POSITION COMMUNE DES ASSOCIATIONS MEMBRES DE LA MAISON EUROPEENNE DES POUVOIRS LOCAUX FRANÇAIS RELATIVE A LA PROPOSITION DE DIRECTIVE SUR LA PASSATION DES MARCHES PUBLICS Mars 2012 Maison européenne des pouvoirs locaux français 36 rue d Arlon 1000 Bruxelles Tel : + 32 (0) 2 501 01 00 Fax : +32 (0) 2 511 11 47
Les associations membres de la Maison européenne des pouvoirs locaux français (MEPLF) ont fait de la promotion des outils de la commande publique performants et adaptés ainsi que de la défense des services publics locaux un objectif prioritaire de leur action commune. La proposition de directive relative à la passation des marchés publics les mobilise donc tout particulièrement. En France, en 2009, les collectivités territoriales ont passé prés de 87 369 marchés publics pour un montant de plus de 32 milliards d euros 1 d après les chiffres de l Observatoire économique de la commande publique. Les collectivités en tant que premiers acheteurs sont particulièrement sensibles aux enjeux de la réforme des marchés publics. De prime abord, les associations membres de la MEPLF s étaient prononcées en défaveur d une réforme des règles de marchés publics. Elles considèrent en effet qu une stabilité juridique est nécessaire pour des passations sereines de marchés publics. Néanmoins, depuis l annonce par la Commission européenne de sa volonté de réformer ces outils, les associations membres de la MEPLF ont pris part au débat public européen. Les présidents des associations membres de la MEPLF ont rencontré Michel Barnier en novembre 2010 afin que soit prise en compte la position des pouvoirs adjudicateurs et des autorités adjudicatrices et de le sensibiliser aux enjeux des collectivités territoriales en matière de marchés publics. Les associations membres ont adressé aux services de la Commission européenne une contribution commune 2 lors de la consultation lancée par cette dernière en janvier 2011 sur le Livre-vert relatif à la «modernisation de la politique de l Union européenne en matière de marchés publics». De plus, plusieurs rencontres ont été organisées avec ses services. Aussi les associations membres de la MEPLF se félicitent-elles d un certain nombre d avancées dans le projet présenté le 20 décembre dernier : - Prise en compte de la spécificité des services sociaux, - Propositions sur les offres anormalement basses, - Soutien à la participation des PME aux marchés publics : aménagement et simplification des procédures, allègement des charges administratives, allotissement obligatoire au-delà d un montant de 500 000, - Meilleure prise en considération des dimensions sociale et environnementale à tous les stades de la procédure de passation des marchés et émergence de la notion de «coût de cycle de vie des produits», - Recentrage de l évaluation des offres autour de «l offre économiquement la plus avantageuse». Toutefois, un certain nombre de dispositions les inquiètent: - Les relations entre pouvoirs publics, - La gouvernance (création d une nouvelle autorité nationale de contrôle) - La définition des conflits d intérêt, - La limitation de la procédure négociée, - La suppression de la différenciation entre services prioritaires et non prioritaires. - La passation de marchés électroniques, 1 http://www2.economie.gouv.fr/directions_services/daj/marches_publics/oeap/recensement/presentation_recensement_2009.pdf 2 http://www.meplf.eu/documents/?doc_n_id=671&arb_n_id=71 1
Elles souhaiteraient en effet rappeler que cette proposition doit veiller au respect de l équilibre entre les intérêts privés des entreprises et des consommateurs et l intérêt général représenté par les autorités publiques notamment les collectivités locales. La mise en place d un véritable marché intérieur, l amélioration de l accessibilité des entreprises des autres Etats membres aux concessions et aux marchés publics doivent toujours être envisagées au regard de la nécessité de garantir l utilisation optimale des fonds publics pour répondre aux besoins des citoyens. Autrement dit, le but ultime de cette réforme doit toujours être l amélioration de la qualité et de la formulation des offres de services proposées aux habitants. La concurrence n est pas un objectif en soi, elle est au service d un modèle social reposant sur la cohésion sociale et territoriale comme le rappelle l article 16 du TFUE. S agissant des relations entre pouvoirs publics, les associations membres de la MEPLF, si elles se félicitent de la sécurisation des relations «in house» institutionnalisées (coopération verticale) apportée par la directive, sont opposées au critère d identification des relations «in house» retenu dans la proposition de Directive, qui fixe un seuil de 90% des activités devant être exercées par la personne morale contrôlée par le pouvoir adjudicateur. Elles sont en effet attachées à la notion jurisprudentielle de «l essentiel» de l activité, qu elles jugent appropriée pour vérifier qu une entité n agit pas comme un opérateur sur un marché concurrentiel. La condition de «l essentiel» de l activité autorise en effet une analyse factuelle de chaque cas d espèce et a l avantage de permettre la prise en compte d éléments à la fois quantitatifs (part du chiffre d affaires de l entité réalisée au profit du pouvoir adjudicateur qui la contrôle), mais aussi qualitatifs (structure du marché, situation concurrentielle de l entité) pour constater que la diversification des activités ne porte pas atteinte au libre jeu de la concurrence. En outre, les associations membres de la MEPLF considèrent que la codification des coopérations public-public (horizontales), qui ne sont ni des marchés publics ni des concessions de services publics et qui sont par définition étrangères au marché intérieur, est hâtive et source de confusion. Inspirées d un unique arrêt de la CJCE (6 juin 2009, Commission c/ Allemagne), ces dispositions figent des critères limitatifs dont l application serait inadaptée à l organisation de l intercommunalité, notamment certains transferts de compétences. Les associations membres de la MEPLF, qui restent vigilantes à ce qu aucune règlementation européenne n intervienne dans un champ du droit qui relève de l organisation interne des Etats membres et de la liberté des collectivités locales à pouvoir coopérer entre elles en dehors du marché intérieur, sont opposées à une telle codification. Le développement des intercommunalités à fiscalité propre constitue un axe majeur de l évolution de l organisation territoriale de notre pays et elle ne saurait relever en aucun cas de la législation européenne des marchés publics, ni lors de sa constitution, ni lors de transferts de compétences, ni dans le cadre de son organisation interne avec ses communes membres. Ensuite, les associations membres de la MEPLF souhaitent une plus grande ouverture de la procédure négociée. Elles regrettent que le projet de directive n envisage qu une légère extension des cas de recours à cette procédure, et non une généralisation. Outre l insécurité juridique induite par une telle procédure dérogatoire, il convient de souligner que les acheteurs publics sont tout aussi capables d assumer la négociation que les acheteurs privés. L expérience française des MAPA (marchés à procédure adaptée) dont l une des principales caractéristiques est la liberté de négociation, plaide dans le sens d une plus grande souplesse pour les acheteurs publics. De plus, la négociation permet très souvent d aboutir à des offres plus adaptées aux besoins des collectivités publiques. Les associations membres de la MEPLF demandent le maintien de la distinction des services prioritaires et non prioritaires, et souhaitent le maintien des services non prioritaires tels qu ils sont actuellement énoncés dans l annexe II.B de la directive 2004/18. Même si elles saluent la reconnaissance de la spécificité des services sociaux et culturels, elles estiment que le régime des marchés publics de services proposé par la Commission n est pas nécessaire pour le développement d une concurrence effective. D une part, les services sociaux et les autres services 2
dits «spécifiques», de par leur faible impact sur les échanges intracommunautaires tel que reconnu par la Commission européenne, devraient être exclus du champ d application de la directive. Ces services resteraient tout de même soumis aux grands principes du Traité : transparence, non-discrimination et égalité de traitement. D autre part, eu égard à leur faible impact sur le marché intérieur, un certain nombre de services que la proposition de Directive soumet aux procédures formalisées devraient demeurer dans la catégorie des services non prioritaires (notamment les services juridiques, les services de centres aérés ou de colonies de vacances). Les associations membres de la MEPLF ne sont pas favorables à l obligation de mettre en place un organe unique chargé du contrôle des marchés publics. Elles considèrent que le dispositif de contrôle ex ante et ex post existant en France est suffisant pour répondre aux préoccupations de la Commission européenne : les rôles joués par la Direction des Affaires Juridiques du Ministère de l économie, le Préfet dans le cadre du contrôle de légalité, les Chambres régionales des comptes dans le cadre du contrôle de gestion, et enfin les juridictions nationales assurent un contrôle efficace de la passation des marchés publics. Par ailleurs, l instauration d un tel organe aurait pour effet de bouleverser et complexifier inutilement le paysage institutionnel national. Comme la Commission européenne, les associations membres de la MEPLF estiment que la prévention des conflits d intérêts doit être une priorité et militent en faveur de la plus stricte transparence dans la passation des marchés publics. Il est toutefois important que cette exigence puisse se concilier avec trois éléments, tout aussi légitimes : (i) la sécurité juridique des membres des pouvoirs adjudicateurs, (ii) les contraintes opérationnelles des collectivités territoriales, et (iii) le droit national déjà existant. C est la raison pour laquelle la proposition de directive n est pas acceptable : la notion d intérêt privé, direct ou indirect paraît exagérément large et subjective (voir notamment le terme «sentimental»). Il conviendrait en outre de clarifier les conséquences liée à l introduction d une telle définition en droit des marchés publics (procédures, sanctions) sur les droits nationaux, dans le respect du principe de subsidiarité. Par ailleurs, si les associations membres de la MEPLF se félicitent d une meilleure prise en compte des aspects sociaux et environnementaux, ainsi que des coûts liés au cycle de vie, elles souhaitent attirer l attention sur la possibilité d intégrer dans la définition de l objet du marché d exigences quant à l origine locale des produits. L insertion d une telle exigence constituerait, outre un outil de promotion du développement durable, un dispositif de nature à soutenir et dynamiser le tissu économique local, en valorisant les petites et moyennes entreprises. Le choix d une restriction locale doit cependant être bien encadré : d une part, elle doit être objectivement et légitimement justifiée, dans le respect des principes du Traité (égalité de traitement, non-discrimination). D autre part, elle ne devrait pouvoir jouer qu à la condition que les producteurs locaux soient exemplaires, sur les plans sociaux et environnementaux, sur toute la chaîne d approvisionnement et/ou de production. Les associations membres de la MEPLF estiment que la volonté d imposer la généralisation de la dématérialisation est aussi problématique. L obligation d attribution par voie électronique entraînerait des coûts financiers et organisationnels extrêmement importants, l ensemble des collectivités ou des TPE/PME n ayant pu encore atteindre leurs objectifs en matière de dématérialisation des échanges. La voie incitative semble plus adaptée. L Union européenne pourrait soutenir la transition vers les communications électroniques grâce à des programmes communautaires de financement spécifiques. Le souhait de réglementer, dans ce degré de précision, les modalités de modification et de résiliation des marchés publics semble porter atteinte à la liberté contractuelle des parties (collectivité et opérateurs) d élaborer ensemble les clauses relatives à ces évènements. De telles dispositions sont également de nature à inutilement rigidifier les modalités d évolution du contrat sans pour autant garantir une sécurité juridique en la matière, eu égard à l importante marge 3
d interprétation des notions employées par la Commission européenne pour définir les cas de modification et de résiliation des contrats. Conformément aux orientations de la stratégie 2020, les associations membres de la MEPLF sont enfin favorables à l élargissement des critères d attribution des marchés aux offres performantes en matière sociale, dès lors que ce critère présente un lien avec l objet du marché. 4