Extrait des Mises à jour en Gynécologie et Obstétrique



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Transcription:

COLLÈGE NATIONAL DES GYNÉCOLOGUES ET OBSTÉTRICIENS FRANÇAIS Président : Professeur M. Bruhat Extrait des Mises à jour en Gynécologie et Obstétrique Tome XIX publié le 1 er.12.1995 DIX-NEUVIÈMES JOURNÉES NATIONALES Paris, 1995

CÉPHALÉES ET MIGRAINES H. MASSIOU, M.-G. BOUSSER* Paris Les céphalées sont extrêmement fréquentes et relèvent de causes multiples. Il importe avant tout de distinguer les céphalées essentielles bénignes, de loin les plus fréquentes, des céphalées symptomatiques dont certaines sont des urgences neurologiques. Dans cette démarche diagnostique, l interrogatoire est essentiel, qui permet de déterminer le profil évolutif de la céphalée, élément capital du diagnostic étiologique. Très schématiquement, on peut considérer que les céphalées récentes qui s installent soit brutalement, soit de façon rapidement progressive nécessitent des investigations urgentes. En revanche, les céphalées chroniques qui évoluent par crises (céphalées paroxystiques) et les céphalées permanentes (céphalées chroniques quotidiennes) sont dans la grande majorité des cas des céphalées dites «essentielles», bénignes, telles que migraines ou céphalées de tension dans lesquelles les examens complémentaires sont inutiles. * Service de Neurologie - Hôpital Saint-Antoine 184, rue du Faubourg Saint-Antoine - 75571 PARIS CEDEX 12 325

MASSIOU & BOUSSER 1. LES CÉPHALÉES SYMPTÔMES D URGENCE NEUROLOGIQUE 1.1. Céphalée d installation brusque récente Les deux principaux diagnostics à envisager sont les accidents vasculaires cérébraux et l hémorragie méningée. La céphalée de l hémorragie méningée est d installation brutale. Elle est souvent associée à des nausées, des vomissements, une raideur de nuque, une obnubilation. Le diagnostic repose sur le scanner sans injection, complété, s il est normal, de la ponction lombaire, car certains saignements de faible abondance ne sont pas visualisés par le scanner. Si l hémorragie méningée est confirmée, le transfert d urgence en neurochirurgie s impose. Près de 50 % des hémorragies méningées par rupture anévrysmale sont annoncées, dans les jours ou semaines précédentes, par une céphalée «sentinelle», généralement brutale et sévère (céphalée en coup de tonnerre), qui peut durer de quelques minutes jusqu à 2 semaines. Une paralysie du III avec mydriase, accompagnée d une céphalée rétro-orbitaire homolatérale, oriente avant tout vers un anévrysme de la terminaison de la carotide interne homolatérale. Lors des hématomes et infarctus cérébraux, la céphalée est presque toujours associée à des signes déficitaires focaux. Le scanner cérébral sans injection est là encore l examen de première intention. Une céphalée est un symptôme inaugural fréquent lors des dissections des troncs artériels supra-aortiques. Un syndrome de Claude Bernard-Horner accompagné de douleurs cranio-cervicales homolatérales doit immédiatement faire évoquer ce diagnostic, que vient confirmer l échographie doppler des vaisseaux du cou, l imagerie par résonance magnétique ou l artériographie. Une cause exceptionnelle de céphalée sévère et brutale est l encéphalopathie hypertensive, qui s accompagne de troubles visuels bilatéraux et de crises comitiales. Dans tous ces cas une hospitalisation urgente en milieu spécialisé est indispensable. 1.2. Céphalée d installation rapidement progressive 1.2.1. Céphalée liée à une hypertension intracrânienne L œdème papillaire, la paralysie éventuelle d un ou des deux VI, les nausées et les vomissements en complètent le tableau, mais ces signes peuvent être absents, en particulier à la phase initiale. L hypertension 326

CÉPHALÉES ET MIGRAINES intracrânienne peut être associée à des signes neurologiques focaux, à des crises comitiales. Les principales étiologies à rechercher sont : les tumeurs, les abcès, les hématomes sous-duraux, les thromboses veineuses cérébrales. Lorsque la neuro-imagerie est normale, une ponction lombaire avec prise de pression doit être effectuée. Une élévation au-dessus de 25 cm d eau de la pression du liquide céphalo-rachidien, dont la cytochimie est normale, affirme le diagnostic d hypertension intracrânienne bénigne. 1. 2. 2. Céphalée accompagnée d une fièvre ou d un syndrome méningé Elle évoque avant tout une méningite qui peut être, selon son étiologie, aiguë, subaiguë ou chronique. Dans ce dernier cas, les signes méningés sont généralement absents. C est pourquoi tout patient souffrant d une céphalée récente, d aggravation progressive, et dont la neuro-imagerie est normale, doit avoir une ponction lombaire. Une céphalée fébrile peut aussi être due à une encéphalite. 1. 2. 3. Artérite temporale Elle doit être évoquée devant toute céphalée d apparition récente chez un sujet de plus de 60 ans. Le diagnostic est étayé par l augmentation de la vitesse de sédimentation et les anomalies caractéristiques à la biopsie de l artère temporale. Le risque de cécité est tel que la corticothérapie doit être commencée le plus rapidement possible, avant même les résultats de la biopsie temporale s il existe une forte présomption du diagnostic. Elle possède un effet constant et quasi immédiat : les céphalées disparaissent en 48 heures, ce qui constitue un véritable test diagnostique ; la vitesse de sédimentation diminue d environ 50 % en quatre jours. 1. 2. 4. Hématomes sous-duraux chroniques La céphalée peut en être le seul symptôme et, si le traumatisme responsable a été minime, il peut avoir été oublié par le patient. Le diagnostic repose alors sur le scanner cérébral sans injection. 2. QUELQUES AUTRES CÉPHALÉES SYMPTOMATIQUES Il serait trop long de décrire ici toutes les étiologies possibles de céphalées, telles qu elles sont recensées dans la classification de l International Headache Society (IHS) [20] (tableau I). Parmi les plus fréquemment rencontrées figurent : 327

MASSIOU & BOUSSER Tableau I. Classification des céphalées selon l IHS. 1. Migraine 2. Céphalées dites «de tension» 3. Algie vasculaire de la face et hémicrânie paroxystique chronique 4. Céphalées diverses sans lésion intracrânienne 5. Céphalées associées à un traumatisme crânien 6. Céphalées associées aux affections vasculaires 7. Céphalées associées à une lésion intracrânienne non vasculaire 8. Céphalées liées à la prise ou au retrait de substances 9. Céphalées associées à une infection extracrânienne 10. Céphalées liées à une anomalie métabolique 11. Céphalées associées à une affection cervicale, crânienne, ophtalmologique, oto-rhino-laryngologique ou stomatologique 12. Névralgies, douleurs tronculaires et douleurs de désafférentation 13. Céphalées non classables 2.1. Les céphalées post-traumatiques chroniques Fréquentes, elles surviennent dans les 2 semaines qui suivent un traumatisme dont la sévérité est très variable. Il peut s agir d authentiques migraines post-traumatiques [57] ou de névralgies, mais le plus souvent elles sont continues et correspondent au «syndrome post-traumatisme crânien». La céphalée n a pas de caractère spécifique et s associe souvent à d autres symptômes : sensations vertigineuses, troubles de la mémoire, troubles du sommeil. L évolution de ces céphalées est variable et imprévisible : certaines guérissent en quelques mois, d autres persistent à vie. 2.2. La céphalée par brèche durale Après certains gestes qui comportent (nécessairement ou accidentellement) une ponction de la dure-mère, tels que rachianesthésie, injection péridurale, myélographie ou ponction lombaire, peut survenir une céphalée très particulière par son caractère postural. Souvent associée à une douleur de nuque, elle apparaît dès que le sujet s assied ou se lève, et se calme dès qu il s allonge. Habituellement régressive en quelques jours, elle peut à titre exceptionnel persister des semaines, voire des mois. La cause en est la persistance d un écoulement du liquide céphalo-rachidien par l orifice dure-mérien de ponction, entraînant une hypotension intracrânienne. Le principal traitement est préventif, et repose essentiellement sur l utilisation des aiguilles les plus fines possible. Lorsque la céphalée est installée, le seul 328

CÉPHALÉES ET MIGRAINES traitement vraiment efficace est l injection péridurale de 10 à 20 ml de sang autologue. Cette technique dite du «blood-patch» est spectaculairement efficace, le sujet étant dans plus de 90 % des cas guéri dans l heure qui suit [59]. 2.3. Les céphalées associées à des affections ORL, ophtalmologiques, stomatologiques ou cervicales Elles ont une sémiologie propre qui permet généralement d en faire le diagnostic. Ces affections sont souvent incriminées par excès dans la survenue de céphalées qui sont en fait des migraines ou des algies vasculaires de la face. 3. LES CÉPHALÉES ESSENTIELLES BÉNIGNES 3.1. La migraine 3. 1. 1. Épidémiologie La migraine est une affection très répandue : chez l adulte, la prévalence est d environ 12 % avec une prépondérance féminine importante : environ 3 femmes pour un homme [22, 51]. Les chiffres de prévalence varient considérablement avec l âge, avec un maximum dans la 3 e décennie et une chute nette après 60 ans. Chez l enfant, la prévalence est évaluée à 5 à 10 %; le sex ratio avant la puberté est proche de 1. La migraine débute tôt dans l existence : avant 40 ans dans 90 % des cas. Il est possible d observer un début très précoce, vers 1 an. 3. 1. 2. Migraine et hérédité Il n existe aucune preuve formelle du caractère héréditaire de la migraine. Les études récentes concernant la migraine sans et avec aura sont en faveur d une transmission multigénique [42]. Les seuls arguments génétiques solides concernent la très rare migraine hémiplégique familiale qui est transmise selon un mode autosomal dominant et dont un gène défectueux a été localisé sur le chromosome 19 [25]. 3.1.3. Physiopathologie Selon les hypothèses actuelles [32], le cerveau migraineux apparaît caractérisé par des anomalies des fonctions corticale et hypothalamique de régulation de la douleur et du tonus vasculaire. Chez ces sujets porteurs d un 329

MASSIOU & BOUSSER «seuil migraineux» bas, un certain nombre de facteurs peuvent déclencher la crise : stimuli externes (stress, aliments, émotions, lumières vives, odeurs), ou internes (variations hormonales chez la femme ). Certains prodromes : faim, bâillements, somnolence, excitation, qui peuvent précéder la crise de 24 heures orientent vers un dysfonctionnement hypothalamique. Une stimulation directe des vaisseaux crâniens, par exemple par injection d un produit de contraste, peut aussi provoquer une crise. Durant l aura migraineuse existe une diminution régionale du débit sanguin cérébral. La zone d hypoperfusion progresse des régions postérieures vers l avant, à la vitesse de 2 à 3 mm/min, et est contemporaine d anomalies métaboliques [38]. Cette progression est superposable à la marche migraineuse (voir infra), et serait consécutive à un phénomène neuronal de dépression corticale propagée, qui n a cependant été mis en évidence pour l instant que chez l animal, après stimulation du cortex. Durant la céphalée, les modifications du débit sanguin cérébral sont variables et inconstantes. Des modifications vasculaires superposables à celles observées durant la crise migraineuse ont été observées chez l animal, après stimulation de certaines structures cérébrales : locus cœruleus, noyaux du raphé dorsal et du trijumeau. Chez l animal, la stimulation antidromique des fibres du trijumeau entraîne une inflammation neurogène de la dure-mère (modèle de Moskowitz) avec extravasation de protéines plasmatiques, dégranulation des mastocytes et libération de peptides : substance P, tachykinines, CGRP [10, 36]. Les fibres sensitives afférentes sont alors stimulées et véhiculent la douleur vers les noyaux cérébraux par la racine descendante du trijumeau qui reçoit des influx convergents des racines cervicales supérieures. Chez l homme, les taux plasmatiques de CGRP et de substance P augmentent après thermocoagulation du trijumeau [19], et celui de CGRP dans le sang veineux jugulaire du côté de la céphalée migraineuse. La sérotonine joue également un rôle important dans la physiopathologie de la migraine. Des récepteurs 5 HT1 sont localisés sur les artères cérébrales, et leur stimulation entraîne une vasoconstriction. Le système nerveux central est également riche en récepteurs sérotoninergiques, en particulier dans les structures du contrôle endogène de la douleur. 3.1.4. Clinique La migraine sans aura (migraine commune) Le diagnostic de migraine est purement clinique; il repose sur l interrogatoire. Le patient souffre de crises de céphalées répondant à des critères précis définis par l IHS (tableau II). L examen neurologique est strictement normal. Les examens complémentaires sont inutiles dans la majorité des 330

CÉPHALÉES ET MIGRAINES Tableau II. Migraine sans aura (critères de l IHS). A. Au moins cinq crises répondant aux critères B - D B. Crises de céphalées durant de 4 à 72 heures (sans traitement) C. Céphalées ayant au moins deux des caractéristiques suivantes : unilatéralité pulsatilité intensité modérée ou sévère aggravation par les activités physiques de routine, telles que montée ou descente des escaliers D. Durant les céphalées, au moins l un des caractères suivants : nausées et/ou vomissements, photophobie et phonophobie cas ; cependant, s il existe une atypie séméiologique ou une anomalie à l examen clinique, des explorations sont nécessaires et en premier lieu un scanner cérébral ou une IRM. La crise peut être annoncée, dans les 24 h qui la précèdent, par des prodromes : troubles de l humeur, irritabilité, asthénie, somnolence, tendance dépressive ou au contraire euphorie, sensation de faim, constipation. La céphalée peut débuter à n importe quel moment de la journée; il n est pas rare que le malade se réveille avec. Sa topographie est classiquement unilatérale (hémicrânie), mais elle peut être bilatérale : le changement de côté d une crise à l autre est fréquent. Son intensité est variable : souvent intense, obligeant à interrompre toute activité, elle est aggravée par les efforts, la lumière, le bruit, et soulagée par le repos, le calme et l obscurité. Elle est souvent pulsatile, plus rarement continue. Les symptômes associés peuvent comporter, outre les nausées, les vomissements, et la phono-photophobie, une osmophobie, une asthénie extrême, des troubles de l humeur, une pâleur du visage, une saillie anormale des artères temporales superficielles, plus rarement une obstruction ou un écoulement nasal, une hyperlacrymation. La crise peut se terminer par un accès polyurique, une diarrhée ou un vomissement. La migraine avec aura Elle est plus rare que la migraine sans aura; la céphalée est précédée ou accompagnée d une «aura», c est-à-dire d un dysfonctionnement neurologique focal transitoire. L aura marque généralement le début de la crise : le symptôme de l aura, un trouble visuel le plus souvent, s étend en tache d huile et peut être suivi de paresthésies puis d aphasie. Cette extension 331

MASSIOU & BOUSSER progressive de l aura sur 5 à 60 minutes constitue la «marche migraineuse», quasiment pathognomonique de l affection. Les auras les plus fréquentes sont les auras visuelles, (caractérisant la migraine ophtalmique) qui, fait essentiel, intéressent les deux yeux. Les deux principales manifestations en sont le scotome scintillant, point lumineux et scintillant s étendant par un de ses côtés vers la périphérie du champ visuel et laissant place à un scotome, et les phosphènes, qui sont des taches, zigzags, éclairs, brillants ou colorés. Plus rares sont les phénomènes purement déficitaires tels que l hémianopsie latérale homonyme, ou les troubles de la perception visuelle tels que les métamorphopsies de l enfant. Les auras sensitives sont plus rares. Il s agit le plus souvent de paresthésies unilatérales de distribution chéiro-orale. Les troubles du langage et l hémiparésie sont encore plus rares et généralement associés aux troubles visuels et sensitifs.la céphalée s installe en général lors de la décroissance de l aura. Lorsqu elle est unilatérale, elle siège le plus souvent du côté opposé à l aura. Elle est volontiers plus courte que dans la migraine sans aura, et les nausées y sont moins fréquentes. La céphalée peut être occasionnellement absente ; dans de rares cas, l aura n est jamais accompagnée de céphalée. Variétés rares de migraine Elles soulèvent des difficultés diagnostiques et nécessitent, contrairement aux formes précédentes, la pratique d explorations : scanner ou IRM, EEG, ponction lombaire selon les cas.. La migraine basilaire : la céphalée est précédée par des symptômes évoquant l atteinte du territoire vertébro-basilaire : troubles visuels et sensitifs bilatéraux, vertiges, ataxie, dysarthrie, diplopie, troubles de la vigilance pouvant aller jusqu au coma. À côté des formes sévères existent des formes incomplètes où l aura comporte des vertiges isolés ou associés à des phénomènes visuels.. Migraine accompagnée de troubles de la conscience et de la mémoire : il peut s agir de syncopes survenant au cours d une crise migraineuse, de troubles de la conscience lors d une migraine basilaire, d un ictus amnésique, ou d une crise comitiale.. La migraine hémiplégique familiale dont l aura comporte une hémiparésie et où l on trouve des crises identiques chez au moins l un des parents au premier degré.. La migraine ophtalmoplégique est une forme très rare, débutant presque toujours dans l enfance. La céphalée est inaugurale, et suivie d une paralysie unilatérale d un ou plusieurs nerfs oculomoteurs, qui régresse en quelques jours à quelques semaines. 332

CÉPHALÉES ET MIGRAINES. La migraine rétinienne : le trouble visuel y est purement monoculaire. C est un diagnostic exceptionnel qui ne peut être retenu qu une fois éliminées les autres causes d ischémie monoculaire transitoire. Complications de la migraine. L état de mal migraineux : c est la persistance au delà de 72 heures d une céphalée qui a au départ les caractères d une migraine et se transforme au fil des jours en céphalée chronique, presque toujours associée à un abus des médicaments de la crise, et à un état anxieux ou anxio-dépressif [35].. L infarctus migraineux : exceptionnellement, lors d une crise de migraine avec aura, les symptômes de l aura ne sont pas réversibles et un infarctus est confirmé par la neuro-imagerie. Une étiologie migraineuse ne peut être retenue qu une fois éliminées, en particulier par une artériographie cérébrale, un bilan d hémostase, un bilan immunologique et une échographie cardiaque avec sonde transœsophagienne, toutes les autres causes d accident ischémique cérébral [24]. Migraines symptomatiques Une migraine peut parfois être symptomatique d une lésion cérébrale, en particulier d une malformation artérioveineuse. Lorsque les crises surviennent toujours du même côté et surtout lorsqu existent des atypies séméiologiques ou des signes neurologiques d examen, la poursuite des investigations est nécessaire. L IRM cérébrale est l examen le plus adapté à la détection des malformations artérioveineuses. Une symptomatologie migraineuse peut aussi s observer dans des maladies générales telles que le lupus, le syndrome des antiphospholipides, les thrombocytémies, les cytopathies mitochondriales, le CADASIL [54], mais la présence d autres signes met sur la voie du diagnostic. Migraine de l enfant Les caractères de la migraine chez l enfant diffèrent peu de ceux de la migraine de l adulte. La céphalée peut être plus courte, de 1 à 2 heures; elle est souvent frontale. Les vomissements et les douleurs abdominales sont parfois au premier plan. Le sommeil, même de quelques heures, est presque toujours réparateur. Les auras visuelles à type de micropsie, inversion des images ou hallucinations élaborées ne sont pas exceptionnelles chez l enfant. Il était classique de désigner comme équivalents migraineux un certain nombre de phénomènes récurrents observés chez l enfant tels que des douleurs abdominales, des vomissements cycliques, des vertiges aigus récidivants [23]. Aucun critère spécifique ne permettant d identifier ces symptômes comme des équivalents de migraine, il faut se garder de porter 333

MASSIOU & BOUSSER trop vite ce diagnostic ; des examens complémentaires sont nécessaires afin d éliminer une lésion organique. 3. 1. 5. Facteurs déclenchants et profil évolutif de la migraine L évolution des crises, tant en fréquence que dans leurs caractères, est infiniment variable d un sujet à l autre, et tout au long de l existence d un même individu. Il semble que la fréquence moyenne des crises se situe autour de 1 à 2 par mois mais la variabilité est extrême, entre les patients qui n ont que quelques crises dans leur vie, et ceux qui en ont plus de 10 par mois. Une diminution, voire une disparition des crises chez le sujet âgé est habituelle. Les facteurs déclenchants : La liste des événements susceptibles de déclencher une crise migraineuse est indiquée dans le tableau III. Il est rare qu un patient incrimine un Tableau III. Facteurs déclenchants de la crise de migraine. Facteurs psychologiques Habitudes alimentaires. contrariété. jeûne. anxiété. hypoglycémie. émotion. repas sautés ou irréguliers. choc psychologique Facteurs hormonaux. règles. contraceptifs oraux Modifications du mode de vie. déménagement Facteurs sensoriels. changement de travail. lumière. chômage. bruit. vacances. odeurs. surmenage. vibrations Facteurs climatiques. vent chaud. orage. chaleur humide Autres facteurs Aliments. traumatisme crânien. alcool. rythme de sommeil (week-end,. chocolat grasse matinée). graisses cuites. exercice physique. agrumes. rapports sexuels. fromages. altitude 334

CÉPHALÉES ET MIGRAINES facteur déclenchant unique [4] ; de plus, la crise paraît souvent survenir de façon imprévisible. 3. 1. 6. Migraine et vie hormonale de la femme La vie hormonale de la femme a une influence certaine sur la maladie migraineuse [16, 44, 58] : La prépondérance féminine de la migraine n apparaît qu après la puberté, période durant laquelle 20 % des migraineuses voient débuter leur maladie. 60 % des femmes établissent un lien entre leurs migraines et leurs périodes menstruelles. Si l on restreint la définition de la migraine menstruelle pure aux crises survenant exclusivement durant la période allant de 2 jours avant les règles jusqu à la fin de celles-ci, on évalue à 5 % la proportion des migraineuses souffrant de ce type particulier de migraine ; elle concerne plus souvent les femmes souffrant de crises sans aura que celles qui ont des crises avec aura [12]. D après Sommerville [48], la chute brutale des œstrogènes en fin de cycle apparaît comme le facteur déclenchant de ces crises purement cataméniales. Migraine et grossesse [6, 7, 49] Durant la grossesse, la migraine s améliore ou disparaît chez près de 70 % des femmes ; cette amélioration est plus fréquente lorsqu existaient des crises cataméniales avant la grossesse. La maladie migraineuse peut néanmoins rester inchangée ou s aggraver, et ce plus souvent dans le cas de crises avec aura. Il n est pas exceptionnel qu une maladie migraineuse débute durant la grossesse. Migraine et post-partum L existence de céphalées lors de la première semaine du post-partum est notée chez 30 à 40 % des femmes, qu elles soient migraineuses ou non [50]. Elles sont d autant plus fréquentes que les accouchées souffraient antérieurement de migraine, et plus particulièrement de crises cataméniales. Leur cause n est certainement pas univoque. Certaines correspondent vraisemblablement à des céphalées de tension contemporaines de la dépression du post-partum; d autres sont décrites comme des crises de migraine vraie, avec ou sans aura, souvent moins sévères que celles dont souffraient les femmes avant leur grossesse. La survenue de crises migraineuses répétées et particulièrement intenses dans les premiers jours voire les premières heures suivant l accouchement n est cependant pas exceptionnelle tant pour la migraine sans aura que pour la migraine avec aura. La maladie migraineuse peut également débuter durant le post-partum. 335

MASSIOU & BOUSSER La survenue durant la grossesse ou le post-partum d une céphalée inhabituelle par son mode d installation, son intensité, sa durée ou ses signes d accompagnement doit faire pratiquer les investigations nécessaires déjà indiquées au premier chapitre. Les accidents ischémiques cérébraux d origine artérielle sont plus fréquents durant la grossesse que le post-partum; l inverse est observé pour les thromboses veineuses cérébrales [5]. Migraine et contraception orale La prise de contraceptifs oraux peut modifier le cours d une maladie migraineuse préexistante. Les pourcentages varient largement d une étude à l autre [28, 29, 43]. Une aggravation de la fréquence ou de la sévérité des crises est rapportée dans 15 à 50 % des cas, et les crises surviennent alors plus volontiers durant la semaine d arrêt du contraceptif. Cependant, un tiers environ des migraineuses notent une amélioration sous pilule et, pour une proportion similaire, il n y a pas de changement. Une maladie migraineuse peut débuter durant la prise de contraceptifs oraux, le plus souvent dès les premiers cycles, plus rarement après une utilisation prolongée. Une histoire familiale de céphalées est retrouvée plus souvent chez les femmes dont la migraine débute sous pilule que chez les non migraineuses, mais elle est significativement moins fréquente que chez les femmes dont la migraine débute avant la prise de contraceptifs; ceci est en faveur d une responsabilité de la pilule dans le déclenchement d une maladie migraineuse chez certaines patientes «prédisposées». L arrêt des contraceptifs n apporte pas toujours une amélioration immédiate des migraines; elles peuvent parfois persister durant un à deux ans, et dans certains cas la maladie migraineuse continue d évoluer pour elle-même. Certains auteurs pensent que les pilules faiblement dosées en œstrogène ou progestatives pures entraînent moins de céphalées ; d autres ont décrit au contraire une accentuation des migraines lorsque le rapport œstrogène/progestatif est bas. En fait, aucune étude comparative sur des populations importantes ne permet aujourd hui de connaître l influence exacte du contenu en œstrogène des pilules sur le cours de la maladie migraineuse. Des céphalées non migraineuses sont observées lors de la prise de contraceptifs oraux, mais les études publiées ne permettent pas de se faire une idée exacte de leur fréquence, de leur nature, ni même de la responsabilité de la pilule dans leur survenue. La migraine est-elle un facteur de risque vasculaire, qui viendrait alors s ajouter à celui des œstroprogestatifs? Cette question, longtemps débattue, a fait l objet de plusieurs études récentes [31, 55, 56] ; il en ressort que la migraine est probablement un facteur de risque d accident ischémique cérébral chez les femmes de moins de 45 ans. Dans l étude de Tzourio [56], le risque relatif représenté par la migraine était de 4,3. Il était deux fois plus élevé chez les femmes souffrant de migraines avec aura par rapport à celles qui n avaient que 336

CÉPHALÉES ET MIGRAINES des migraines sans aura. L association migraine-tabac (> 20 cigarettes par jour) représentait un risque relatif de 10,2 et l association migraine-contraceptifs oraux un risque de 11,4; chez les femmes non migraineuses, le risque lié à la pilule était de 3,1. Le risque absolu d accident ischémique cérébral reste néanmoins bas : chez une femme jeune il est d environ 10/100 000 femmes-année, chez une migraineuse de 19/100 000 femmes-année. La contraception orale est reconnue comme un facteur de risque d accident ischémique cérébral. Dans une étude cas-témoin récente, Lidegaard [30] a trouvé que ce risque était diminué d un tiers (risque relatif : 1,8) pour les pilules contenant 30-40 µg d œstrogène par rapport à celles en contenant 50 µg (risque relatif : 2,9). Les pilules progestatives pures n augmentaient pas le risque d accident ischémique cérébral dans cette étude. Le risque relatif ne s accroît pas avec l âge, contrairement au risque absolu qui est multiplié par 10 de 20 à 40 ans. En résumé, si l on ne peut considérer que les œstroprogestatifs sont à éviter chez toutes les migraineuses, les données récentes de la littérature invitent à des règles de prudence : il est souhaitable de ne pas prescrire d œstroprogestatifs chez une migraineuse qui fume ; chez les femmes souffrant de migraines, il faut préférer, d autant qu elles sont plus âgées, les pilules faiblement dosées en œstrogène ou progestatives pures ; l aggravation des migraines, la survenue de crises avec aura, doivent faire interrompre les œstroprogestatifs; toute céphalée inhabituelle par son mode d apparition, son intensité ou ses signes d accompagnement doit faire l objet d un avis neurologique urgent. Migraine et ménopause L amélioration des migraines après la ménopause n est pas aussi fréquente qu il est classique de le dire même dans le cas où existaient des crises cataméniales. Le sex ratio reste à 2,5 femmes/1 homme après 70 ans. 3.1.7. Traitement Avant d aborder les diverses modalités du traitement, le médecin aidera son patient à reconnaître les éventuels facteurs déclenchants des crises, tout en sachant que la plupart des patients ont déjà supprimé ceux qu ils ont déjà identifiés, notamment les aliments. Il expliquera la différence fondamentale qui existe entre le traitement de la crise, à prendre au coup par coup, et le traitement de fond, quotidien, visant à diminuer la fréquence des crises [33]. 337

Traitement de la crise Quelques gestes simples, souvent connus des migraineux et effectués au tout début de la crise, peuvent soulager la céphalée : application de froid ou de chaleur sur le crâne, pression sur la tempe ou sur un autre point du crâne, repos allongé dans une pièce obscure et silencieuse à la recherche d un sommeil réparateur, absorption de thé ou de café. Les médicaments de la crise migraineuse Quatre groupes de substances ont une efficacité démontrée dans la crise migraineuse : les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les dérivés de l ergot de seigle, et le sumatriptan (tableau IV). Les antalgiques L aspirine, le paracétamol, le dextropropoxyphène, la noramidopyrine sont efficaces sur la céphalée migraineuse, qu ils réduisent dans 40 à 50 % des cas. Ces antalgiques sont souvent présents en association dans diverses préparations contenant des barbituriques, de la codéine ou de la caféine. Ces substances peuvent accroître l efficacité des antalgiques, mais elles exposent à un risque accru d accoutumance. Parmi les autres effets secondaires, ANTALGIQUES. Aspirine. Phénacétine. Dextropropoxyphène. Noramidopyrine. Paracétamol ANTI-INFLAMMATOIRES. Phénylbutazone. Indométacine. Naproxène. Flurbiprofène. Acide méfénamique. Diclofénac. Ibuprofène. Acide tolfénamique. Acide flufénamique MASSIOU & BOUSSER Tableau IV. Médicaments de la crise maigraineuse. DÉRIVÉS DE L ERGOT DE SEIGLE Tartrate d ergotamine (Gynergène caféiné : cp. à 1 mg, suppo. à 2 mg) (Migwell : cp. à 2 mg) Dihydroergotamine injectable (IM, SC ou IV) Dihydroergotamine nasale (Diergo Spray) SUMATRIPTAN (Imigrane ) 338

CÉPHALÉES ET MIGRAINES rappelons le risque d agranulocytose avec la noramidopyrine qui est un accident de type immunoallergique exceptionnel mais imprévisible car il peut survenir après la prise d une dose minime. Les anti-inflammatoires non stéro ï d i e n s Le naproxène, le flurbiprofène, le diclofénac, l ibuprofène, l acide flufénamique, l acide tolfénamique, ont tous montré leur efficacité par rapport au placebo. Il n existe pas d efficacité croisée entre eux, et ils méritent donc d être essayés successivement. Les dérivés de l ergot de seigle Le tartrate d ergotamine, la dihydroergotamine (DHE) par voie injectable ou nasale sont des produits vasoconstricteurs qui inhibent l inflammation neurogène dans le modèle de Moskowitz. Leur efficacité antimigraineuse a été amplement démontrée [11, 15, 18, 60]. Avec le tartrate d ergotamine, les effets secondaires mineurs sont fréquents : nausées, somnolence, ou au contraire excitation. L ergotisme est un effet secondaire rare et grave. Il est caractérisé par une vasoconstriction sévère touchant essentiellement les membres qui peut aboutir à la gangrène. Il survient essentiellement après un surdosage ou lors de prises trop fréquentes.le risque d ergotisme est accru par la prise simultanée de certains macrolides (trioléandomycine, érythromycine, josamycine) dont l association avec les dérivés ergotés est formellement proscrite. Les effets secondaires du spray nasal de DHE sont principalement des intolérances locales (sensation de nez bouché, écoulement nasal) et des nausées. La dihydroergotamine par voie parentérale n expose qu exceptionnellement à l ergotisme, et, semble-t-il, uniquement en association avec les trois antibiotiques déjà cités. Tous les dérivés ergotés sont contre-indiqués en cas d artériopathie des membres inférieurs, d insuffisance coronarienne, d hypertension artérielle, de syndrome de Raynaud, d insuffisance hépatique et, à un moindre degré, d insuffisance rénale. Le sumatriptan (Imigrane ) C est un agoniste sélectif des récepteurs à la sérotonine du type 5 HT1 vasoconstricteur et inhibiteur de l inflammation neurogène. Il existe sous forme injectable en sous-cutané (ampoules à 6 mg que le patient peut s auto-injecter), orale (comprimés à 100 mg) et nasale (20 mg). Il a fait l objet de très nombreuses études conduites en double aveugle [53]. Le pourcentage d amélioration à 2 heures obtenu avec la forme injectable est en moyenne de 75 %, il est supérieur à celui des antimigraineux déjà existants. Dans un tiers des cas, une rechute de la céphalée survient dans les heures qui suivent la première prise de sumatriptan; elle peut être soulagée par une seconde prise du médicament. Les effets secondaires consistent en réactions au point d injection avec la forme sous-cutanée, sensation de chaleur, pression ou raideur dans diverses parties du corps. Des sensations d oppression thoracique surviennent chez environ 3 % des patients sans que 339

MASSIOU & BOUSSER soient notées parallèlement des modifications électrographiques. L insuffisance coronarienne est une contre-indication absolue au sumatriptan, de même que l hypertension artérielle sévère ou mal contrôlée, et d une manière générale, la plus grande prudence s impose dans toutes les affections cardio-vasculaires. Les médicaments adjuvants, susceptibles d augmenter l efficacité des traitements de crise sont de trois types : La caféine : Elle augmente et accélère l absorption digestive des médicaments de crise. Elle a sans doute une efficacité antimigraineuse propre, mais en cas de consommation quotidienne et importante, elle expose au risque de céphalée de sevrage, dans les 24 heures suivant la dernière absorption. Les anxiolytiques sont utiles pour atténuer l anxiété contemporaine de la crise, et favoriser le sommeil. Les antiémétiques, tels le métoclopramide et le dompéridone, diminuent la fréquence des nausées et des vomissements. Ils augmentent l absorption digestive et donc probablement l efficacité des médicaments de la crise. Choix et règles d utilisation des médicaments La prise ne doit se faire qu au moment des crises, ne pas être trop fréquente et encore moins quotidienne, car elle expose alors à un double risque : le premier, rare, est lié à une toxicité propre de certaines substances (les complications vasculaires des dérivés ergotés, gastriques de l aspirine et des anti-inflammatoires, hépatiques du paracétamol, rénales de la phénacétine, etc.). Le second, fréquent mais sous-estimé, est la survenue d une accoutumance, avec apparition d une céphalée de sevrage entre les prises, conduisant à une véritable toxicomanie, avec prises médicamenteuses quotidiennes et céphalée chronique [41]. Le médicament de la crise doit être pris le plus tôt possible, c est-à-dire dès que le migraineux sait qu il s agit bien d une crise de migraine. La seule exception à cette règle concerne l utilisation des antimigraineux vasoconstricteurs (dérivés de l ergot de seigle et sumatriptan) dans les crises de migraine avec aura. L aura migraineuse s accompagnant elle-même d une vasoconstriction, il est préférable d attendre la survenue de la céphalée pour prendre ces substances, et il a d ailleurs été récemment montré que le sumatriptan pris lors de l aura était inefficace [2]. Ceci ne s applique pas aux antalgiques et antiinflammatoires qui gagnent à être pris dès que l aura neurologique se manifeste. Le mode optimal d administration est à déterminer pour chaque sujet. En effet, si la plupart des patients préfèrent la voie orale, celle-ci n est pas souhaitable en cas de nausées sévères ou de vomissements, d autant que s y associe souvent une diminution de l absorption digestive des médicaments. Les voies rectale, nasale ou les injections sont alors préférables. 340

CÉPHALÉES ET MIGRAINES Cas particulier : la migraine cataméniale Chez les femmes souffrant de migraines exclusivement cataméniales et dont les cycles sont réguliers, l œstradiol en gel percutané (Œstrogel ) a une bonne efficacité préventive lorsqu il est commencé 48 heures avant la date prévue de survenue de la migraine et poursuivi pendant les 7 jours suivants (1 mesure/jour soit 2,5 mg de gel) [13, 14]. L œstradiol percutané est bien toléré, mais peut parfois entraîner des irrégularités des règles. État de mal migraineux Son traitement repose avant tout sur le sevrage de l abus des traitements de crise, fréquemment responsable de cette complication. Le syndrome de sevrage comporte une recrudescence des céphalées, accompagnées dans certains cas d anxiété, de sueurs, de tremblements. Il dure généralement de 3 à 6 jours, parfois plus. Durant ce sevrage, l amitriptyline est souvent utilisée en traitement de fond, soit par voie orale, soit en perfusion lorsqu une hospitalisation s avère nécessaire. D autres médicaments ont été proposés : perfusions de neuroleptiques, dihydroergotamine, corticoïdes. Traitement de fond La décision d instaurer un traitement de fond dépend de la fréquence mensuelle des crises (plus de 2 ou 3 par mois), mais aussi de la réponse aux traitements des crises, de la durée et de l intensité de celles-ci, de leur retentissement sur la qualité de vie, et du risque éventuel d abus d antalgiques. Il existe 6 médicaments ou classes de médicaments de fond majeurs, dont l efficacité a été démontrée dans au moins 3 essais contrôlés contre placebo : certains β bloquants, le pizotifène, le méthysergide, l oxétorone, la flunarizine et l amitriptyline. Leur posologie, effets secondaires et contre-indications sont résumés dans le tableau V. D autres substances dont l efficacité a été moins bien étayée peuvent être utilisées en traitement de fond : la dihydroergotamine, l aspirine, l indoramine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et le valproate de sodium. Le recours aux traitements non médicamenteux est également justifié : acupuncture, relaxation, biofeedback, hypnose. Choix d un traitement de fond médicamenteux Le choix du premier traitement à essayer dépend d abord des caractéristiques de la substance elle-même : on utilise en premier lieu l un des médicaments dont l efficacité est la plus importante et les effets secondaires les moins gênants, c est-à-dire l un des antimigraineux majeurs en dehors du méthysergide. Le choix dépend ensuite des caractéristiques du patient luimême ; en effet, les essais contrôlés comparant ces substances entre elles ne mettent pas en évidence de supériorité de l une par rapport à l autre. On choisit avant tout une substance non encore essayée, après s être assuré de l absence de contre-indication. Les pathologies associées sont prises en 341

MASSIOU & BOUSSER Tableau V. Traitements de fond majeurs de la migraine. Posologie/j. Effets secondaires Contre-indications β-bloquants Propranolol (Avlocardyl ) 40-240 mg Fréquents : Asthme Métoprolol (Lopressor ) 100-200 mg asthénie Insuffisance cardiaque Seloken ) mauvaise tolérance à l effort BAV - bradycardies Timolol (Timacor ) 10-20 mg Syndrome de Raynaud Rares : NB : possibilité d aggravation des Aténolol (Ténormine ) 100 mg insomnie, cauchemars, migraines avec aura. Potentialisation Nadolol (Corgard ) 80-240 mg impuissance, dépression de l effet vasoconstricteur du tartrate d ergotamine Pizotifène (Sanmigran ) 2 mg (3 cp.) somnolence Glaucome (en une prise le soir) prise de poids Adénome prostatique Oxétorone (Nocertone ) 120-180 mg (2-3 cp.) Fréquent : somnolence (en une prise le soir) Rare : diarrhée, nécessitant l arrêt du traitement Méthysergide (Désernil ) 4-6 mg (2-3 cp.) Fréquents : nausées, vertiges, HTA, insuffisance coronarienne, Arrêt nécessaire 1 mois insomnie artériopathies, ulcère gastrique, tous les 6 mois insuffisance hépatique et rénale Flunarizine (Sibélium ) 10 mg (1 cp. le soir) Fréquents : somnolence, prise Syndrome dépressif pas plus de 6 mois de poids - Rares : dépression, Syndrome extrapyramidal syndrome extrapyramidal Amitriptyline 20-50 mg le soir Sécheresse de bouche Glaucome, adénome prostatique (Laroxyl, Élavil ) Somnolence, prise de poids 342

CÉPHALÉES ET MIGRAINES compte; par exemple, en cas d hypertension artérielle, les β-bloquants sont proposés en premier; en cas de syndrome dépressif associé, ce sera l amitriptyline. Le type de la migraine joue également un rôle dans ce choix, par exemple en cas de crises fréquentes de migraine avec aura, l aspirine est souvent efficace, alors que les β-bloquants risquent d entraîner une aggravation. Enfin, la survenue possible d effets secondaires oriente la décision thérapeutique : chez la femme jeune qui redoute de prendre du poids, le premier traitement à essayer sera un β-bloquant; chez un sujet maigre ou sportif, ce sera plutôt le pizotifène ou l oxétorone. Dans la plupart des cas, cependant, il est impossible de prédire quel médicament aura l efficacité la meilleure chez un patient donné, c est pourquoi il est souvent nécessaire d essayer plusieurs traitements avant de trouver le plus approprié. Quel que soit le traitement choisi, quelques règles de prescription s avèrent précieuses : il est préférable d éviter les associations d antimigraineux dont l efficacité n a jamais été montrée supérieure à celle d un traitement unique; les doses des médicaments seront toujours augmentées lentement afin d éviter les effets secondaires qui sont particulièrement fréquents et mal tolérés chez ces patients; il est nécessaire d atteindre la dose considérée comme efficace, si la tolérance le permet ; enfin, tout traitement de fond doit être pris au moins pendant 2 à 3 mois durant lesquels le patient doit tenir un calendrier de ses crises. À la fin de cette période, en cas d échec, un autre traitement sera proposé. En cas de succès, nous préconisons de maintenir la dose efficace pendant environ 6 mois puis de diminuer très lentement les doses afin d essayer d arrêter le traitement ou, au moins, de trouver la dose minimale efficace. Traitement de la migraine durant la grossesse Les recommandations concernant l usage des médicaments antimigraineux durant la grossesse et l allaitement proviennent de sources diverses [3, 8, 21, 26, 37, 45]. Elles ne sont pas toujours superposables d un ouvrage à l autre. Les tableaux VI et VII indiquent la classification des traitements antimigraineux de crise et de fond selon les catégories de la Food and Drug Administration : Catégorie A : les études contrôlées ne montrent pas de risque pour le fœtus. Catégorie B : absence de preuve de risque chez l homme. Les études chez l animal n ont pas montré de risque fœtal mais il n existe pas d études contrôlées chez les femmes enceintes, ou un effet indésirable a été montré chez l animal, mais n a pas été confirmé dans des études contrôlées chez les femmes enceintes. 343

MASSIOU & BOUSSER Tableau VI. Médicaments de la crise migraineuse : classification de la FDA pour le risque fœtal, et de l Académie Américaine de Pédiatrie pour l allaitement (voir texte). Risque fœtal Allaitement I. ANTALGIQUES Aspirine C* prudence Paracétamol B compatible Propoxyfène C** compatible Codéine C** compatible II. ANTI-INFLAMMATOIRES NON STÉROIDIENS Ibuprofène Fénoprofène B* compatible Naproxène Indométacine III. Ergotamine, Dihydroergotamine X contre-indiqué IV. Sumatriptan C prudence V. ADJUVANTS Caféine B compatible Métoclopramide B risque possible Diazepam D risque possible Lorazepam D risque possible * D au 3 e trimestre - ** D si usage prolongé ou à terme Catégorie C : un risque ne peut pas être écarté : effet indésirable chez l animal et absence d étude contrôlée chez la femme enceinte, ou absence d étude chez l animal et l homme. Ces médicaments ne doivent être prescrits que lorsque le bénéfice attendu justifie le risque potentiel pour le fœtus. Catégorie D : il existe des preuves de risque pour le fœtus. Cependant le bénéfice attendu peut justifier l usage du médicament malgré le risque. Catégorie X : contre-indiqué durant la grossesse. Les études chez l animal ou chez l homme ont démontré l existence d un risque fœtal qui contrebalance tout bénéfice possible. Ces tableaux indiquent également des recommandations d utilisation de ces médicaments durant l allaitement, selon la classification de l Académie Américaine de Pédiatrie [1]. En pratique, le problème qui se pose le plus souvent est celui du traitement de la crise; on propose d abord le paracétamol, puis, en cas d échec des 344

CÉPHALÉES ET MIGRAINES Tableau VII. Médicaments prophylactiques de la migraine : classification de la FDA pour le risque fœtal, et de l Académie Américaine de Pédiatrie pour l allaitement (voir texte). Risque fœtal Allaitement β-bloquants Propranolol C compatible Métoprolol B compatible Aténolol C compatible Timolol C compatible Nadolol C compatible VÉRAPAMIL C compatible AMITRIPTYLINE D risque possible ACIDE VALPROIQUE D compatible MÉTHYSERGIDE D prudence FLUNARIZINE PIZOTIFENE non classés non classés OXÉTORONE anti-inflammatoires non stéroïdiens, sauf durant le 3 e trimestre de la grossesse. Compte tenu de la fréquente amélioration de la migraine durant la grossesse, le problème du traitement de fond se pose plus rarement. S il est néanmoins nécessaire, des méthodes non médicamenteuses (relaxation, biofeedback) sont privilégiées dans un premier temps ; si elles s avèrent insuffisantes, un β-bloquant (propranolol ou métoprolol) peut être proposé, sauf s il s agit de migraines avec aura. L amitriptyline est parfois utilisée, mais doit être arrêtée au moins 7 semaines avant l accouchement [34]. 3.2. Les céphalées dites «de tension» La définition donnée par l IHS en est purement descriptive : céphalées à type de pression ou de serrement, d intensité modérée ou moyenne, bilatérales le plus souvent, ne s aggravant pas avec l activité physique courante ; les nausées sont généralement absentes, mais la photophobie ou la phonophobie peuvent être présentes. Ces céphalées peuvent être épisodiques, durant alors de quelques minutes à plusieurs jours, avec une fréquence inférieure à 15 jours par mois, ou chroniques, survenant 15 345

MASSIOU & BOUSSER jours/mois ou davantage depuis plus de 6 mois. La physiopathologie de ces céphalées reste obscure. Des troubles psychiques de nature variable sont souvent présents lors des céphalées de tension chroniques. Les antalgiques et les anti-inflammatoires doivent être réservés au traitement des céphalées de tension épisodiques ; en effet, leur utilisation quotidienne et prolongée pour une céphalée de tension chronique peut induire, comme dans la migraine, une accoutumance. Une approche multidisciplinaire est souvent nécessaire dans la céphalée de tension chronique : amitriptyline à faibles doses, myorelaxants, massages cervicaux, apprentissage des méthodes de relaxation et de biofeedback, psychothérapie L association chez un même individu de migraines et de céphalées de tension est fréquente; elle peut être source de difficultés diagnostiques. Seul un interrogatoire précis, complété par un agenda des céphalées et des prises médicamenteuses, permet de faire le diagnostic exact des céphalées de ces patients, de détecter un éventuel abus médicamenteux que bien des patients ne rapportent pas spontanément, et de proposer des traitements appropriés. 3.3. L algie vasculaire de la face (AVF) C est une affection rare, qui touche l homme 5 à 6 fois plus souvent que la femme et débute généralement entre 20 et 30 ans. Son diagnostic reste souvent méconnu durant des années, alors qu il est dans la plupart des cas évident, tant la symptomatologie est stéréotypée. L AVF est caractérisée par des douleurs strictement unilatérales à prédominance orbitaire et temporale, extrêmement sévères, évoluant par crises quotidiennes (de 1 à 8, en moyenne 2 à 3), qui durent de 15 à 180 minutes. Les crises s accompagnent souvent de signes homolatéraux à la douleur : injection conjonctivale, larmoiement, congestion nasale, rhinorrhée, sudation de la face, myosis, ptosis, œdème de la paupière. Le plus souvent, les crises surviennent par salves, appelées accès ou épisodes, qui durent de 2 à 8 semaines en moyenne et se reproduisent une à deux fois par an. Ces salves définissent l AVF épisodique. Dix pour cent environ des patients souffrent d une forme chronique, avec des crises quotidiennes, soit d emblée, soit après quelques années de forme épisodique. Les crises surviennent volontiers après les repas, parfois déclenchées par l alcool. La physiopathologie de l AVF reste inconnue. Les traitements utilisés sont de deux types : le traitement curatif, au moment de la crise, et le traitement préventif des crises, durant la période de l accès. Le traitement de la crise est bien plus difficile que dans la migraine, car, dans les crises d algie vasculaire, la douleur atteint son maximum en quelques minutes. Les antalgiques, même les morphiniques, et le tartrate d ergotamine sont généralement sans effet. Seuls 2 traitements ont fait la 346

CÉPHALÉES ET MIGRAINES preuve de leur efficacité dans des études contrôlées en double aveugle contre placebo : l inhalation d oxygène pur à un débit de 7 l/mn pendant 15 minutes [27], et le sumatriptan injectable à la dose de 6 mg en sous cutané [52]. Le but principal reste en fait la prévention des crises. Dans l algie vasculaire épisodique, les 3 principaux médicaments prophylactiques sont : le vérapamil (Isoptine ), à la dose de 360 mg/j et parfois jusqu à 480 mg. Un ECG préalable est nécessaire pour éliminer un trouble du rythme ou de la conduction. La tolérance est bonne ; les effets secondaires sont la constipation, les œdèmes des membres inférieurs, l hypotension, le bloc auriculo-ventriculaire; le méthysergide (Désernil ) à des doses de 6 à 12 mg/j ; le tartrate d ergotamine, pris une heure avant les crises lorsqu elles surviennent à horaire fixe, ou sinon jusqu à 4 mg/j. À partir de la fin du 1 er mois, le traitement doit être interrompu un jour par semaine, afin de dépister le moment où l épisode s achève spontanément. En cas d échec de ces médicaments, d autres traitements peuvent être proposés : l indométacine (Indocid ) à la dose de 75 à 150 mg/j, les β-bloquants (en particulier le propranolol) ou le pizotifène (Sanmigran ), aux mêmes doses que celles utilisées dans la prophylaxie de la migraine. La corticothérapie orale est parfois utilisée, ou l injection de 160 mg de méthylprednisolone au niveau de l émergence du nerf grand occipital du côté de la douleur. Dans l algie vasculaire chronique, les deux traitements majeurs sont le vérapamil (Isoptine ), le plus souvent utilisé en première intention aux mêmes doses que dans l algie épisodique, et le carbonate de lithium (Téralithe ) [9, 17]. Les fonctions rénales et thyroïdiennes doivent être vérifiées avant et durant le traitement par ce dernier médicament. La dose moyenne utilisée est de 900 mg (3 cp.), à adapter en fonction des lithiémies effectuées régulièrement, qui se situent habituellement entre 0,4 et 0,9 meq/l. L association au lithium d anti-inflammatoires non stéroïdiens et de diurétiques est déconseillée. Les effets secondaires comportent des tremblements, une soif avec polyurie, des nausées, des diarrhées, des manifestations cutanées, un goitre. 3.4. L hémicrânie paroxystique chronique Il s agit d une variante rare de l algie vasculaire de la face, caractérisée par la fréquence élevée des crises (de 5 à 30 par jour), leur brièveté (2 à 45 minutes), la forte prédominance féminine, et la disparition totale des crises sous indométacine (Indocid ) à la dose de 50 à 200 mg [47]. Cette efficacité absolue de l indométacine constitue un critère diagnostique sine qua non de l affection. Elle est obtenue en quelques jours. 347