REPUBLIQUE DE COTE D IVOIRE ----------------- COUR D APPEL D ABIDJAN ----------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN ------------------- RG 3892/2014 ------------- JUGEMENT CONTRADICTOIRE DU 27 FEVRIER 2015 -------------- LA SOCIETE GENERALE d ELECTRICITE de LUX dite SOGELUX MAITRE FRANCK TABA C/ LA BANQUE de l HABITAT de COTE d IVOIRE dite BHCI LA SCPA KONE-N GUESSANkigelman DECISION CONTRADICTOIRE Reçoit la société GENRALE d ELECTRICITE de LUX dite SOGELUX en son opposition ; L y dit mal fondée ; Dit la BANQUE de l HABITAT de COTE d IVOIRE dite BHCI bien fondée en sa demande en recouvrement ; Condamne la société GENRALE d ELECTRICITE de LUX dite SOGELUX à lui payer la somme de 14.750.000 FCFA au titre de sa créance ; Condamne la société SOGELUX aux entiers dépens de l instance. AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 27 FEVRIER 2015 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du vendredi vingt-sept février deux mil quinze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Madame TOURE AMINATA épouse TOURE, Président du Tribunal ; Messieurs YEO DOTE, OUATTARA LASSINA, DAGO ISIDORE, AKA GNOUMON, Assesseurs ; Avec l assistance de Maître KODJANE MARIE-LAURE épouse NANOU, Greffier assermenté ; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : La SOCIETE GENRALE d ELECTRICITE de LUX dite SOGELUX, vente de matériels d électricité générale, au capital de 5.000.000 FCFA dont le siège social est situé à Abidjan Treichville Zone 2 Boulevard de Marseille, face à la BIAO-CI, 18 BP 1686 Abidjan 18, téléphone : (225) 21 34 99 99/ 21 34 66 66, fax : (225) 21 34 88 88, cellulaire : 09 20 02 00, régime réel normal Direction des impôts de Treichville,- CC 0314246 N-R.C 285818 www.sogelux.net; hassan@sogelux.net, agissant aux poursuites et diligences de son gérant, monsieur GHANDOUR HASSAN, demeurant en cette qualité audit siège social ; Ayant pour conseil maître FRANCK TABA avocat près la Cour d appel d Abidjan, y demeurant Cocody Avenue Booker Washington, angle Banque Mondiale Hôtel Ivoire, résidence Gaumont au 1 er étage, porte A3, (225) 07 63 87 60/ 07 67 73 25 ; D une part ; Et La BANQUE de l HABITAT de COTE d IVOIRE dite BHCI, société anonyme avec conseil d administration au capital de 6.776.000.000 FCFA, dont le siège social est à Abidjan Plateau, 22 avenue Joseph Anoma, 01 BP 2325 Abidjan 01, téléphone : 20 22 60 00, immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier d Abidjan sous le numéro CI-ABJ-1993-B-169236, prise en la personne de son Directeur Général monsieur DOGONI Souleymane, demeurant en cette qualité au siège social de ladite société ; Ayant pour conseil la SCPA KONE-N GUESSAN-
KIGNELMAN, avocats près la Cour d appel d Abidjan ; Défenderesse comparaissant et concluant par son conseil; Enrôlée le 7 janvier 2015, l affaire a été appelée à l audience du 9 janvier 2015; Le Tribunal ayant constaté l échec de la tentative de conciliation, ordonnait une instruction et renvoyait l affaire au 13 février 2015 ; Advenue cette date, la cause étant en état d être jugée, elle a été mise en délibéré pour jugement être rendu le 27 février 2015, date à laquelle le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit : LE TRIBUNAL Vu les pièces du dossier ; Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Par exploit d huissier en date du 18 décembre 2014, la société GENRALE d ELECTRICITE de LUX dite SOGELUX a déclaré former opposition à l ordonnance d injonction de payer N 4577/2014 du 14 novembre 2014 rendue par la juridiction présidentielle du Tribunal de Commerce d Abidjan, la condamnant à payer à la BANQUE de l HABITAT de COTE d IVOIRE dite BHCI la somme de 14.750.000 FCFA en principal et qui lui a été signifiée le 5 décembre 2014 ; Au soutien de son action, la société SOGELUX expose que si l acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution ouvre la possibilité de saisir le juge de l injonction de payer en cas de retour d impayé d une lettre de change, encore faut-il que celle-ci soit exigible, puisque les critères de liquidité, de certitude et d exigibilité prescrits par la loi en vigueur en pareille matière sont cumulatives ; Elle explique que dans le cas d espèce, la lettre de change créée le 3 septembre 2013 est certes revenue impayée à l échéance du 5 décembre 2013, mais elle n a été protestée que le 6 octobre 2014, soit près d un an après le défaut de paiement, au lieu des deux jours ouvrables imposés par la loi à peine de déchéance ; Ainsi et en application des articles 186 alinéa 4, 196 alinéa 1 et
2 et 244 du règlement UEMOA N 15/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002, la BHCI est déchue de son recours contre elle ; En outre, à l échéance de l effet en cause, elle disposait d un solde largement créditeur de 100.000.000 FCFA ; Elle ajoute que les biens, services et marchandises objets du rapport fondamental entre la société SOGELUX et l entreprise YASMISE production services, bénéficiaire de la lettre de change n ont à aucun moment été livrés, de sorte que le rapport fondamental est inexistant ; Elle ajoute que la loi prescrit de faire la provision à l échéance et non avant l échéance ; Un créancier déchu de son recours retire à sa créance son caractère d exigibilité ; Si la BHCI se place sur le terrain commercial, elle interviendrait en qualité de cessionnaire de la prétendue créance de sa cliente la société YASMISE production services ; Or, dans ce cas, la preuve de la livraison des marchandises doit être faite, ce qui est impossible ; La créance n est donc pas certaine ; Un commerçant déchu de son recours cambiaire ne peut plus actionner quiconque en vertu de la lettre de change, d où il suit qu il peut lui être opposé les exceptions grevant la créance ; En réplique, la BHCI fait valoir que la société SOGELUX a commandé des travaux auprès de monsieur OUATTARA ABDRAMANE, entrepreneur individuel exerçant sous la dénomination commercial de «YASMINE PRODUCTION ET SERVICE» ; En paiement de ces travaux, la société SOGELUX a tiré une lettre de change d un montant de 14.750.000 FCFA sur un compte domicilié à Bridge Bank Group CI à l ordre de «YASMINE PRODUCTION ET SERVICE» dont l échéance était fixée au 5 décembre 2013 ; Cette lettre de change a été remise à l escompte par YASMINE PRODUCTION ET SERVICE cliente de la BHCI, à cette banque ; Cependant, à l échéance, la traite est revenue impayée, de sorte que la BHCI a dressé protêt le 25 septembre 2014 et a notifié ce protêt à la société SOGELUX par exploit du 6 octobre 2014 ; La BHCI précise qu elle a également sollicité et obtenu du Président du Tribunal de Commerce d Abidjan, l ordonnance d injonction de payer N 4577/2014 du 14 novembre 2014 enjoignant à la société SOGELUX de lui payer la somme de 14.750.000 FCFA représentant le montant de la traite revenue impayée ; Elle fait noter qu en application de l article 196 du règlement
UEMOA dont se prévaut la société SOGELUX, la déchéance n a lieu à l égard du tireur que s il justifie qu il a fait provision à l échéance ; Elle précise que les banques affectent généralement les écritures de débit et de crédit en dates de valeur ; selon cette pratique, les écritures sont prises en compte non pas à la date à laquelle elles sont effectuées, mais à la date dite «de valeur» qui est postérieure pour les opérations de crédit et antérieure pour les opérations de débit ; C est pour cette raison que sur le relevé de compte de la société SOGELUX, il est indiqué comme date de valeur de la remise du chèque de 100.000.000 FCFA, le 5 décembre 2013, même si ledit chèque a été déposé le 4 décembre 2013 puisqu il s agit d une opération de crédit ; Par contre, pour la lettre de change tirée au profit de YASMINE PRODUCTION ET SERVICE qui est une opération de débit, il est indiqué comme date de valeur, le 4 décembre 2013, alors que la traite a été déposée à l échéance du 5 décembre 2013 ; Il s ensuit, dit-elle, qu à la date à laquelle la lettre de change a été prise en compte au profit de YASMINE PRODUCTION ET SERVICE, le compte de la société SOGELUX n était pas créditeur et la provision était insuffisante ; Elle fait noter qu il revient à la société SOGELUX de se retourner contre sa banque pour savoir les raisons pour lesquelles elle applique des dates de valeur ; En tout état de cause, la société SOGELUX ne justifie pas avoir fait provision à l échéance ; Dès lors, la BHCI n est aucunement déchue de ses droits à son égard ; L opération d escompte n a pas pour effet de créer une cession de créances au strict point de vue juridique, entre l escompteur (la BHCI) et l escompté YASMINE PRODUCTION ET SERVICE ; L escompte relève plutôt de l endossement qui est un mode de transmission de la lettre de change consistant à remettre ladite lettre de change, avec signature et mention au dos, par un porteur de la traite (YASMINE PRODUCTION ET SERVICE) à un nouveau porteur (BHCI) ; En application de l article 160 du règlement UEMOA, les personnes actionnées en vertu d une lettre de change y compris le tireur, ne peuvent opposer au porteur les exceptions fondées sur le rapport fondamental ; La demanderesse ne peut donc lui opposer un défaut de prestation ; Elle en conclut que sa créance est certaine et exigible ;
DES MOTIFS EN LA FORME Sur le caractère de la décision La défenderesse a comparu et conclu ; Il sied de statuer par décision contradictoire ; Sur la recevabilité de l action L opposition ayant été introduite dans le respect des exigences légales de forme et de délai, il sied de la recevoir ; Au fond Sur la déchéance de la BHCI Se fondant sur les dispositions des articles 186 alinéa 4, 196 alinéa 1 et 2 et 244 du règlement UEMOA N 15/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002, la société SOGELUX estime que la BHCI est déchue de son recours cambiaire et en déduit qu elle est mal fondée en son action en recouvrement parce que la créance n est pas exigible ; L article 186 dudit règlement dispose : «Le refus d acceptation ou de paiement doit être constaté par un acte authentique (protêt faute d acceptation ou faute de paiement). Le protêt, faute d acceptation, doit être fait dans les délais fixés pour la présentation à l acceptation. Si dans le cas prévu à l article 164 alinéa 1 er du présent Règlement, la première présentation a eu lieu le dernier jour du délai, le protêt peut encore être dressé le lendemain. Le protêt, faute de paiement d une lettre de change payable à jour fixe ou à un certain délai de date ou de vue, doit être fait l un des deux (2) jours ouvrables qui suivent le jour où la lettre de change est payable» ; Quant à l article 196 du même règlement, il indique : «Le porteur est déchu de ses droits contre les endosseurs, contre les tireurs et contre les autres obligés, à l exception de l accepteur, après l expiration des délias fixés ; pour la présentation d une lettre de change à vue ou à un certain délai de vue ; pour la confection du protêt faute d acceptation ou faute de paiement ; pour la présentation au paiement en cas de clause de retour sans frais. Toutefois, la déchéance n a lieu à l égard du tireur que s il justifie qu il a fait provision à l échéance» ;
L article 244 sus indiqué prévoit que le règlement UEMOA abroge et remplace toutes les dispositions de droit interne contraires ou traitant du même objet, notamment celles de la loi uniforme relative aux instruments de paiement à l exception des articles comportant des dispositions pénales ; Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions, que le protêt faute de paiement doit être dressé dans les deux (2) jours ouvrables qui suivent le jour où la lettre de change est payable dans le cas d une lettre de change payable à jour fixe et qu à défaut, le porteur est déchu de ses droits contre les endosseurs, tireurs et autres obligés ; Toutefois, la déchéance n a lieu à l égard du tireur que s il justifie qu il a fait provision à l échéance ; Il est constant que la société SOGELUX a commandé des travaux auprès de monsieur OUATTARA ABDRAMANE, entrepreneur individuel exerçant sous la dénomination commerciale de «YASMINE PRODUCTION ET SERVICE» ; En paiement de ces travaux, la société SOGELUX a tiré une lettre de change d un montant de 14.750.000 FCFA sur un compte domicilié à Bridge Bank Group CI à l ordre de «YASMINE PRODUCTION ET SERVICE» dont l échéance était fixée au 5 décembre 2013 ; Cette lettre de change a été remise à l escompte par YASMINE PRODUCTION ET SERVICE cliente de la BHCI, à cette banque ; Cependant, à l échéance, la traite est revenue impayée de sorte que la BHCI devenue propriétaire de la traite du fait de l escompte, a fait dresser protêt le 25 septembre 2014 et a notifié ce protêt à la société SOGELUX par exploit du 6 octobre 2014 ; La société SOGELUX estime avoir fait provision à l échéance tandis que la BHCI soutient qu elle ne l a pas fait ; Il y a lieu d indiquer qu il est de principe dans la pratique bancaire que les banques affectent généralement les écritures de débit et de crédit en dates de valeur ; Selon cette pratique, les écritures sont prises en compte non pas à la date à laquelle elles sont effectuées, mais à la date dite «de valeur» qui est postérieure pour les opérations de crédit et antérieure pour les opérations de débit ; C est ainsi qu en l espèce, il ressort du relevé de compte de la société SOGELUX qu à la date de valeur et donc de la prise en compte de l effet de commerce de YASMINE PRODUCTION le 4 décembre 2013, ledit compte était débiteur et il n y avait pas de provision ; Le tireur n ayant donc pas fait provision, l article 196 sus visé s applique à lui de sorte que la déchéance n a pas lieu à son égard et il ne peut s en prévaloir ; Il en résulte que la BHCI n est pas déchue de son droit
cambiaire qui subsiste à l égard de la société SOGELUX, porteur n ayant pas fait provision ; Il s ensuit également que la créance est exigible de sorte que ce moyen doit être rejeté ; -Sur le défaut de certitude de la créance tiré du défaut de prestation La société SOGELUX estime que la créance n est pas certaine parce que que les marchandises n ont pas été livrées ; Toutefois, en application de l article 160 du règlement UEMOA sus visé, les personnes actionnées en vertu d une lettre de change y compris le tireur, ne peuvent opposer au porteur les exceptions fondées sur le rapport fondamental ; Il en découle que la société SOGELUX ne peut opposer à la société BHCI porteur, le défaut de livraison des marchandises par monsieur OUATTARA ABDRAMANE, entrepreneur individuel exerçant sous la dénomination commercial de l entreprise YASMISE production services, et ce, d autant moins, que ce défaut de prestation est fondé sur le rapport fondamental entre ces deux parties ; Il résulte donc de tout ce qui précède que la créance est non seulement exigible, mais elle est également certaine et liquide, remplissant ainsi les conditions exigées par l article 1 er de l acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution ; Il échet de dire la société SOGELUX mal fondée en son opposition et de la condamner à payer à la BANQUE de l HABITAT de COTE d IVOIRE dite BHCI la somme de 14.750.000 FCFA en principal ; Sur les dépens La société SOGELUX succombant, il échet de lui faire supporter les dépens ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort ; Reçoit la société GENRALE d ELECTRICITE de LUX dite SOGELUX en son opposition ; L y dit mal fondée ; Dit la BANQUE de l HABITAT de COTE d IVOIRE dite BHCI
bien fondée en sa demande en recouvrement ; Condamne la société GENRALE d ELECTRICITE de LUX dite SOGELUX à lui payer la somme de 14.750.000 FCFA au titre de sa créance ; Condamne la société SOGELUX aux entiers dépens de l instance. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an que dessus ; Et ont signé le Président et le Greffier.