Signaux d alerte précoce et caractéristiques des informations de veille stratégique

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Transcription:

Introduction CONCEPTS Définition de la veille stratégique Signaux d alerte précoce et caractéristiques des informations de veille stratégique Utilité de la veille stratégique Processus de veille stratégique DEMARCHE 1 - Ciblage 2 - Traque 3 - Sélection 4 - Remontée 5 - Stockage intelligent 6 - Traitement des informations de veille stratégique ou créer du sens à partir des signaux faibles 7 - Diffusion : diffuser efficacement les informations élaborées et motiver les utilisateurs potentiels 8 - Animateur 9 - Contrôle de la qualité de la veille stratégique INTELLIGENCE ECONOMIQUE Glossaire Outils informatiques pour la veille stratégique Bibliographie

INTRODUCTION Le concept de veille stratégique est présenté dans ce guide, ainsi qu une démarche, une méthode pourrait-on dire, pour installer un dispositif de veille dans l entreprise (ou une organisation en général). La méthode est exposée, dans les pages qui suivent, de façon rapide et globale selon les neuf étapes qui la caractérisent. Auparavant sont données des définitions et précisions indispensables. Le dernier chapitre est consacré à l intelligence économique, de façon à ce que le lecteur puisse faire le lien entre les deux concepts : la veille stratégique et l intelligence économique. Le lecteur qui souhaiterait plus de détails pourra se reporter à la bibliographie fournie à la fin. CONCEPTS : Définition de la veille stratégique «Ne pas prévoir c'est déjà gémir» Devise de Léonard de Vinci (C B 2364, 960921, p. 6) La veille stratégique est le processus informationnel volontariste par lequel l'entreprise recherche des informations à caractère anticipatif concernant l évolution de son environnement socio-économique dans le but de se créer des opportunités et de réduire ses risques liés à l'incertitude. Parmi ces informations figurent des signaux d alerte précoce. L'expression «veille stratégique» est une expression générique qui englobe plusieurs types de veilles spécifiques telles que la veille technologique, la veille concurrentielle, ou la veille commerciale par exemple. Rappelons que, dans le modèle de la prise de décision de H. Simon (Prix Nobel), la veille stratégique se situe dans la phase dite «intelligence de l environnement de l entreprise». Nota bene : L expression «intelligence économique» est de plus en plus répandue. Précisons qu il s agit d un concept différent de la veille stratégique. Une section lui est consacrée pour le présenter, à la fin de ce document. On peut penser que les concepts de veille stratégique et d intelligence économique sont appelés à se rapprocher pour se compléter, ainsi qu on le verra. La définition ci-dessus appelle quelques commentaires au sujet des mots essentiels qui la composent. Stratégique : l'adjectif «stratégique» n'est pas une concession à la mode du moment. Elle est utilisée pour signaler que les informations fournies par la veille stratégique ne concernent pas les opérations courantes et répétitives, mais concernent plutôt les décisions qui engagent le devenir, l'évolution de l'entreprise, en relation avec les changements de son environnement socio-économique. Il s'agit donc de décisions peu répétitives, concernant des problèmes difficiles à structurer. De ce fait, l'utilisation des informations prend une dimension créative.

Ecoute anticipative : la veille stratégique a pour objet de fournir des informations et des éclairages non pas sur le passé ou le présent, mais sur le futur. En effet, elle doit permettre de prendre des décisions qui produiront leurs effets dans plusieurs mois, voire plusieurs années, selon les métiers et les activités de l'entreprise. C'est pourquoi les informations en question seront généralement des signaux d alerte précoce, souvent appelés «signaux faibles» selon l'expression de I. Ansoff, et non pas des prévisions fondées sur des extrapolations du passé. Environnement : l'environnement de l'entreprise n'est pas un concept abstrait. Il sera défini de façon opératoire, notamment au moment de parler du ciblage de la veille stratégique. Créer : compte tenu des caractéristiques des informations dont il est question, la veille stratégique englobe une phase d'interprétation des signaux d'alerte qui s'apparente à de la créativité. En effet, les informations dont il est question ne décrivent pas des événements déjà survenus, mais permettent de formuler des hypothèses et de créer une vision volontariste. Interprétation et création prennent appui à la fois sur les signaux captés, sur l'expérience des personnes qui interprètent les informations et sur les connaissances stockées dans l ensemble des mémoires de l'entreprise, ensemble que l on appelle parfois «mémoire organisationnelle». Volontariste : parce qu'elle vise un but créatif, la veille stratégique ne saurait être un acte passif, limité à une simple surveillance de l'environnement. C'est au contraire un acte volontariste, exigeant que l'on aille au devant des informations anticipatives en ouvrant bien grand ses yeux et ses oreilles. Parfois il faut même susciter des informations. A cet égard, le mot «veille» est bien mal choisi, mais il est maintenant très répandu. Les expressions «intelligence de l entreprise» (utilisée par H. Lesca, dès 1986, comme sous-titre de son livre publié chez Mac Graw Hill) ou encore «intelligence stratégique» seraient préférables. Les anglo-saxons parlent de «business intelligence» ou encore de «competitive intelligence». De façon imagée, on peut comparer la veille stratégique de l'entreprise au radar du navire, comme l'a suggéré Aguilar, puisqu'elle vise à détecter des événements avant qu'il ne soit trop tard pour pouvoir agir. Facettes : aujourd'hui les navires ont non pas un seul radar, mais plusieurs radars spécialisés. De même l'entreprise peut juger utile de se munir non pas d'un radar unique, mais de radars spécialisés adaptés à ses activités et à ses caractéristiques. La veille technologique est l'un de ces radars, mais ce n'est pas le seul. La veille stratégique est donc un concept qui présente plusieurs facettes possibles parmi lesquelles l'entreprise doit faire des choix en accord avec ses ambitions et ses moyens. CONCEPTS : Signaux d'alerte précoce et caractéristiques des informations de veille stratégique «Quand on épouse une tendance, il est déjà trop tard.» Robert Salmon, Vice-Président, L Oréal Les informations de veille stratégique concernent le futur de l'entreprise et l'extérieur de celle-ci, à titre principal (mais elles peuvent également concerner l'intérieur). Ce sont des informations anticipatives. Ces informations se répartissent en deux types : les signaux d alerte précoce et les informations de potentiel.

Signaux d'alerte précoce (donc signaux faibles) : plus les signaux sont anticipatifs, plus leur intensité est faible. C est ce qu'a démontré I. Ansoff. La figure de la page 6 fournit une explication visuelle. L'événement E est totalement réalisé au moment T. Il est exprimé par le signal S de grosseur maximum. Il demande peu d'effort pour être capté. L'événement E est totalement connu au temps T. Nous sommes devant le fait accompli et ne disposons d'aucune marge de manœuvre, si nous voulons agir : il est trop tard! L'événement E', au contraire, n'est pas encore (totalement) réalisé. Il n'est qu'amorcé au moment T'. Le signal S' qui l'annonce est relativement faible et demande plus d'effort pour être capté. En revanche, au moment T' nous disposons d'un délai de manœuvre si nous voulons ne pas être mis devant le fait accompli quand il sera trop tard pour pouvoir agir ou même réagir. Conséquences : parce que les informations de veille stratégique sont essentiellement des signaux anticipatifs, il en résulte des caractéristiques supplémentaires. Ces informations, en effet, sont principalement : qualitatives : les informations de veille stratégique sont qualitatives pour la grande majorité d'entre elles. Elles ne sauraient être constituées de chiffres constatant le passé ou extrapolant à partir du passé. On s'intéresse ici à des événements qui se produiront peut-être et qui ne sauraient donc faire l'objet de constats «comptables». Ainsi les informations peuvent prendre des formes telles que : phrases saisies dans une réunion, dans un salon ou colloque ; brève coupure de presse, même issue d'un journal de quartier ; photographie, etc. ; incertaines : les informations de veille stratégique constituent des alertes, des pistes, des signaux généralement noyés dans du «bruit». Ils doivent faire naître des interrogations et des hypothèses dans l'esprit des dirigeants, et ne sauraient constituer des certitudes. De plus les signaux en question peuvent résulter d'une volonté de désinformation de la part d'un tiers. Ils doivent donc faire l'objet d'un traitement particulier, pour les fiabiliser, avant d'être pris au sérieux ; fragmentaires : les informations de veille stratégique ne peuvent se présenter que sous la forme de bribes patiemment collectées, sélectionnées, assemblées, interprétées et validées. Prise isolément, chaque information est insignifiante et suspecte, mais rapprochée d'autres informations, elle prend progressivement du sens. Elle est comparable à une pièce de puzzle. Il résulte de ces caractéristiques qu'un dispositif efficace de veille stratégique doit permettre la capitalisation des informations en vue de les consolider, et d amplifier les signaux. Informations de potentiel : ce sont des informations qui renseignent sur les capacités de l acteur ciblé. Exemples : le montant de son autofinancement (renseigne sur la capacité à entreprendre un projet important) ; la qualité des compétences de ses collaborateurs, etc. Du fait des caractéristiques présentées ci-dessus, la veille stratégique ne s'improvise pas mais nécessite un dispositif spécial, c'est-à-dire des méthodes et des techniques appropriées, ainsi que des personnes formées dans ce but.

CONCEPTS : Utilité de la veille stratégique «Celui qui ne veut rien faire trouve toujours de bonnes raisons pour ne rien faire». Vauban L'utilité de la veille stratégique peut être montrée en se référant au type de volonté stratégique affichée par les dirigeants de l'entreprise (1). Lesca (en 1989) a donné les résultats d'une enquête effectuée auprès de plusieurs dizaines de dirigeants français. Il est ainsi apparu que la veille stratégique est particulièrement utile lorsque l'entreprise a une volonté stratégique : - d'innovation produit (ou service), - de qualité totale du produit et des services, - de rapidité de réaction face à la concurrence. Ainsi, au moment d expliquer l utilité de la veille stratégique, la première question à poser pourrait être : quel est votre objectif prioritaire : - aborder efficacement un client potentiel? - se protéger efficacement contre un concurrent dangereux? - innover en dehors d une impasse? D'autres enquêtes ont montré que les entreprises qui sont durablement les plus innovantes, ou bien qui ont durablement une image de grande qualité du produit ou du service, sont précisément des entreprises qui sont déjà bien avancées en matière de pratique de la veille stratégique. Citons par exemple L'Oréal, L'Air Liquide, Elf ou encore Somfy ou Digigram. Mais l'utilité de la veille stratégique est également grande au point de vue de la sécurité et de la pérennité de l'entreprise. On fait allusion ici au repérage précoce du risque d'apparition de produits de substitution, de technologies nouvelles, ou d'alliances chez les concurrents par exemple. Ainsi, s'il est naturel de s'interroger sur les coûts engendrés par la veille stratégique, il est tout aussi vital de s'interroger sur les coûts de la «non-veille stratégique». Concepts : Processus de veille stratégique La veille stratégique est un processus informationnel allant de la recherche des informations jusqu'à leur interprétation et à leur utilisation pour créer une vision de l'environnement dans lequel l'entreprise veut tailler sa place. Ce processus informationnel est ouvert sur l'extérieur de l'entreprise. Il part de l'intérieur de celle-ci pour aller vers l'extérieur, puis revient à l'intérieur à l'occasion de la traque d'informations. Ce processus franchit donc deux fois les frontières de l'organisation. L'analyse du processus (voir figure ci-dessous) met en évidence plusieurs sous-processus, tel le ciblage par exemple. La

réussite de chacun d'eux est une condition nécessaire de l'efficacité du processus global de veille stratégique. Aucun d'eux ne supporte l'improvisation et la coordination est une condition nécessaire du succès. Or que constate-t-on souvent dans de nombreuses entreprises? Constats fréquents : - des informations existent sans doute, dans l entreprise, mais on ne sait pas où elles sont. Les personnes qui les détiennent ne sont pas identifiées, ou bien sont fréquemment absentes, etc. Bref les informations sont inaccessibles : c est comme si elles n existaient pas! - la remontée des informations se fait mal ou bien pas du tout. Pourtant beaucoup de collaborateurs sont en contact avec l extérieur et sont en mesure d avoir des informations ;

- les informations sont empilées dans une armoire, sans classement organisé, inutilisables, noyées dans la masse ; - les informations «informelles», souvent les plus précieuses, restent dans la tête des individus et la communication se fait mal ou pas du tout, du moins au sujet de ces informations. Conséquences : c'est lorsque règnent l'improvisation et l absence de coordination que se produit le «paradoxe de la surprise stratégique» signalé par I. Ansoff. L'événement extérieur surprend tout le monde le jour où il se produit, alors que l'on disposait d'informations importantes permettant d'entrevoir son éventualité. Mais ces informations sont disséminées et inutilisables : ce sont des informations fantômes! Elles ne sont partagées par personne dans l'entreprise. Les entreprises durablement performantes ont un dispositif volontariste à l'appui du processus de veille stratégique. Ce dispositif permet de détecter les signaux d alerte précoce, de les capitaliser, de les partager et de les exploiter pour créer du sens et stimuler l action. L analyse du processus montre également que la veille stratégique n'est pas une tâche isolée d'une personne unique, mais que c'est réellement un processus transversal, faisant intervenir une chaîne de participants, même dans une PME. Voici donc quelques conséquences qui en découlent : Harmonie plutôt que perfectionnisme : si une seule phase du processus, un seul maillon est défaillant, l'ensemble du processus est défaillant. C est pourquoi, plutôt que de sophistiquer l'une des phases et de négliger les autres, il vaut mieux laisser de côté le perfectionnisme et veiller à ce que toutes les phases du processus aient un niveau de qualité satisfaisant. Il existe un instrument (au moins) pour évaluer le niveau global de la qualité de la veille stratégique dans une entreprise. Cet instrument logiciel a pour nom Fennec. Coordination : le processus de veille stratégique fait intervenir divers acteurs qui sont différents à bien des égards : par leurs tâches habituelles, par leur spécialisation professionnelle, par leur expérience et même par leur langage. En outre, ces acteurs utilisent probablement des moyens différents (notamment en ce qui concerne les technologies de l'information et de la communication). Il faut donc une réelle volonté de coordination et d'intégration si l'on veut que le processus transversal de veille stratégique soit efficace. Coordination et intégration concernent aussi bien les comportements individuels que les moyens matériels mis en œuvre. Capitalisation : les informations de la veille stratégique étant fragmentaires et éparses par la force des choses, leur importance n'apparaît que si elles sont accumulées et progressivement enrichies. L'enrichissement s'apparente à une opération de capitalisation. Ce n'est qu'à cette condition de stockage et d'enrichissement que leur utilisation permettra la création de sens et la transformation des signaux faibles en forces motrices pour l'action. Apprentissage collectif : l'analyse du processus fait également apparaître des boucles de rétroaction : l'une part de l'exploitation des signaux pour aboutir aux traqueurs des informations, ; l'autre part également de l'exploitation pour aboutir au ciblage et à l'orientation du radar de la veille stratégique. Il s'agit de deux boucles d'apprentissage.

C'est parce que la veille stratégique est un processus d'apprentissage collectif et créatif que les entreprises les plus performantes sont celles qui ont mis en place une veille stratégique les premières. Les entreprises habiles en veille stratégique sont de plus en plus habiles du fait de l'apprentissage. Mieux une entreprise utilise habilement ses informations pour l action, plus elle obtient efficacement des informations pertinentes nouvelles au moindre coût. Les autres restent dans une ignorance étale et probablement meurtrière à terme. Démarche : 1 - Ciblage Nous appelons ciblage de la veille stratégique l'opération qui vise à délimiter la partie de l'environnement de l'entreprise que nous voulons mettre sous surveillance anticipative. Le ciblage a donc pour objectif de rendre la veille stratégique la plus efficace possible au moindre coût et au moindre effort. C'est une condition de l'efficience de la veille. La définition de la cible ne doit pas changer en permanence, en ce sens elle est statique ; mais elle doit tout de même évoluer en fonction des préoccupations des responsables de l entreprise, et en ce sens elle est dynamique. Statique : effectuer le ciblage de la veille stratégique, c'est donc répondre à la question : que voulons-nous connaître de l'environnement (externe ou interne) de notre entreprise, à un moment donné? En d'autres termes, sur quels points sommes-nous disposés à faire l'effort volontariste d'aller au devant de l'information? Dynamique : le ciblage de la veille stratégique est une opération itérative effectuée à faible fréquence : par exemple une fois par an. Le ciblage est du ressort de la Direction générale et s'articule sur la stratégie de l'entreprise (ou sur ce qui tient lieu de stratégie). Le ciblage de la veille stratégique est défini a priori lorsqu'il est défini pour la première fois. Mais ensuite il est susceptible de modifications adaptatives, sous l'effet de l'interprétation des informations recueillies. Il existe donc une boucle de feed-back reliant l'utilisation des informations obtenues sur la base du ciblage, et la modification du ciblage sur la base des enseignements tirés des actions réalisées. Tel qu il est défini, le ciblage de la veille stratégique fait intervenir le concept d'acteur et le concept de thème. Nous appelons acteur, voulant dire acteur pertinent pour la veille stratégique, toute personne, ou groupe de personnes ou entreprise (ou autre organisation), dont les décisions et les actions sont susceptibles d'avoir, dans le futur, une influence (positive ou négative, selon le cas) sur le devenir de notre entreprise. Cette influence peut être directe ou bien indirecte. Elle peut se manifester au travers d'un événement engendré par l'acteur en question : par exemple la création d'un nouveau produit ou d'une nouvelle technique. Nous nous intéressons évidemment aux acteurs actuels, c'est-à-dire confirmés, mais nous nous intéressons aussi aux acteurs potentiels. Exemple : à une époque Benetton n'était pas concurrent de Salomon. Ce groupe n'était donc pas un acteur pertinent pour Salomon. Un jour il a racheté Nordica. Du jour au lendemain il est devenu concurrent de Salomon. Un acteur potentiel est donc intéressant en ce sens qu il pourrait devenir un acteur effectif très rapidement.

Nous appelons thème une activité de l'acteur, ou une certaine caractéristique de l'acteur, qui nous intéresse particulièrement en matière de veille stratégique. En d'autres termes, s'agissant d'un acteur désigné (actuel ou potentiel), nous souhaitons savoir de lui certaines choses utiles pour notre prise de décision, mais nous ne voulons pas savoir tout ni n'importe quoi. Désigner des thèmes revient donc à délimiter et à restreindre volontairement notre effort de collecte d'informations à l'égard de l'acteur en question. Exemples de thèmes spécifiques : - s'agissant d'un client : ses projets dans le domaine où nous pourrions être fournisseur ; - s'agissant d'un concurrent : ses partenaires, ses axes de recherche, etc. ; - s'agissant d'un organisme public : le projet de loi en matière de protection de l'environnement. Pour chacun des acteurs que nous avons ciblés comme étant pertinents, nous pouvons être intéressés par un ou plusieurs thèmes. Et un même thème peut concerner plusieurs acteurs pertinents. Point de départ - Le point de départ du ciblage est l objectif prioritaire de notre entreprise (ou bien de la division considérée), ou bien encore du domaine d ac-tivité considéré (voir page 7). Résultat du ciblage - L'opération de ciblage aboutit à un document appelé Cible de la veille stratégique. Ce document est la cartographie de l'environnement que notre entreprise a décidé de placer «sous son radar». Cette cartographie prend généralement la forme d'un tableau à deux entrées, une entrée par acteur et une entrée par thème. Dans certains cas, plus complexes, le tableau doit être décliné en plusieurs sous-tableaux pour des raisons de lisibilité, ou bien d'utilisation informatique. Le ciblage débouche également sur l identification des sources d information qu il faudra interroger ou solliciter. Outils et méthodes - Il existe une méthode (au moins) pour aider les entreprises à effectuer le ciblage de leur veille stratégique. Cette méthode est largement validée et les retours d'expérience permettent de l'améliorer en continu. Cette méthode est appelée Cible. Coût du ciblage - Lorsque l on utilise cette méthode, l'opération de ciblage prend de une à trois demi-journées, selon le cas et la taille de l'entreprise. Elle mobilise le Comité de direction (CODIR), ou une partie de celui-ci. Démarche : 2 - Traque «Dans notre établissement, un réseau interne a été mis en place pour la veille stratégique. C est important de bien sélectionner les personnes qui font partie du réseau. Tout le monde n est pas sensibilisé par cette activité.» Jean Ziegler, Directeur général, Aérospatiale, établissement de Cannes

La traque est l'opération par laquelle notre entreprise (ou notre unité) se procure les informations de veille stratégique. Ce mot a été choisi pour rappeler que les informations de veille stratégique les plus intéressantes ne viennent pas à nous d'elles-mêmes. Au contraire, il faut faire l'effort volontariste d'aller au-devant d'elles et parfois de les provoquer. Les personnes qui ont pour mission d'aller au-devant des informations de veille stratégique sont appelées «traqueurs» d informations. On distingue plusieurs types de traqueurs, en fonction des sources d information avec lesquelles ils sont en contact. Ces sources sont elles-mêmes de trois sortes : - les sources «humaines», c est-à-dire les personnes auprès desquelles peuvent être obtenues des informations généralement orales. Parmi ces personnes indiquons par exemple les clients, les fournisseurs, les contacts de toutes sortes. Face aux sources «humaines», nous disons que les traqueurs sont itinérants car ils doivent généralement se déplacer, hors de l entreprise le plus souvent ; - les sources «documentaires» au sens large, dans lesquelles nous rangeons les journaux et revues, les bases de données externes, etc. Face aux sources «documentaires», nous disons que les traqueurs sont statiques car ils travaillent généralement à leur bureau ; - les sources «formelles internes». Nous désignons ainsi des gisements d informations qui existent déjà dans l entreprise, mais sont conçus pour d autres usages que la veille : par exemple des bases de données commerciales ou marketing, des bases de données fournisseurs, des flux d information électroniques, etc. Ces sources d informations posent un problème paradoxal en ce sens qu elles existent déjà dans l entreprise, mais elles sont pratiquement inexploitables pour les besoins de la veille stratégique. La solution réside généralement dans la construction d interfaces informatiques qui permettraient de prélever des bases de données, ou bien de dériver des flux existants, les seules informations à usage de veille stratégique. S agissant de la traque des informations au travers des sources documentaires, il est possible d utiliser des logiciels spécialisés de bibliométrie, lorsque l on a affaire à de très grandes quantités de documents, ce qui peut être le cas en matière de veille technologique (au sens strict). De tels logiciels sont utiles pour faire apparaître des éléments noyés dans le volume, et d éventuels signaux faibles. Les logiciels de bibliométrie ne sont guère à la portée des PME, tant au point de vue technique que financier. La tâche de traque des informations est plus facile pour les traqueurs statiques que pour les traqueurs itinérants. C est pourquoi, dans ce qui suit, on apporte un soin particulier à l aide aux traqueurs itinérants, qui sont les plus nombreux aussi bien dans les grandes entreprises que dans les PME. Choix - Le point de départ de la démarche pour choisir les traqueurs d'informations découle du tableau matérialisant le ciblage de la veille stratégique. Ce choix prend en compte des critères précis ainsi que les caractéristiques générales de l'entreprise (taille, segmentation des activités et des fonctions, etc.). Nombre - Le nombre des traqueurs officiellement désignés résulte à la fois d'un raisonnement et d'une discussion avec la direction de notre entreprise. Généralement tout membre du personnel de l'entreprise ne saurait être un traqueur d'informations de veille stratégique, ne serait-ce que pour des raisons de coût et de sécurité. Le cas des PME est différent dans la mesure où leurs effectifs ne dépassent pas quelques dizaines de personnes.

Désignation - Le choix d'une personne chargée de la mission de traque repose sur : - des critères concernant la personne, - les activités habituelles de cette personne, - sa place dans la structure de notre entreprise, - les sources d'informations avec lesquelles elle est naturellement en contact, du fait de ses activités habituelles. Lorsqu il existe un centre de documentation dans l entreprise, celui-ci fait natu-rellement partie des traqueurs d information. Formation - Les traqueurs font l'objet d'une formation appropriée à la mission de traque qui leur est confiée. L expérience permet de l'évaluer à une journée pour un traqueur. Une dizaine de traqueurs peuvent être formés au cours de la même séance de formation. Outils et méthode - Les traqueurs sont dotés d'un support approprié pour formaliser les informations et pour les acheminer vers un point de convergence. Ce point est généralement celui où se trouve l'animateur de la veille stratégique. Sources d informations Sources informelles Les filiales de l entreprise en France et à l étranger Les contacts avec : les clients, les concurrents, les fournisseurs, les co-traitants et sous-traitants, les sociétés de services (SSII, etc.), les distributeurs, grossistes, etc. Les participations : aux colloques scientifiques, aux salons professionnels, etc. Les missions à l étranger Les contacts avec des experts et laboratoires, etc. Sources formelles Les publications scientifiques et techniques

Les bases de données Internet Certains journaux ou magazines Les publications des entreprises : rapports annuels, offres d emploi Etc. Sources - Les sources d informations vers lesquelles peut se tourner le traqueur sont nombreuses et diverses, nous l avons dit (une liste de sources possibles est fournie cicontre en encadré). L une des sources les plus «à la mode» est Internet. Cependant son exploitation, facile en apparence, ne dispense pas de recourir à une méthodologie, sous peine de gaspiller beaucoup de temps et d argent. Un document méthodologique a été établi pour l utilisation d Internet pour la veille technologique. On en trouvera la référence dans la bibliographie. Coût de la traque - Les coûts se répartissent en deux familles, comme suit. Coûts d'investissement : - la formation des traqueurs, - l équipement éventuellement fourni aux traqueurs. Coûts de fonctionnement : - le temps consacré par le traqueur à cette mission, - le coût d'accès à certaines sources d information (publications, bases de don-nées, etc.). Démarche : 3 - Sélection La sélection des informations est l'opération qui consiste à ne retenir, parmi les informations recueillies, que les seules informations de veille stratégique susceptibles d'intéresser notre entreprise. En fait il faut distinguer deux niveaux de sélection d une information : - la sélection de niveau 1 consiste à choisir une information (par exemple un «document») au sein d un ensemble ; - la sélection de niveau 2 consiste à choisir quelques mots ou quelques phrases au sein d un document issu de la sélection de niveau 1.

La sélection est réalisée : - au moyen de critères de sélection cohérents avec le ciblage ; - par différents intervenants du processus de veille stratégique. Parmi eux, les premiers concernés par la sélection sont les traqueurs d'informations. Mais d'autres personnes peuvent affiner la sélection des informations, en aval des traqueurs. Outils et méthode - Il existe une méthode (au moins) pour former les personnes chargées de la sélection des informations, et pour réaliser la sélection au quotidien. Cette méthode permet de réaliser un processus d apprentissage individuel et collectif de la sélection des informations. Elle est largement validée et enrichie en permanence par les retours d expérience. Formation - La formation des personnes à la sélection des informations de veille stratégique peut se faire en une journée. Signalons un logiciel didactique pour autoformation des personnes, utilisable sur micro-ordinateur PC. Ce logiciel est appelé Sentinel. Coût - Les coûts de la sélection des informations se répartissent comme suit. Coûts d'investissement : - formation des (n) personnes ; - acquisition éventuelle d'équipements (variable selon les ambitions de l'entre-prise). Coûts de fonctionnement : - temps consacré à la sélection par les (n) personnes, au quotidien. Au minimum cela peut représenter une demi-journée d'une personne et par semaine (cas d'une PME par exemple). Surprise - Les informations anticipatives à caractère stratégique ne sont pas aussi nombreuses que les responsables d'entreprise le supposent a priori. Au cours de la mise en place et du rodage du dispositif de veille stratégique, ils apprennent progressivement à sélectionner efficacement les informations. Il se produit un processus d'apprentissage individuel et collectif qui augmente l efficience de la veille stratégique. Démarche : 4 - Remontée La remontée des informations est l'opération par laquelle un traqueur fait parvenir ses informations de veille stratégique à la personne chargée de les stocker (souvent l animateur de la veille stratégique). Cette opération soulève des problèmes différents selon que le traqueur est statique ou bien qu'il est itinérant. Le dispositif de remontée nécessite que le traqueur :

- sache clairement à qui faire parvenir les informations, sans hésitation possible pour ne pas compliquer sa tâche et pour ne pas lui faire perdre de temps ; - dispose d'un moyen matériel approprié pour transmettre les informations, facile d'accès et d'utilisation. Outils et méthode - Les moyens matériels pour faciliter la remontée des infor-mations depuis les traqueurs jusqu'au lieu de stockage sont divers. Néanmoins tous ne sont pas également bien adaptés aux caractéristiques d'une entreprise donnée ainsi qu aux informations de veille stratégique. Se pose donc la question des critères de choix. En outre, il doit y avoir cohérence entre le support proposé aux traqueurs pour saisir (support de captage) leurs informations, et le moyen choisi pour faire remonter les informations vers l animateur de la veille stratégique. Exemples : - transmission des fiches de captage de la main à la main, du traqueur à l anima-teur ; - dépôt des fiches dans une boîte aux lettres prévue à cet effet dans un lieu d accès très facile ; - transmission des fiches par fax ; - scannérisation des fiches sur l ordinateur du traqueur et transmission par réseau ; - transmission par la messagerie ; - transmission orale par téléphone ou bien par le réseau informatique, etc. Démarche : 5 - Stockage intelligent Le stockage des informations de veille stratégique est nécessaire pour valoriser et exploiter ces informations. Il faut préciser ce que l on veut stocker. En effet, il peut s'agir : - soit du stockage du support de l'information primaire résultant de la sélection de niveau 1 (article de presse par exemple) ; - soit du stockage de l'information essentielle extraite de l'information primaire (résultant de la sélection de niveau 2) ; - soit d'un premier résultat de l utilisation de l'information essentielle. Exemple : dans le logiciel Puzzle sont stockées les informations essentielles et les représentations visuelles (appelées Puzzles) réalisées au moyen des informations essentielles (voir section 6).

Selon la façon dont il est conçu et vécu, le stockage peut constituer une capitalisation des connaissances de l'entreprise. Le stockage matérialise la mise en commun des informations et nécessite donc une centralisation de celles-ci. Cependant la centralisation peut être réalisée selon deux modèles d'organisation, inégalement adaptés aux caractéristiques d'une entreprise donnée. Ces deux modèles sont : - la centralisation unique (ou stockage en un lieu unique) ; - la centralisation répartie (ou stockage réparti en plusieurs lieux reliés par ré-seau). Plan de classement - Dans tous les cas le stockage nécessite la mise au point préalable d'un plan de classement des informations dans les bases de données. Ce plan de classement repose sur le ciblage de la veille stratégique. Il reprend les thèmes et les acteurs, qui sont les mots-clés principaux, et affine les détails. Cet affinage se traduit par une liste de mots-clés, résultant du ciblage de la veille stratégique. La liste des mots-clés s impose à tous les utilisateurs des informations de la veille stratégique, au sein de l'entreprise. Son évolution est liée à l évolution du ciblage de la veille stratégique. Documents primaires - On peut choisir de stocker : - soit le document primaire lui-même après sa sélection de niveau 1 définitive ; - soit l'information essentielle résultant de la sélection de niveau 2. Dans ce cas, il faut préciser où est stocké le document primaire lui-même et comment y accéder. Equipements - Il existe de nombreux matériels et logiciels pour stocker les informations de veille stratégique. Ils sont inégalement adaptés au cas particulier d'une entreprise donnée. S agissant des logiciels, outre les logiciels de «gestion électronique de données» (GED), on note que beaucoup d entreprises construisent leurs bases de données sur Access tandis que d autres préfèrent les stocker sur une base Oracle, accessible ou non par réseau (Intranet par exemple). Coût - Les coûts du stockage se répartissent comme suit : Coûts d'investissement : - réalisation d'un plan de classement ; - formation de la personne (ou des personnes) chargée(s) du stockage ; - acquisition du matériel de stockage, etc. Coûts de fonctionnement : - temps consacré par une personne (ou des personnes) à cette mission ; - occupation de l'espace de stockage, etc.

Démarche : 6 - Traitement des informations de veille stratégique ou créer du sens à partir des signaux faibles Le traitement des informations de veille stratégique est différent selon qu il s agit des signaux d alerte précoce ou bien des informations de potentiel. S agissant des informations de potentiel, les traitements possibles sont bien connus. D abord ces informations doivent être mises à jour le plus fréquemment possible. Ensuite, il est souhaitable qu elles fournissent des visualisations dynamiques de leur variation au cours du temps (par exemple sur les cinq dernières années). Ainsi peut-on visualiser la variation des potentiels de l acteur considéré et en tirer des conclusions au sujet de sa capacité à agir, pour les années à venir. Le traitement des signaux d alerte précoce, auxquels on s intéresse dans ce qui suit, est beaucoup plus délicat et nécessite des méthodes originales. Parler de l'exploitation des signaux d'alerte précoce pour créer du sens suppose que ces informations aient été recueillies et stockées préalablement, et qu'elles soient disponibles. Cependant, par définition, ces informations sont fragmentaires, incomplètes, sans grande signification individuelle et, probablement, suspectes a priori. La question se pose donc : que faire pour amplifier les signaux faibles et pour transformer ces informations chaotiques en représentations structurées et signifiantes? En d'autres termes, comment créer du sens en partant de signaux faibles? Ou encore, comment induire des décisions et stimuler des actions? La méthode présentée dans ce qui suit s appelle Puzzle. Elle offre des analogies et des différences avec le jeu de puzzle. Analogie : c'est comme si les signaux d alerte recueillis étaient des pièces d un puzzle, en désordre, à partir desquelles on veut construire une représentation signifiante concernant un acteur de l environnement, propice à induire nos prises de décision et à déclencher nos actions. Différence : cependant, à la différence d'un jeu de puzzle, ici on n'a pas toutes les pièces, et on a la liberté de construire plusieurs représentations qui nous paraî-traient signifiantes et susceptibles d interprétation. A l'origine des recherches aboutissant à la méthode Puzzle, se trouve l'hypothèse suivante : si l'on est capable d'utiliser les informations de veille stratégique pour créer du sens et induire des prises de décisions, alors la veille stratégique sera désirée, soutenue et utilisée par les dirigeants de l'entreprise. En revanche, si l'on n'est pas capable de créer du sens à partir des signaux faibles, faute d'une méthode appropriée, alors la veille stratégique ne sera ni soutenue, ni même acceptée par la direction. On appelle donc Puzzle la construction visuelle (ou les constructions) qui vise(nt) à créer du sens en utilisant les informations de veille stratégique (informations de potentiels et signaux d alerte précoces) stockées à un moment donné. Construire un puzzle est un acte de création et nécessite donc une certaine créativité. La construction peut être une opération individuelle ou collective. Si elle est collective, la construction d'un puzzle est

réalisée par le Comité de direction (CODIR). Ce cas suppose qu'il y ait partage de l'information et mise en commun des savoirs. Un schéma plutôt qu'un long discours - Un Puzzle est construit pour un dossier Acteur/Thème résultant du ciblage de la veille stratégique. Les informations, stockées dans un tel dossier sont en nombre limité, donc toujours incomplètes. De plus, la méthode Puzzle repose sur la volonté délibérée de ne visualiser qu'un petit nombre d'informations. Des couleurs sont utilisées pour faciliter la visualisation. On utilise un graphisme dynamique pour favoriser le «déclic» dans l'esprit des utilisateurs et induire des décisions à prendre. La construction du puzzle se fait à partir d'informations brèves résultant de la sélection de niveau 2 (et non pas à partir de synthèses). Résultat - Les avantages d un Puzzle sont les suivants : - il est créateur de sens ; - c est un support communicable au sein de l entreprise ; - c est un support de travail en commun ; - il permet d agir en induisant des prises de décision. Un Puzzle permet de générer des hypothèses et conclusions utiles pour l'action des opérationnels. Il doit pro-voquer des «déclics». La méthode Puzzle a fait l objet de nombreuses validations en entreprises et les retours d'expérience sont capitalisés pour améliorer la méthode de façon continue. Formation - La formation à la méthode Puzzle nécessite deux à trois demi-journées. Elle s'adresse au Comité de direction. Elle s'avère être une phase très sensibilisante et motivante pour les dirigeants. Ils comprennent ainsi (souvent pour le première fois) à quoi peut leur servir concrètement la veille stratégique. Outils - Un prototype de logiciel pour l'aide à la construction des puzzles et pour leur mémorisation informatique a été développé. Ce logiciel, également appelé Puzzle a été exposé au salon TEC94 des technologies innovantes. Démarche : 7 - Diffusion : diffuser efficacement les informations élaborées et motiver les utilisateurs potentiels La diffusion est l'opération qui consiste à mettre les informations élaborées, résultant des puzzles, à la disposition des utilisateurs finals autorisés, souvent des responsables opérationnels. Diffuser «efficacement» signifie que les infor-mations seront prises en compte par les utilisateurs potentiels, c est-à-dire qu il faut tenir compte de leur comportement.

Les informations élaborées sont les informations de veille stratégique qui ont été définitivement sélectionnées et qui ont donné lieu à des traitements (construction de «puzzles», par exemple). Le point de départ de cette opération est le lieu où sont stockées les informations élaborées, tandis que le point d'arrivée est le lieu (ou bien les lieux) où ces informations vont être utilisées par les responsables opérationnels. On distingue deux approches possibles pour diffuser les informations élaborées : l'approche par les «stocks», et celle par les «flux». Toutes deux ont des avantages et des inconvénients. Il faut donc choisir celle qui est la plus appropriée au cas considéré. L'organisation de la diffusion peut nécessiter une opération préalable : la carto-graphie des utilisateurs finals et de leurs besoins en informations de veille stratégique. L'animateur de la veille stratégique joue un grand rôle dans la diffusion des informations élaborées. Ce rôle peut être décisif pour le succès (ou bien l'échec, selon le cas) de la diffusion des informations élaborées. Outils et méthode - Les outils (matériels et logiciels) susceptibles de venir en appui de la diffusion sont sans cesse plus nombreux. Le choix peut être guidé par les théories de Daft et al. relatives à l'adaptation du support aux caractéristiques des informations à diffuser. Coût - Les coûts de la diffusion se répartissent en coûts d'investissement et en coûts de fonctionnement. Les coûts d'investissement ne sont pas les mêmes selon l'approche, par stock ou par flux, choisie. Ils sont plus élevés pour l'approche par les flux. Démarche : 8 - Animateur L'animateur de la veille stratégique est la personne qui est responsable du processus de veille stratégique et qui doit animer celui-ci. En effet, sans responsable officiel et clairement désigné, le processus de veille stratégique a toute chance de ne pas fonctionner longtemps, compte tenu de son caractère transversal. Selon le modèle d'organisation choisi par l'entreprise, l'animation de la veille stratégique peut être confiée à une personne unique, ou bien à plusieurs personnes. Ce dernier cas se présente lorsque le stockage des informations est réparti auprès d'experts différents. Profil - La mission d'animation du processus de veille stratégique est avant tout une mission relationnelle et de communication. Elle nécessite une personne extravertie motivée pour aller au-devant des utilisateurs finals et pour les motiver, le cas échéant. Mais cette personne doit également avoir des qualités d organisation et de rigueur. La maîtrise de certains outils peut aussi s avérer rapidement nécessaire.

Démarche : 9 - Contrôle de la qualité de la veille stratégique On appelle «contrôle de la veille stratégique» l'opération qui vise à mesurer ses résultats et à contrôler son bon fonctionnement. Ce contrôle se fait au moyen de critères et d'indicateurs qualitatifs et quantitatifs. Etant donné que nous définissons la veille stratégique comme un processus, les critères et les indicateurs portent sur deux choses : la qualité des résultats du processus et la qualité du fonctionnement du processus. Outils et méthode - Il existe un outil logiciel (au moins) pour contrôler rapidement la qualité de la veille stratégique. Cet outil, appelé Fennec, permet de réaliser des entretiens rapides avec les intervenants dans le processus de veille stratégique. Il fournit en temps réel les résultats visuels (voir figure ci-dessous), individuels et collectifs, de ces entretiens. Les résultats visuels peuvent être imprimés instantanément si on le désire. Formation - Fennec, bien qu'apparemment d'un usage très facile, nécessite une formation, pour être utilisé de façon experte. Mais, à son tour, il s'est révélé être un excellent outil pour sensibiliser les personnes à la veille stratégique, et ceci, spécialement dans les PME. Radiographie de l état des lieux : Modules Effort Prioritaire Doit Progresser satisfaisant Veille commerciale Veille concurrentielle Veille technologique Piste de progrès : Style de direction Formalisation Veille Source d information Transmission information Utilisation stratégique Motivation du personnel ( Exemple de diagnostic réalisé avec Fennec )

INTELLIGENCE ECONOMIQUE Il a été signalé, au début de ce document, l existence du concept d intelligence économique. Ce concept est distinct de celui de veille stratégique. Cependant ces deux concepts ne sont pas sans liens. Voici donc quelques précisions sur l intelligence économique. L expression «veille stratégique» est apparue la première en France et est issue des sciences de gestion et du management stratégique, c est-à-dire du monde des entreprises. C est un concept micro-économique. Il a été défini au début de ce document et développé tout au long des pages qui précèdent. Le concept «intelligence économique» a été largement diffusé à la suite des travaux d un groupe de travail du Commissariat général du Plan, groupe présidé par Henri Martre. L expression est donc issue du monde des dirigeants d entreprises du domaine de l armement et du côté des pouvoirs publics, soucieux d une vision globale à l échelon national. A cette occasion, le groupe de travail «Henri Martre» a voulu rappeler, comme nous l avons fait nous-même, que le mot «veille» a une connotation regrettablement passive. Issues de mondes différents, les deux expressions «veille stratégique» et «intelligence économique» ont des contenus qui varient selon les présentateurs, mais ces contenus sont appelés à évoluer rapidement, et à se compléter. Du moins est-ce notre opinion. Rappelons la définition de l expression «intelligence économique» publiée dans le rapport «Martre» : «L intelligence économique peut être définie comme l ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l information utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l entreprise, dans les meilleures conditions de qualité, de délai et de coût... La notion d intelligence économique implique l interaction entre tous les niveaux de l'activité : depuis la base (internes à l entreprise) en passant par des niveaux intermédiaires (interprofessionnels, locaux) jusqu aux niveaux nationaux, transnationaux (groupes multinationaux) ou internationaux (stratégies d influence des Etatsnations).» Dans l état actuel, les présentateurs du concept «intelligence économique» mettent en lumière deux aspects que nous n avons pas évoqués dans les pages précédentes, mais qui sont très importants. Nous les soulignons donc maintenant. 1 - D abord, les présentateurs de ce concept partent de la nécessité, pour l entreprise, de se protéger efficacement contre les agents extérieurs, et de protéger leur patrimoine informationnel. Celui-ci est en effet de plus en plus vital mais de plus en plus menacé de multiples façons, par des agents extérieurs. Les nouvelles technologies de l information et de la communication (Internet, par exemple) ne font d ailleurs que renforcer la nécessité de se protéger efficacement. 2 - Ensuite, les présentateurs du concept insistent sur la nécessité de sortir des frontières de l entreprise pour étendre le dispositif d intelligence économique à l échelon de la nation tout entière. En d autres termes ils soulignent la nécessité, pour les entreprises et les organismes publics, de faire corps de façon à se défendre efficacement contre les agents extérieurs à l échelon mondial. Ils font donc des suggestions qui devraient être reprises et mises en œuvre par les pouvoirs publics, notamment. Ainsi, selon ces auteurs, devrait-il se constituer un réseau national d intelligence économique liant les organismes publics et les entreprises. Pour ces auteurs, le point d entrée de l intelligence économique se situe du côté de l Etat.

Pour ce qui nous concerne, l ambition du présent document était d apporter une aide aux personnes désireuses d opérer à l échelon micro-économique des entreprises de toute taille et de tout secteur. L extension de l intelligence économique à l échelon national (par exemple) suppose des méthodes de travail qui n en sont encore qu à leurs prémices. Glossaire Anticipation : l anticipation d un événement (par exemple une opportunité ou bien une menace) résulte d une comparaison entre l horizon de temps auquel se réalisera l événement (par exemple la menace), et le délai nécessaire à l entreprise pour réagir à cet événement Cible : la cible de la veille stratégique désigne les domaines, les acteurs (clients, fournisseurs, concurrents, etc.) et les thèmes sur lesquels sont focalisés les efforts de collecte des informations. La cible résulte de l opération de ciblage de la veille stratégique. Diffusion : c est l opération qui consiste à faire parvenir une information à une personne susceptible d en avoir l usage. Fiabilité : la fiabilité d une information est en fait la fiabilité de la source à laquelle l information a été obtenue. Fraîcheur : la fraîcheur d une information indique en fait l âge de l information. Pratiquement il faut distinguer la date d émission originelle de l information, la date de publication de l information par la source utilisée, et la date à laquelle nous avons recueilli cette information. Il peut y avoir de grands écarts entre ces trois dates. Importance : il s agit de l importance de l événement anticipé au moyen d une information recueillie. Cette importance peut être appréciée au regard de l entreprise tout entière, ou bien d une division de celle-ci, ou bien encore d une activité de celle-ci, ou même d un individu. Information anticipative : c est une information qui permet d anticiper un événement ou bien une action d un acteur de l environnement. S agissant d un acteur de l environnement, les informations anticipatives sont de deux types : les informations de potentiels, qui nous renseignent sur les potentiels de l acteur, et les signaux d alerte précoce, qui nous renseignent sur l amorce d un événement. Information de potentiel : elle nous renseigne sur un potentiel, sur une capacité à agir d un acteur ciblé par la veille stratégique. Une information de potentiel est généralement descriptive, éventuellement chiffrée. Information stratégique : il faudrait plutôt dire «information à caractère stratégique». C est une information qui peut permettre à un responsable de prendre une décision d importance stratégique pour l entreprise. Le caractère stratégique de l information dépend de la capacité d un responsable à utiliser cette information. Intelligence économique : ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l information utile aux acteurs économiques. L intelligence économique implique l interaction entre tous les niveaux de l activité : depuis la base (internes à l entreprise) jusqu aux niveaux nationaux ou inter-nationaux. Pertinence : une information est pertinente lorsqu elle concerne un acteur et/ou un thème ciblé(s) par la veille stratégique. Signal faible ou signal d alerte précoce : c est une information qui nous donne à penser qu un événement va être déclenché ou bien vient d être amorcé. Un signal d alerte précoce est généralement un signal faible, de faible intensité et difficile à discerner. Il peut prendre des formes diverses (dont la rumeur, par exemple) et il est généralement ambigu.