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Transcription:

Bar "Le Damier", 9, place Sainte-Anne (M Sainte-Anne) 14 avril 2010 Montréal, à pied et à vélo avec Paul Lewis, de l université de Montréal Pourquoi s intéresser à Montréal comme ville cyclable et marchable, alors que les parts de marché pour le vélo et la marche restent faibles en comparaison de ce qu il est possible d observer dans plusieurs villes européennes? Peut-être parce qu en Amérique du Nord Montréal reste une manière de modèle, l une des villes les plus favorables à la marche et, surtout, au vélo, comme l ont souligné plusieurs prix obtenus dans les dernières années. Plus encore, Montréal a récemment adopté une stratégie très volontaire, pour changer la mobilité : augmenter la part des modes doux (marche et vélo) et du transport collectif, afin de réduire la dépendance automobile. Le vélo : loisirs ou transport? Le Québec est l une des régions les plus vélomanes d Amérique du Nord, comme le constatait VéloQuébec dans son État du vélo de 2005. Mais le vélo a longtemps été essentiellement pensé en termes de loisirs au Québec, qui possède maintenant un des plus longs réseaux cyclables parmi les pays occidentaux, la Route verte (4 300 km de voies balisées). Comme partout ailleurs en Amérique, le vélo n est un mode de transport que pour une toute petite partie des déplacements. Dans la région de Montréal, les déplacements vélo ne comptent que pour 1,2 % des déplacements d une journée moyenne (données de l enquête origine-destination de 2003), autant dire presque rien ; mais cette part est en croissance, bien que lente. La performance est évidemment plus convaincante dans les quartiers centraux. Ainsi, elle atteint 6,5 % dans le Plateau, un petit quartier au nord-est du centre-ville ; nous ne sommes pas loin de ce qui peut être observées dans plusieurs villes d Europe. Le réseau cyclable montréalais reste assez peu étendu : 500 km de voies, surtout en zone centrale et dans de nombreux parcs, des voies souvent aménagées pour les loisirs davantage que les transports (même si elles peuvent servir à l un et l autre). Nous n avons toujours pas de véritable réseau, comparable à ce qui existe pour l automobile. Mais les choses sont en voie de changer ; nous y reviendrons. La marche : un sport extrême La marche est dans une situation passablement différente de ce qu on observe pour le vélo : la part modale reste très importante, de l ordre de 10 % pour une journée moyenne, pour l ensemble de la région de Montréal (2003). Elle atteint même 25 % dans le Plateau, là où elle est la plus élevée dans la zone centrale. Comme dans la plupart des villes d Amérique du

Nord, les marcheurs sont principalement des enfants, notamment pour se rendre à l école. Même si la part des déplacements maison-école qui se font à pied a beaucoup diminué depuis les années 1970, environ le tiers des élèves du primaire vont toujours à l école à pied, et cela même en banlieue. Exception faite de la ville intérieure, où les piétons circulent dans un espace qui leur est réservé, l environnement piéton manifeste généralement des lacunes importantes, qui témoignent de la volonté, pendant de nombreuses années, de prioriser l automobile : les trottoirs sont souvent trop étroits, quand ils existent (en banlieue, les villes font même souvent l économie des trottoirs, tout en se réclamant du développement durable) ; à l inverse, les rues sont très larges, ce qui désavantage les piétons, surtout les plus lents d entre eux ; les feux de circulation sont programmés pour faciliter l écoulement des voitures. Et, de plus, les automobilistes sont trop souvent délinquants, même à proximité des zones scolaires, conséquence de la relative impunité dont ils jouissent (il faut aussi dire que les piétons et les cyclistes ne sont pas moins délinquants, mais les conséquences ne sont pas les mêmes, on en conviendra). Les piétons (et les cyclistes) sont largement surreprésentés dans les bilans routiers : en 2009, pour ne prendre que cette année l une des moins meurtrières des dernières années, sur 33 personnes décédées sur l île de Montréal, les 2/3 étaient piétons (18 personnes) et cyclistes (3 personnes). Un bilan extrêmement lourd, quand on considère les parts modales des uns et des autres. Favoriser les modes doux (et le transport collectif) En 2008, la ville de Montréal adoptait son plan de transport, qui vise à changer la mobilité : favoriser le transport collectif et les modes doux, pour réduire la dépendance automobile. Si l amélioration de l offre en transport collectif reste particulièrement difficile à mettre en œuvre, conséquence d un modèle organisationnel que l on pourrait qualifier de dysfonctionnel, les actions pour améliorer les conditions de marche et de vélo apparaissent nettement plus convaincantes. La stratégie vélo comprend plusieurs pistes ; les principales sont au nombre de trois : Réseau cyclable : de 500 km qu il est actuellement (environ), il sera porté en quelques années à 800 km. De plus, la ville aménage un réseau blanc, lequel, espère-t-on, ne devra pas son nom au fait qu il restera enneigé tout l hiver, mais parce qu il permettra de répondre aux besoins des cyclistes urbains d hiver, de plus en plus nombreux. Vélos libre-service : en 2009, Montréal a lancé Bixi, son système de vélos libreservice, qui a connu un immense succès dès la première année, avec 1 million de déplacements enregistrés. Le succès a été tel, que la ville n a eu d autres choix que d accélérer la mise en place du système, qui était de l avis général, le seul véritable succès de l administration municipale dans son dernier mandat. Plus significatif, la ville exporte son concept dans d autres villes (sur trois continents, à l heure actuelle).

Parkings vélo : Montréal compte actuellement 7 500 places pour vélos. Elle compte les multiplier par 5, un peu partout (stations de métro, rues, édifices à bureaux, immeubles d habitation ), afin de mieux répondre à la demande croissante. La ville compte également augmenter la part de la marche, notamment pour les déplacements courts. Actuellement, selon les données de l enquête origine-destination de 2003, 55 % des déplacements de 1,5 km ou moins se font en modes motorisés ; il y a là un potentiel important pour la marche, un potentiel de «pas en réserve» pour reprendre l expression de C. Morency. Mais pour ce faire c est l ensemble de l espace public qui doit être aménagé, un programme qui exigera de nombreuses années. * * * Réduire la dépendance automobile représente un grand défi dans une ville comme Montréal. Il n est pas sûr que l augmentation du nombre de piétons et de cyclistes se fasse beaucoup aux dépens de l automobile, à moins que l on ne travaille également à réduire l attractivité de cette dernière, tant sur la route qu à destination (parking notamment). Il semble plus difficile d accroître la part de la marche, car il faut agir sur l ensemble du réseau routier, ce qui ne peut se faire que sur le temps long. L amélioration est plus facile à réaliser pour le vélo, car les investissements peuvent être concentrés, pour donner des résultats immédiats. Ce faisant ils sont plus visibles. C est sans doute ce qui explique que certains ont rappelé, sourire en coin, que le vélo avait été la seule réalisation, à ce jour, du plan de transport de 2008 Débat * * * Question : L une des diapositives montre un panneau d interdiction de rouler à plus de 20 km/h, c est beaucoup? Paul Lewis : C est une photo prise dans un parc ; effectivement des cyclistes y viennent pour le sport, davantage que la balade. Il y a peu d équipements pour ces sportifs. Il est essentiel que de tels équipements soient disponibles, car la demande est là. Q : Y a-t-il une possibilité de mettre les vélos dans le métro? PL : C est possible, dans les deux wagons à chaque extrémité, à certaines conditions (les conditions sont indiquées à l entrée et sur les quais) ; mais les vélos sont rares dans le métro. Parce que le métro est très souvent à capacité, il est difficile d y ajouter des vélos, sauf en périodes creuses, fort rares compte tenu de la réduction de l offre kilométrique. L arrivée des vélos en libre-service a peut-être modifié les comportements des cyclistes : en effet, Bixi permet aux usagers de prendre le vélo aux deux extrémités d un trajet en métro (encore que le déploiement actuel du système ne le permet que pour une partie seulement des usagers). La demande des cyclistes concerne davantage l offre de parkings sécuritaires aux stations de métro.

Q : Bien que nous essayions de respecter les règles de bonne conduite dans la rue, certains cyclistes roulent sur le trottoir à Rennes! PL : C est là un problème que nous connaissons également à Montréal. Mais cette situation montre bien que les infrastructures vélo sont insuffisantes pour répondre à la demande ; le problème n est donc à chercher chez les cyclistes. Au Québec, il est interdit de rouler sur les trottoirs sauf cas exceptionnels, par exemple lorsqu une bande jaune sépare un large trottoir en deux, créant une piste cyclable. Q : Le réseau souterrain de Montréal a-t-il des effets sur les changements de pratique de la marche dans la ville? PL : Un collègue, Michel Boisvert, a réalisé des études (sondages, enquêtes) nombreuses sur cette question et il ressort que le réseau souterrain est utilisé en abondance essentiellement pour trois raisons : pour donner accès au métro et aux commerces qu on y trouve ; parce que la météo est peu clémente (l hiver bien sûr, mais surtout l été, en situation de canicule) ; parce que les piétons cherchent à se déplacer plus rapidement. Un des principaux intérêts de ce réseau, qui fait plus de 30 km de corridors, est d accélérer les temps de déplacement, car les obstacles sont moins nombreux que sur la rue, exception faite des escalators et de nombreuses portes entre les zones (car les différents corridors sont gérés par les propriétaires des édifices situés au-dessus). Le réseau intérieur n est donc pas toujours plus rapide pour tous les usagers, même s il l est le plus souvent. Q : Avez-vous observé si Bixi peut faire évoluer le profil sociologique des pratiquants de vélo? PL : Il est trop tôt pour le dire ; Bixi n a qu une saison à son actif. Mais il semble que la clientèle se recrute surtout chez les gens qui étaient déjà cyclistes, ou encore piétons ou usagers du transport collectif ; des études devraient être disponibles bientôt, qui nous permettront de mieux comprendre les transferts modaux. L intérêt principal de Bixi est de contribuer à constituer une masse critique de cyclistes, ce qui aura pour effet de modifier l image du vélo en milieu urbain. En 2005, une étude sur l état du vélo (VéloQuébec) a donné un profil-type du cycliste : plutôt un homme, jeune, à revenus faibles, tandis que les personnes les plus riches, âgées et diplômées, ont plus tendance à utiliser des véhicules motorisés. Mais cette étude est antérieure à l implantation de Bixi, en 2009. On peut certes espérer un changement d attitude à l égard du vélo, notamment à la ville de Montréal. Dans de nombreuses entreprises, des parkings pour autos ont été transformés en parkings à vélos, avec vidéosurveillance, parce que la demande est forte. Bixi contribue à cette évolution, mais d autres actions jouent également un rôle déterminant ; l amélioration du réseau cyclable joue aussi un rôle déterminant à cet égard. Une entreprise qui a décidé de ne plus rembourser les frais de parking de ses automobilistes a vu un changement de comportement significatif des salariés, qui sont plus nombreux à venir travailler en vélo. Q : J ai observé que les cyclistes peuvent être très équipés, ce qui donne une impression de vélo-gadget, dans une ville où l hiver est quand même long.

PL : C est un comportement que l on observe pour beaucoup d activités physiques en Amérique : le ski, la raquette Comme si la performance et le plaisir dépendaient de l équipement. Le vélo ne fait pas exception : il s agit de montrer que l on est un vrai sportif. Mais ce n est pas le cas de tous. Plusieurs cyclistes ont ainsi deux vélos : un moins attractif (notamment pour les voleurs de vélos) qui sert aux déplacements en ville ; et un autre, plus précieux, pour les balades le week-end. Le vélo s utilise à peu près 8 mois de l année à Montréal, parfois davantage. L hiver n est un problème que pour 4 mois tout au plus, pas tant à cause du froid, que de la glace, qui rend dangereux les déplacements. La ville est justement à aménager un réseau blanc, pour permettre le vélo l hiver, car la pratique augmente de manière constante, même si le nombre de cyclistes d hiver est encore faible. Q : En comparant avec ce qui se fait dans les villes françaises ou européennes, peut-on considérer qu il y a une grande prise en compte de la marchabilité et de la pratique du vélo dans les politiques publiques? Outre les chartes adoptées par la ville, y a-t-il autre chose qu un discours politique? PL : Tout d abord, nous observons un réel décalage dans les pratiques de l espace public entre l Europe et l Amérique. À Lyon, Grenoble, Paris, Bordeaux, Rennes, pour ne prendre que ces exemples, le respect des piétons et cyclises semble plus grand qu à Montréal, où les cyclistes et les piétons ne sont souvent pas considérés par les automobilistes. D ailleurs, les aménagements ne sont guère favorables aux piétons et aux cyclistes : tout a été pensé en fonction de l automobile. C est seulement depuis la dernière décennie que les villes pensent l aménagement de l espace public en fonction des piétons. À Montréal c est le Sommet postfusion (en 2002), qui marque le début d une réelle prise de conscience des problèmes que pose l automobile en milieu urbain ; en Europe elle est nettement plus ancienne. La ville de Montréal a annoncé son intention de changer les comportements dès 2002 ; la volonté politique est présente, et les résultats commencent à se voir dans la ville. Les investissements pour favoriser le vélo sont clairement visibles. Dans le cas des piétons, les actions sont plus difficiles à mettre en place, car c est tout l espace qui doit être repensé ; on le voit toutefois aux abords des écoles, qui sont nombreux à avoir été sécurisés. Mais il reste beaucoup à faire pour rejoindre les villes les plus marchables d Europe. Q : Qu est ce qui explique que Montréal serait une ville plus cyclable qu une autre? Y vole-ton moins les vélos? PL : La densité, sans doute, surtout au centre de l île, où les distances ne sont pas très grandes. Mais la topographie joue également un rôle. Cela dit identifier une cause reste difficile, surtout que la part modale du vélo est faible. Le vol reste un problème très préoccupant ; c est un frein à l usage utilitaire du vélo, comme l ont constaté de nombreux chercheurs. Selon les données de VéloQuébec, le risque de vol est susceptible de décourager l utilisation du vélo chez un cycliste sur cinq. D où l importance

des parkings vélo. Seulement 125 Bixi ont été volés en 2009, sur les 5 000 en service en fin de saison. Il faut dire que le design le rend identifiable entre tous. D ailleurs, certaines pièces sont spécifiques au Bixi, ce qui rend le vol moins intéressant. Pour les autres vélos, les statistiques sont peu nombreuses. Dans son État du vélo, VéloQuébec estimait en 2005 à environ 15 600 vélos volés qui auraient été déclarés (le nombre de vélos volés non déclarés est évidemment plus difficile à établir ). Pour développer la pratique du vélo, il nous faut nous attaquer à ce problème. Compte-rendu : Charles-Edouard Houllier-Guibert et Paul Lewis