Récidives des cancers du col utérin Aspects chirurgicaux Fabrice Foucher, Jean Levêque CHU Anne de Bretagne CRLCC Eugène Marquis Rennes
Mme L 18/12/1949 Carcinome épidermoïde du col utérin traité par colpohystérectomie élargie avec curage puis radiothérapie pelvienne (45 Grays) puis curiethérapie de la voute vaginale en 1986 à 37 ans à Montréal. Fin 2008 saignements vaginaux : carcinome épidermoïde du fond vaginal de 3 cm
Mme L suite Bilan en faveur d une récidive tardive centropelvienne isolée. Patiente refuse la chirurgie. Traitement réalisé : curiethérapie en 2 temps délivrant 40 Gray le 20/01/2009 puis devant la régression tumorale 30 Gray le 16/03/2009 Apparition en Avril 2009 d une large fistule vésico-vaginale de 2 cm dont les biopsies confirment la poursuite évolutive CAT?
Proposition RCP : Chirurgie Importance du bilan préopératoire pour la sélection des patientes Objectifs de l exentération à visée curative : pr0 Clinique : Etat général, profil psychologique, acceptabilité dérivations définitives Eliminer maladie extrapelvienne : TDM cérébrale et TAP Prédire résécabilité : IRM pelvienne (Se 85%, Sp 52%, VPP 60% et VPN 80% pour R0 (Forner er al EJOGRB 2010). Lecture par radiologue expérimenté pour discriminer fibrose post XRT et anticiper difficultés opératoires en particulier latéropelviennes PET TDM : indispensable pour éliminer métastases à distance Se et Sp élevées (Lai et al Cancer 2004, Husain et al Gynecol Oncol 2007). Si fixation extrapelvienne CI chirurgie Laparoscopie : si doute à la TEP (12% de FN en Lao Ramirez cancer 2011)
Chirurgie le 22/06/2009 Exentération pelvienne totale avec vulvopérinectomie, dérivation urinaire transiléale de type Bricker, colostomie, epiploplastie, réfection du plancher pelvien par lambeaux musculocutanés de Gracilis Extemporané des marges de pièce fraîche négatif
Résultats Histologie : carcinome épidermoïde fond vaginal 5 cm infiltrant massivement vessie, séreuse colique et tissus péricoliques. Exerese complète Décision RCP : surveillance Evolution actuelle à 51 mois (Cs 09/2013) : rémission complète, parfaite autonomie stomies, qualité de vie jugée satisfaisante
Mme B 05/12/1954 57 ans pas de suivi, pas de dépistage, bon état général Carcinome épidermoîde bien différencié du col utérin stade IVA (rectum) 6 cm IRM révélé par des métrorragies en décembre 2011 Curage pelvien et lomboaortique janvier 2012 : N+3/43 en iliaque primitif bilatéral, négatif en lomboao (stratégie champs d irradiation)
Traitement défini par RCP Radiochimiothérapie concomitante de début février à mars 2012 : absence de réponse après 45 Gray. Irradiation centro et latéropelvienne IRM et PET-TDM : persistance d une lésion tumorale de 6,5 cm, absence de maladie extrapelvienne ni métastases identifiables Que proposez vous et pourquoi?
Exentération pelvienne totale avec perineectomie. Bricker. Epiplooplastie. Réfection du plancher pelvien par lambeaux musculo-cutanés de gracilis 14/05/2012 5 heures. Transfusion de 5 culots globulaires. Extemporané des marges négative Histologie définitive : tumeur résiduelle de 3 cm, carcinome malpighien bien différencié partiellement nécrosé. Infiltration paramètres, paracervix, cul de sac de Douglas
Evolution Mme B Suites opératoires simples Réalimentation à J3 Ablation des sondes urétérales à J12 et J14 Education des stomies urinaires et digestives (stomathérapeute) Sortie à J20 Recul actuel de 13 mois et demi. Evolution favorable, parfaite autonomie et qualité de vie parfaitement acceptable selon la patiente
Exentération pelvienne Indications Chirurgie compartimentale d exerese «en-bloc» des organes pelviens Nécessaire pour marges saines et prises en compte des contraintes en terme de cicatrisation du fait des traitements antérieurs. Ré-irradiation = complications (cf cas clinique) Chimiothérapie IV peu efficace sur tissus irradiés Chirurgie conservatrice = récidives locales et fistules à un taux inacceptable Chirurgie de rattrapage = one shot => radicalité en avant, en arrière, en haut et en bas Idéal : récidive centropelvienne < 5 cm isolée avec un recul de + de 2 ans par rapport à la fin des traitements de la maladie initiale (toute patiente non irradiée initialement relève d une radiothérapie de rattrapage)
Exentération pelvienne Contre-Indications Absolues : générales = âge (?), mauvais état général, obésité morbide, comorbidités majeures carcinologiques = métastases, envahissement local ou locorégional ne permettant pas de R0 psychologiques = refus des contraintes opératoires et postopératoires, Relatives : N+ lomboaortique, poursuite évolutive en cours de RCC
Techniques opératoires 1 Equipe chirurgicale et anesthésique rompue à la chirurgie pelvienne, digestive, urinaire et de reconstruction Préparation des patientes : régimes sans résidus, préparation digestive, consultation de stomathérapie avec marquages cutanés de l emplacement des futures stomies urinaires et digestives. Bilan nutritionnel préopératoire car dénutrition quasi constante Monitorage anesthésique peropératoire précis et surveillance post-opératoire irréprochable Motivation des équipes infirmières au bloc opératoire et en hospitalisation Un seul et même chirurgien «polyvalent» pour limiter la durée de l intervention (+ 40% de temps opératoire si intervention de plusieurs chirurgiens de «spécilalités» => complications septiques x 2 au delà de 6 heures d intervention) Nouveaux outils chirurgicaux facilitant l ergonomie chirurgicale, diminuant l hémorragie et la durée opératoire
Techniques opératoires 2 Exérèse Débuter par un curage LoAortique si non réalisé au préalable avec examen extemporané qui en cas de positivité pourrait pour certains contre indiquer l exérèse pelvienne Type exerese (Magrina Gynecol Oncol 1997) : 4 groupes : pelvectomie antérieure, postérieure, totale et étendue. 3 types : I supralévatorienne, II infralévatorienne, III avec vulvectomie ou périnectomie
Techniques opératoires 3 Reconstruction urinaire Uretèrostomie cutanée n a plus sa place Reconstruction urinaire incontinente type Bricker utilisant un conduit iléal, jéjunal ou colique Reconstruction urinaire continente : confection d un réservoir et non d un conduit, type poche de Kock, Mainz, Miami, Indiana, Rome Utilise le caecum et le colon ascendant comme réservoir à basse pression sur lequel sont anastomosés les uretères. Continence assurée par la valvule de Bauhin. Appendice ou segment iléal ourlé à la peau.
Techniques opératoires 3 Reconstruction urinaire Intérêts du réservoir = pas de stomie, anastomoses uretèrales sur segment colique D moins irradié que le grêle, remise en continuité digestive sur le transverse ou l angle D en dehors des champs de radiothérapie Houvenaeghel et al Gynecol Oncol 2004 Inconvénients = autosondages (fausses routes, sténoses) fuites Remplacement orthotopique dans pelvis irradié en évaluation mais fort taux d incontinence Chiva et al gynecol Oncol 2009
Techniques opératoires 4 Reconstruction vaginale et périnéale Impératif : comblement de la cavité pelvienne déshabitée car risque d incarcération d anses grêles et de fistules sur des parois pelviennes cruentées et irradiées Plusieurs techniques de reconstruction vaginale et périnéale : néovagin sigmoïdien, lambeau epiploïque et divers lambeaux musculo-cutanés (gracilis, grand droit de l abdomen, lambeau libre de grand dorsal Jacques de Ranieri Ann Surg 1996 chirurgie 1999)
Techniques opératoires 5 Reconstruction digestive Ne se conçoit que dans le cadre des chirurgies supralévatoriennes ou dans le cas de pelvectomie antérieure => cas très sélectionnés. Dans les autres cas colostomie définitive Rétablissement de continuité par anastomose colorectale mécanique Lâchage de sutures fréquents (30% Houvenaeghel 2004) imposant des stomies de protection d amont Si fistule risque de péritonite et augmentation du taux de récidive locale Goldberg et al Gynecol Oncol 2006 Résultats fonctionnels médiocres en terme de continence surtout chez patientes âgées et meilleure qualités de vie chez stomisés vs non stomisés incontinents Rauch et al J Clin Oncol 2004 Si résection anale possibilité (en théorie) de colostomie périnéale continente Rouanet et al Dis Colon Rectum 19999
Morbidité et mortalité 40 à 60% de complications Précoces Cancer 2003 Tardives Transfusion (saignements 2800 à 3000 cc) Ferron Bull Infections, abcès, sepsis Fistules digestives (12 à 32%) urinaires (6 à 22%) Occlusions intestinales (5 à12%) Ré-interventions (20 à 30%) Décès < 6% actuellement Bernier-Duprelles 2011 Sténose néovagin, sténoses urétérales Eventrations Complications mécaniques des stomies
Morbidité et mortalité Réduire la durée opératoire centre spécialisé, équipe expérimentée, matériel électrocoagulation bipolaire à haute énergie Combler de manière optimale le défect pelvien et périnéal lambeaux musculaires ou musculo-cutanés, néovagin sigmoïdien.. Préférer exentération pelvienne totale en cas de récidive après irradiation Berek Gynecol Oncol 2005 Goldberg Gynecol Oncol 2006 Michel JGOBR 1997 Crowe Semin Surg Oncol 1999 Orr Am J Obstet Gynecol 1983
VAC attitude
Résultats 1 Survie à 5 ans 20 à 60% selon les séries avec faible effectif sur périodes longues 20 ans 44 patients Averette Am J Obstet Gynecol 1984 20 ans 50 patients Penalver Gynecol oncol 1986 15 ans 21 patients Khoury-Collado Gynecol Oncol 2012 45 ans 75 patients Berek et algynecol Oncol 2005 Faible recul 39 mois D Chi Gynecol oncol 2012 24 mois Mac Lean gynecol oncol 2011 24 mois IGR Analyse des résultats difficiles car plus les critères de sélection sont stricts, plus le taux de chirurgie palliative sera bas et la survie élevée
Résultats 2 30 à 50% si curatif sur patientes très sélectionnées (récidives centro-pelviennes, petite taille, N-, délai par rapport au ttt initial) Maggioni Gynecol Oncol 2009 Numa Arch Gyn Obstet 1997 20% si palliatif (poursuite évolutive, N+, gros volume, localisations latérales, indication de confort sur cloaque symptomatique) Si exentération < 2 ans après ttt initial la médiane de survie est de 8 mois vs 33 mois si chirurgie de récidive > 2 ans après fin du ttt initial Mc Lean Gynecol Oncol 2011
Résultats 3 Toutes les séries retrouvent les mêmes facteurs pronostiques de survie qualité des marges taille et localisation de la récidive âge des patientes Indication de l exentération intervient peu Benn Gynecol Oncol 2011
Information et éducation des patientes Etape primordiale Intervention d exception effectuée par équipes entraînées Information complète des candidates lors des cs pré-opératoires (conséquences de la procédure et possibilités de reconstruction) Choix des modalités concerté avec la patiente Implication d infirmières stomathérapeutes dès le début de la prise en charge et lors du temps d éducation post-opératoire = garant de la réussite du projet thérapeutique Collaboration et cohésion de l équipe soignante Possibilité d impliquer des patientes traitées dans forums de rencontre et association de stomisés Prise en charge de la détresse psychologique, de la douleur chronique et des conséquences sociales du geste
Perspectives futures innovantes 1 Exentération pelvienne : meilleure option en cas de récidive pelvienne isolée en zone irradiée et accessible à une chirurgie curative Si chirurgie inenvisageable, autre alternative en cours d évaluation : perfusion de pelvis isolé = concentrations de chimiothérapie au niveau du segment anatomique isolé 10 à 20 fois supérieures à celles délivrées en systémique Essai de phase III en cours avec résultats de phase II prometteurs Bonvalot et al J Clin Oncol 2008
Perspectives futures innovantes 2 Résection latéro-pelvienne étendue dite LEER sur les récidives latéro-pelviennes Exerese de la base d insertion des paramètres et paravagin incluant à la demande le pédicule iliaque interne et les muscles obturateur interne et piriforme et dissection endopelvienne du plexus lombosacré (Höckel et al Gynecol Oncol 2003 Caceres et al Int J Gynecol Oncol 2008). Résultats carcinologiques à moyen et long terme non évalués
Perspectives futures innovantes 3 Nouvelles techniques d irradiation peropératoire Résultats curiethérapie à haut débit de dose > irradiation externe par accélérateur Crowe et al Sem Surg oncol 2009
Au final Objectif carcinologique et QOL STIC Gynecol Oncol (in press)