Les innovations face au développement des catastrophes non vie Traitement Anticipation Gestion comptable des catastrophes Pascal Parant Mazars
Plan Les déterminants de la doctrine comptable L approche en normes françaises Approche pragmatique Normes IFRS et bilan prudentiel Solvabilité II Approche académique 2
Les déterminants de la doctrine comptable Le rôle économique de l assurance et de la réassurance : Un acteur économique intrinsèquement contra-cyclique L assurance sert à absorber et à répartir les chocs pour les particuliers, les entreprises, les régions, voire même les pays. Quelle mutualisation : Mutualisation entre les assurés : fait universellement admis Mutualisation des risques courants Mutualisation entre les assureurs : fait universellement admis Mutualisation entre assureurs par la réassurance Réassurance des faits exceptionnels et des catastrophes Mutualisation dans le temps : fait plus ou moins toléré, plus ou moins explicite Répartition dans le temps des catastrophes 3
Les déterminants de la doctrine comptable La schizophrénie de la comptabilité Accompagner le rôle économique de l assurance par des méthodes comptables adaptées à ses objectifs : dispersion et étalement des chocs Vision de la comptabilité classique Ou privilégier une lecture financière des comptes : valeur de l entreprise instantanée quasi liquidative, sans prise en compte de la probabilité de survenance de risques lourds (préparation de l avenir) ou de la capacité de rebond (étalement dans le temps des chocs survenus ). Vision de la comptabilité IFRS ou Solvabilité II 4
Les déterminants de la doctrine comptable Les pratiques comptables historiquement observées : L assurance assume un rôle macro et micro économique contracyclique Ce rôle est accompagné par des règles comptables également contracycliques Constitution de «sécurités» en haut de cycle, en dehors des capitaux propres. consommation de ces «sécurités» en bas de cycle Lissage du résultat Plusieurs dispositifs ou pratiques admises par les autorités sont à disposition des entreprises pour atténuer l impact résultat des catastrophes 5
Les déterminants de la doctrine comptable Conséquences observées : Un lissage effectif du résultat Une certaine opacité des bilans Mais l objectif contracyclique est atteint : Les catastrophes sont correctement absorbées Le marché ne doute pas de la capacité des assureurs et réassureurs à honorer leurs engagements Le marché attend des bilans «élastiques» 6
Les déterminants de la doctrine comptable Les outils de lissage comptable identifiés à ce jour : Les outils de dispersion réelle du risque La réassurance traditionnelle La «titrisation» (Cat bonds) Des provisions disponibles Pour les sinistres futurs Dans les comptes Ou chez les réassureurs Une tolérance (plus ou moins avouée) vis-à-vis de pratiques comptables peu orthodoxes : Sous provisionnement «compensé» Réassurance Réassurance financière Réassurance finite Réassurance de lissage La mobilisation des plus-values latentes sur placements 7
L approche en normes françaises : anticipation Les outils de dispersion réelle du risque constituent la première couverture comptable du risque de catastrophe (outils non traités dans le cadre de cet exposé) Provision d égalisation Réassurance de lissage Avec provision d égalisation ou équivalent chez le réassureur Avec compte d expérience Souvent gérée dans des captives de réassurance Constitution de marges de prudence dans les provisions pour sinistres à payer R.331-1 : les provisions techniques doivent être «suffisantes» pour régler l ensemble des engagements, ce qui autorise des marges de sécurité éventuellement mobilisables pour affronter les catastrophes La mobilisation des plus-values latentes sur placements 8
L approche en normes françaises : anticipation Provision d égalisation Moyen comptablement explicite Déductible fiscalement dans certaines limites Principe : Pour les catégories comptables concernées, 75% du résultat positif net de réassurance est stocké dans une provision d égalisation destinée à couvrir les sinistres futurs éventuels La provision est limitée à un plafond fonction du risque et du chiffre d affaires En cas de pertes ultérieures sur la catégorie, la provision constituée peut être reprise à due concurrence. 9
L approche en normes françaises : anticipation Provision d égalisation : exemple Année Primes nettes de réass. Résultat net de réass. Plafond 300% Dotation max 75% Dotation plafonnée Reprise Résultat net PE constituée N 3600 N+1 1600 1000 4800 750 750 250 4350 N+2 1700 1600 5100 1200 750 850 5100 N+3 1500 1200 4500 900 0 600 1800 4500 N+4 1600-3000 4800 0 0 3000 0 1500 N+5 1400-2000 4200 0 0 1500-500 0 10
L approche en normes françaises : anticipation Constitution de provisions d égalisation ou équivalent chez le réassureur En cas de catastrophe, le réassureur supporte un coût compensé par la reprise de la provisions d égalisation En cas de résiliation du traité : Transfert chez le nouveau réassureur, ou Restitution à la cédante, ou Conservation par le réassureur Matérialiser la propriété de l assureur sur cette réserve? Risque de crédit, mais réserve plus discrète A constater cependant en engagement hors bilan reçu chez l assureur Financement par un niveau de prime de réassurance élevé en phase de constitution 11
L approche en normes françaises : anticipation Réassurance : les comptes d expérience Le résultat du traité est cumulé année après année dans un «compte d expérience» Pas de comptabilisation explicite obligatoire de provision d égalisation Des clauses de révision tarifaire permettent de faire converger le compte d expérience vers zéro. Le système tend à se maintenir dans le temps : Le compte d expérience constitue une créance ou une dette latente (Non comptabilisée). En cas de résiliation à l initiative du débiteur, sa dette latente devient exigible et doit être réglée En cas de résiliation à l initiative du créancier, celui-ci perd sa créance En cas de catastrophe, le réassureur l impute sur le compte d expérience lissage de la charge pour l assureur, sous réserve de la continuité d exploitation de l assureur et du réassureur. 12
L approche en normes françaises : anticipation COMPTE D'EXPERIENCE D'UN TRAITE EN EXCEDENT DE PERTE ANNUEL A DUREE 5 ANS avec un cut-off à la fin de la 8ème année et restitution de 90% du solde ultime. année comptable N : n n+1 n+2 n+3 n+4 paramètres : taux de prime 0,80% 0,80% 0,80% 0,80% 0,80% priorité 90% 90% 90% 90% 90% portée 30% 30% 30% 30% 30% assiette 632 524 670 225 705 800 740 336 780 446 ultime (n+7) Cumul prime 5 060 5 362 5 646 5 923 6 244 28 235 %tage prime dans CE 85% 85% 85% 85% 85% intérêt 4,00% 3,00% 2,50% 2,00% 2,00% 1,50% compte : Solde 31/12/N-1 4 387-1 191 7 977 11 820 Cot N 4 301 4 558 4 799 5 034 5 307 23 999 Intérêts N 86 200 30 210 289 297 1 113 Rétrocession ex antérieurs 0 0 4 338 4 934 3 823 2 846 15 941 Cession sinistres N 0-10 335 0-6 335 0 0-16 670 Solde au 31/12/N 4 387-1 191 7 977 11 820 21 239 24 383 24 383 13
L approche en normes françaises : anticipation Primes cédées -28 235 Sinistres cédés 729 Solde -27 505 Intérêts -1 113 Solde -28 618 Compte d'expérience -24 383 Restitution du compte d'expérience 90% 21 945 Résultat du traité -6 673 14
L approche en normes françaises : anticipation Constitution de marges de prudence dans les provisions techniques. R.331-1 : les provisions techniques doivent être «suffisantes» pour régler l ensemble des engagements, Les assureurs doivent donc prendre des marges de prudence par rapport à l estimation centrale du coût résiduel des sinistres, Ces marges ne sont pas réglementées (en solvabilité I), sont souvent très significatives, et souvent non déduites fiscalement, En pratique, elles sont souvent mobilisées pour absorber les catastrophes survenues et écarts de sinistralité. Soit reprises pour doter les PSAP catastrophes Soit maintenues mais compensant un sous provisionnement catastrophes 15
L approche en normes françaises : anticipation Constitution de plus valentes sur placements En période faste, l assureur investit sur des instruments adaptés à la constitution de plusvalues latentes : OPCVM de capitalisation, Immobilier (Avec une politique d amortissement rapide permettant l apparition de plus values latentes par réduction de la valeur comptable de l investissement) En cas de catastrophes, la charge technique peut être compensée par l extériorisation de la richesse financière latente Soit par vente ou aller retour sur le marché Soit par réévaluation du placement, sous contrôle de l ACP (R.332-23) Avantages Transparence Efficacité Coût Inconvénients Moyen soumis au risque de marché Délai de mise en oeuvre (impact sur les marchés) Disparition programmée avec Solva II et les IFRS Moyen nécessitant une coordination avec les gestionnaires de placements 16
L approche en normes françaises : anticipation Conclusion L anticipation consiste : Soit à constituer des provisions de précaution internes ou externes, plus ou moins visibles, Soit à constituer des plus values latentes Soit à contractualiser une réassurance de lissage : Mais certaines règles comptables peuvent s opposer au lissage, si la prise de risque du réassureur est insuffisante. En particulier en consolidation si le réassureur est une filiale de l assureur Ainsi, la réassurance qui en substance ne serait qu un prêt du réassureur doit être comptabilisée comme tel. (Les sommes versées par le réassureur sont une dette et non un produit) Il en est de même pour la réassurance «finite» qui comporte cependant une part de risque pour le réassureur pour la part correspondant à la «composante dépôt». 17
L approche françaises : traitement sans anticipation En l absence de marge de prudence internes ou externes : Seul l appel à la réassurance de lissage peut être envisagé Par exemple : traité de réassurance conclu postérieurement au sinistre avec effet rétroactif et pour plusieurs années futures fermes, avec niveau minimal de primes et tarif suffisant pour absorber la perte de première année du réassureur. Le caractère comptablement acceptable de tels traités n est cependant pas acquis, Rétroactivité du contrat de réassurance Existence indiscutable d une composante dépôt dans le contrat de réassurance, même si sa quotité est difficilement évaluable par des tiers. Dans des cas particuliers, une certaine tolérance au sous provisionnement a pu être observée : Exemple : traitement de Lothar et Martin selon le rapport CCA 2000 2001 : «Les premières estimations réalisées par le marché sur la charge totale des tempêtes Lothar et Martin des 26 et 27 décembre 1999 ont dû être revues à la hausse à plusieurs reprises, chaque fois pour des montants considérables». 18
L approche en normes françaises Conclusion générale sur l approche française Il faut anticiper Plusieurs moyens de lissage sont disponibles Une stratégie d anticipation comptable doit être mise en oeuvre Les traitements de dernières minute sont risqués et peu efficaces A réserver à des cas extrêmes 19
La vision académique (IFRS et Solva II) Présupposés La comptabilité sous-tendant l information financière n a aucun rôle macro-économique ; l information financière est destinée aux partenaires de l entreprise, en particulier les investisseurs. La juste valeur est connaissable et sa publication une obligation morale envers les investisseurs Le rôle contra-cyclique de l assurance n a donc pas à être pris en compte Conséquences La comptabilité recherche en permanence la juste valeur instantanée des fonds propres, dans une vision quasi liquidative ou de transfert ou acquisition. Le lissage et le surprovisionnement sont prohibés L impact des catastrophes, net de la «vraie» réassurance doit apparaître au résultat Doivent être classés en capitaux propres les sommes qui seront très probablement nécessaires, au-delà des primes annuelles, pour indemniser les sinistres futurs à fréquence faible et intensité élevée. 20
La vision académique (IFRS) Citations : (IFRS 4.14) : «De manière spécifique, un assureur ne doit pas comptabiliser en tant que passif des provisions au titre de demandes d indemnisation éventuelles futures, si ces demandes sont générées par des contrats d assurance qui ne sont pas encore souscrits à la fin de la période de présentation de l information financière (telles que les provisions pour risque de catastrophe et les provisions pour égalisation)» ; (IFRS 4.10) : «Certains contrats d assurance contiennent à la fois une composante assurance et une composante dépôt. la décomposition est imposée si l assureur peut évaluer la composante dépôt.), 21
La vision académique (IFRS) Mais les IFRS sont encore incomplètement écrits : IFRS 4.26 : «Un assureur n est pas tenu de changer ses méthodes comptables relatives aux contrats d assurance pour éliminer une prudence excessive. Toutefois, si un assureur évalue déjà ses contrats d assurance avec une prudence suffisante, il ne doit pas introduire de prudence supplémentaire.» Actuellement, IFRS 4 permet encore le lissage par une utilisation adéquate des marges de prudence Les projets de nouvelle norme IFRS 4 suppriment cette possibilité 22
La vision académique (Solva II) Il ne reste en théorie aucune possibilité de lissage des catastrophes dans le bilan prudentiel Solva 2 Toutes les provisions et engagements d assurance et de réassurance doivent être calculés en Best estimate La marge de risque réglementaire résulte d un calcul prospectif normé La marge de risque n est pas utilisable pour absorber le risque survenu (!) Le bilan prudentiel est excessivement volatil pour les risques longs (Cf. enquête LTGA), et inapte a absorber les chocs et catastrophes Impact procyclique sur les marchés financiers et le marché de la réassurance 23
Conclusion La tour de Babel (Gn 11) Encore récemment, il n existait, sous la responsabilité de hauts fonctionnaires «grands serviteurs de l État», qu un seul langage comptable, qui synthétisait efficacement les besoins comptables, prudentiels, fiscaux, de contrôle de gestion et d information financière. Il contribuait à une pression fiscale modérée, une absence de faillites significatives, et, sur le territoire français, à une comparabilité et une stabilité des comptes finalement pas mauvaises, contribuant au rôle anticyclique de l assurance. Sous la pression de lobbys divers (marchés financiers, auditeurs, actuaires, finances publiques, régulateurs) ce langage unique tend à disparaître. Il est remplacé par une multitude de référenciels non rapprochables simplement, dont la caractéristique commune est la volatilité (NF, IFRS, fiscalité, solva 2, normes US, EEV, MCEV ) Une des composantes de cette volatilité est la disparition presque achevée des outils comptables de lissage des catastrophes. 24
25