L ISAE ou le rapprochement de deux grandes écoles d ingénieurs au cœur du processus d internationalisation



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Transcription:

L ISAE ou le rapprochement de deux grandes écoles d ingénieurs au cœur du processus d internationalisation HORS DOSSIER Fusionne-t-on deux écoles comme deux entreprises? Des points communs existent : nécessité d un plan d action, économies d échelle par des synergies, cultures distinctes à associer, dans le respect des individus, sentiment d appartenance, à créer vis-à-vis de l entité nouvelle. Nous sommes toutefois ici sur un marché particulier, celui de la formation, et un positionnement qui souhaite préserver son originalité dans le système français des grandes écoles. par François BOUCHET, Directeur adjoint de l ISAE* Le processus de Bologne, engagé en 2000, a créé une véritable dynamique d internationalisation des formations supérieures, dont les retombées se manifestent dans la durée. Chaque établissement d enseignement supérieur et de recherche est amené à se positionner dans un contexte concurrentiel accru et doit veiller à préserver et accroître sa visibilité à l échelle européenne, voire mondiale. Les grandes écoles, fers de lance d un système de formation spécifiquement français, sont directement concernées ; elles doivent se réorganiser pour relever les défis futurs. Parmi les initiatives engagées depuis quelques années figurent, en bonne place, des rapprochements entre écoles d ingénieurs. Celui qui a abouti à la création de l Institut Supérieur de l Aéronautique et de l Espace (ISAE) en est un des exemples, à méditer. À L ORIGINE DU PROJET : UNE VOLONTÉ POLITIQUE * Institut Supérieur de l Aéronautique et de l Espace (issu du rapprochement SUPAREO & ENSICA) Site : http://www.isae.fr RÉALITÉS INDUSTRIELLES MAI 2008 111

HORS DOSSIER L ISAE a été officiellement créé par décret, en Conseil d Etat, le 1 er octobre 2007. Ce nouvel établissement, placé sous la tutelle du ministère de la Défense, résulte du rapprochement entre deux grandes écoles d ingénieurs du domaine aéronautique et spatial : l Ecole Nationale Supérieure de l Aéronautique et de l Espace (SUPAERO) et l Ecole Nationale Supérieure d Ingénieurs des Constructions Aéronautiques (ENSI- CA). Le rapprochement SUPAERO-ENSICA résulte, avant tout, d une volonté politique du ministère de tutelle. Une telle réforme en profondeur s inscrit dans la logique d amélioration de l efficacité et de développement des écoles d ingénieurs, dans un contexte marqué globalement par : une très forte internationalisation des formations ingénieurs : le processus de Bologne permet aux étudiants européens de parfaire leur formation initiale (de type Bachelor) dans une université européenne. Les différentes universités et grandes écoles se trouvent ainsi mises en concurrence. Leur visibilité et leur aptitude à rayonner à l international deviennent un facteur d attractivité indispensable, y compris pour les élèves français qui souhaitent avoir accès à un réseau de partenaires étrangers, et disposer ainsi d une expérience internationale durant leur cursus de formation ; les limites atteintes par le système éducatif français : reposant sur des principes de sélectivité, le système des grandes écoles encourage l élitisme, mais il conduit à des structures d une taille trop faible pour pouvoir rivaliser avec les grandes universités étrangères bâties sur le modèle anglo-saxon. Ces dernières disposent d une taille et de capacités de formation et de recherche qui leur garantissent une visibilité et une notoriété internationales. Il ne s agit pas de réduire le niveau d excellence des formations, mais d accroître l envergure de nos écoles, ainsi que les moyens dédiés aux activités de formation, afin de les rendre plus attractives. Cette logique de croissance milite en faveur de regroupements efficaces, portés par un positionnement technique clair. Les structures de coopération actuelles, basées sur des «clubs» d écoles ou d autres groupements d entités indépendantes, ne suffisent pas à pallier une telle carence ; l importance des enjeux étatiques et industriels : l adéquation de la formation aux problématiques des entreprises est une clé évidente de réussite, dans un contexte de mondialisation des marchés. Les écoles d ingénieurs ont une mission d accompagnement de nos entreprises nationales et européennes et elles doivent apporter la réponse optimale aux besoins de formation initiale et de mise à hauteur des connaissances professionnelles. La problématique est particulièrement cruciale dans le secteur aéronautique et spatial, stratégique pour la France et l Europe. Les écoles doivent également alimenter, en amont, les compétences des services de l Etat, tout particulièrement ceux de la Délégation générale pour l armement (DGA), dont la récente réforme a pour but de renforcer la fonction technique ; des ressources budgétaires sous contraintes : les enjeux nécessitent des ressources financières importantes, dépassant le niveau envisageable en matière de subvention étatique. Le Programme 144 Environnement et prospective de la politique de Défense, dont dépend le budget des écoles placées sous la tutelle de la Défense, ne laisse pas espérer une couverture complète de l ensemble des besoins envisagés. Les écoles doivent donc, d une part, améliorer leur performance économique en optimisant leur fonctionnement, afin de dégager des marges pouvant être réallouées aux missions prioritaires. D autre part, elles doivent développer leurs ressources propres en vue de compléter l effort financier de l Etat et d accroître leur autonomie budgétaire. Un tel constat n est pas propre aux écoles d ingénieurs aéronautiques ; il est largement partagé par le monde de l enseignement supérieur et les entreprises. Il a conduit notamment à deux réformes de grande ampleur : les pôles de compétitivité, dont l objectif est de faciliter la synergie entre les organismes de recherche, les centres de formation et les entreprises d un même domaine ; la loi d orientation pour la recherche (loi du 25 avril 2006), qui prévoit la mise en place de réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) et la constitution de pôles de recherche et d enseignement supérieur (PRES) accroissant la performance et la visibilité des activités nationales de recherche. Il convient aussi de signaler la démarche entreprise par la Commission des titres d ingénieur (CTI), qui habilite les établissements délivrant le diplôme d ingénieur à réduire le morcellement des formations nationales. C est sur la base de ce constat qu une étude de faisabilité a été lancée, dès 2002. Conduite par les directions des deux écoles, elle a abouti au lancement officiel du projet de rapprochement, en juin 2004. Un chef de projet a été nommé auprès du directeur des ressources humaines de la Délégation générale pour l Armement, qui en exerçait la tutelle, avec la mission de conduire le projet en liaison avec les deux directions d école et selon un calendrier précis devant aboutir à la création du nouvel établissement, dès 2007. DES OBJECTIFS CLAIREMENT IDENTIFIÉS Le rapprochement entre SUPAERO et l ENSICA avait pour but d apporter une réponse pertinente et durable aux enjeux rappelés ci-dessus. Il s agissait donc de créer une structure plus visible à l international, en parfaite adéquation avec les réformes engagées par l enseignement supérieur et ce, en tirant profit de la dynamique régionale. D où les objectifs structurants suivants : 112 RÉALITÉS INDUSTRIELLES MAI 2008

Amplifier le rayonnement des cursus ingénieur Les deux formations, ingénieur SUPAERO et ingénieur ENSICA, continuent à porter l identité scientifique et historique de chacune des deux écoles. Elles poursuivent leur développement spécifique et constituent les deux piliers majeurs d une offre de formation de haut niveau relevant des domaines aéronautique, spatial et connexes. En ce sens, elles sont les vecteurs prioritaires assurant le rayonnement international de l Institut. Midi-Pyrénées et Aquitaine fait partie des pôles labellisés «à vocation mondiale» en 2005. Il s appuie sur des projets structurants, dont l Aerospace Campus (en projet, à Toulouse). L ISAE est l acteur majeur des volets formation et recherche d un tel campus aéronautique. Il a vocation à en promouvoir l image à l échelle mondiale et à fédérer les initiatives de coopération entre les organismes de formation et les entreprises, notamment en tirant parti du lien très fort avec les partenaires des deux écoles (SUPAERO et ENSICA). FRANÇOIS BOUCHET Constituer un ensemble apte à fédérer les formations supérieures du domaine aérospatial L ISAE a vocation à devenir une nouvelle référence au niveau international. Son positionnement scientifique unique est fortement lisible, la diversité de ses formations allant des cursus ingénieur (formation initiale) aux mastères spécialisés, diplômes nationaux de master et doctorats, la formation continue et les capacités héritées des deux écoles fondatrices lui permettant de prétendre au plus haut niveau mondial. Sa taille, bien que modeste au regard des grandes universités anglosaxonnes (basées, il est vrai, sur une logique pluridisciplinaire), est supérieure à la taille classique d une grande école. Par ailleurs, en recourant au statut d établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel dans une version Grand Etablissement (EPSCP, au sens du Code de l Education), l ISAE se dote d une structure ouverte, capable d accueillir ultérieurement d autres entités relevant du même périmètre scientifique et technique. En ce sens, il préfigure les bases du premier pôle européen d enseignement supérieur dédié à l aéronautique et à l espace. Le rayonnement de l ISAE bénéficiera des dispositions applicables aux EPSCP (notamment, de celles retenues par la loi d orientation pour la recherche). L organisation interne du cœur de métier formationrecherche doit être en adéquation avec le périmètre des différentes écoles doctorales, duquel l établissement participe. Les capacités de recherche, facteur indubitable de notoriété, bénéficient directement du regroupement des moyens hérités des deux écoles au sein d un ensemble à gouvernance unique. Les réseaux tissés par SUPAERO et l ENSICA s en trouvent valorisés Exploiter la synergie du pôle de compétitivité Aerospace Valley L ISAE est, de fait, un acteur majeur de formation et de recherche du pôle de compétitivité Aéronautique Espace Systèmes Embarqués. Baptisé «Aerospace Valley», ce pôle de compétitivité impliquant les régions Accroître l efficacité organisationnelle, en cohérence avec l ambition La création d un nouvel ensemble s accompagne d une réflexion sur l organisation interne. Les processus régissant l organisation et le fonctionnement interne de l ISAE sont conçus selon une démarche de qualité visant à obtenir la certification ISO 9001 (version 2000), à l horizon 2009. Par ailleurs, l organisation se caractérise par la réduction de la structure, une gouvernance forte et la création de trois pôles coopératifs : pôle recherche et ressources pédagogiques, pôle formations, pôle soutien et ouverture. Le rapprochement des deux écoles se traduit par une mise en commun systématique de leurs moyens respectifs. UN PROJET MENÉ DE FAÇON COLLECTIVE Les principes du rapprochement une fois formalisés, un chef de projet a été nommé par la tutelle avec, pour mission, de piloter l avancement des travaux de rapprochement. La structure de pilotage comprenait un comité directeur, présidé par la tutelle. Ce comité fixait des objectifs et les rendez-vous au chef de projet, se faisait rendre compte de l avancement du projet et s assurait de la cohérence d ensemble des travaux réalisés et de leurs perspectives d aboutissement. Au niveau local, un comité opérationnel (COMOP) était formé de l ensemble des responsables de groupes de travail thématiques : formation-recherche, développement international, questions administratives et soutien logistique, communication. Présidé par le chef de projet, le COMOP était véritablement la cheville ouvrière du projet ; il permettait de valider les différentes propositions issues des groupes de travail, d assurer la concertation entre les deux directions d école et de préparer les décisions à soumettre au comité directeur (CODIR). Le démarrage des travaux a également nécessité l apport méthodologique d un cabinet externe. Ce regard extérieur a été fort utile pour cadrer les actions dans la durée et formaliser la démarche de pilotage. RÉALITÉS INDUSTRIELLES MAI 2008 113

HORS DOSSIER Une telle organisation avait pour but d associer, le plus possible, les personnels des deux écoles. Ainsi, la participation aux différents groupes de travail était basée sur le volontariat et une grande liberté de parole. Au bilan, ce sont près de 25 % des personnels des deux écoles qui ont participé activement à la mise en place de l organisation de l ISAE. Leur intervention a eu, notamment, deux retombées essentielles : d une part, la confrontation des orientations stratégiques à la réalité du terrain, d autre part, un rôle de relai d information et de concertation au sein des différents services des deux écoles. Ainsi, le dialogue entre équipes homologues a pu être initié très en amont. Les travaux ont essentiellement porté sur l organisation interne. Celle-ci a été élaborée en préservant les spécificités des formations, tout en créant des synergies fonctionnelles dans les autres domaines. Elle a été dimensionnée en réinjectant les économies d échelle dans le cœur de métier et les actions de développement. L ensemble des personnels a été transféré à l ISAE, l affectation des postes ayant donné lieu à une démarche rigoureuse et transparente. Les postes ont été définis en fonction des besoins de l ISAE et chaque agent a pu exprimer ses desiderata. Une dernière vérification, tenant compte des contraintes individuelles, a permis de garantir une bonne adéquation entre les besoins et les ressources. Le transfert administratif à l ISAE a été préparé dès 2006, statut par statut, en liaison avec la direction des ressources humaines du ministère. Les personnels ont pu interagir sur les dispositions réglementaires devant être mises en place dans le nouvel établissement, notamment sur la gestion du temps ou l avenir des associations. sur leurs conditions de travail, leur rémunération, ainsi que sur les budgets de fonctionnement et d investissement des différents services. Les travaux de rapprochement ont été menés en ayant ces préoccupations à l esprit. En rendant les personnels acteurs du changement, les groupes de travail ont largement contribué à l acceptation de la réforme. L évolution même des discussions témoigne de ce changement progressif des mentalités. D une situation initiale caractérisée par un grand scepticisme («Cela fait des années, que l on parle de se rapprocher») et un certain climat de méfiance réciproque («Pourquoi devrait-on se rapprocher ; quel intérêt, pour SUPAE- RO? Ne va-t-on pas perdre notre identité culturelle?»), les personnels ont pu s approprier, progressivement, les bénéfices de l opération et être rassurés sur les garanties offertes. Une fois surmontée la crainte initiale de l inconnu, il a été possible de définir un mode de fonctionnement qui fût compatible avec les principes fondateurs. Les craintes les plus vives concernaient l image-même de l institution : SUPAERO est une école presque centenaire, jouissant d une notoriété forte auprès des étudiants et des entreprises ; l ENSICA était également connue, dans le monde de l aéronautique et de l espace. Comment garantir que l ISAE récupérerait et amplifierait une telle notoriété et ce, dès sa création? Comment garantir que l opération ne serait pas assimilée à une hybridation entre les deux formations, au risque de dégrader significativement les recrutements en classes préparatoires, dont on sait le caractère très conservateur? Sur de telles interrogations, la réponse ne pouvait être définitive : elle se construisait, au fil du projet. 114 ACCOMPAGNER LE CHANGEMENT EN INTERNE Il ne suffit pas de décréter les vertus d un changement pour convaincre. L opération revêtait une sensibilité très forte liée à l histoire des deux écoles. Il fallait gérer le sentiment de «deuil» inhérent à la disparition des deux institutions, en mettant en valeur les bénéfices attendus de la nouvelle structure. Cet exercice était d autant plus délicat que le rapprochement pouvait être perçu comme une fusion destinée à dégager des économies, en moyens et en personnels. Il a donc fallu expliquer les objectifs, insister sur le caractère vertueux du rapprochement : plus de visibilité et d efficacité dans le pilotage des actions de développement ; émergence d un véritable pôle en adéquation avec les l Aerospace Campus ; recours à un statut d établissement de type EPSCP, mieux adapté aux missions d enseignement supérieur et de recherche. Il a également fallu donner des garanties de non régression, que ce soit sur le cœur de métier (l avenir des formations) ou dans le domaine du soutien. En particulier, les personnels étaient dans l attente d assurances RÉALITÉS INDUSTRIELLES MAI 2008 La communication, acteur clé du projet Un tel projet collectif n aurait pu réussir sans une communication interne performante. Pour ce faire, un groupe de travail a été chargé d identifier et de piloter les actions de communication : publication régulière d une revue interne sur l ensemble du projet, mise en place d un intranet «rapprochement» où toutes les données disponibles étaient référencées, réunions d information régulières, à l intention des personnels et des élèves. Les organisations syndicales ont également participé à cette déclinaison des temps forts du projet. Elles ont été associées très tôt à la démarche, ce qui a permis de leur confier un rôle coopératif important, notamment lors de l affectation des personnels. A posteriori, il est évident que la transparence de la communication interne a largement facilité l instauration d un climat de confiance, ainsi qu une plus forte mobilisation des personnels. Le groupe de travail communication a probablement été le plus sensible à gérer, car il cristallisait le ressenti identitaire de chacune des deux écoles ; il a fallu beaucoup de concertation et d écoute mutuelle

pour dépassionner certains débats touchant à leur image, et à leur mémoire. Sur le plan externe, également, la communication a joué un rôle déterminant. Il s agissait de convaincre nos partenaires de la nécessité de la réforme. Dès mars 2006, des actions ont donc été menées afin de faire connaître les objectifs du rapprochement (articles dans la presse, interview ). En parallèle, les différents interlocuteurs ministériels ont été consultés. Les associations d anciens élèves ont relayé l état d avancement de l opération et soutenu le chef de projet dans sa démarche. Ce soutien a joué un rôle décisif dans l acceptation du rapprochement par les deux communautés. La communication vers les classes préparatoires a également permis de resituer le contexte du rapprochement et de répondre aux interrogations des étudiants sur l avenir des deux cursus ingénieur. Les recrutements 2006 et 2007 ont été nominaux, prouvant par là-même que le rapprochement n était pas considéré comme un élément susceptible de perturber le choix des élèves. Le rapprochement SUPAERO-ENSICA s est officiellement achevé par la création de l ISAE, le 1 er octobre 2007. Ce jour-là, un établissement unique s est substitué aux deux écoles, reprenant l ensemble de leurs missions et attributions. Pour beaucoup, cette mutation était déjà effective, et cette page se tournait, tout-à-fait logiquement. Pour autant, le changement est loin d être achevé. L ISAE doit maintenant démontrer sa capacité à atteindre l ambition qu il s est fixée. Il doit voler de ses propres ailes et développer une culture d établissement, nouvelle et fédératrice des deux anciennes populations SUPAERO-ENSICA. Les contrats d objectifs et de moyens 2007-2011, signés du ministre de la Défense et du Président du conseil d administration, constituent une référence précieuse, cadrant les orientations et les principales actions à mener, sur la durée. Ils doivent être complétés par une réflexion interne sur les valeurs partagées au sein de l établissement pour que chacun puisse être fier de travailler à sa réussite. Les premiers succès de notoriété de l ISAE seront également engrangés au cours des prochains mois : ils permettront de renforcer le sentiment de fierté d appartenir à ce nouvel ensemble, dont on ne mesure pas encore tout le potentiel. FRANÇOIS BOUCHET DÉVELOPPER UN SENTIMENT DE FIERTÉ D APPARTENIR À L ISAE RÉALITÉS INDUSTRIELLES MAI 2008 115