LES NOUVEAUX TERRITOIRES DE L ISR : Quel sens pour les démarches ISR sur les produits de taux?



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LES NOUVEAUX TERRITOIRES DE L ISR : Quel sens pour les démarches ISR sur les produits de taux? Février 2007

Depuis le début des années 2000, en Europe Continentale, ont commencé à émerger les premières approches socialement responsables en matière de gestion de taux. A l origine de cette démarche, des investisseurs institutionnels déjà engagés dans l investissement ISR sur les marchés actions, qui souhaitent voir celui-ci s étendre vers les marchés obligataires : ceux-ci constituent une part importante de leurs encours. En effet, les réserves des investisseurs institutionnels en Europe Continentale et, de façon un peu moins marquée dans les pays anglo-saxons, sont en général investies très majoritairement sur le marché de la dette composé de produits de taux (obligataire et monétaire), dont le niveau de sécurité est supérieur à celui des placements en actions. Les premiers à avoir fait le pas sont certains investisseurs institutionnels suisses et belges. En France, l action du CIES (Comité Intersyndical de l Epargne Salariale) qui a œuvré pour la mise en place de gammes de produits financiers ISR, investis en actions mais aussi en obligataires et monétaires, a été un des facteurs incitant les sociétés de gestion, offrant des produits actions ISR, à créer des produits de taux ISR. En 2006, l ERAFP (Etablissement de la Retraite Additionnelle de la Fonction Publique), investi à plus de 80% en obligataire et souhaitant devenir un investisseur 100% ISR, a mis sur le devant de la scène la question de la construction d un ISR obligataire. Ces démarches soulèvent de nombreuses questions, notamment parce qu il ne s agit pas d une simple extension des approches construites progressivement par les pratiques d investissement socialement responsable centrées sur les actions. Celles-ci se sont développées en s articulant fortement autour de la dynamique de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Or, les entreprises sont loin d être les acteurs majeurs des marchés obligataires, dominés par les émetteurs souverains (Etats). Certains investisseurs institutionnels fortement engagés dans l ISR actions ne semblent pas encore persuadés de la valeur ajoutée en matière de développement durable qu ils pourraient apporter par le déploiement d une démarche ISR obligataire. Ils sont en partie gênés par la nature clairement politique d émetteurs comme les Etats et autres acteurs d obédience publique. D autres, à l instar de l ERAFP sont convaincus de cette valeur ajoutée concernant des émetteurs qui ont un impact majeur sur l avenir de nos sociétés et considèrent qu on peut les sélectionner selon son propre référentiel de valeurs. Avec quelle finalité, selon quelle philosophie ISR, peut-on aborder l introduction de critères extra-financiers dans la sélection des obligations d Etats (ou d autres émetteurs publics) dans un portefeuille? Quelles sont les méthodes mises en place par l offre ISR obligataire? La transposition des approches définies pour les entreprises est-elle pertinente? L ISR appliqué aux Etats ou à des acteurs publics ne soulève-t-il pas des questions de référentiel de valeur encore plus difficiles à trancher pour les investisseurs? Avant d évoquer ces questions essentielles et d analyser les réponses apportées par l offre ISR, il est nécessaire d observer précisément les caractéristiques de cette offre, à la fois pour ce qui concerne le type de fonds proposés et les méthodes utilisées. 2

L offre de produits ISR de taux en France Une offre de produits ISR de taux, comptabilisant une trentaine de fonds, s est mise en place progressivement depuis 3 ans en France à coté de l offre actions (78 fonds) ou à dominante actions (15 fonds). Il existe aussi une offre d une dizaine de fonds diversifiés avec une part obligataire majoritaire. Nombre de fonds par classes d'actifs 31/12/2006 Obligataires et monétaires 25% Solidaires 3% Fonds de fonds 2% Actions 50% Diversifiés 20% L offre ISR en matière de produits de taux, sans compter ici la part des fonds diversifiés, s est donc considérablement étoffée en France jusqu à atteindre plus de 30% de l ensemble des actifs ISR à la fin 2006 alors qu elle en représentait à peine plus de 15% à la fin 2003. La taille des encours est passée de 720 millions à 3,6 milliards 1. Répartition des encours par classes d'actifs 31/12/2006 Obligataires et monétaires 29% Solidaires 2% Fonds de fonds 1% Diversifiés 14% Actions 54% Les sociétés de gestion qui distribuent des produits ISR obligataires ou a dominantes obligataires ouverts sont AXA IM, BNP Paribas AM, Dexia AM, HSBC Investments, I.DE.AM, Interexpansion, La Banque Postale AM, Prado Epargne, Macif Gestion, Natexis AM et le groupe Sarasin. 1 Ces chiffres sont tirés de l Indicateur Novethic, bilan 2006. 3

Les marchés obligataires se caractérisent par une multiplicité des émetteurs présents sur ces marchés : - entreprises, - Etats, - municipalités et collectivités territoriales, - institutions financières supranationales, - institutions financières nationales publiques ou privées. Toutefois la dette des Etats en raison de son ancienneté, de sa taille, de sa liquidité, de son caractère peu risqué et de sa sensibilité aux taux d intérêts, possède un poids majeur sur ce marché. Les produits ISR de taux offerts sur le marché français peuvent être regroupés en quatre grands profils. I. Les produits monétaires Parmi les 32 produits de taux ISR, on recense 4 fonds monétaires. Lorsque les entreprises ont un besoin de trésorerie à court terme, elles empruntent sur les marchés monétaires. Cette dette peut prendre différentes formes : prêts et dépôts, accords de rachat, acceptations bancaires, billets de trésorerie, certificats de dépôts... La Banque de France est aussi présente sur ces marchés pour refinancer l économie et mettre en œuvre la politique monétaire. Dans tous les cas, la dette est généralement remboursable à court terme. En gestion monétaire pure, il s agit donc avant tout de valoriser les actifs à court terme. Part des fonds monétaires dans les fonds obligataires ISR (en nombre de fonds) 31/12/2006 Fonds monétaires 13% 87% Part des fonds monétaires dans les fonds obligataires ISR (en termes d'encours) 31/12/2006 Fonds monétaires 12% 88% Les fonds monétaires représentent 425 millions d euros. 4

Ces fonds, s inscrivant dans une logique de gestion monétaire pure et valorisant des actifs à court terme, certains professionnels de la gestion ISR considèrent que cela s intègre difficilement dans la philosophie défendue par l ISR qui, par définition, cherche à promouvoir une vision de moyen/long terme. Dès lors les critères extra-financiers destinés à capter des tendances sur le moyen/long terme apporteraient peu de valeur ajoutée à ce type de gestion monétaire. En revanche, d autres professionnels mettent en avant le fait que, même s il s agit de produits de court terme, le produit peut-être considéré ISR dès lors que les émetteurs de cette dette de court terme sont analysés d un point de vue extrafinancier. S il s agit d émetteurs «entreprises», ils estiment que leur apporter les financements de court terme leur permet de se développer sur le long terme. Créer des OPCVM monétaire ISR reviendrait ainsi à allouer des ressources à court terme aux besoins du financement des entreprises. Le débat sur les produits monétaires ISR n ayant pas encore permis l atteinte d un consensus en la matière, nous préférons aujourd hui considérer que cette classe de produit de taux reste à valider en tant que démarche ISR. II. Les produits obligataires «entreprises» Les produits obligataires «entreprises» sont investis en intégralité dans des obligations, en général de moyen terme, émises par des entreprises. I.DE.A.M, Dexia AM ou encore Natexis AM proposent ce type de produits qui, en raison du type d émetteur concerné, sont les plus proches des fonds ISR actions. Ils sont toutefois peu nombreux (cinq fonds recensés). La philosophie d investissement «best in class» adoptée majoritairement sur les produits actions ISR en France est revendiquée. Part des fonds obligataires "entreprise" dans les fonds obligataires ISR (en nombre de fonds) 31/12/2006 Fonds obligataires "entreprise" 16% 84% Part des fonds obligataires "entreprise" dans les fonds obligataires ISR (en termes d'encours) 31/12/2006 Fonds obligataires "entreprise" 9% 91% Les fonds obligataires «entreprises» représentent 335 millions d euros 5

III. Les produits obligataires «développement» Historiquement le fonds Nord Sud Développement d Ixis AM a été le premier fonds ISR obligataire distribué sur le marché français au milieu des années quatre-vingt. Ce type de produit possède une philosophie d investissement marquée : la promotion des économies des pays en voie de développement et la réduction des inégalités Nord-Sud. L investissement va donc se porter de façon majoritaire sur des institutions internationales ou locales dont le mandat est de promouvoir le développement économique de ces pays. Une part des encours va, de plus, être consacrée à l investissement dans des institutions de microcrédit. On recense aujourd hui deux produits de ce type sur le marché : Nord Sud Développement d Ixis AM et World Development Debt d Axa IM. Part des fonds obligataires "développement" dans les fonds obligataires ISR (en nombre de fonds) 31/12/2006 Fonds obligataires "développement" 6% 94% Parts des fonds obligataires "développement" dans les fonds obligataires ISR (en termes d'encours) 31/12/2006 Fonds obligataires "développement" 3% 97% Les fonds obligataires «développement» représentent 99 millions d euros 6

IV. Les produits obligataires «mixtes» C est la catégorie de produits que l on recense majoritairement en matière de fonds ISR obligataires. Nous en avons comptabilisé une vingtaine. Part des fonds obligataires "mixtes" dans les fonds obligataires ISR (en nombre de fonds) 31/12/2006 34% Fonds obligataires "mixtes" 66% Parts des fonds obligataires mixtes dans les fonds obligataires ISR (en termes d'encours) 31/12/2006 24% Fonds Obigataires "mixtes" 76% Les fonds obligataires mixtes représentent 2.770 milliards d euros. Il s agit de produits obligataires investis dans 4 grands types d émetteurs : Etats, entreprises, collectivités territoriales et institutions financières supranationales et locales. Généralement ils sont investis en majorité (entre 50 et 75%) sur de la dette des Etats de la zone OCDE, avec souvent une priorité pour la dette Etat émise dans le pays de domiciliation de la société de gestion. La dette des entreprises dans ces produits est souvent en deuxième position (autour de 30%) alors que la dette des organisations supranationales et des collectivités territoriales représente autour de 10% de la composition totale du portefeuille. Il est difficile d identifier une philosophie d investissement qui serait commune à l ensemble de ces produits. 7

Les méthodologies d évaluation extra-financière obligataire La mise en place d une offre d ISR obligataire conduit au déploiement d un nouvel effort de recherche et développement en réponse à la demande d investisseurs institutionnels intéressés par les actifs d autres émetteurs que les entreprises, et en premier lieu les émetteurs Etats. Même si ces analyses sont à peine en voie de stabilisation pour les entreprises cotées en Bourse, on retrouve ici en général une tentative d adapter les approches mises en œuvre dans l ISR sélectionnant les actions des entreprises sur critères ESG (environnement, social et gouvernement d entreprises). Cette mise en place d une analyse extra-financière sur les émetteurs obligataires relève à la fois des sociétés de gestion, mais aussi de façon marquée des agences d analyse sociétale. Des investisseurs institutionnels comme l ERAFP en France sont aussi très actifs sur cette question de la mise en place de méthodologie d évaluation ESG sur les émetteurs de dette. Avant d aborder les questions posées par ces approches, le constat sur les pratiques observées est présenté ici pour chaque type d émetteur. I. Les émetteurs «entreprises» : utiliser les acquis C est le type d émetteur qui présente aujourd hui le moins de difficulté à évaluer car il est possible d utiliser les cadres d analyses déjà établis par les sociétés de gestion et les agences de notation sociétale sur les entreprises cotées. L enjeu principal pour les sociétés de gestion est donc de pousser les agences avec lesquelles elles travaillent ou leurs propres équipes à procéder au travail d évaluation d entreprises qui ne sont pas présentes sur les marchés actions, comme c est le cas pour certains grands groupes publics français. II. Les émetteurs «institutions financières supranationales et nationales» : accéder à l information Le plus souvent réalisée en interne par la société de gestion, l évaluation est effectuée au cas par cas. Il s agit d évaluer non seulement la qualité RSE ou développement durable de la structure en elle-même mais aussi de l impact social et environnemental des projets financés par cette structure. Le groupe Sarasin propose par exemple un modèle d évaluation en deux volets pour déterminer la responsabilité des institutions financières publiques en mesurant à la fois la responsabilité de ces institutions dans la mise en œuvre de leur mission et la compatibilité de cette mission avec les critères sociaux et environnementaux. Selon l agence Oekom 2, il existe de réelles difficultés pour obtenir des informations de qualité sur ces émetteurs. Les institutions financières n étant pas cotées sur les marchés boursiers, le degré de transparence des données pertinentes reste faible. 2 Conclusion d un groupe de travail ayant eu lieu le 2 juin 2006 à Stockholm organisé par la fondation Mistra sur l ISR obligataire. 8

Cette agence réalise toutefois un travail de plus en plus systématique sur ce type d émetteurs en utilisant la grille des principes d Equateur 3. III. Les émetteurs «villes et collectivités territoriales» : construire les données Le plus souvent réalisée en interne par la société de gestion, l évaluation est effectuée au cas par cas. Certaines sociétés de gestion déclarent utiliser pour les collectivités territoriales françaises la base de données mises en place par l Agenda 21 4. Dans cette dernière, les collectivités signataires ont la possibilité de renseigner un certain nombre d informations sur leurs pratiques en matière de développement durable. Néanmoins, cet outil n a pas vocation à aboutir à une notation et un classement. D autres sociétés de gestion estiment que l évaluation de l Etat vaut pour les collectivités territoriales de son territoire, ce qui constitue un raccourci limitant fortement la pertinence d une telle approche. Certaines agences d analyse sociétale ont mis en place des services de notation sollicitée auprès des collectivités territoriales, pour évaluer leurs pratiques en matière de développement durable, comme BMJ Ratings ou Vigeo. Mais ce service ne s adresse pas aujourd hui aux investisseurs qui souhaiteraient une notation fondée sur une méthodologie d évaluation de l ensemble des municipalités et autres collectivités territoriales émettant de la dette en Europe par exemple. Toutefois Vigeo développe actuellement un service de notation des collectivités territoriales pour le compte de l ERAFP. IV. Les émetteurs «Etats» : créer un référentiel légitime et partagé? Les Etats sont aujourd hui l enjeu majeur du développement d une analyse obligataire extra-financière, car ils représentent les supports de dette sur lesquels vont être investis majoritairement les fonds ISR obligataires commercialisés. A la différence d autres émetteurs, la question n est ici pas tant l accès à l information que son organisation. Il existe aujourd hui un nombre important de données ESG sur les Etats produites par les pouvoirs publics, les organisations européennes et internationales ou encore les Organisations Non Gouvernementales (ONG). L enjeu porte donc davantage sur la manière d organiser cette information pour permettre aux gérants de fonds d évaluer les Etats selon la philosophie d investissement affichée par les produits, à condition bien sûr que celle-ci existe La question est aussi de savoir si l Etat doit être évalué en tant qu entité géographique (sur la base des caractéristiques environnementales ou sociales du pays), ou en tant qu institution politique (sur la base des politiques environnementales ou sociales réalisées) ou encore en tant qu organisation (sur la base de l impact environnemental de son fonctionnement ou de ses caractéristiques sociales en tant qu employeur). On observe cinq grands types d approches dans les pratiques en développement de l analyse extra-financière des Etats. 3 Principes selon lesquels les banques signataires s engagent à prendre en compte un certain nombre de critères d'évaluation sociaux et environnementaux dans le choix des projets financés. 4 Programme d action mondial pour le 21ème siècle comprenant un ensemble de recommandations pour favoriser le développement durable. 9

Le recours au référentiel d une agence d analyse sociétale Si, en début 2007, la plupart des structures les plus actives sur les marchés de l ISR en France commencent à s emparer de la question, c est une agence allemande Oekom qui offre actuellement l outil le plus abouti. En s appuyant sur des sources d ONG d organisations internationales et des pouvoirs publics, Oekom utilise 150 indicateurs pour 6 grands domaines d évaluation : institutions et politiques sur les aspects sociaux, conditions humaines et sociales, infrastructures sociales, institutions et politiques sur les aspects environnementaux, systèmes environnementaux et stress environnementaux. L objectif est, dès lors, de fournir la photographie la plus fidèle de la situation sociale et environnementale du pays. Pour la notation sociale, le modèle se fonde sur la méthodologie des sept libertés définies par le PNUE : liberté de travailler sans être exploité, liberté de vivre sans souffrir de discrimination, liberté de vivre sans souffrir de la peur, liberté de participer à la prise de décision, liberté de vivre à l abri du besoin, liberté de développer et de réaliser ses potentialités, liberté de vivre sans souffrir d injustice et de violation de la légalité. La notation environnementale est fondée, quant à elle, sur la mesure des impacts environnementaux des activités humaines dans le pays, sur l état de l environnement et des ressources naturelles, ainsi que sur la capacité institutionnelle et politique de l Etat sur les questions environnementales. Les sociétés de gestion présentes sur le marché français ont finalement encore peu recours aux services des agences d analyse sociétale pour l analyse extra-financière obligataire. Aujourd hui à notre connaissance, seules BNP Paribas AM avec Oekom et Dexia AM, qui utilise un système de veille sur la ratification des grandes conventions internationales mis en place par Stock at Stake, sont dans ce cas de figure. Si la question du coût supplémentaire de cette analyse peut se poser, il semble que les sociétés de gestion ont fait le choix d internaliser cette évaluation car l offre présente ne correspondait pas jusqu ici entièrement à leurs attentes. Les sociétés de gestion ont dès lors, dans leur majorité, choisi de créer leur propre diagnostic ESG des Etats. La création d un référentiel propre à la société de gestion Certaines sociétés de gestion tentent de créer leur propre grille de classement socialement responsable ou durable en utilisant une batterie oscillant entre dix et cinquante indicateurs tirés de bases de données gratuites comme Eurostat ou la Banque Mondiale. HSBC AM a fait le choix par exemple de construire son référentiel en puisant dans les «World Development Indicators» de la Banque Mondiale. Parmi les 630 indicateurs ayant trait aux 18 domaines suivants : santé, démographie, emploi, éducation, émissions de CO2 et de polluants, corruption, transports et communications, information et technologie, aide au développement, pauvreté et répartition des richesses, utilisation du sol et production agricole, production et utilisation d énergie, urbanisation, utilisation du budget, finances gouvernementales, évolution des prix, armement, main d œuvre et population étrangère, HSBC AM a fait le choix de 47 indicateurs qui ont été définis comme non controversés et présentant un taux de renseignement de plus de 80% sur les pays de l univers d investissement. Ces 47 indicateurs resserrent l évaluation sur les 9 domaines suivants : santé, démographie, emploi, éducation, émissions de CO2 et de polluants, corruption, transports et communications, information et technologie, aide au développement. De son côté, Natexis AM utilise 14 indicateurs tirés de la base Eurostat : le PIB par habitant, le nombre d années de croissance positive du PIB par habitant sur les trois dernières années, le pourcentage du PIB attribué à la Recherche et au Développement, le taux de chômage, le taux de chômage de longue durée, le taux d échec scolaire, l espérance de vie, le taux de fertilité, la dette publique brute, le pourcentage du PIB pour la santé, les émissions de gaz à effet de serre, l intensité CO2, le pourcentage 10

d énergies renouvelables, l aide publique au développement. Il s agit de mesurer le niveau de développement durable des pays de l univers d investissement. Ces deux exemples illustrent comment chaque société de gestion peut parvenir à produire son propre référentiel ESG sur ces émetteurs souverains. Ces démarches posent, cependant, la question de la légitimité d une approche interne et de la pertinence des critères choisis pour construire ces référentiels. En effet, la disponibilité d un critère et son aspect consensuel sont-ils des éléments suffisants pour justifier l utilisation d un critère par rapport à un autre? L appui sur la légitimité des conventions internationales Pour tenter de résoudre la question de la légitimité de la création de référentiels construits par des acteurs qui n ont pas a priori vocation à affirmer une position politique sur les pratiques ESG des Etats, certains classements internes aux sociétés de gestion recherchent un référentiel opposable fondé sur une légitimité internationale. Est alors mesuré le taux de ratification des grandes conventions internationales ayant trait au respect des droits de l homme et de l environnement. C est le cas du fonds Euroblig Expansion d Interexpansion. Le recours aux indices des ONG ou des organisations internationales Poursuivant le même objectif, certaines sociétés de gestion recherchent des indicateurs produits par des ONG ou des organisations internationales publiques pouvant apparaître comme un référentiel légitime et reconnu, extérieur à la société de gestion et à ce titre crédible pour les investisseurs. Ces approches permettent aussi de procéder à un classement simple des Etats. La pratique observée consiste à choisir deux ou trois classements comme l indice Transparency International sur la corruption, l indice de développement humain (IDH), l indice Freedom House sur la liberté dans les pays ou encore certains indices environnementaux (Environmental Sustainabilty Index), pour obtenir un classement général. C est le cas de la démarche entreprise par Macif Gestion sur Macif Obligation Europe. Le choix d un référentiel militant Une démarche d analyse ESG peut aussi s adosser à une thématique spécifique portée par une association. Le fonds Libertés et Solidarité commercialisé par la Banque Postale AM en partenariat avec la FIDH (Fédération Internationale des Droits de l Homme) en est un bon exemple. La FIDH utilise ses propres sources et celles des grandes institutions internationales pour classer les Etats en fonction de leur respect de la question des droits de l homme. La méthode d évaluation prend sens car elle se fonde sur une thématique unique et une position politique affirmée. La construction d un référentiel selon les valeurs d un institutionnel Avec l aide de l expertise de Vigeo et Oekom, l ERAFP est en train de créer un référentiel d analyse ESG qui correspond à une vision spécifique des Etats, notamment en tant qu Etats employeurs. Construit par le débat entre les administrateurs, ce référentiel porte sur les différents domaines de valeurs de l ERAFP défini dans sa charte ISR : Etats de droit et droits de l homme, Progrès social, Démocratie sociale, Environnement, Bonne gouvernance et transparence. Les critères utilisés pour renseigner ces domaines sont certes similaires à ceux des référentiels que nous avons pu observer, mais ils correspondent à l engagement d un acteur qui exprime sa propre vision politique en la matière. 11

Exclure, distinguer, aider : quelle philosophie d investissement pour les produits ISR obligataires La philosophie dominante de l ISR actions en France est celle d une approche positive consistant à distinguer les entreprises qui sont les plus exemplaires en matière de critères ESG sans regard pour leur secteur d activité. Les investisseurs français légitiment en général ce choix par les deux arguments suivants : - Choisir les meilleures, c est faire le pari d une performance durable car l hypothèse est faite que la prise en compte des critères ESG par les entreprises devraient au moins à moyen ou long terme avoir un impact positif sur leurs performances financières, et donc par conséquent sur la performance des fonds ISR. - Choisir les meilleures, c est aussi faire la promotion de ces nouvelles exigences sociétales auprès d entreprises aujourd hui soucieuses de protéger leurs réputations et donc les pousser au changement. Les approches d exclusion très répandues (par secteur d activités/sur des pratiques condamnables) aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, dont la finalité est d avoir un portefeuille répondant à des valeurs éthiques, sont très minoritaires en France. C est aussi le cas des approches consistant à promouvoir directement des secteurs d activité en prise avec les enjeux concrets du développement durable (environnement, équité sociale). Nous allons voir ici si les différents types de produits obligataires observés se caractérisent comme les produits ISR actions par cette logique de la distinction positive ou, au contraire, compte tenu notamment de la spécificité de la gestion de taux proposent des approches sensiblement différentes. I. Les obligations d entreprises : transposer la logique de l ISR «actions»? En France, les philosophies d investissements ISR sur les actions d entreprises cotées visent principalement la recherche des meilleures d entre elles en matière de développement durable. Cette recherche des «meilleures de la classe» peut se jouer avec ou sans jugement sur le secteur concerné. Certaines philosophies d investissement vont se caractériser par le refus d investir dans certains secteurs comme le tabac, l énergie nucléaire, ou le pétrole, alors que d autres vont privilégier l investissement sur des secteurs identifiés comme moteur dans la croissance du développement durable (le secteur des énergies renouvelables par exemple). Dans le cas de la gestion obligataire, la majorité des sociétés de gestion déclarent utiliser l analyse extra-financière sur les entreprises comme elles le font en matière de gestion actions ISR. Elles vont déterminer un univers d investissement ISR, à l intérieur duquel les critères de l analyse crédit vont déterminer le portefeuille final du fonds. Certains gérants font cependant remarquer qu en raison de l étroitesse du marché de l obligataire entreprise, il s agit, en pratique le plus souvent, d une approche simultanée. Il faut trouver sur le marché une émission obligataire qui réponde à la fois aux exigences financière et extra-financière de la société de gestion. 12

En raison des spécificités du marché obligataire «entreprises», certaines sociétés de gestion vont utiliser l analyse extra-financière comme filtre final de décision, dans une logique de valeur ajoutée par rapport aux éléments fournis par l analyse crédit. La philosophie est alors moins de choisir les meilleures valeurs au niveau développement durable (pari de la sur-performance sur le long terme des entreprises respectueuses du développement durable) que de refuser les valeurs les plus mal notées, donc les plus risquées en matière ESG. II. Les institutions financières supranationales et nationales : développement durable par nature? L investissement dans ce type d entité est minoritaire. Les éléments d analyse s ils existent sont donc intégrés dans les processus de gestion au cas par cas, c'est-à-dire quand l opportunité d investir dans ce type de dette se présente. Certaines sociétés de gestion comme Ixis AM ou BNP Paribas AM soulignent que le fait même d investir dans ce type d organisation est un gage d implication dans le développement durable. BNP PAM par exemple a choisi d augmenter la part du fonds BNP OBli Etheis consacrée à ces émetteurs par rapport à son indice de référence. Ixis AM avec Nord Sud Développement concentre essentiellement ses investissements sur ce type de structures. Dans ce dernier fonds, investir de façon préférentielle dans ces institutions, de même que dans des institutions de microcrédit, répond à la philosophie d investissement qui consiste à contribuer à la réduction des inégalités Nord Sud. Investir sur cette classe d émetteurs pourrait donc être assimilé a une philosophie d investissement ISR à part entière. Toutefois, s il semble évident que des structures telles que la Banque Mondiale, la BEI ou la BERD ont été constituées pour œuvrer au développement des pays, l élaboration d une analyse extra-financière structurée donnerait davantage de fondement à l ISR obligataire les concernant, ce type d institution faisant aussi l objet de critiques de la part de la société civile et des ONG selon les projets qu elles financent et les exigences environnementales et sociales qu elles se donnent. III. Les émetteurs municipalités et collectivités territoriales : se concentrer sur les projets que doit financer la dette? L investissement dans ce type de dette reste minoritaire. Les éléments d analyse s ils existent sont donc intégrés dans les processus de gestion au cas par cas c'est-à-dire quand l opportunité d investir dans ce type de dette se présente. Quelle est la philosophie ISR le plus souvent implicite qui conduit aux méthodes de sélection utilisées? Essentiellement la cohérence avec l approche ISR retenue par ailleurs dans le fonds dont elles sont une des composantes. Un certain nombre de sociétés de gestion vont considérer, dès lors, que si l Etat où la collectivité territoriale se trouve localisée fait partie de l univers d investissement, elles peuvent acheter de cette dette. Ce raccourci semble cependant peu satisfaisant. D autres, encore très peu nombreuses, commencent à tenter de collecter des éléments sur l engagement en matière sociale et environnementale de ces émetteurs. Par ailleurs, certaines réflexions s orientent vers une philosophie d investissement développement durable visant l évaluation des impacts sociaux et environnementaux des projets financés par les dettes qu émettent les collectivités. 13

IV. Les émetteurs Etats : exclure ou pondérer, avec quelle finalité? A la différence de l ISR «actions» tel qu il a pu se développer en France, l approche n est pas celle d une recherche de performance et de diminution du risque par la prise en compte de facteurs ESG pertinents. Elle est d abord celle de la cohérence du portefeuille avec les valeurs de l investisseur. Or, la gestion obligataire en titres d Etats porte généralement sur des univers d investissement restreints : pays de la zone euro ou pays développés de la zone OCDE, avec un risque crédit très faible. Quel que soit son degré de sophistication, l analyse extra-financière réalisée sur ces Etats aboutit généralement à un classement. La majorité des sociétés de gestion font le choix d exclure les Etats n obtenant pas un certain seuil de notation calculé en fonction du référentiel d indicateurs mis en place au préalable. En termes de philosophie d investissement ISR, ce choix consiste donc à postuler que certains Etats ne peuvent pas entrer dans l univers d investissement, ce qui prête à discussion dans le cas d un univers limité à la zone Euro. En outre, même s il paraît a priori drastique, ce choix se révèle peu contraignant en termes de gestion financière, car il met de côté en général les Etats les moins avancés économiquement et dont la dette n est pas centrale pour l investisseur. Ce choix est porteur de plus de conséquence sur un univers d investissement extra-européen, car il peut conduire à exclure la dette américaine, notamment en raison de la question de non ratification de certaines conventions internationales (question de l abolition de la peine de mort, Protocole de Kyoto ). On constate néanmoins que les fonds obligataires ISR sont en général investis dans un nombre réduit d émetteurs pays et massivement dans la dette de leur pays d origine. La méthode n implique donc en rien que les meilleurs du classement, en général les pays scandinaves soient présents dans le portefeuille final Une approche, plus rare consiste à procéder à des sur et sous pondérations selon leur indice de référence, en favorisant les Etats bien notés sur ceux moins bien notés. Ce choix est moins contraignant sur le plan financier car il enlève le risque de se priver de la dette d un état difficilement contournable, comme le pays d origine ou un des grands pays développés. Ces approches s appuient aussi sur l idée qu il est difficile, dans un univers de pays développés, de légitimer l exclusion de tel ou tel pays, par exemple l Espagne par rapport à la France, et qu il est au final plus pertinent d adopter une approche nuancée donnant une prime aux émetteurs les mieux notés. Cette approche nécessite toutefois pour avoir une pertinence réelle de disposer d une diversification large de l univers d investissement pays. Qu il s agisse d exclure les états les plus mal classés ou de privilégier les meilleurs élèves en matière de développement durable, des questions se posent sur la pertinence de l application de cette philosophie d investissement ISR à l univers des grands pays développés. Ainsi, la question de l universalité des critères retenus se pose de manière encore plus accrue pour les Etats que pour les entreprises, en raison de leur nature éminemment politique. Comment traiter par exemple la question du recours à l énergie nucléaire ou encore celle de la liberté religieuse pour des pays qui ont chacun des traditions historiques en la matière? Reste la question de l objectif visé par ces portefeuilles excluant tel ou tel Etat. Certains investisseurs estiment que si le mouvement prend de l ampleur, cela pourrait avoir une influence sur les politiques sociales et environnementales des Etats. 14

Même si aujourd hui les conséquences financières sont encore plus marginales que pour les entreprises, on peut aussi ajouter, de manière plus pragmatique, que l existence même de ces produits ISR obligataires a le mérite d initier une réflexion sociale et environnementale dans la façon d appréhender les émetteurs Etats. Favoriser les Etats développés plus respectueux des critères ESG ou contribuer au financement des Etats les plus pauvres, qui doivent progresser? Une philosophie d investissement ISR en matière d obligataire souverain ne devrait-elle pas aussi favoriser la dette des pays émergents, en développement, voire en sous développement, même si leur notation crédit n est pas similaire à celle des pays développés? Même si la majeure partie de l ISR obligataire porte aujourd hui sur les pays développés et très minoritairement sur les pays en voie de développement, la question d une analyse différenciée entre les pays développés et les pays en voie de développement est un sujet de débat. En effet, quelle que soit la méthode d évaluation utilisée, on constate généralement que les pays économiquement les plus avancés arrivent en tête des classements ESG et les plus pauvres en dernière position. Ce constat est certes objectif, mais pose problème pour une approche de développement durable dont l objectif est le développement économique, social et environnemental de l ensemble de la planète. Aujourd hui l agence Eiris tente d aborder frontalement cette question de la différenciation de l analyse ESG selon le niveau économique des pays. L outil d analyse qu elle propose permet de pondérer les classements absolus des Etats par le revenu par habitant, conduisant à un classement sensiblement différent. HSBC AM utilise les critères de la Banque Mondiale pour les pays industrialisés, alors qu est ajoutée l atteinte des objectifs du millénaire «Millenium Development Goals» pour les pays en voie de développement Sarasin AM a produit, en juin 2005, une note de synthèse «Emerging Country Sovereign Bond : a Sustainable investment?». Celle-ci affirme que la méthode en place sur les pays développés peut être appliquée sur les pays en voie de développement si sont intégrés des critères sociaux supplémentaires comme l accès à la sécurité, à la communication et à l éducation. De plus, l auteur rappelle que si les notes obtenues par les pays en voie de développement sont considérablement moins élevées que celle des pays développés, ces éléments d analyse peuvent permettre de distinguer parmi ces pays ceux qui réalisent de véritables efforts en matière sociale et environnementale. 15

Sur Novethic Filiale de la Caisse des Dépôts, Novethic est un centre de recherche, d'information et d'expertise sur l'investissement socialement responsable et la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Son site www.novethic.fr est une source d information de référence pour les acteurs de l économie responsable. 278, bd St Germain 75007 Paris 01.58.50.98.14 www.novethic.fr Rédaction : Contributions : Stéphanie Giamporcaro ; Jean-Pierre Sicard Shyrine Cassam Contact presse : garance.bertrand@novethic.fr- +33 (0)1.58.50.98.23 Cette étude est disponible en anglais sur Novethic.com. Cliquez ici pour la consulter : http://www.novethic.com/novethic/v3_uk/upload/the_new_frontiers_of_sri_mapping_viable_approach.pdf 16