The European Consumers Organisation BEUC/X/001/2000 1996 Contact : Caroline Kerstiëns Email : upa@beuc.org Lang : FR LES ENFANTS ET LA PUBLICITE Résumé de l étude menée par le BEUC et CB Bureau Européen des Unions de Consommateurs, Avenue de Tervueren 36, bte 4, B-1040 Bruxelles Tel: +32(0)27 43 15 90, Fax: +32(0)27 40 28 02, consumers@beuc.org, http://www.beuc.org Europäischer Verbraucherverband Neytendasamtök Evrópu Euroopan Kuluttajaliitto Europese Consumentenorganisatie Európai Fogyasztók Szervezete Europejska Organizacja Konsumencka Organización Europea de Consumidores Evropska potrošniška organizacija E????aïk? Opy???s? Kata?a??t?? Organização Europeia de Consumidores Den Europeiske Forbrukerorganisasjonen Den Europæiske Forbrugerorganisation Organizzazione Europea dei Consumatori Den Europeiska Konsumentorganisationen
2 L étude, menée dans les 15 Etats membres de l UE, met en évidence les récents développements qui se sont opérés dans le domaine des pratiques de marketing ayant pour cible directe les enfants, et s est concentrée en particulier sur la tranche d âge 6-12 ans. Cette étude présente également le champ des compétences ainsi que la nature des règlements relatifs à la publicité destinée aux enfants aussi bien au niveau de l UE que des Etats membres, et analyse la littérature et les études existantes la publicité envers les enfants. Elle s achève par des conclusions et une demande de prise de mesures. I. Développement des pratiques de marketing Les enfants sont une cible de choix pour les annonceurs et les spécialistes du marketing car ils représentent trois marchés en un: ils constituent un marché primaire où ils dépensent de l argent pour satisfaire des besoins et des désirs qui leur sont propres; ils constituent également un marché de prescripteurs car ils influencent souvent les décisions d achat du ménage; et enfin, on parle de marché futur car lorsque ces enfants seront adultes, ils achèteront leurs propres biens et services et resteront probablement fidèles aux produits auxquels ils ont été habitués étant jeunes. L étude démontre que les pressions commerciales font désormais partie de la trame de vie des enfants. La publicité n est plus qu une partie d un mix marketing intégré puisque l utilisation des techniques de marketing de plus en plus sophistiquées et déguisées augmentent. Parmi cellesci figurent les clubs d enfants, les concours, les publi-reportages, le parrainage d événements pour enfants, l offre à l achat d un produit de cadeaux faisant partie d une série, le publipostage, le téléachat, le marchandisage basé sur un personnage (promotion d un produit en l assimilant à un jouet ou à un personnage qui passionne les enfants) et le marketing à l école. Ces «nouvelles» techniques signifient qu il devient de plus en plus difficile pour les enfants de faire la différence entre la «publicité» et les distractions habituelles (émissions télévisées, films, magazines, etc.). On trouve des clubs d enfants dans pratiquement tous les Etats membres de l UE. C est un phénomène qui prend de l ampleur en particulier au Portugal, en Espagne et en Irlande. Parmi ces clubs (qui trouvent essentiellement leur origine chez les détaillants, les fabricants, dans les médias et depuis peu, dans le monde bancaire) figurent des Clubs Disney, des Clubs Barbie, etc. Ces clubs constituent des mécanismes de marketing destinés à promouvoir des produits ou des services. Souvent un des objectifs de ces clubs est la constitution d un fichier d adresses d enfants avec qui l on peut directement entretenir une relation de publicité et de techniques de marketing plus déguisées. La plupart de ces clubs publient, par exemple, des magazines qui pourraient sembler tout à fait ordinaires aux enfants mais qui sont en réalité des dépliants publicitaires dans lesquels les entreprises vantent les mérites des produits. Outre le fait qu ils reçoivent un cadeau, les enfants sont attirés par ce genre de publication car cela leur fournit une identité et leur procure le sentiment d appartenir à quelque chose. Les clubs font en outre référence au monde des adultes. A l instar de leurs parents, les enfants reçoivent régulièrement des magazines et du courrier, et souvent une carte de membre. Les publi-reportages sont de plus en plus courants dans les publications adressées aux enfants et se vendent aux quatre coins de l UE. Il s agit de publicités masquées et donc très crédibles surtout aux yeux des enfants. Les publi-reportages prennent la forme d un article d actualité, d une colonne de petits conseils, d une bande dessinée, d un jeu ou d une devinette. On peut trouver des exemples de diverses techniques de promotion de ventes dans tous les pays de l UE. Offrir des gadgets ou des petits cadeaux en prime est désormais courant et ces gadgets font souvent partie d une série ce qui pousse à l achat pour compléter la série. Ainsi, les jetons colorés Flippo (aux Pays-Bas et en Belgique), Troc s (en France) et Pogs (au Royaume-Uni) que l on trouve dans les paquets de chips ont remporté un franc succès et ont entraîné aux Pays-Bas par exemple, une hausse de 25% des ventes. Le marchandisage basé sur un personnage est également très répandu à travers toute l Europe. Il s agit d un lien établi entre un produit existant et un personnage ou un jouet adoré des enfants. Le
3 marchandisage basé sur un personnage joue sur la fascination qu exerce un personnage imaginaire sur les enfants. A l achat d un menu «Happy Meal» chez McDonald par exemple, qui est emballé dans une boîte spéciale décorée de scènes du film dont on fait la promotion, l enfant reçoit un des personnages du film. En outre, les produits sont souvent créés spécifiquement en fonction d un certain personnage. Les concours sont devenus des instruments de promotion de plus en plus populaires dans toute l Union européenne. Ils créent une forte «identité de la marque/du vendeur» en obligeant les enfants à se concentrer sur le nom de la marque, le nom du magasin ou des symboles connexes. En Finlande, par exemple, les spécialistes du marketing organisent des compétitions sportives pour les enfants et durant ces compétitions les logos des fabricants de matériel de sport sont affichés partout. Le parrainage d émissions pour enfants s observe dans pratiquement tous les Etats membres de l UE. Des pays comme le Portugal, l Espagne, l Italie, l Autriche, le Danemark, le Luxembourg et la Grande-Bretagne ont constaté une intensification de ce type de parrainage. Une société peut parrainer une émission spéciale pour enfants dans sa totalité ou payer pour que le produit de sa société apparaisse au cours de l émission (placement du produit). Des sociétés parrainent également des magazines pour enfants et au Royaume-Uni par exemple, les fabricants de jouets parrainent des magazines tels que «Cindy» ou «Power Rangers». Les exemples de marketing à l école ne manquent pas au sein de l UE. Même au Portugal où cette technique est interdite, des cas ont encore été recensés. Le marketing à l école, qui englobe essentiellement les messages commerciaux «enrobés» de diverses façons pour pouvoir pénétrer dans les écoles, n a cessé d augmenter notamment en Belgique, en Suède, en Finlande, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Grèce, au Royaume-Uni et en Irlande. La méthode la plus utilisée par les sociétés est celle de la valisette pédagogique fournie aux écoles et dans laquelle se trouve, mêlé au matériel pédagogique, le matériel sponsorisé sur lequel figure le nom de la société avec en prime, de temps à autres, des bons de réduction, etc. En Autriche par exemple, de nombreuses banques fournissent des livres et du matériel pédagogique. Certaines sociétés organisent quelquefois des concours et des jeux dans le contexte scolaire et, dans plusieurs pays de l Union européenne, des sociétés envoient aux écoles des échantillons gratuits ou se rendent elles-mêmes sur place. Une autre méthode consiste à parrainer les fournitures scolaires. Aux Pays-Bas par exemple, les écoles reçoivent des téléviseurs gratuits en échange d un emplacement sur certains panneaux d affichage. En France et en Grèce, des dépliants publicitaires sont distribués aux enfants à ceci près que la distribution ne s effectue pas dans l enceinte de l école mais directement à la sortie. Le marketing à distance qui s adresse aux enfants, y compris le publipostage, le téléachat, les numéros téléphoniques «à tarif spécial» et l Internet, ne cesse d augmenter. Dans la plupart des pays de l UE, les sociétés emploient la technique du publipostage. En Finlande, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, les banques utilisent fréquemment cette méthode. Le téléachat adressé aux enfants est également un phénomène croissant. Des émissions télévisées pour enfants, notamment au Portugal et en Autriche, comportent des séquences de téléachat proposant aux enfants des produits tels que des vidéos et des jeux. Des exemples de services téléphoniques «à tarif spécial» sont courants en Belgique, au Portugal et en Italie où l on encourage les enfants à former un certain numéro pour entendre une histoire ou pour participer à un concours mais, un appel de ce type coûte souvent très cher à la minute. En outre, les spécialistes du marketing commencent à découvrir le système Internet qui leur permet d établir des contacts directs et étroits avec les enfants. Des environnements électroniques interactifs sophistiqués sont créés pour attirer l attention des enfants.
4 II - Généralités sur les recherches existantes sur les effets de la publicité sur les enfants. Depuis les années 70, les recherches se multiplient sur la relation entre les enfants et la publicité. La majeure partie de ces recherches s est concentrée sur la publicité télévisée et ses incidences directes sur les enfants. Il s avère qu en raison des limites de leur faculté de perception, les enfants perçoivent les spots publicitaires très différemment des adultes. Jusqu à l âge de 6 à 8 ans, la plupart des enfants n ont pas la capacité de distinguer la publicités et les programmes. La plupart des enfants ne sont pas capable de comprendre la publicité qu à partir de l âge de 11 et 12 ans. On considère généralement que cette compréhension est essentielle afin de développer une attitude critique et interrogative envers celle-ci. Ceci est d autant plus difficile lorsqu il s agit des formes plus déguisées de publicité tels que les publi-reportages et les concours. Davantage de recherches indépendantes devraient être menées sur le rapport entre les enfants et le publicité. Non seulement ces recherches devraient être étendues à d autres formes (plus nouvelles) de publicité - le marketing mixte intégré - mais en outre, elles devraient aussi porter sur les incidences à plus long terme. Après tout, nous ne savons toujours pas quel sera l impact de l accumulation de la production publicitaire. Bien que les recherches nous permettent d en savoir d avantage sur les incidences de la publicité sur les enfants. il convient de souligner que le rapport entre les enfants et la publicité doit être considéré avant tout comme une question d éthique et de moralité. Une question qui touche à notre façon de considérer les enfants et leurs besoins dans la société. On ne peut pas dire que les enfants soient des participants à part entière au marché. Ils sont les moins sophistiqués de tous les consommateurs; ce sont eux qui ont le moins par conséquent veulent le plus. Ils constituent donc une proie idéale 1. D où la nécessité de partir du principe, comme le font les spécialistes du marketing, que les enfants sont des individualités à part entière au lieu de les considérer comme des mini-adultes. Pour cette raison, les réglementations qui protègent les adultes à l égard de la publicité ne suffit pas et des règles spécifiques aux enfants sont nécessaires. En particulier, l utilisation de plus en plus fréquente des techniques de publicité envers les enfants implique des mesures pour assurer la régularité et la mis en place d une réglementation. En outre, il faut former les enfants à la publicité et les aider à en saisir l intention. Plus ils en sauront à ce sujet, plus ils seront en mesure de lire entre les lignes. C est à ce niveau que doivent intervenir les éducateurs. Or, il semble que les possibilités dont disposent les éducateurs et les parents, en particulier, pour aider concrètement les enfants à se familiariser avec la publicité sont limitées en terme de capacités, de temps et de connaissance. En outre, une bonne partie de la publicité adressée aux enfants est dissimulée à l égard des parents. Par conséquent, seule, l éducation n est pas suffisante. Elle doit être appuyée d une réglementation spécifique envers les pratiques marketing dont les enfants sont la cible. III. Règlements existants en matière de protection des enfants face à la publicité Etant donné notamment la directive «Télévision sans frontières», qui a été mise en vigueur dans la plupart des Etats membres, les règlements et les codes d auto-régulation sur la publicité et les enfants ont tendance à se limiter à la publicité télévisée. En plus de la directive, certains Etats membres ont introduit des règles plus strictes relatives à la publicité télévisée adressée aux enfants. Les autres pratiques de publicité et de marketing ayant pour cible les enfants et qui sont de plus en plus appliquées, telles que la publicité à l école, le publipostage et les clubs d enfants, ne font pas l objet d une réglementation européenne. Même si certains pays ont réglementé certains aspects de ces «nouvelles» techniques, aucun pays ne l a fait 1 James McNeal : Kids as Customers. A Handbook of Marketing to Children, 1992.
5 de façon détaillée. En outre, aucune définition commune de l enfance n est mentionnée dans les règlements existants, de même qu il n existe pas de concept commun pour savoir si un règlement doit être appliqué à tout type de publicité, à la publicité susceptible d être vue par les enfants ou à celle adressée uniquement aux enfants. Les règlements sur les «nouvelles» techniques de publicité et de marketing adressées aux enfants sont donc très incomplets, aussi bien au niveau national qu Européen. Dans le domaine de la publicité adressée aux mineurs sur le tabac et l alcool, il semble qu une approche plus ou moins uniforme ait été adoptée. Il existe des règlements spécifiques dans tous les Etats membres. En ce qui concerne les autres produits ou services pouvant intéresser les enfants, tels que les jeux, les friandises et les vêtements, les règlements ne sont pas uniformes du tout. Certains Etats membres ont introduit des règles assez spécifiques concernant la publicité pour les jeux et les friandises alors que d autres n ont établi aucun règlement. Il convient de préciser également que les diverses initiatives prises en matière de réglementation ne couvrent pas la dimension transfrontière de la publicité adressée aux enfants. Cela signifie que les Etats membres se voient dans l impossibilité d appliquer leurs règlements nationaux au cas où un annonceur «étranger» venait à violer ces règlements. Enfin, l application des règlements existants est loin d être effective dans tous les Etats membres. Ceci est dû en partie à la nature générale des règlements. En effet, les règlements sur la protection des enfants face à la publicité sont appliqués un peu plus efficacement au moment où une autorité publique spécifique a été chargée de protéger les intérêts des consommateurs dans la publicité tel que dans les pays nordiques grâce aux médiateurs. IV. Recommandations émises par le BEUC et Consumentenbond Au vu des résultats de l étude, le BEUC et Consumentenbond ont introduit une série de demandes auprès de l UE pour que des mesures soient prises dans ce domaine. Les principales recommandations émises par le BEUC et Consumentenbond sont reprises cidessous: L UE devrait introduire une législation horizontale destinée à protéger les enfants contre toute forme de pratique de marketing, quel que soit le moyen utilisé, et s appliquant à tous les produits et services. La législation devrait notamment fixer des limites à certaines pratiques (surtout en matière de marketing à l école et de marketing direct). A moins que la législation européenne ne parvienne à instaurer des niveaux de protection les plus élevés pour les enfants, les organisations de consommateurs à travers toute l Europe estiment que les Etats membres devraient être autorisés à établir et conserver sur leur propre territoire des normes relatives aux enfants et aux pratiques de marketing, en tenant compte de leur culture et de leurs traditions, et devraient pouvoir appliquer ces normes aux techniques de marketing émanant de l étranger. L UE ne devrait pas les contraindre à diminuer le niveau de leurs normes. Il est par conséquent inacceptable que l UE conteste les limites qu appliquent la Suède et la Grèce dans le domaine de la publicité adressée aux enfants. Le contrôle ainsi que l application des règlements relatifs aux enfants et aux techniques de marketing doivent être améliorés en introduisant des sanctions plus strictes, en perfectionnant les procédures de plainte, en accentuant la disponibilité des informations concernant la jurisprudence en cette matière et en créant un observatoire européen indépendant qui contrôlerait les développements qui s opèrent sur le marché ayant pour cible les enfants. Des campagnes pédagogiques et d information devraient être menées dans tous les Etats membres, avec l appui de la Commission européenne, afin d apprendre aux enfants à reconnaître un message publicitaire, à prendre une décision personnelle et à alerter les parents et enseignants du problème.
6 Des recherches sur les effets combinés des pressions commerciales exercées sur les enfants devraient être entamées mais elles devraient être indépendantes et non stimulées par des intérêts commerciaux.