L'ENTORSE DE CHEVILLE AU SERVICE D ACCUEIL ET D URGENCE



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CONFÉRENCE DE CONSENSUS EN MÉDECINE D URGENCE L'ENTORSE DE CHEVILLE AU SERVICE D ACCUEIL ET D URGENCE introduction La fréquence et le coût de l entorse de cheville sont un problème de santé publique. L incidence serait, en France, de 6 000 cas par jour, et de 5 000 cas en Grande-Bretagne. Aux Etats-Unis, elle représenterait 24 000 cas par jour entraînant 5 millions d examens radiologiques annuels avec un coût global de 500 millions de dollars. Les séquelles fonctionnelles représentent environ 5 p. 100 des patients quel qu en soit le traitement. Nombre de publications récentes remettent en cause la prise en charge classique des entorses de cheville. Un examen clinique précis pourrait limiter les indications de l exploration radiologique. Les critères d appréciation de la gravité de l entorse, ainsi que les indications thérapeutiques sont remis en cause par la littérature récente. Les recommandations classiques concernaient des milieux spécialisés : chirurgie orthopédique ou médecine du sport, elles n étaient pas toujours adaptées aux services d accueil et d urgence (SAU). Ces considérations ont conduit à l organisation de la Ve Conférence de Consensus de la Société Francophone des Urgences Médicales qui s est tenue à Roanne le 28 avril 1995. Elle concernait l entorse de cheville au SAU. Correspondance : Dr B. Vermeulen, CHCE - Hôpital Cantonal de Genève, 24, rue Micheli du Crest, 1211 Genève 4. Quelle doit être l approche clinique : anamnèse, examen chez un patient venant pour une «foulure» de cheville? Introduction Devant un malade présentant un traumatisme de la cheville, le diagnostic d une entorse impose d éliminer les lésions autres que celles atteignant les ligaments de la cheville. Ces lésions peuvent être autant de diagnostics différentiels que de lésions associées à une entorse de cheville. Elles réclament une démarche diagnostique spécifique. Les lésions à envisager sont : - fractures des malléoles (interne, externe, postérieure), du pilon tibia1 ; - fractures du calcanéum, de l astragale (dont la fracture du tubercule de l astragale), d un métatarsien (base du 5e métatarsien, le plus souvent) ; - luxation des tendons des péroniers latéraux ; - lésions de la syndesmose péronéo-tibiale, de la membrane interosseuse, fractures associées du péroné ; - lésions de l articulation médiotarsienne ; - lésions du tendon d Achille. Approche clinique Elle repose initialement sur l anamnèse et une analyse précise de la sémiologie. La cheville est une Réan. Urg. 1995, 4 (4 ter), 491-501

- 492 - Ve Conférence de Consensus en Médecine d urgence articulation superficielle aisément palpable, son examen clinique précis guide le diagnostic et précède et oriente les examens radiologiques éventuels, ceci en fonction des «règles d Ottawa )), règles qui seront explicitées au cours du texte. Interrogatoire - Circonstances de survenue Quatre éléments sont à rechercher à l interrogatoire du patient : les circonstances de survenue, la violence du traumatisme, le délai entre le traumatisme et la prise en charge aux urgences et le mécanisme lésionnel. Le mécanisme lésionnel exact est souvent difficile à faire préciser. Sa connaissance oriente vers certains types de lésions. Le plus souvent le mécanisme est un varus-inversion qui entraîne des lésions du ligament latéral. Tout autre mécanisme doit faire suspecter d autres lésions. - Signes fonctionnels La perception d un craquement et l évolution de la douleur sont des signes classiquement évocateurs de gravité. En fait, ils ne préjugent pas de l importance de la rupture ligamentaire. L instabilité et l impotence fonctionnelle, au moment de l accident et persistant lors de l examen, témoignent de la sévérité du traumatisme. - Le terrain L âge modifie la nature des lésions. l Avant 12 ans l entorse de cheville est exceptionnelle (décollement épiphysaire le plus souvent). l Après 55 ans, la fragilité osseuse est accrue et la sémiologie moins typique. Il est important de se renseigner sur les antécédents traumatiques des chevilles, les antécédents généraux marquants (en particulier thrombose veineuse), les habitudes sportives, la profession et les activités de loisirs. Examen clinique L examen clinique se déroule en deux temps. l Le premier temps évalue cliniquement la probabilité d une fracture ou de complications associées. l Le deuxième temps apprécie l importance des lésions ligamentaires. Premier temps de l examen clinique L inspection de la cheville recherche des épanchements sanguins. La simple ecchymose n a pas de signification particulière à l inverse de l hématome. Réan. Urg., 1995, 4(4 ter), 491-501 L hématome " en œuf de pigeon " correspond à une rupture d une branche de l artère péronière antérieure qui accompagne une rupture du ligament talofibulaire antérieur. Il est considéré comme un signe de rupture ligamentaire. Un hématome à la face interne du talon oriente vers une lésion du ligament média1 ou une fracture de la malléole interne. Un hématome ou un œdème importants sont classiquement reconnus comme évocateurs d une rupture ligamentaire ou osseuse. L œdème est retrouvé dans 66 p. 100 des traumatismes de cheville. La palpation esf un temps essentiel Pour palper le pied et la cheville le patient sera assis sur le bord de la table avec les jambes pendantes. Dans cette position il est relativement facile de manipuler le pied dans des positions variées. Les trajets ligamentaires, les repères osseux et le péroné sur toute sa longueur seront systématiquement étudiés : - la palpation débute à distance de la zone douloureuse pour rassurer le patient ; - les zones clefs de la sensibilité osseuse sont également palpées : l parties postérieures des malléoles interne et externe sur 6 cm de hauteur, au moins, l l pointe des malléoles interne et externe, scaphoïde tarsien, l tête du 5e métatarsien. Les conclusions de l examen clinique, à ce stade, permettent de discuter de la nécessité d une exploration radiographique. En effet, les règles d Ottawa récemment proposées optimisent cette démarche (Fig. 1). Ces critères ne sont pas validés pour les patients d âge inférieur à 18 ans, supérieur à 55 ans, les femmes enceintes et les conditions d examen cliniquement ininterprétable pour des raisons locales ou générales (lésions cutanées, traumatisé crânien, le polytraumatisé, troubles de la perception). L utilisation des critères d Ottawa a les avantages suivants : - très bonne sensibilité de ces critères (sensibilité = 1,0) ; - plus grande sécurité : si l un des critères est positif, le praticien s abstient dans l immédiat de toute manoeuvre pouvant aggraver les lésions ; - réduction des temps d attente et de séjour au sein du SAU pour les patients ; - réduction des coûts de santé. L application des critères d Ottawa a permis une diminution de 30 p. 100 des demandes de radiographies, sans incidence sur la qualité des soins.

Ve Conférence de Consensus en Médecine d urgence - 493 - Règles d Ottawa La radiographie est justifiée pour tout patient présentant une douleur de la région malléolaire et/ou du tarse s il présente l un des critères suivants : - Pour la cheville : existence d une douleur de la région malléolaire associée à : - une incapacité de se mettre en appui immédiatement et au SAU (impossibilité de faire 4 pas), ou - une sensibilité à la palpation osseuse du bord postérieur ou de la pointe de l une des deux malléoles. - Pour le tarse : existence d une douleur de la région du tarse associée à : - une incapacité de se mettre en appui immédiatement et au SAU (impossibilité de faire 4 pas) ou - une sensibilité à la palpation osseuse du scaphoïde ou de la base du 5e métatarsien. - Être âgé de plus de 55 ans A) bord postérieur ou pointe de la malléole externe zone malléolaire B) bord postérieur ou pointe de la malléole interne C) base du 5e métatarsien Vue latérale D) scaphoïde tarsien (naviculaire) Vue médiale Une radiographie de la cheville n est indiquée qu en présence d une douleur dans la zone malléolaire ainsi qu une : 1 douleur osseuse à la palpation : zone A 2. douleur osseuse à la palpation : zone B ou 3. incapacité de marche : juste après l événement et lors de l examen médical Une radiographie du pied n est indiquée qu en présence d une douleur dans la partie moyenne du pied ainsi qu une : 1. douleur osseuse à la palpation : zone C ou 2. douleur osseuse à la palpation : zone D ou 3. incapacité de marche : juste après l événement et lors de l examen médical (Selon Strell et coll. - JAMA, 16 mars 1994, vol. 277, n 1 1 et avec / autorisation de / éditeur) Fig. 1 - Règle d Ottawa. Second temps de l examen clinique Il n est réalisé qu une fois le risque de fracture asso- ciée écarté. Ce temps de l examen est consacré à la recherche des ruptures ou laxités ligamentaires. Il s effectue dans les deux plans frontal et sagittal. Dans le plan frontal : - recherche d un bâillement tibio-astragalien en varus témoin de la laxité de la cheville ; - recherche d un sillon péronéo-astragalien antérieur (signe de Clayton) témoin de la rupture antérieure de la capsule ; - recherche du choc astragalien témoin d une atteinte grave de la syndesmose. Dans le plan sagittal : - recherche d un tiroir antérieur. La négativité de la recherche des signes de laxité, dans une situation post-traumatique aiguë, n exclut pas la rupture ligamentaire car elle peut être due à la douleur, un œdème ou une contracture musculaire. A ce stade de l examen, les indications thérapeutiques initiales peuvent être posées, mais en aucun cas définitivement figées. Réan. 1995, 4

- 494 - Ve Conférence de Consensus en Médecine d'urgence En fait, les données de la littérature ne permettent pas d attribuer à l intensité des signes cliniques notés à l examen initial, les notions classiques de gravité. Car il n y a pas de relation cliniquement évidente entre les données de l examen clinique pratiqué dans le cadre de l urgence et les lésions anatomiques. L évaluation précise de ces lésions anatomiques devrait faire appel à des techniques paracliniques qui ne sont pas réalisables, en pratique, dans le cadre de l urgence (en particulier arthrographie, imagerie spécialisée et arthroscopie). De ce fait, seul un nouvel examen pratiqué entre le 3e et le 5e jour permettra d apprécier la sévérité effective et de réajuster éventuellement le choix thérapeutique initial. Quelle est la place de la radiologie conventionnelle ou plus spécialisée devant une entorse de cheville? La prescription systématique de clichés radiographiques dans l entorse aiguë de la cheville est actuellement discutée. Les travaux canadiens récents (règles d Ottawa, cf. question n 1) incitent fortement à ne demander des examens radiologiques de la cheville ou du pied qu en fonction de critères cliniques précis. Le but de ces clichés est d identifier d éventuelles fractures. Si des radiographies sont indiquées dans le cadre de l urgence, elles comporteront des clichés simples Pou7 la cheville Les deux incidences suivantes apparaissent les plus importantes : - Profil. - Face en rotation interne de 20. Ces clichés permettent de déceler les fractures malléolaires interne et externe, de la marge postérieure du tibia. Pour identifier les petits arrachements ostéopériostés, il faut des clichés de qualité permettant une analyse minutieuse. L incidence de face en rotation interne dégage l angle supéro-externe de l astragale, et l interligne péronéo-astragalien. Elle facilite la recherche d une fracture impaction de la partie externe du dôme astragalien, parfois méconnue sur un cliché de face strict du fait des superpositions osseuses. Pour le pied L examen clinique orienté par les règles d Ottawa (douleur du cou de pied, accompagnée d une douleur Réan. Urg., 1995, 4(4 ter), 491-501 à la pression d un os du tarse) peut laisser suspecter une lésion associée à l entorse. Des radiographies, centrées sur le pied, devront alors être réalisées. Les incidences sont variables en fonction des points d appel cliniques ; on peut proposer certains clichés standards représentés par : face, profil, oblique externe, oblique interne du pied. L arrachement de la styloïde du 5e métatarsien, fracture fréquemment rencontrée en cas de mécanisme d entorse de cheville, est bien mise en évidence par l incidence en oblique interne du tarse (ou déroulé du pied). Les autres examens radiographiques L indication de ces clichés ne devrait être posée que par un spécialiste, en fonction des choix thérapeutiques ultérieurs et/ou des autres possibilités d imageries. Les clichés dynamiques La pratique de clichés dynamiques (tiroir antérieur, varus forcé) vise à mettre en évidence, de façon indirecte, l importance de la rupture ligamentaire. Leur réalisation, leur interprétation et leur exploitation sont limitées par : - la nécessité de conditions techniques parfaites (tel le profil strict pour la recherche d un tiroir antérieur) ; - les choix de la méthode de réalisation (manuelle, mécanique?) ; - les douleurs, la contracture musculaire, qui influent sur le résultat ; - le risque d aggravation des lésions ligamentaires. La sensibilité de ces épreuves est extrêmement variable selon les auteurs. Leur intérêt diagnostique en urgence est difficile à évaluer rigoureusement, et paraît sans conséquence thérapeutique immédiate. Les autres investigations D autres méthodes d imagerie prescrite par un spécialiste peuvent contribuer à apprécier la nature et l importance des lésions. Ainsi, le scanner permet une bonne étude des lésions osseuses et de leur éventuel déplacement. Les atteintes ligamentaires sont explorées de façon précise par I arthrographie et l'arthroscanner et, de manière plus récente, par l'irm. L échographie paraît être une technique assez intéressante pour l analyse des ligaments, mais peu d études ont été publiées actuellement et cette méthode est très dépendante de l opérateur. Ces investigations nécessitent un équipement spécifique et des radiologues entraînés. Elles ne sont pas validées dans le contexte de l urgence, et sont du ressort du spécialiste en seconde intention.

Ve Conférence de Consensus en Médecine d urgence - 495-6 Quelles sont les attitudes et les indications thérapeutiques : traitement conservateur, traitement opératoire, réadaptation, pour une entorse de cheville? Introduction Les modalités thérapeutiques des entorses du ligament latéral de la cheville ont évolué ces dernières années, particulièrement depuis dix ans. La tendance essentielle pourrait se résumer en une augmentation des indications du traitement fonctionnel au détriment de celles du traitement chirurgical. Le traitement fonctionnel, privilégiant la mobilité et l appui précoce est admis dans les entorses peu ou modérément symptomatiques. Quand il existe une rupture ligamentaire franche avec laxité ligamentaire importante (habituellement et classiquement dénommée entorse grave), la littérature est désormais en faveur du traitement fonctionnel. De nombreuses publications récentes d études randomisées comparent les trois méthodes les plus employées (traitement chirurgical initial suivi d un plâtre ; traitement orthopédique par plâtre seul ; traitement fonctionnel). Il apparaît à la lecture de ces travaux que le traitement fonctionnel est supérieur au traitement orthopédique et/ou chirurgical en terme de délais de récupération fonctionnelle, de reprise des activités physiques et professionnelles et de risque iatrogène. Restent discutés les résultats sur la stabilité ultérieure de la cheville, le risque de voir apparaître à long terme des lésions articulaires dégénératives. Les résultats du traitement chirurgical ultérieur des éventuelles instabilités ligamentaires séquellaires sont aussi bons que ceux d un traitement chirurgical primaire. L aspect économique de cette orientation thérapeutique n est pas encore précisément évalué, mais paraît favorable. De ce fait le traitement chirurgical apparaît désormais devoir être réservé aux cas particuliers des lésions les plus graves survenant chez les sportifs de haut niveau ainsi qu à certaines entorses associées à des lésions osseuses. Principes généraux des différents traitements Traitement fonctionnel Le but du traitement fonctionnel est de limiter l immobilisation et la décharge au strict nécessaire. Dès les premières heures, et pendant les premiers jours, le traitement fonctionnel est habituellement précédé d un traitement symptomatique qui a pour but de lutter contre les phénomènes hémorragiques, œdémateux, inflammatoires et douloureux, en utilisant de façon diversement associés le repos, la cryothérapie, la compression, les postures déclives et les médicaments. Dès que les phénomènes initiaux ont cédé, le traitement fonctionnel se propose d introduire un appui partiel ou total, ainsi qu une mobilisation protégée de façon à favoriser les activités métaboliques circulatoires et cicatricielles. L immobilisation partielle pendant les trois premières semaines environ protège les processus cicatriciels constitués par la prolifération fibroblastique dans la zone ligamentaire traumatisée, suivie par la formation de collagène. Dans le même temps, elle évite les inconvénients d une immobilisation plus stricte, tant sur le plan trophique (décalcification, amyotrophie), que vasculaire (phlébite), iatrogène (anticoagulant), et socioéconomique (délai de récupération et de reprise d activité physique et sportive). Au-delà de la troisième semaine, l augmentation progressive de la mobilisation et de l activité, d autant plus contrôlée que les signes cliniques initiaux étaient sévères, accompagnent la maturation du collagène et la formation du tissu cicatriciel définitif. L immobilisation stricte Le traitement orthopédique non opératoire par immobilisation complète, qu il s agisse d'une botte plâtrée, ou de son équivalent en résine rigide, a pour but la cicatrisation des lésions ligamentaires en position courte, la consolidation des fractures non déplacées et éventuellement opérées, le contrôle des douleurs importantes et invalidantes. L immobilisation complète introduit à l évidence un risque inhérent notamment vasculaire, trophique, cutané, neurologique périphérique. Ces risques particuliers nécessitent une technique de confection rigoureuse, un traitement médicamenteux et une surveillance appropriée. Le traitement chirurgical Le principe du traitement chirurgical d une rupture ligamentaire est de guider la cicatrisation en réalisant une simple suture du ligament rompu. Il ne dispense pas de l immobilisation plâtrée. Il permet l évacuation et le drainage de l hémarthrose, le " nettoyage articulaire " et l ablation d éventuels fragments chondraux libérés. Il permet le traitement des fractures associées de l arrière pied. Il introduit un risque iatrogène bien évalué dans la littérature du fait de l anesthésie, du garrot pneumatique et de l ouverture articulaire. Moyens thérapeutiques non chirurgicaux et non médicamenteux Le traitement symptomatique Le traitement symptomatique initial repose sur l application des principes popularisés sous le terme de " RICE " (Rest, Ice, Compression, Elevation) proposé par Ryan. Ce traitement comporte plusieurs éléments : - Le repos, la diminution ou l arrêt de la mise en charge de l articulation au stade initial sont main- Réan. Urg., 1995, 4 (4 ter), 491-501

- 496 - Ve Conférence de Consensus en Médecin e d urgence tenus tant que dure une douleur importante. Ils peuvent être nécessaires pendant plusieurs jours. Ils justifient l utilisation de cannes anglaises pour les déplacements. - Le glaçage peut être réalisé par plusieurs méthodes. La plus fréquente utilise une poche remplie de glaçons et d eau, apposée sur la peau par l intermédiaire d un linge mouillé. Elle est maintenue par une bande élastique. L application doit en être la plus précoce possible pendant une période de 20 à 30 minutes et être répétée quatre fois par jour tant que persiste une évolution des signes cliniques. On peut également proposer l immersion de la cheville dans de l eau glacée si elle est supportée ou l application d un spray cryogène pendant 20 secondes, à 10-15 cm de la peau, technique habituellement utilisé en médecine du sport en post-traumatique immédiat. - La compression peut être réalisée par des blocs de mousse périmalléolaire maintenus par des bandes élastiques. Elle peut être également réalisée par des attelles comportant des compartiments gonflables. - L élévation du membre inférieur doit être maintenue aussi longtemps que possible. La compression et l élévation du membre inférieur visent à diminuer l importance du gonflement périarticulaire par I œdème et les hématomes. Elles permettront une meilleure évaluation secondaire de l importance des lésions. L efficacité de l ensemble de ces mesures est reconnue par la majorité des auteurs sans que la part de l une ou l autre de ces mesures soit connue. Quelques études contrôlées tendent à confirmer l effet bénéfique de ces mesures sur la douleur. La conten tion La contention a pour but l immobilisation qui peut être plus ou moins stricte selon les moyens utilisés. - La contention légère par chevillère élastique ou bandage en huit (Velpeau ou adhésif) a l avantage de sa simplicité de mise en œuvre. Elle permet une immobilisation modérée. Maintenue pendant deux à trois semaines, elle est adaptée aux entorses peu symptomatiques. - Le " strapping " réalise une immobilisation relative et légère à l aide de bandes adhésives, élastiques ou non. Les bandes non élastiques (" taping ") permettent une immobilisation plus complète mais plus délicate à réaliser. Il a pour objectif le maintien des éléments lésés en évitant leur mise en tension intempestive. Il permet néanmoins une mobilisation limitée en particulier en flexion-extension. La peau doit être protégée (benjoin, bande de mousse, autres techniques). Le " strapping " doit être refait régulièrement tous les cinq jours en moyenne et lorsqu il est détendu. I l est maintenu de deux à six semaines. En pratique, il prend largement la cheville en Réan. Urg., 1995, 4(4 ter), 491-501 s appuyant sur l avant pied et le tiers supérieur de la jambe et en recouvrant complètement la peau. Il permet la marche et la rééducation précoce. La technique en est relativement facile à mettre en œuvre, mais doit être soigneuse dans sa réalisation : elle doit éviter la compression des saillies osseuses ou les strictions par une tension excessive des bandes, les lésions cutanées par application des bandes sur une peau lésée, les excoriations lors du rasage et la macération. - Les orthèses stabilisatrices préfabriquées paraissent à l heure actuelle le traitement le plus adapté de l entorse de cheville. Elles réalisent une immobilisation limitée respectant plus ou moins selon les modèles les mouvements de flexion-extension, mais bloquant les mouvements de rotation et de varus-valgus Amovibles, elles permettent la toilette, les soins locaux et l examen régulier. Portées sur une chaussette, elles n entraînent pas de lésion cutanée et autorisent le port d une chaussure de sport. Plusieurs modèles sont disponibles. Certains comportent des coussins pneumatiques dont le gonflage réglable permet l adaptation aux variations de l œdème ; d autres des coussinets en gel de silicone, éventuellement réfrigérables ; d autres encore sont constitués d une lame de matériau thermoformable ajusté et maintenu par des sangles de velcro. Certaines chevillères, élastiques ou non, permettent une stabilisation satisfaisante grâce à des renforts, laçages et sangles réglables. Les travaux les plus importants ont été réalisés depuis 1980 avec les attelles pneumatiques amovibles (type Aircast) Ces essais concernent tout type d entorses, mais plus particulièrement des entorses dites sévères. Les résultats cliniques sont supérieurs à ceux de l immobilisation plâtrée permettant une récupération fonctionnelle de meilleure qualité et plus rapide. La tolérance est excellente. Le risque thrombo-embolique pourrait être limité par la mobilisation précoce, de même que le risque d algodystrophie. La rééducation peut être entreprise précocement. L arrêt de travail ou d activité sportive est limité. Les or-thèses stabilisatrices préfabriquées représentent une amélioration thérapeutique significative. Cependant, leur prescription aux consultants externes dans les services d urgences des hôpitaux publics français est freinée par une imputation au budget global. Une facturation des produits orthopédiques (or-thèses, cannes anglaises,...) prescrits au cours des consultations externes doit être rendue possible par les pouvoirs publics. - L immobilisation par botte plâtrée est historiquement le traitement de référence. Elle assure une immobilisation stricte de la cheville et était la règle dans les entorses " graves ". La durée de l immobilisation est de trois à six semaines selon l importance de l entorse. Cette attitude a pour inconvénient de réduire l autonomie du patient, de favoriser l atrophie musculaire, les lésions d algodystrophie et les risques

Ve Conférence de Consensus en Médecine d urgence - 497 - thrombo-emboliques. Sa prescription. sa réalisation, son contrôle sont sous la responsabilité du médecin prescripteur. Après ablation du plâtre, la cheville est souvent raide et douloureuse. Il est alors nécessaire de poursuivre le traitement par quatre à six semaines de rééducation. Une attelle postérieure plâtrée peut réaliser un compromis momentané entre la botte plâtrée et l orthèse amovible. Bien faite, elle réalise une immobilisation assez stricte mais amovible. Elle doit monter haut sur le mollet sans comprimer le creux poplité et aller jusqu à l extrémité des orteils en fixant le pied à angle droit. Elle doit modeler soigneusement les reliefs en évitant les compressions et en réalisant une immobilisation efficace. - L apparition de résine semi-rigide peut permettre un nouveau mode de contention intéressant. Ces résines assurent une immobilisation relative évitant les inconvénients des contentions plâtrées. Leurs résultats dans le traitement des entorses restent à évaluer. La kinésithérapie Les objectifs de la kinésithérapie sont la lutte contre la douleur et l œdème auxquels s ajoute secondairement la mobilisation articulaire en décharge puis en charge pour améliorer la mobilité des articulations lésées et des articulations voisines. L entretien ou le renforcement musculaire, la rééducation proprioceptive permettent de maintenir les sensations articulaires et leur contrôle musculaire réflexe. La mise en route de la rééducation doit être aussi précoce que possible dès que la douleur l autorise. Le nombre de séance est fonction de l importance des lésions et peut nécessiter dix à vingt séances dans les formes d importance moyenne. Stratégie de la prise en charge thérapeutique Sur le lieu de l accident La cryothérapie immédiate, précoce, dans les minutes qui suivent le traumatisme peut être conseillée. Il n y a certes pas de preuve scientifique, mais la convergence des traditions populaires et des pratiques des milieux sportifs va dans ce sens. L appui est déconseillé chaque fois qu il est douloureux jusqu à ce qu un examen médical soit fait. Ces mesures initient en fait le traitement symptomatique. Au SAU L attitude thérapeutique ne pourra être décidée que lorsque le bilan diagnostique, clinique, et éventuellement radiographique aura évalué le niveau de sévérité du traumatisme. Cettesévérité est appréciée par le terrain à risque, l existence ou non d une rupture ligamentaire et/ou l existence de lésions associées, osseuses en particulier. Schématiquement, deux situations peuvent être différenciées : Une prise en charge spécialisée peut être d emblée décidée dans certains cas particuliers : l un avis chirurgical doit étre demandé chaque fois qu il existe une fracture associée. L'indication opératoire est essentiellement posée pour les fractures articulaires, particulièrement si elles sont déplacées. Dans certaines entorses particulièrement sévères chez les sujets jeunes et sportifs. une suture ligamentaire peut être envisagée et justifie alors un examen ligamentaire dynamique avant toute décision, mais il ne s agit plus désormais que de cas particuliers ; l les sportifs de haut niveau, du fait de leurs contraintes spécifiques, seront le plus souvent pria en charge directement en milieu spécialisé. - En fait, la grande majorité des malades porteurs d entorses de cheville vues aux urgences doit bénéficier actuellement d un traitement symptomatique. Lors de cette prise en charge, une cryothérapie, un traitement compressif confortable et prudent sont mis en place. Un traitement médical adjuvant notamment antalgique est prescrit. Suivant l intensité des douleurs initiales, une immobilisation plus stricte peut être réalisée par or-thèse ou attelle postérieure maintenant la cheville à angle droit. A l inverse, l appui peut être autorisé avec un simple bandage. Il est rare qu une prescription de rééducation soit nécessaire à ce stade. Le repos doit être conseillé ainsi que la surélévation du membre. L information du patient doit être claire sur les raisons de ce choix thérapeutique, la nécessité du traitement et de sa surveillance. Celle-ci peut être confiée au médecin traitant qui doit être de toute façon informé. Compte tenu de la grande variabilité de l évolution précoce, il est souhaitable que le patient soit revu avant la fin de la première semaine (entre le 3e et le 5e jour) pour réévaluation diagnostique et thérapeutique. A la première reconvocation Cette nouvelle consultation avant la fin de la première semaine doit être réalisée par un traumatologue confirmé (ayant acquis une compétence suffisante en traumatologie d urgence quelle que soit sa spécialité d origine). Le but de cette consultation est triple : - procéder à la relecture des radiographies initiales éventuelles, plus particulièrement quand l organisation des services intervenants ne comporte pas une relecture systématique préalable ; - procéder à une réévaluation de la situation clinique, en particulier si une radiographie initiale n a pas été prescrite ; - préciser le niveau d impotence résiduelle de façon à adapter la prise en charge thérapeutique. On peut schématiquement considérer trois possibilités : - L impotence est devenue discrète ou absente (il n y a plus de douleur à la marche, il n y a pas Réan. Urg., 1995, 4 (4 ter), 491-501

- 498 - Ve Conférence de Consensus en Médecine d urgence d hématome, la mobilisation est peu douloureuse, on retrouve une simple sensibilité à la palpation du faisceau antérieur du ligament latéral). Le traitement peut être interrompu. On conseillera alors au patient d éviter les activités physiques et sportives pendant trois semaines. - L impotence est modérée (la marche est possible mais douloureuse, un hématome ou une ecchymose est visible dans la région malléolaire externe, la mobilisation passive de la cheville est douloureuse ainsi que la palpation d au moins deux faisceaux du ligament latéral). Le traitement doit alors comporter outre le traitement médicamenteux symptomatique, une immobilisation relative pendant trois semaines autorisant l appui. Il peut s agir d un " strapping ", d un " taping ", d un bandage compressif, voire d une chevillère. Une prescription de rééducation pourra être faite, soit d emblée si la contention est amovible, soit à son issue, pour une quinzaine de séances. Elle comportera initialement de la physiothérapie antalgique puis après disparition des douleurs, une rééducation progressive de renforcement musculaire (essentiellement des péroniers latéraux) et rééducation proprioceptive. - L impotence reste importante (la marche est impossible ou très douloureuse : hématome puis ecchymose de la face externe mais aussi de la face interne de la cheville, mobilisation de la cheville très douloureuse, douleur à la palpation du ligament latéral et aussi fréquemment du ligament médial). Une immobilisation doit être maintenue cinq à six semaines. Pendant les trois premières semaines, le traitement doit comporter une immobilisation plus stricte soit par plâtre ou résine, soit par or-thèse. Un appui partiel est autorisé pour peu qu il reste inférieur au seuil douloureux. Il est favorisé par la prescription de cannes anglaises. Après la troisième semaine, un appui plus ferme est autorisé. Si une botte plâtrée a été mise en place elle doit être remplacée après la troisième semaine par une orthèse stabilisatrice ou un " strapping ". Les contractions musculaires ainsi qu éventuellement une mobilisation active en flexion extension seront sollicitées et une rééducation sera prescrite à but antalgique puis de récupération de la mobilité articulaire du renforcement musculaire et de la prorioception. Les patients doivent être revus après la troisième semaine. Toute évolution anormale, qu il s agisse de la persistance ou de l augmentation de la symptomatologie, suggère l existence d une complication et invite à reprendre une réflexion diagnostique. Les arrêts de travail sont faits de consultation en consultation et modulés selon l activité professionnelle du patient et la tolérance fonctionnelle. Réan Urg., 1995, 4 (4 ter). 491-501 El Quelle est la place des traitements médicamenteux locaux et généraux pour une entorse de cheville? Le but des traitements médicamenteux d une entorse de cheville vise essentiellement à : - diminuer la douleur et l impotence fonctionnelle ; - réduire l œdème ; - éviter les complications liées à l immobilisation. Le traitement médical constitue un complément au traitement fonctionnel ou orthopédique. Les traitements locaux Plusieurs préparations à usage local sont disponibles, sous forme de gels, crèmes ou pommades. Elles peuvent comporter des salicylés, d autres antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS), ou d autres composants dont l effet thérapeutique est moins certain. Seuls les produits à base d anti-inflammatoires ou salicylés ont donné lieu à quelques études. Il apparaît que l application de ces topiques a un effet sur l œdème et la douleur, en comparaison à un placebo. Mais ces études sont peu nombreuses, d interprétation difficile du fait de méthodologies peu comparables ou d effectifs insuffisants. Elles ne permettent donc pas de proposer des règles d utilisation précises. Les traitements locaux peuvent être une alternative aux traitements médicamenteux par voie orale. Ils sont compatibles avec l utilisation d une attelle amovible. Ils sont contre-indiqués en cas de lésion cutanée pré-existante et comportent un risque de sensibilisation locale. Les traitements généraux Le traitement de la douleur - Les antalgiques La douleur est au centre des plaintes immédiates et ultérieures des patients victimes d une entorse de cheville. Elle doit être évaluée à l aide des échelles adaptées à la pratique des urgences. Malgré leur utilisation habituelle et reconnue, on ne dispose pas d étude consacrée à l effet des antalgiques seuls dans le traitement de la douleur de l entorse de la cheville. Aucune règle thérapeutique particulière ne peut donc être retenue. Le choix des produits, la posologie rejoignent les principes généraux du traitement de la douleur traumatique. Le paracétamol seul ou en association présente le meilleur rapport bénéficerisque si l on respecte ses conditions d emploi.

Ve Conférence de Consensus en Médecine d'urgence - 499 - - Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) Ils sont très largement utilisés. Toutes les familles d'ains actuellement disponibles sont employées. Plusieurs études rapportent l utilisation des AINS par voie orale dans l entorse de la cheville. Elles concernent des molécules variées (par exemple diclofenac, piroxicam, ibuprofène) comparées entre elles ou contre placebo. Elles montrent un effet sur la douleur. L effet sur l œdème n apparaît pas significatif au plan statistique. Mais aucun de ces travaux ne prouve formellement la supériorité des AINS par rapport aux antalgiques, ni d une molécule par rapport à une autre. De plus, leur utilisation doit prendre en compte les risques d effets secondaires. En pratique, le traitement de la douleur doit privilégier, en première intention, les traitements antalgiques. L inefficacité de ce traitement associé aux autres mesures thérapeutiques conduit à reconsidérer le diagnostic initial d entorse pure. La préven tion de la thrombose veineuse profonde (TVP) L entorse de cheville qui ne compromet pas la marche ou qui ne fait pas l objet d une immobilisation stricte ne justifie pas de prévention de la TVP, sauf pour les patients aux antécédents de thrombose ou présentant des facteurs de risque. En revanche, la prévention de la TVP en cas d immobilisation stricte est recommandée. Le traitement préventif institué dès le premier jour obéit aux choix des médicaments, le plus souvent anti-thrombotiques et aux règles de prescription et de surveillance habituelle. Quels sont les informations et les conseils de surveillance à donner aux patients? La relation complémentaire entre le médecin et l infirmière est déterminante quant à la qualité, la quantité et la chronologie du message éducatif. L information donnée au patient se présentant au Service d'accueil et d urgence pour un traumatisme de la cheville commence dès la prise en charge infirmière en favorisant son installation par : - le dégagement de la cheville en ôtant la chaussure et la chaussette ; - l application de glace ; - la surélévation du membre ; - en expliquant l effet antalgique et antiinflammatoire de ces mesures. L infirmière veille à la bonne compréhension des objectifs thérapeutiques. En créant une relation individualisée avec le patient, elle favorise une action éducative sur les gestes pratiques nécessaires en raison du handicap lié à l entorse. Après ces informations et conseils verbaux, il est remis au patient des consignes écrites sous forme de protocole de soins pré-établi et validé médicalement comme ci-dessous. Informations à donner aux patients Madame, Monsieur, Les soins réalisés au Service d'accueil et d urgence ont permis de faire le bilan initial de votre traumatisme de la cheville. Il est possible que, dans les jours qui suivent, apparaissent douleur, gonflement et hématome au niveau de la cheville et/ou du pied. De ce fait, une difficulté à la marche plus ou moins longue est fréquente pour une entorse. Une surveillance ultérieure est essentielle. Il est donc nécessaire que vous soyez revu par un médecin entre le 3e et le 5e jour après l accident pour : - refaire un examen clinique, - décider de la nécessité d examens complémentaires, - et éventuellement modifier le traitement. D ici là, il faut : - le repos, - éviter de rester debout et immobile, - surélever la jambe atteinte, - appliquer de la glace sur le bord externe de la cheville (vessie de glace avec de l eau entourée d un linge humide) pendant 20 minutes 3 à 4 fois par jour. Conseils généraux à tout porteur de plâtre Il ne s agit pas d un plâtre de marche. - Tout appui est interdit. - Déplacez-vous uniquement à l aide de cannes anglaises. - Laissez sécher le plâtre à l air libre (il ne sera totalement sec qu après 48 heures). - Posez le membre plâtré sur un coussin, à l horizontale. - Surélevez la jambe chaque fois que vous êtes en position assise. Toute apparition de fourmillements, gonflement, changement de couleur du pied, sensation d orteils froids, d augmentation des douleurs doit vous faire reconsulter immédiatement au Service d'accueil et d urgence ou votre médecin traitant. Réan. Urg., 199.5, 4(4 ter), 491-501

- 500 - Ve Conférence de Consensus en Médecine d urgence Conseils pratiques - Bouger le plus possible les orteils. - Contracter plusieurs fois par heure les muscles de la jambe. - Ne pas introduire d objet dans le plâtre. - Garder le plâtre le plus propre possible. - Ne pas exposer le plâtre au soleil ou à la chaleur. - Ne pas mouiller le plâtre. - Si votre plâtre se casse, revenir rapidement à l hôpital. - Ne pas conduire de véhicule automobile ou de deux roues (pas de dédommagement en cas d accident). Conseil de marche avec les cannes anglaises - Régler la hauteur des cannes avec les poignées rembourrées à la hauteur des hanches. - Vérifier les antidérapants sous les cannes. - Mettre les deux cannes au même niveau en avant, à la distance d un pas. - Faire un mouvement de balancier avec la jambe plâtrée, genou plié comme pour faire un pas, mais sans poser la jambe. - Sauter sur la bonne jambe en ayant un bon appui sur les cannes. - Renouveler ce mouvement. ATTENTION : sol mouillé = glissade. * pour descendre les escaliers : l pour monter les escaliers : Conseils de mise en place et d utilisation : l ne jamais la porter à même la peau, mettre toujours au préalable une chaussette en coton ; l les deux coques latérales de votre attelle sont réunies par une bande réglable passant sous le talon. Une fois mise en place, la fermeture des coques est assurée par les bandes velcro en plaçant d abord la bande inférieure. La chaussure est mise en place (chaussure à lacets de ville, ou chaussure de sport), les lacets sont serrés et la bande supérieure est ensuite enroulée pour que les coques latérales s appliquent sur la jambe ; l un réglage de l attelle est parfois nécessaire les 24 premières heures ; l la disparition de la douleur ne doit pas faire arrêter le port de cette attelle sans l avis de votre médecin ; l l attelle doit être retirée pour la douche en faisant attention aux mouvements précipités et incertains : il est nécessaire d essuyer correctement la peau pour éviter la macération. Conseils généraux à tout porteur de contention adhésive ou " strapping " Il se fait à l aide de bandes adhésives extensibles et de bandes adhésives non extensibles. - Surveiller un risque de striction ; - le " strapping " ne supporte pas l humidité. Tout " strapping " mal toléré doit être impérativement enlevé et il faut reconsulter un médecin. Le / / Signature du médecin, et de l infirmier(e) En conclusion, la contention de l entorse de cheville est un acte fréquent au Service d'accueil et d urgence. La responsabilité médico-infirmière est partagée, comme le souligne le décret n 93-345 du 15 mars 1993 (législation française). Il reconnaît l importance de l infirmière avec une formation spécifique pour effectuer des soins de qualité.. Conseils généraux à tout porteur d attelle stabilisatrice Bien que cette attelle soit amovible, nous conseillons de la garder jour et nuit jusqu à la nouvelle consultation. Réan. Urg. 1995, 4 (4 ter). 491-501 L impact socio-économique des entorses de cheville peut-il être évalué? A l évidence, les entorses de cheville représentent un problème de santé publique (500 millions de dollars par an en coûts directs de radiographie dans le nord des Etats-Unis) en raison de leur fréquence et parce qu elles sont sources de complications secondaires invalidantes.

Ve Conférence de Consensus en Médecine d urgence - 501 - Les études disponibles concernant l évaluation économique des stratégies thérapeutiques de l entorse de cheville sont rares et incomplètes car la qualité dc la vie n est pas prise en compte. Les études d impact socio-économique n apportent que des éléments incomplets d appréciation. - A partir de critères cliniques les équipes d Ottawa envisagent une réduction de 28 p. 100 des radiographies de cheville sans perte d information. - L efficacité clinique à six mois et des coûts directs significativement diminués ont été notés dans une stratégie " mobilisation d emblée " par rapport à une stratégie d immobilisation (Sommer et Schreider, 1993). - Mesurés en jours d arrêt de travail, les coûts indirects sont diminués en utilisant une attellé gonflable par rapport à une contention plâtrée (Jaeger, 1991 - Eiff, 1994). Dans toutes ces études, les coûts intangibles liés à la douleur, l anxiété et la gêne provoquée par le traitement n ont pas été pris en compte. De même, les conséquences n ont pas été mesurées : elles pourraient l être - soit en unité physique : délai de guérison par exemple ; - soit en utilité : délai de guérison pondérée par la qualité de la vie ; - soit en terme monétaire ou bénéfice économique associé. Pour être connu, l impact socio-économique des entorses de cheville devra nécessiter la réalisation d études multicentriques menées avec la collaboration d un épidémiologiste ou d un médecin de santé publique. Glossaire Articulation médiotarsienne : articulation de Chopart. Clayton (signe &) : sillon fibulo-talique (péronéo-astragahen) palpable lors des lésions capsule-ligamentaires étendues. Coûts directs : dans une analyse économique ils correspondent aux dépenses découlant directement de la mise en œuvre de la stratégie thérapeutique. Coûts indirects : dans une analyse économique ils correspondent aux pertes de production, du fait de la maladie. Couts intangibles : dans une analyse économique, ce sont les coûts liés à la douleur, à l anxiété, à la gène provoquée par le traitement. Cryothérapie : thérapeutique utilisant les propriétés physiques de la réfrigération. Instabilité fonctionnelle : sensation subjective de dérobernent de l articulation ou du membre inférieur. Ligament calcanéo-fibulaire : faisceau moyen du ligament latéral. Ligament talo-fibulaire antérieur : faisceau antérieur du ligament latéral. Ligament talo-fibulaire postérieur : faisceau postérieur du ligament latéral. Ligament latéral : anciennement dénommé ligament latéral externe. Ligament média1 : anciennement dénommé ligament latéral interne. Physiothérapie : en France, utilisation de moyens physiques (ondes, ultrasons, chaleur, ionisation, etc.) en rééducation. Dans les pays anglo-saxons, il est synonyme de rééducation. Rééducation proprioceptive : rééducation des automatismes du contrôle moteur de l équilibre et de la posture. Strapping : bandage stabilisateur adhésif et élastique. Syndesmose tibio-péronière : ensemble ligamento-fibromusculaire assurant la cohésion du tibia et du péroné. Taping : bandage stabilisateur adhésif et non élastique. Références STIELL I.G., GREENBERG G.H., Mc KNIGHT RD., NAIR RD., Mc DOWELL I., WORTHINGTON J.R. - A study to develop clinical decision rules for the use of radiography in acute ankle injuries. Ann. Emerg. Med., 1992, 21, 384-390. STIELL I.G.. GREENBERG G.H.. Mc KNIGHT RD. and coll. - Decision rules for the use of radiobraphy in acute ankle injuries : Refinement and prospective validation. JAMA, 1993, 269, 1127-l 132. STIELL I.G., Mc KNIGHT R.D., GREENBERG G.H., Mc DOWELL I., NAIR R.D., WELLS A.G., JOHNS C., WORTHINGTON J.R. - Implementation of the Ottawa Ankle.rules. JAMA, 1994, 277, 827-832. Livres de références D E LEE J.C., DREZ D. - Orthopaedic Sports Medicine. W.B. Saunders Ed., Philadelphia, 1994. Injuries offhe foot andankle, pp. 1705-l 767. M ANN R.A., COUGHLIN M.J. - Surgery of the foot and ankle. Mosby Ed., Saint Louis, 1993. Réan. Urg., 1995, 4 (4 ter), 491-501