Entretien motivationnel



Documents pareils
L expérience du patient partenaire au suivi intensif dans la communauté à Sherbrooke. Daniel Boleira Guimarães; Luce Côté

Entretien Motivationnel utilisation en pratique

Se libérer de la drogue

DIU Soins Palliatifs et d Accompagnement.

Objectif. Développer son efficacité personnelle par une meilleure communication avec soi et les autres

RAPPORT FONCTION MANAGERIALE Pierre DURAND 11/09/14 Toute l information contenue dans ce rapport est confidentielle.

Un autre signe est de blâmer «une colère ouverte qui débute par le mot TU».

Manque de reconnaissance. Manque de contrôle

POURQUOI RESSENTONS-NOUS DES ÉMOTIONS?

Rapport candidat. John Sample. 6 juillet 2012 CONFIDENTIEL

Développement personnel

RAPPORT FONCTION COMMERCIALE Philippe Dupont 30/10/13 Toute l information contenue dans ce rapport est confidentielle.

Modulo Bank - Groupe E.S.C Chambéry - prérequis à la formation - doc. interne - Ecoute active.doc Page 1

QUELQUES CONSEILS AU PROFESSEUR STAGIAIRE POUR ASSEOIR SON AUTORITE

8 formations. carrément commerciales. Catalogue 2015

5 clés pour plus de confiance en soi

Parent avant tout Parent malgré tout. Comment aider votre enfant si vous avez un problème d alcool dans votre famille.

Comprendre les différentes formes de communication

1 Chapitre Chapitre. Le coaching QU EST-CE QUE C EST?

Numéro de déclaration d organisme formateur:

ATELIERS THEMATIQUES COMMERCES UNIONS COMMERCIALES ATELIER CONDUITE DE REUNION DECIDER - CONVAINCRE MOBILISER

LA PRISE EN CHARGE COGNITIVE ET COMPORTEMENTALE DU JOUEUR PATHOLOGIQUE (Jeux de hasard et d argent)

Comment atteindre ses objectifs de façon certaine

Cohésion d Equipe - Team Building

QU EST-CE QUI VOUS MÈNE: LA TÊTE OU LE COEUR?

La supervision en soins infirmiers

M2S. Formation Management. formation. Animer son équipe Le management de proximité. Manager ses équipes à distance Nouveau manager

Programme internet de traitement du jeu excessif Partie cognitivo-comportementale

3. Comment traiter. un conflit?

Affirmation de soi, confiance en soi, estime de soi

Fiche de synthèse sur la PNL (Programmation Neurolinguistique)

ESAT Ateliers d'apprivoisement de la tablette tactile

ogiciel Véronique Messager

Katja Ingman. Être pro en anglais. Sous la direction de Marie Berchoud. Groupe Eyrolles, 2009 ISBN :

Mon boss ne délègue pas

1. Composition des groupes en formation qui ont été interrogés sur le thème de l inter- culturalité:

Réponse et temps de réponse aux items en psychométrie. R. Trouillet M.C.F. H.D.R. Lab. Epsylon EA4556

Aider une personne à cesser de fumer UNE ÉTAPE À LA FOIS. Le cancer : une lutte à finir

Attirez-vous les Manipulateurs? 5 Indices

Simulation en santé. Outil de gestion des risques. Avril Dr MC Moll 1

"La santé des étudiants en 2013"

Stratégies favorisant ma réussite au cégep

testez-vous! Préparez vos partiels en toute sénérité!

Bibliothèque de questions Questions spécifiques aux organismes

Techniques d accueil clients

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

RETOUR AU TRAVAIL Stratégies de soutien du superviseur lorsque la santé mentale joue un rôle dans le retour de l employé au travail

La rue. > La feuille de l élève disponible à la fin de ce document

Ma vie Mon plan. Cette brochure appartient à :

CATALOGUE DE FORMATION

Conditions gagnantes pour démarrer sa transition Agile

Mon mémento Page 3. 1/ Pourquoi ce mémento? Page 4. 2/ Pourquoi s évaluer? Page 4. 3/ Comment utiliser ce mémento? Page 5

UNE ÉVALUATION Une évaluation c est quoi, çà sert à quoi? Evaluer mon projet et son plan d action pour le faire durer

Les ateliers de pratique réflexive lieu d intégration des données probantes, moteur de changement de la pratique

LE TRAVAIL EN GROUPES

Questions typiques d entrevue

TNS Behaviour Change. Accompagner les changements de comportement TNS 2014 TNS

la pauvreté 33 ses lutte contre territorial. création.cette n ne doit pas d insertion. 1. UNE Accompagner la Participation travaux sont évidemment

Comment la proposer et la réaliser?

L Entrevue motivationnelle: un guide de formation

Organisation de dispositifs pour tous les apprenants : la question de l'évaluation inclusive

OUTILS DE GESTION ET D EVALUATION AU POSTE : Collecte/réparation/vente d électroménager. Assistant(e) secrétaire commercial(e)

Origines possibles et solutions

Découvrez l offre complète des formations continues. Coaching Professionnel et Linguistique. Centre de Communication

Pour réduire sa consommation Ouvrons le dialogue

Qu est-ce qu une tâche?

Les grands-parents ont-ils le droit de voir leurs petitsenfants même en cas de conflit aigu avec les parents?

Planification financière

Comprendre le financement des placements par emprunt. Prêts placement

LES 7 REGLES DE CONDUITE D UN ADMINISTRATEUR PERFORMANT

Prise de rendez-vous pour une présentation

L intolérance à l incertitude et le trouble d anxiété généralisée

Avec un nouveau bébé, la vie n est pas toujours rose

Ces formations se font uniquement «Sur mesure» - Nous contacter. II - Techniques de vente «Avancées» - 6 ou 7 modules selon le concept vente

Aujourd hui, pas un seul manager ne peut se dire à l abri des conflits que ce soit avec ses supérieurs, ses collègues ou ses collaborateurs.

Peut-on faire confiance à une personne démente?

EXEMPLE DE LETTRE DE PLAINTE

LES HABILETÉS DE SAVOIR ÊTRE

Pour un dialogue réussi enseignant parent parent enseignant

2) Les déterminants de la motivation des arbitres et entraîneurs:

4.1. Exercice pour mieux se connaître

Etudiants et jeunes diplômés : les aspirations professionnelles

PNL & RECRUTEMENT IMPACT SUR LES ENTRETIENS Présentation du 10/06/03

outil les niveaux logiques 32 n GO juin 2014

M2S. Formation Développement personnel. formation. La confiance en soi Gestion du stress

BIEN SE CONNAÎTRE. Exercice 1 VOS CHAMPS D INTÉRÊT. Quels sont les champs d intérêt qui correspondent le mieux aux vôtres?

Modèle de changement d organisation. Leanpizza.net présente. Petit Guide Rapide du jeu de cartes Modèle de Changement d Organisation

Insuffisance cardiaque

Un atelier philo pour se reconnaitre hommes et femmes

Etre parent-s d adolescent-e

GUIDE DE CONSOLIDATION D ÉQUIPE POUR LES ÉQUIPES DE SOINS PRIMAIRES DE L ONTARIO

The Over-60 Research Unit UCSF 2007 adaptation en français en 2013

Le menu du jour, un outil au service de la mise en mémoire

Différencier, d accord oui mais comment organiser sa classe.

RAPPORT EXÉCUTIF DE LA FIRME DE CONSULTANTS GARTNER

CARACTERISTIQUES DE L APPROCHE GESTALT EN ORGANISATION

L utilisation de l approche systémique dans la prévention et le traitement du jeu compulsif

Des consultants forment des consultants Comment créer ma boite de consultant

Un écrivain dans la classe : pour quoi faire?

Garth LARCEN, Directeur du Positive Vibe Cafe à Richmond (Etats Unis Virginie)

Transcription:

Entretien motivationnel Aider la personne à s engager dans le changement Sommaire Introduction Le processus du changement : 1. Pourquoi change-t-on un comportement? 2. Pourquoi ne change-t-on pas un comportement? L entretien motivationnel : 1. Définition 2. En quoi l EM est-il directif 3. Schéma de la communication 4. Les reflets 5. Construire la motivation 6. Répondre à la résistance 7. Faire émerger le discours-confiance 8. Renforcer l engagement 9. Les pièges à éviter Questions pratiques Plan de l EM Pour en savoir plus p 2 p 3 p 5 p 6 p 6 p 6 p 7 p 7 p 11 p 12 p 14 p 14 p 15 p 18 p 18 FORDD Juin 2011 Drs Gaillard-Wasser et Lopez 1

Introduction 1. Agenda du changement : D une façon générale, on observe que lorsque l agenda de l intervenant va plus vite que celui de l usager, la relation va se détériorer. L usager ne va se sentir ni entendu ni compris. L intervenant va se mettre beaucoup de pression car il va se sentir porteur du changement, il va se décourager, s épuiser. 2. Naissance de l EM : Au début des années 1980, Miller (Norvège) qui est formé à l approche centrée sur la personne, fait ses premières études sur des personnes souffrant de dépendance à des substances, dont la plupart étaient traitées sous contrainte. Ces personnes sont décrites comme résistantes et non motivées. On observe des taux élevés de drop-out et de rechute, et donc une efficacité médiocre du traitement. Pour la 1 e fois, Miller émet l hypothèse que la résistance et le manque de motivation sont augmentés et renforcés par le style confrontant du thérapeute, largement utilisé dans le domaine des addictions à cette époque, surtout aux USA. Cette formulation plus positive de la position de l usager de soins favorise une écoute empathique de l intervenant. Une quinzaine d années plus tard, l efficacité de l approche motivationnelle est l une des plus reconnue dans le domaine des addictions, plus particulièrement pour les patients les plus résistants aux autres approches et dont l ambivalence est très élevée (stade de motivation très bas). 3. L étude MATCH : Débutée en 1998, elle s est intéressée à l efficacité du traitement de l alcoolo-dépendance chez 1700 individus souffrant d abus ou de dépendance à l alcool. Elle a montré : Une efficacité globalement similaire de 3 approches dans le traitement de la dépendance à l alcool (30% d abstinence à 3 ans) : - L entretien motivationnel (EM) - Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) - Les groupes d entraide de type Alcooliques Anonymes (AA) Les prédicteurs les plus robustes du résultat du traitement étaient : - Le stade de préparation au changement - Le sentiment d efficacité personnelle - L empathie du thérapeute : Le style du soignant a une influence capitale sur la motivation de l usager à changer. 2

L EM était associé à de meilleurs résultats dans les stades de motivation les plus bas (pré-contemplation et contemplation) 4. Domaines d application de l EM : L EM a été testé avec succès dans différents settings et avec différentes classes d âge sur : Les dépendances à l alcool, au tabac, aux drogues L obésité La sédentarité L adhérence thérapeutique Le processus du changement 1. Pourquoi change-t-on un comportement? a. L ambivalence : L ambivalence est un phénomène normal et prévisible dans le domaine des dépendances. Elle naît du fait que deux options possibles ont leurs avantages et leurs inconvénients, et sont de force égale ou à polarité fluctuante. L ambivalence est présente à tous les stades de préparation au changement. Le moteur du changement est interne à la personne ambivalente dans le sens où c est elle qui doit apporter les arguments pour changer ou ne pas changer. Le changement va être possible lorsque : Les inconvénients du comportement deviennent plus importants que les effets positifs recherchés de ce comportement. Le comportement n est plus compatible avec mes valeurs ou mes projets importants. Avantages du statu quo Inconvénients à changer Avantages à changer Inconvénients du statu quo Changer Ne pas changer 3

b. Les stades du changement selon Prochaska et Di Clemente Stade Caractéristiques Précontemplation Non-reconnaissance ou banalisation du problème Contemplation Ambivalence face au problème précontemplation contemplation Détermination Décision de changer, hésitation pour le plan de traitement maintien action détermination Action Ambivalence résolue, décision d une date pour la mise en place d un plan d action Maintien Abstinence prolongée Rechute Reprise de la consommation avec perte du contrôle de celle-ci. C est plutôt la règle que l exception ; elle peut se limiter à des écarts ou dérapages de consommation (pas de perte de contrôle). c. Les ressources pour changer : Elles sont également internes à la personne ambivalente. Image du puits Approche non-motivationnelle : On amène les ressources de l extérieur Approche motivationnelle : On aide l usager à puiser dans ses propres ressources d. Sentiment d efficacité personnelle La croyance de l usager en sa valeur détermine sa capacité à changer. La confiance d une personne en sa capacité de changer est prédicteur du changement : Si une personne ambivalente ne perçoit pas l existence en elle de ressources pour changer, elle aura moins de chances de réussir un changement. Parfois elle n essaiera même pas de changer, pour éviter de se confronter à un échec. Prophéties auto-réalisatrices : Par ailleurs, la conviction de l intervenant sur les capacités de l usager à changer augmente les probabilités du changement. 4

e. Le changement est un processus intra personnel C est la dissonance entre d une part le comportement et d autre part les valeurs ou projets importants de l usager qui va créer un inconfort (conflit intrapsychique) à l origine du changement. f. Le changement est un processus inter personnel L exploration de l ambivalence dans un climat empathique et valorisant, ainsi que le fait de susciter le discours-changement vont accélérer le processus du changement. A l inverse, la confrontation non empathique va mener au déni. 2. Pourquoi ne change-t-on pas un comportement? a. Réflexe correcteur et déni Le réflexe correcteur correspond au désir de faire le bien, de corriger une situation jugée défavorable. Réflexe correcteur Ambivalence Le déni n est pas une caractéristique intrinsèque de l usager. Il est issu de la collision entre le réflexe correcteur et l ambivalence. Déni b. Autonomie de décision La plupart des personnes dont nous nous occupons sont des adultes avec une capacité de se déterminer pour eux-mêmes et ont le besoin fondamental de conserver leur autonomie de décision. De ce fait, lorsque l on va argumenter pour un côté de l ambivalence, ils vont naturellement argumenter pour l autre côté 5

L entretien motivationnel 1. Définition L EM est une approche directive, centrée sur la personne, dont le but est d augmenter la motivation au changement par l exploration et la résolution de l ambivalence face au changement. 2. En quoi l EM est-il directif? Thérapeute : Question ouverte Patient Argument 1 Argument 2 Argument 3 Thérapeute : Reflet Patient Argument 1 Argument 2 Argument 3 Thérapeute : Reflet Patient Argument 1 Argument 2 Argument 3 Thérapeute : Reflet Le choix des reflets va orienter l entretien. 3. Le schéma de la communication : Ce que l autre dit Ce que j entends Ce que l autre veut dire Ce que je crois que l autre veut dire Reflet : Sert à vérifier si mon hypothèse sur le sens de ce que l autre veut dire est juste Il y a plusieurs niveaux de distorsion possible au cours du processus de la communication. Les reflets servent à vérifier les hypothèses que je fais sur le sens du discours de mon interlocuteur. Ils donnent l impression à mon interlocuteur d être écouté et compris, ce qui va renforcer le lien. En cas d erreur de compréhension de ma part, mon interlocuteur va simplement rectifier. 6

4. Les reflets a. Différents types de reflet : Reflet simple : Il consiste à répéter ou à reformuler des mots de l interlocuteur. Reflet complexe : On reformule en ajoutant un peu de sens (1) ou en mettant en balance les deux côtés de l ambivalence (2). (1) Usager : «Je ne supporte plus sa façon de me surveiller pour savoir si je bois!» Intervenant : «Elle doit vraiment tenir beaucoup à vous pour faire ce genre de chose en sachant que ça pourrait dégrader votre relation.» (2) Intervenant : «D un côté l alcool vous aide à calmer rapidement vos angoisses, et d un autre côté vous vous inquiétez des méfaits de l alcool sur votre foie.» Reflet de sentiment : C est le plus puissant des reflets. Il accentue la dimension émotionnelle. b. Intensité du reflet : (1) Reflet amplifié : Il est amplifie les arguments ou les émotions de l usager qui vont à l encontre du changement, pour inviter l usager à argumenter avec moins d intensité contre le changement. (2) Reflet sous-estimé : Il sous-estime les arguments ou les émotions qui vont dans le sens du changement, afin d inviter l usager à argumenter avec + d intensité pour le changement. Ne pas changer 5. Construire la motivation au changement Intervenant Usager Changer Dans une 1 e phase, on va aider l usager à explorer puis à résoudre son ambivalence. Pendant cette phase, on va repérer le discours-changement, le refléter puis y répondre. Dans une 2 nde phase, on va l amener à s engager à changer et à choisir un plan d action. 7

a. Exploration de l ambivalence : Les balances décisionnelles s explorent si possible dans l ordre indiqué cidessous (de 1 à 4). Plus l usager est ambivalent, plus il est important de commencer par les bons côtés du produit pour diminuer les résistances. 1. Avantages de la consommation «Lorsque vous consommez de l alcool, qu est-ce que ça vous apporte. Et quoi d autre Et quoi d autre encore?» 3. Inconvénients de l abstinence «Si vous deviez envisager une période sans alcool, quelles pourraient être les difficultés prévisibles?» 2. Inconvénients de la consommation «Quels sont les mauvais côtés de l alcool?» 4. Avantages de l abstinence «Si vous deviez ne pas consommer pendant un certain temps, qu est-ce que vous aimeriez que ça vous apporte pour que ça vaille la peine de faire cet effort?» Les échelles d importance, de confiance et de priorité 0 (1) (2) 10 Ces échelles explorent trois aspects différents et complémentaires de l ambivalence. Voici comment l intervenant peut aborder ces échelles : Importance : Si vous deviez coter sur une échelle de 0 à 10 l importance pour vous de changer votre consommation, où 0 signifie «pas du tout important» et 10 «la chose la plus importante», à combien coteriez-vous cette importance? Pourquoi 5 plutôt que 2? (Que se passerait-il si vous ne changiez pas?) Confiance : Si vous deviez coter sur une échelle de 0 à 10 la confiance que vous avez en vous-même pour réussir à changer votre consommation, où 0 signifie «je n ai pas du tout confiance, je suis sûr de rater» et 10 «je suis sûr de réussir», à combien coteriez-vous cette importance? Pourquoi 5 plutôt que 2? (Quelles sont les expériences du passé que vous avez réussi dans ce sens, qu est-ce qui a marché, qu avez-vous mis en place pour réussir?). Que faudrait-il pour que vous passiez de 5 à 7/10? Priorité : Si vous deviez coter sur une échelle de 0 à 10 la priorité pour vous de changer votre consommation, où 0 signifie «pas du tout prioritaire, j ai des tas de choses à régler avant» et 10 «c est la chose prioritaire, je 8

ne peux rien mettre d autre en place avant», à combien coteriez-vous cette priorité? Pourquoi 5 plutôt que 2? (Que faut-il régler avant?) b. Repérer le discours-changement: - Le discours-changement apparaît lorsque l usager reconnaît l existence du problème, puis exprime une préoccupation face à celui-ci (inconvénients du statu quo, avantages du changement) : «C est plus problématique que je ne le pensais» «Ca ne peut pas continuer comme ça, je vais avoir des problèmes au travail» - Si, de plus, il est optimiste pour le changement, il pourra exprimer son intention de changer : «Si je voulais, je suis sûr que j y arriverais.» «Ca me paraîtrait tout à fait possible d arrêter, d ailleurs je l ai déjà fait.» Les différentes dimensions du discours-changement sont les suivantes : Désir : «J ai envie de changer» Capacité : «Je pourrais changer» Raisons : «Ma consommation est à l origine de» Besoin : «Je dois changer» Engagement : «Je vais changer mon comportement Premiers pas : «Je commence le» c. Susciter le discours-changement : Les techniques abordées ci-dessous ont pour but d amener l usager à argumenter pour le changement. - Echelles d importance (voir plus haut) - Balances décisionnelles Avantages et inconvénients de la consommation, inconvénients et avantages de l abstinence - Questions évocatrices Résumer les inconvénients de la consommation et les avantages attendus de l abstinence puis conclure avec une question du type : «et qu est-ce que vous faites de tout ça?» Lorsque le patient exprime du discours changement, lui refléter en concluant par la question : «Que pensez-vous de cela?» - Elaborer Aider le patient d élaborer chaque argument pour le changement qu il avance (en quoi cela est-il un soucis), et lui laisser le temps de le faire 9

donne du poids à chaque argument. On peut ainsi l aider à clarifier (qui, quoi, comment, où ), à contextualiser (décrivez-moi la dernière fois que c est arrivé). - Explorer les bienfaits des phases d abstinences passées - Se projeter dans l avenir après un changement hypothétique «Si vous changez votre consommation d alcool, à quoi aimeriez-vous que votre vie ressemble?» «Si vous faites les efforts nécessaires pour changer votre consommation, qu est-ce que vous aimeriez trouver au bout pour que ça vaille la peine?» - Exploration des valeurs et projets importants, répercussions de la consommation «Qu est-ce que vous valorisez le plus dans votre vie?) (famille, travail, santé, spiritualité, image de moi vis-à-vis de moi ou vis-à-vis des autres ) «Quels sont vos projets importants pour les mois où années à venir?» «Qu est-ce qui se passerait avec (valeurs, projets) si vous ne changiez pas votre consommation?» - Questionner les extrêmes «Qu est-ce qui vous inquiète le plus dans (le comportement)» «Si votre consommation ne changeait pas, qu est-ce qui pourrait vous arriver de pire» Lorsque l ambivalence est encore un peu élevée, une formulation plus progressive, de type flèche descendante, peut faciliter l élaboration : «Si votre consommation ne changeait pas, quelles sont les conséquences réalistes que vous imaginez? Et puis après et si la consommation ne s arrête toujours pas» d. Répondre au discours changement : - Elaborer le discours changement et l encourager Marquer son intérêt de façon non-verbale et verbale (Quoi d autre? Qu avez-vous remarqué d autre? Que vous ont dit vos proches à ce sujet? Qu est-ce qui, dans votre expérience passée, vous montre que vous pouvez réussir?) - Refléter le discours changement (favoriser les reflets de sentiment) - Résumer le discours changement (de façon sélective) - Valoriser le discours changement 10

6. Répondre à la résistance a. Différentes formes de résistances : La résistance est un signal du fait que le comportement de l intervenant est en dissonance avec le rythme de l usager : l intervenant n est plus dans l empathie et/ou il ne respecte plus le rythme du changement de l usager (décalage entre son agenda et celui de l usager). La résistance est un prédicteur de non-changement. Voici différentes formes qu elle peut prendre : Argumenter : L usager remet en question les arguments de l intervenant ou montre des signes d hostilité. Interrompre : L usager coupe la parole à l intervenant et/parle plus fort que lui. Etre sur la défensive : L usager est en désaccord avec l intervenant, se justifie, se dit à l abri des conséquences négatives du comportement ou les minimise, il remet en question les arguments de l intervenant ou exprime son pessimisme envers ceux-ci. Ignorer : L usager n est pas attentif au discours de l intervenant, il n y répond pas, n y réagit pas ou change de sujet. b. Rouler avec la résistance : Plutôt que de s opposer à la résistance, l intervenant va apprendre à «rouler avec elle», en évitant d argumenter pour le changement et en privilégiant les solutions apportées par l usager. - Refléter les arguments exprimant la résistance : Reflet simple Patient : «Qui êtes-vous pour me donner des conseils? Qu est-ce que vous en savez, vous?» Thérapeute : «C est dur d imaginer que je pourrais vous comprendre.» Reflet amplifié En amplifiant le reflet de l expression de la résistance, cette stratégie revient également à se faire l avocat du diable. Attention au ton sarcastique, incrédule ou impatient. Double reflet Il consiste à mettre en balance les arguments exprimant la résistance avec l autre côté de l ambivalence. La liaison se fait avec le mot ET plutôt que MAIS. 11

Patient : «Bon, peut-être bien que j ai des problèmes avec l alcool, mais je ne suis pas un alcoolique.» Thérapeute : «Vous vous rendez compte que vos consommations posent problème, et en même temps vous ne voulez certainement pas que l on vous colle une étiquette.» - Autres stratégies : Déplacer l attention Cette approche consiste à déplacer l attention du patient de ce qui semble être un obstacle sur son chemin. Ceci revient à contourner les barrières plutôt qu à essayer de les surmonter. «L essentiel n est peut-être pas de savoir si vous avez des problèmes d alcool. Ce qui semble vous inquiéter semble plutôt» Recadrer Cela consiste à valider les observations du patient tout en leur attribuant une signification différente. «Visiblement vous supportez bien l alcool. Malheureusement, les personnes dans votre cas ne sentent plus les limites vis-à-vis de l alcool, ce qui peut aboutir à pas mal de méfaits à différents niveaux de l organisme.» Accord nuancé Cette stratégie consiste à valider les arguments du patient, en apportant toutefois une petite nuance. Accentuer le contrôle et le choix personnels Exprimer au patient notre respect de son autonomie de décision diminuera sa «réactance». Approcher la résistance C est se faire l avocat du diable (défendre le statu quo) 7. Faire émerger le discours-confiance Cette étape survient généralement après la passation de l échelle de confiance. a. Sentiment d efficacité personnelle élevé : Conformément au style de l EM, l intervenant va s atteler à faire évoquer à l usager le discours-confiance : «Quelle serait la 1 e étape de ce changement?» «Quelles pourraient être les difficultés rencontrées lors de la mise en place de ce changement? Comment imaginez-vous les surmonter?» 12

«Qu est-ce qui dans votre expérience vous fait penser que vous pouvez y arriver?» b. Faible sentiment d efficacité personnelle : L intervenant ne peut pas prescrire la confiance dans la capacité à changer. Lorsque l échelle de confiance met en évidence un faible sentiment d efficacité personnelle, plusieurs stratégies permettent de renforcer celui-ci. Evoquer les succès passés : Avant de s intéresser au comportement-problème, l intervenant a pris le temps de reconstruire les étapes importantes de l histoire de vie de l usager. En reprenant chaque réalisation ou changement d habitude de vie, on demande à l usager d élaborer sur la question : «Comment avez -vous mis ça en place? Qu est-ce qui vous a aidé? Quels étaient les éléments importants de votre situation à ce moment-là? (aider l usager à repérer et à s approprier les éléments contextuels du passé au moment d une réussite, même relative)». Points forts et ressources dans le réseau de l usager Brainstorming : Il consiste à faire évoquer par l usager le maximum de solutions possibles, sans s occuper de savoir, dans un 1 e temps si elles sont réalistes ou pas. Dans un 2 nd temps seront examinés les avantages et inconvénients de chaque solution. Donner de l information et des conseils Reformuler de façon constructive : Parfois, l usager s enferre dans les raisons de ses échecs. Il est possible de s en sortir par un processus de reformulation de façon constructive. Le thème classique est l échec répétitif de la rechute itérative : «j ai essayé plusieurs fois et chaque fois j ai échoué.» Il s agit de de parler de «l échec» d une manière qui encourage plus qu elle ne bloque les tentatives futures du changement en développant le concept «d essai». Là où «l échec» apparaît comme une chose honteuse, un «essai» est louable. L «essai» est une habitude et une étape indispensable pour la réussite et l accomplissement du changement. Reformuler de cette manière peut favoriser la confiance. Changement hypothétique Si l usager est en train de se noyer dans les détails négatifs, il peut être utile de formuler des hypothèses : 13

«supposons qu il n y ait pas cet obstacle majeur, comment feriezvous pour organiser le changement?» «vous semblez vraiment très découragé, voire démoralisé. Mais essayons de faire preuve d imagination : si vous décidiez d essayer encore, quelle serait la meilleure façon de s y prendre?» 8. Renforcer l engagement au changement Pour cela, il est nécessaire de reconnaître la disposition au changement : - diminution de la résistance - affaiblissement de la discussion autour du problème - l usager parvient à prendre certaines résolutions - le discours-changement augmente - l usager commence à poser des questions sur la manière de changer - l usager anticipe et commence à évoquer ce que pourrait être la vie après le changement. - L usager a commencé à expérimenter des actions de changement$ Alors, on commence à négocier un plan de changement : - Etablir avec l usager un document de travail écrit - Noter les raisons les plus importantes qui motivent au changement - Noter les objectifs principaux pour accomplir ce changement - Prévoir des actions précises et leur date d entrée en action - envisager les personnes ressources dans l aide au changement et la façon de m aider - Evoquer les obstacles possibles au changement et comment y faire face - Noter les résultats attendus 9. Les pièges à éviter - Le piège des questions réponses Il met l intervenant en position d expert actif et le patient en position passive (n élabore plus) Le piège de la prise de parti Chaque fois que l intervenant se positionnera pour le côté sain de l ambivalence, le patient prendra l autre parti, pour maintenir son sentiment d autonomie de décision. - Le piège de l expert L intervenant met en avant ses connaissances et propose ses solutions. Il ressent que la responsabilité du changement pèse sur lui. Ce piège conduit à la mise en échec systématique par le patient de toutes les solutions avancées par l intervenant. 14

- Le piège de l étiquetage Il correspond au besoin de donner au patient un diagnostic et de le lui faire accepter. Seul le patient peut prendre la décision de se traiter «d alcoolique» ou «d alcoolodépendant» et de reconnaître sa maladie (cf AA), en partie à cause de la possible connotation jugeante de ces termes. Le patient va se sentir jugé, disqualifié. Il va rejeter l opinion de l intervenant et augmenter son niveau de résistance. - Le piège de la focalisation prématurée Les habitudes de consommation constituent un sujet sensible et ne sont pas forcément la première préoccupation du patient ni son motif de consultation. Une focalisation prématurée peut être perçue comme intrusive. Il est conseillé de commencer par ce qui préoccupe le patient, puis les habitudes de vie en général puis les habitudes de consommation en demandant la permission. - Le piège de l attribution de la faute Rechercher un «coupable» est inutile voire contre productif perturbe la relation). Questions pratiques 1. Peut-on confronter le patient lorsque l on pratique l EM? Oui, confrontation «empathique», le conflit doit rester intra personnel : D un côté. ET d un autre côté 2. Faut-il tout accepter de la part de l usager quand on pratique l EM? (comportements non respectueux, projets irréalistes) La relation avec l usager doit rester contractuelle, centrée sur le respect mutuel. Chacun doit fixer les limites qu il peut accepter. L intervenant peut refuser d accompagner l usager dans un projet irréaliste qui a déjà fait la preuve de son inefficacité. Dans le cadre de l aide sous contrainte, on ne peut adhérer qu aux objectifs personnels du patient congruents avec la contrainte. Les autres objectifs seront travaillés ultérieurement dans un autre cadre, ou dans un autre espace. 3. Stepped care Les 1 e contacts ont pour objectifs principaux la création d une alliance et «l accrochage» de l usager dans le réseau de soin. Cela peut impliquer l acceptation de projets peu réalistes, en valorisant l autonomie de décision et les ressources de l usager et en lui exprimant nos inquiétudes. On s engage à 15

faire son maximum avec lui pour l aider à réaliser son projet. En contre partie, on lui demande de s engager de façon anticipée à une mesure qu on lui propose. «Ce projet vous motive beaucoup, 4. Combinaison avec d autres approches L EM peut être considéré comme un style relationnel, compatible avec la plupart des approches thérapeutiques (notamment psychodynamique, cognitivo-comportementale, systémique) 5. EM et aide sous contrainte (PLAFA, admission d office, articles, Unité socio-éducative, interventions en prison ) : Contexte de la demande Qui demande? Conséquences si pas de changement? Flèche descendante + signification pour le client? Attentes de l envoyeur Attentes du client Qu est-ce qui doit changer concrètement aux yeux du mandant? Quelles informations dois-je transmettre? (assiduité aux entretiens, consommations, quelles substances) Conséquences prévues si cadre pas respecté? Compatibles avec le cadre et Congruentes avec les attentes de l envoyeur Non compatibles avec le cadre et/ou Non congruentes avec les attentes de l envoyeur Cadre de travail Autres attentes travaillées dans un autre espace Objectifs : En séquentiel : avec même intervenant ou autre intervenant En parallèle : avec autre intervenant Positifs* Contextualisés** Evaluables concrètement Sous le contrôle du client Ecologiques*** *Objectifs contextualisés **Attentes écologiques (du point de vue du client) : - les bénéfices du changement sont supérieurs aux coûts - les coûts sont acceptables 16

Cadre : La première étape consiste à préciser la contrainte, les attentes du mandant ou le cadre de l institution. C est la responsabilité de l usager de s informer sur ces attentes ainsi que les conséquences s il ne les remplit pas. Si ces points ne sont pas clairs, nous devons l inviter à les clarifier avec le mandant. Objectifs ou attentes personnels : Préciser ensuite avec le patient ses attentes, lesquelles sont compatibles avec le cadre du mandat et congruentes avec les objectifs de celui-ci. Les objectifs personnels non congruents avec le mandat ou incompatibles avec celui-ci doivent être exportés vers un autre espace : - prise en charge en parallèle avec un autre intervenant dans un autre cadre ou - prise en charge ultérieure : avec le même intervenant mais dans un autre cadre ou avec un autre intervenant. Les objectifs retenus seront positifs, concrets et évaluables. La responsabilité de l usager sera de montrer au travers de ses actes (seul les actes comptent, pas les intentions) qu il peut gérer sa vie sans se mettre en danger. Respect de l autonomie de décision : L usager a le choix de collaborer avec moi ou pas. Valider la légitimité du désir de l usager de garder son autonomie de décision, ce qui implique d en supporter les conséquences. Reflet de sentiment : Valider la colère de l usager contre la mesure de protection, voire le vécu persécutoire que la mesure peut engendrer, même si l intention de la mesure est bienveillante. Valoriser : Valider les ressources de l usager, dont témoignent ses réalisations personnelles et/ou professionnelles (prendre le temps de reconstruire l histoire de vie et les réalisations de l usager). Valider les efforts que l usager a déjà faits pour aller dans le sens de la mesure (ne serait-ce que le fait d être venu au 1 e entretien avec moi). Encourager l usager à rester focalisé sur ses objectifs (en l occurrence recouvrer son autonomie). Lui exprimer que l on croit en sa capacité à réussir. 17

Plan de l Entretien motivationnel Style Esprit Principes Collaboration Évocation Autonomie Exprimer l empathie Développer les divergences Rouler avec la résistance Soutenir l efficacité EM Outils Questions ouvertes Valorisation Écoute réflective Résumé Bu t Explorer l ambivalence Susciter le discours-changement Pour en savoir plus 1. L entretien motivationnel, Aider la personne à engager le changement William R. Miller, Stephen Rollnick InterEditions 2. Project MATCH research group, 1998 3. Revue de l efficacité de l Entretien motivationnel Moyer et coll., Addiction, 2002 4. www.motivationalinterview.org 18