifs stratégiques devons-nous posséder, où investir? Sauf exception, l argent dont dispose l entreprise pour investir dans les projets qui feront la réussite future est limité. Il faut donc impérativement placer ses ressources là où elles rapportent le plus. Réflexion qui paraît évidente. Mais correspond-t-elle à notre démarche? Dans l imprimerie, je participais régulièrement à des réunions professionnelles. J ai été frappé par l envie que manifestaient bon nombre de PDG de posséder la dernière machine d impression, le dernier modèle d un fournisseur. Chacun essayait de trouver les bons arguments techniques pour justifier un tel achat. Mais dans un métier où les machines durent dix ans, voire vingt ans, et où beaucoup étaient totalement amorties, les arguments semblaient faibles pour démontrer que l investissement allait pouvoir être rentable. La bonne opportunité pour celui qui calculait, c est que cette approche entraînait un marché important de machines d occasion presque neuves, à des prix très bas. Nous avons pu augmenter ainsi notre capacité à très bon prix, et acquérir la souplesse qui nous manquait à un moment où nos volumes augmentaient fortement. Les investissements en équipements font partie de la vie courante d une entreprise. Ils sont vitaux dans beaucoup de situations. Ils doivent être étudiés sur le long terme. C est un domaine où la vision du patron est essentielle parce qu elle permet une planification des besoins dans la durée. En aucune circonstance, il devrait se laisser griser par une machine, par un discours séduisant d un fournisseur. Et 161

COMMENT FAIRE D UNE PME UNE ENTREPRISE PERFORMANTE s il ne comprend que difficilement les subtilités de la production de ses produits, il doit exiger des analyses poussées de rentabilité ou se faire conseiller à l extérieur, et ne pas se contenter d une réflexion générale sur la technologie. Qui plus est, il devrait envisager toutes les autres solutions avant de se lancer. Ce peut être une révision complète d équipement, l ajout ou le remplacement d éléments qui amélioreront les performances ou permettront de nouvelles fonctions, la réorganisation des postes de travail. En tout état de cause, il ne doit pas se laisser influencer par un responsable de production. Il ne s agit pas non plus d avoir des performances trop décalées par rapport aux concurrents. Régulièrement, il faut donc investir dans du matériel neuf et performant, pour reprendre un peu d avance, pour introduire une innovation, pour ne pas rater le train de la dernière technologie. Ce ne sont pas des choix faciles. Dans l imprimerie d étiquettes, ceux qui ont été les premiers à acquérir des machines numériques ont eu beaucoup de difficultés à les utiliser pleinement pendant les premières années. Puis, les prix ont chuté rapidement, et les performances ont augmenté aussi vite. Avant que je quitte l entreprise, la technologie commençait à être compétitive pour beaucoup de tâches, et le choix devenait une bonne opportunité. Ne pas l avoir fermait complètement certains travaux sur notre cible principale qui étaient passés chez les concurrents. Il fallait investir. Les actionnaires ne l ont pas permis. Ou, je n ai pas su les convaincre. Autre investissement, les bâtiments. Une majorité de particuliers investit dans la pierre, parce qu elle est presque sûre d y préserver son capital et parce qu elle a peu confiance dans la Bourse. Dans une entreprise les choix sont différents. La pierre c est du très long terme, et aujourd hui l environnement change trop dans l économie pour choisir une solution qui bloque l entreprise longtemps, sauf à bénéficier d une opportunité très intéressante. Sauf s il y a une obligation de prestige, et encore, est-il nécessaire d investir dans ce cas? Mieux vaut agrandir, réaménager, repeindre, et éventuellement louer plus grand. Et s il y a de la disponibilité en trésorerie, à moins de considérer que l immobilier fait partie de l activité de l entreprise, mieux vaut garder cette capacité pour d autres projets qui pourraient surgir. Être en surcapacité, c est garder de la souplesse Il est des métiers où le coût d une capacité supplémentaire est exorbitant. Sur ces marchés, celui qui peut investir récupérera sans doute 162