Mise au point sur le sevrage alcoolique DELBARRE Nicolas LAZARO Marine MORET Laurent
PLAN Introduction Alcoolo-dépendance: Sevrage Maintien de l abstinence
Introduction
Epidémiologie Vrai problème de santé publique L alcool est la substance psychoactive la plus consommée : seuls 7 % des 18-75 ans n en ont jamais bu. Données difficilement estimable Touche plus la population masculine (environ 3 fois plus de consommateurs quotidiens) En diminution depuis plusieurs décennies
Epidémiologie Quelques chiffres: 13 millions de consommateurs réguliers 35 % des Français boivent régulièrement de l alcool, 15 % tous les jours 92 000 personnes consultent chaque semaine pour un problème directement lié à l alcool 45 000 décès/an sont liés à l alcool (deuxième cause de mortalité évitable de notre pays, après le tabac)
Rappels Ethanol = «alcool éthylique» Issu fermentation du sucre Exprimé en % dans les boissons alcoolisées
Métabolisme de l éthanol O2 O2 - OH H202 Si forte concentration en alcool - CYP 2E1 - (Catalase) Ethanol Indépendant de la C en alcool ADH ALDH NAD NADH,H+ NAD Acétate NADH,H+ AcétylCoA Cycle de Krebs 7,1 kcal/g! Variation du métabolisme : -> Polymorphisme génétique : ADH2,ALDH2 -> Inducteur métabolique / CYP 2E1
Valeur normalisée 1 unité = 10g d alcool
Consommation chronique Détermination du risque à long terme d après la consommation journalière Plus de 6 verres chez l homme et 4 verres chez la femme = risque sévère
Complications en aigu
Complications en chronique Foie: stéatose, cirrhose, hépatite Pancréas: pancréatite, diabète Cutanée: psoriasis, eczéma, angiomes stellaires Estomac/œsophage: gastrite, VO Neurologique: épilepsie, Gayet-Wernicke, polynévrite Cognitif: troubles mémoire, attention, organisation Psychiatrique: dépression, paranoïa Cancer: ORL, foie, sein, colon Cardiovasculaire: HTA, FA, troubles veineux Hormonal: impuissance, aménorrhée
Complications Sevrage Délirium Tremens: Tremblements Troubles du caractère Insomnie Signes végétatifs Hallucinations
Le Sevrage Alcoolique
Objectifs et définition du sevrage alcoolique Arrêt de la consommation d alcool ou réduction en dessous des seuils définis par l OMS Prévention des complications dues à la consommation excessive d alcool Amélioration de la qualité de vie
Indications Concerne tout patient alcoolodépendant motivé à réduire sa consommation Demande émise par le patient ou sa famille Sevrage urgent (troubles cognitifs sévères, femmes enceintes, hépatopathies sévères, troubles psychiatriques) ou imposé à l occasion d une hospitalisation / intervention chirurgicale
Contre-indications Pas de contre-indications absolues Non indications Absence de demande et de motivation du patient Absence de projet thérapeutique et social Accompagnement de ces patients afin de mettre en place un sevrage ultérieur.
Prise en charge du patient Le sevrage nécessite une prise en charge médicamenteuse, psychologique et sociale avec l appui de différents intervenants. Renforcement de la motivation initiale du patient et discussion des modalités du sevrage : Mise en place d un projet Participation à un mouvement d entraide Informer sur le risque de survenue d un syndrome de manque
Prise en charge du patient Evaluation de l alcoolodépendance et du risque de syndrome de sevrage Signes cliniques +++ Marqueurs biologiques anormaux (VGM, gamma GT, CDT-Carbohydrate Deficient Transferrin) Score de Cushman (manque) et Questionnaire CAGE / Audit (alcoolodépendance)
Score de Cushman
Questionnaire CAGE Cut-down, Annoyed, Guilty, Eye-opener contient 4 questions Vous êtes-vous déjà senti coupable au sujet de votre consommation d alcool? Avez-vous déjà ressenti le besoin d abaisser votre consommation d alcool? Avez-vous déjà eu le besoin d alcool dès le matin pour vous sentir en forme? Votre entourage vous a-t'il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation d alcool? 2 «Oui» signifiant qu il est très probable que votre consommation soit problématique
Questionnaire AUDIT Résultats Score < 6 (chez la femme) et < 7 (chez l homme): risque faible ou anodin Score entre 6 et 12 (chez la femme) et entre 7 et 12 (chez l homme) : consommation à risque ou à problème Score 13 : alcoolodependance probable
Modalités de sevrage Sevrage ambulatoire : Envisagé prioritairement Permet poursuite activité professionnelle Maintien des relations sociales Favorise une implication active du patient et de son entourage
Sevrage ambulatoire Trois éléments principaux : Information du patient Hydratation (1.5 à 2L/j) Prescriptions de benzodiazépines à demi-vie longue
Sevrage Hospitalier Ne concerne que 10 à 30% des sevrages Il permet de soustraire le patient à son environnement Il garantie la réalité du sevrage et l observance Nécessaire en cas de syndrome de sevrage sévère ou de pathologies associées.
Sevrage Hospitalier Ces modalités sont les mêmes que le sevrage ambulatoire avec les avantages d une prise en charge hospitalière. Indiqué chez patients présentant Une alcoolodépendance sévère Affectation psychiatrique ou somatique sévère Facteurs socio-environnementaux difficiles
Traitement médicamenteux Les benzodiazépines sont utilisés en première intention, effet thérapeutique +++. Réduisent l incidence, la sévérité et les complications du syndrome de sevrage, notamment le delirium tremens. On favorise celles à demi-vie intermédiaire à longue qui préviennent mieux les crises convulsives
Schémas de prescription Prescription de doses fixes réparties sur 24 heures : 2 à 4 comprimés à 10 mg de Diazepam par jour pendant 2 à 3 jours, puis réduction en 4 à 7 jours et arrêt 6 comprimés à 10 mg de diazépam le premier jour en diminuant d 1 comprimé par jour jusqu à l arrêt Prescription de dose charge possible en cas d agitation (20mg de diazepam) Prescription de benzodiazépines au-delà d une semaine/dix jours ne se justifie qu en cas de dépendance aux benzodiazépines associée à la dépendance alcoolique
Tableau d équivalence benzodiazépines Diazepam (VALIUM ) 10 mg ½ vie : 32-47h Chlorazépate (TRANXENE ) 15 mg ½ vie : 65h Alprazolam (XANAX ) 1 mg ½ vie : 10-20h Lorazepam (TEMESTA ) 2 mg ½ vie : 10-20h Oxazepam (SERESTA ) 30 mg ½ vie : 8h
Effets indésirables des benzodiazépines Diminution de la vigilance diurne Amnésie antérograde Dépendance Dépression respiratoire
Traitements associés Vitamine B1 joue différents rôles dans l organisme : Métabolisme des glucides Assimilation nourriture et stimulation de la consommation Fonctionnement nerveux (mémoire) Fonctionnement musculaire et cardiaque Oxydation de l alcool Elimination
Vitamine B1 Prescription de 500 mg/jour Souvent en carence chez les alcooliques due au fait de leur mauvaise alimentation et d une atteinte du foie Plus on boit de l alcool, plus on le foie a besoin de vitamines B La forme la plus fréquente de carence en vitamines B et la plus grave peut entrainer l apparition d une Encéphalopathie de Wernicke
Encéphalopathie de Wernicke Atteinte du système nerveux central Patient confus, ataxie, une paralysie des yeux, un nystagmus Coma dans la phase la plus aigue Mort si non administration de Vitamine B1 Si, on observe par la suite des troubles de mémoire on parlera de syndrome de Wernicke-Korsakoff Trouble de l orientation, troubles mentaux Patients imaginent souvent des faits afin de combler troubles de mémoire (Confabulation) Cas les plus graves Atteinte cérébrale irréversible
Autres Vitamines Vitamine B6 Sa carence favorise l apparition de crise convulsive 250 à 500 mg / jour EI : Neuropathie réversible lors d utilisation prolongé Vitamine PP Cofacteur de la vitamine B1 et B6 Vitamine B9 (acide folique) Prescription systématique chez femme enceinte (malformation) 5 à 15 mg / jour
Cas particulier Codépendance Alcool + tabac Substance nicotinique pour sevrage Codépendance Alcool + BZD Traitement alcoolodépendance puis traitement dépendance au benzodiazépine Codépendance Alcool + héroïne Clonidine + Benzodiazépine + Antalgiques Chez sujets traités par méthadone ou buprénorphine, utilisation de BZD Favorise dépression respiratoire
Résumé stratégie thérapeutique
Après le sevrage. Maintient de l abstinence
Maintient de l abstinence Prise en charge psychosociale Prise en charge médicamenteuse Combinaisons
Prise en charge non médicamenteuse: psychologique et sociale
Prise en charge non médicamenteuse: psychologique et sociale Essentielle Collaboration pluriprofessionelle Informations, empathie, bienveillance, confiance Soutien psychologique Psychothérapies : individuelle, de groupe, familiale, de couple, comportementale, motivationnelle Accompagnement social
Prise en charge non médicamenteuse: psychologique et sociale Objectifs - Court-terme: encourager l abstinence encourager la participation impliquer la famille, l entourage - Long-terme: restaurer l estime de soi résoudre les problèmes relationnels améliorer l état de santé pérénité de l abstinence d alcool
Prise en charge médicamenteuse à long terme Pour qui? Patients avec une surconsommation alcoolique modérée à sévère avec: Risques pour la santé Motivations Psychothérapie insuffisante Abstinence
1 ère ligne de traitement Naltrexone REVIA Acamprosate AOTAL
Naltrexone 50 mg REVIA Antagoniste opioïde des Rc µ Liste I Conservation : < 25 C, 3 ans Aide au maintien de l abstinence + suivi psychosocial 50 mg/jour pendant 3 mois Vérifier l absence de dépendance aux opiacés Test à la naloxone Arrêt opiacés: - opioïdes: 7-10j - méthadone: 10 j
Naltrexone 50 mg REVIA Contre-indications: Liste I Conservation : < 25 C, 3 ans - IHC sévère, IR sévère - dépendance aux opiacés, morphiniques de substitution, analgésiques morphiniques de palier III, morphiniques agonistes/antagonistes Effets indésirables: Insomnie, anxiété, crampes et douleurs abdominales, nausées et/ou vomissements, douleurs articulaires et musculaires, céphalées Informations au patient, suivi, soutien, observance
1 ère ligne de traitement Naltrexone REVIA Acamprosate AOTAL
Acamprosate 333 mg AOTAL Stimulateur de la neurotransmission GABAergique Diminution de l absorption volontaire d alcool Poids < 60 kg: 2.1.1 cp -> 4 cp/jour Poids > 60 kg: 2.2.2 cp -> 6 cp/jour Prise à distance des repas Durée: 1 an
Acamprosate 333 mg AOTAL Contre-indications: - Insuffisance rénale (créatinémie > 120 µm) - Grossesse, allaitement Effets indésirables: - Gastro-intestinaux, troubles de la libido
2 ème ligne de traitement Disulfirame ESPERAL Baclofène LIORESAL Nalméfène SELINCRO
Disulfirame 500 mg ESPERAL Traitement adjuvant dans la prévention des rechutes Inhibition de l acétaldéhyde déshydrogénase accumulation acétaldéhyde : EI +++ 1 cp par jour, matin au petit déjeuner avec un verre d eau Abstinence d alcool de minimum 24 h Liste II Conservation : < 25 C, 3 ans
Disulfirame 500 mg ESPERAL Contre-Indications: - IH sévère, IR, Liste II Conservation : < 25 C, 3 ans - I Respiratoire sévère, atteintes neuropsy et/ou cardiovasculaires, alcool Intéractions médicamenteuses: Alcool, isoniazide, 5-nitroimidazolés, phénytoïne, ACG oraux Effets indésirables: GI, hépatiques, SNC Rares cas d hépatites fulminantes suivi hépatique
2 ème ligne de traitement Disulfirame ESPERAL Baclofène LIORESAL Nalméfène SELINCRO
Baclofène 10 mg LIORESAL Agoniste Rc GABAergique de type B Myorelaxant d action centrale Liste I Conservation : < 25 C, 3 ans RTU: 7 points Inscription sur rtubaclofene.org Indication de prescription Enregistrements des patients Remise de documents lors de l initiation Modalités de suivi Remise de documents lors du suivi Déclaration des évènements indésirables
Baclofène 10 mg LIORESAL Inscription sur rtubaclofene.org
Baclofène 10 mg LIORESAL Indications de prescription > 18 ans Échec préalable des traitements autorisés pour la réduction de la consommation d alcool et le maintien de l abstinence Information orale + remise note d informations (hors AMM, risques) Contraception efficace chez la femme Contre-indications mineur, femmes enceintes Problèmes -> suivi aléatoire IH ou IR sévère, épilepsie, maladie de Parkinson Co-morbidités psychiatriques: psychose d intensité sévère Addiction à d autres substances addictives que l alcool ou le tabac
Baclofène 10 mg LIORESAL Enregistrement des patients
Baclofène 10 mg LIORESAL Documents à remettre lors de l initiation Ordonnance initiale Note d information du RTU Attestation de traitement mensuel par baclofène Posologie initiale: 15 mg/jour Augmentation très progressive ( 5 à 10 mg) / 2-3 jours
Baclofène 10 mg LIORESAL Modalités de suivi Phase d initiation = entretien direct ou téléphonique / 15J Période de stabilité = min 1 entretien direct / mois Notification de tous les entretiens sur le site de la RTU Seuils posologiques: >120mg/j : 2 ème avis médical expérimenté > 180mg/j : avis collégial CSAPA ou service hospitalier spécialisé en addictologie 300 mg = poso max autorisée selon la RTU Diminution progressive des doses
Baclofène 10 mg LIORESAL Documents à remettre du suivi Ordonnance de suivi Attestation mensuelle de traitement
Baclofène 10 mg LIORESAL Déclaration des effets indésirables
Baclofène 10 mg LIORESAL Déclaration des effets indésirables Troubles neuropsychiatriques Fractures, chutes sur la voie publique Troubles GI, cutanés, CV, respiratoire (apnée du sommeil), métabolique (TG, glycémie)
2 ème ligne de traitement Disulfirame ESPERAL Baclofène LIORESAL Nalméfène SELINCRO
Nalméfène 18 mg SELINCRO Antago Rc δ et μ, ago partiel des Rc Ƙ Réducteur de la consommation d alcool chez les patients ayant une dépendance à l alcool avec une consommation à risque élevé, sans symptôme physique de sevrage et ne nécessitant pas un sevrage immédiat + suivi psychosocial Initiation : consommation à risque élevée >15 jours Prise à la demande, selon les besoins du patient
Nalméfène 18 mg SELINCRO Contre-indications: - opioïdes, IH sévère, IR sévère Effets indésirables: Liste I Conservation : < 25 C, 3 ans - insomnie, sensation de vertige, céphalées, nausées Bénéfices? ASMR IV, mineur et SMR modéré
Maintien de l abstinence Combinaisons? De stratégie De médicaments
Combinaison : PEC psychosociale + médicamenteuse Complémentaire Meilleurs résultats Limite les rechutes
Combinaison de thérapeutiques Naltrexone + Acamprosate Naltrexone + Ondansétron Naltrexone + Sertraline
Utilisations hors AMM/à l étude Sodium Oxybate (GHB) Topiramate Ondansétron
Sodium Oxybate (GHB) Analogue structural GABA, agoniste GABA-B AMM en Italie et en Autriche dans le traitement de la dépendance alcoolique (sevrage et prévention de la rechute) Effets indésirables: Vertiges ++, nausées, vomissements, asthénie Etudes internationales en cours (D & A Pharma)
Topiramate Antiépileptique GABAergique 3 études contrôlées: Topiramate > Placebo 2 essais comparaison à Naltrexone: pas de différences significatives
Ondansétron Antagoniste des Rc 5-HT3 de la sérotonine Résultats significatifs chez patients avec consommation <10 verres/jours Diminution significative de la consommation par rapport au placebo
Pistes pour l avenir
Rôle du pharmacien?
Rôle du pharmacien Informations, soutien Evaluation de l observance thérapeutique Inclusion dans un programme d ETP personnalisation du parcours de soin
Conclusion Traitement du sevrage important mais devrait être toujours suivi d une aide au maintien de l abstinence Nombreuses recherches pharmacologiques en cours dans le traitement des addictions Recommandations amenées à évoluer dans les années à venir Place du pharmacien dans des programmes d entretiens thérapeutiques
Bibliographie http://www.sfalcoologie.asso.fr/download/svg_si mple.pdf http://www.hassante.fr/portail/jcms/c_267099/sevrage-alcoolrecommandations-version-courtepdf