PRISE EN CHARGE DES FEMMES ENCEINTES TOXICOMANES. AU CHU DE MONTPELLIER : RESULTATS PÉRlNATAUX ET PSYCHOSOCIAUX

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1 PRISE EN CHARGE DES FEMMES ENCEINTES TOXICOMANES AU CHU DE MONTPELLIER : RESULTATS PÉRlNATAUX ET PSYCHOSOCIAUX Corinne Chanal*, Rose Marie Toubin**, Paul Benos***, Evelyne Mazurier****, Michèle Misraoui*****, Jocelyne Clutier*, Pierre Boulot***, Françoise Molénat** *Sage-femme, Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU Montpellier ** Pédopsychiatres, Unité petite-enfance, Service MPEA, CHU Montpellier *** Services de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU Montpellier **** Pédiatres, Serviœ de Pédiatrie II, Hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU Montpellier Mots clefs : toxicomanie, opiacés, périnatalité, prématurité, croissance fœtale, nouveau-né, sevrage, mortalité périnatale, collaboration médico-psychologique, travail en réseau. INTRODUCTION La grossesse chez une femme toxicomane était jusqu'à ces dernières années une situation redoutée des services de gynécologie-obstétrique : absence de suivi, taux élevé de prématurité, troubles du comportement et de la communication, incertitude quant aux effets des drogues sur le foetus, délaissement des nouveau-nés, inquiétude pour leur devenir, fréquence des placements judiciaires précoces, malaise des professionnels [1, 2, 3, 4]. Les pédopsychiatres étaient concernés par les troubles relationnels et leur incidence sur le développement des enfants. Tous ces problèmes étaient majorés par les conditions de vie souvent précaires des femmes enceintes toxicomanes et le manque de coordination entre les professionnels. Enfin, l'identification de la toxicomanie pendant la grossesse restait rare (moins de 5 cas/an jusqu'en 1995 au CHU de Montpellier). L'hypothèse de départ de notre travail était que l'accueil de ces patientes par les équipes soignantes, au travers de protocoles de soins somatiques et relationnels spécifiques, apportât suffisamment de sécurité aux professionnels et aux parents pour se rencontrer dans la confiance et la continuité, deux principes jusque-là impensables dans ce type de cas. Une cellule "parentalité-usage de drogues" (CPUD) s'est constituée à l'initiative d'une sage-femme hospitalière, après avoir travaillé de manière informelle plusieurs années sur l'accueil de ces femmes dans les différents secteurs. L'objectif était la naissance à terme d'un enfant en bonne santé qui soit pris en charge sans être séparé de sa mère. La création d'une "unité de soins en berceau" au sein du secteur de Suites de couches a permis la surveillance et le traitement des nouveau-nés sur place et a favorisé de ce fait l'instauration des liens affectifs précoces. Dans le même temps, les médecins généralistes se sont organisés pour prendre en charge les héroïnomanes avec des traitements de substitution et deux "centres méthadone" se sont créés à Montpellier. L'objectif de cette étude est d'évaluer l'impact d'une "cellule-parentalité usages de drogues" sur l'adhésion des patientes au suivi proposé, de mesurer les effet de la prise en charge périnatale sur les données obstétricales, pédiatriques, sociales et psychologiques ainsi que sur l'instauration des liens précoces parents-enfants.

2 LA CELLULE PARENTALITE ET USAGE DE DROGUE La CPUD a été financée sur des crédits de la direction départementale des actions sanitaires et sociales (DDASS) depuis mars 1997 renouvelable chaque année. C'est une unité fonctionnelle localisée dans le service des grossesses à risque avec un bureau et un poste téléphonique avec répondeur dans le secteur des consultations. Trois personnes ont animé la CPUD : une sage-femme à mi-temps, conservant son autre mi-temps en hôpital de jour où sont suivies les grossesses à haut risque, une pédiatre sur une vacation hebdomadaire (3 heures et demi) et une pédopsychiatre sur deux vacations hebdomadaires, par ailleurs rattachée à une unité de pédopsychiatrie. Le fonctionnement de la CPUD comportait plusieurs axes : - faciliter l accès aux soins des femmes enceintes toxicomanes, - réduire les risques médicaux-psycho-sociaux de la toxicomanie sur la grossesse, - créer les conditions favorables à l épanouissement du lien mère-enfant, - former et soutenir les équipes. L accès à cette prise en charge se faisait sur rendez-vous avec la sage-femme référente. La moitié des patientes ont été adressées par des professionnels de la grossesse intra ou extra-hospitalier, un tiers par des professionnel de la toxicomanie (centres spécialisés et médecins généralistes). 12% sont arrivés par le bouche à oreille entre usagers de drogues. Le premier rendez-vous était donné rapidement (<8 jours). C était une rencontre réciproque soignant-patient où chacun se présentait et définissait ses objectifs. Il comprenait : - un recueil de tous les facteurs de risques médicaux, psychosociaux, environnementaux, - l identification des prises en charges déjà en place, - une consultation obstétricale, - l établissement d un planning de suivi de grossesse à haut risque ; c est-à-dire : une consultation tous les 15 jours à partir de 20 SA et une surveillance par monitoring une fois par semaine au troisième trimestre si possible avec une sage-femme de PMI. La sage-femme assurait ensuite une consultation sur deux en alternance avec le gynécologue-obstétricien choisi par la patiente (libéral ou hospitalier). Elle orientait les patientes en fonction de leurs besoins et coordonnait le réseau de professionnels. A partir de 28 SA, elle proposait une consultation avec un pédiatre aux femmes (aux couples).le pédiatre abordait le retentissement des différents toxiques sur le fœtus et le nouveau-né, expliquait en détail les modalités de la prise en charge de l'enfant à la naissance et lors du séjour en maternité ou en pédiatrie. Le pédiatre informait les futurs parents du syndrome de sevrage, de son inconstance, de ses risques, de ses difficultés, mais aussi de toute l'aide que ces parents entourés de professionnels qualifiés et à l'écoute pourraient apporter à leur enfant [5]. Une consultation avec le pédopsychiatre n'était pas systématique, mais le résultat d'un long et délicat travail d'élaboration avec la sage-femme qui contextualisait cette rencontre. L'adhésion au planning des consultations programmées (qui est dense) faisait l'objet d'une vigilance particulière de la sage-femme. Elle répertoriait les rendez-vous non respectés tant avec elle-même qu'avec les autres professionnels cités, en veillant à ce que les couples le vivent comme une aide et pas comme une injonction de soin. Vers 36 SA, l'accouchement était anticipé : - consultation pré-anesthésie, - visite des salles d'accouchement et présentation de l'équipe, - visite de l'équipe de l'unité kangourou, du service de suites de couches avec la présentation de l'équipe, - visite du service de soins intensifs de pédiatrie dans le cas d'un éventuel transfert de l'enfant, - consultation avec la sage-femme coordinatrice pour discuter du contenu des transmissions en respectant la confidentialité, - appel téléphonique au médecin référent de la toxicomanie (psychiatre ou généraliste) pour qu'il pût adresser un courrier ou un fax précisant les traitements de la patiente avant de les commander à la pharmacie hospitalière. Toutes les situations étaient reprises avec le pédopsychiatre de façon hebdomadaire sur un temps de supervision clinique et institutionnelle qui comportait une analyse rigoureuse prospective de toutes les situations, un repérage des moments sensibles, un soutien de la place de la sage-femme et la visualisation des articulations interprofessionnelles et de leurs effets sur la dynamique familiale en construction (trois heures par semaine).

3 PATIENTES ET METHODES 82 dossiers de mères toxicomanes ont été retenus durant la période du 15 mars 1997 au 15 avril 2001 répondant tous aux critères d'inclusion suivants : - première rencontre avec la sage-femme spécialisée de la CPUD au moins 15 jours avant la naissance, - toxicomanie aux opiacés : héroïne, méthadone, Subutex, sulfate de morphine, - accouchement dans le service de gynécologie-obstétrique du CHU de Montpellier. Ont été exclues de cette étude 36 femmes ne répondant pas à ces trois critères malgré la présence des deux autres: - 23 femmes sous opiacés, dont 12 vues moins de 15 jours avant l'accouchement et 11 ayant accouché en dehors du CHU dans les maternités périphériques, - 13 femmes avec une poly toxicomanie sans opiacés (benzodiazépines, alcool, cannabis, cocaïne, ecstasy, amphétamines, LSD). RESULTATS PERINATAUX 1) Consultations Les patientes avait une bonne compliance au suivi proposé : 72, 8% des patientes ont consulté plus d'une fois par mois. Nous avons retenu comme critère de bon suivi de grossesse un taux de consultation supérieur à 1 par mois associé à l'existence d'une première consultation avant 15 SA, on obtient un taux de bon suivi de 61,7%. Pourtant 50% d'entre elles ont raté au moins un rendez-vous et 15,9% plusieurs rendez-vous malgré un taux de relance important par la sage-femme référente. Seulement 8,5% des suivis n'ont pas nécessité de communication téléphonique avec les patientes. 74,4% des patientes ont bénéficié d'une échographie précoce (< 15 SA) et 86% ont fait au moins 3 échographies. 83 % des femmes ont eu une surveillance par monitoring une fois par semaine tout le 3ème trimestre de la grossesse (72% par une sage-femme de PMI). 92,7% sont venues au rendez-vous prévu de consultation anesthésie (sans relance). 2) Hospitalisations 65,9% des patientes ont bénéficié d'une surveillance en hospitalisation de jour dont : - 30,5% pour bilan d'une pathologie obstétricale, - 12,2% pour prise en charge d'un problème lié à la toxicomanie (méthadonémie sur 12 heures,...), - 18,3% sans pathologie avérée mais dans le but de faciliter l'adhésion au suivi et globaliser la prise en charge: limiter les déplacements en cas d'éloignement géographique et/ou de difficultés à la compliance. 46% des patientes ont été hospitalisées dans le secteur des grossesses à risques. La durée moyenne de séjour est de 8,6 jours. Deux tiers d'entre elles l'ont été de façon programmée : - 14 pour une raison liée à la toxicomanie (mise en place ou modification d'un traitement de substitution à l héroïne, arrêt des pratiques d'injection de ces traitements,...) - 12 pour sécurisation et procuration d un cadre relationnel dans le but de renforcer les liens de confiance avec les professionnels à court et moyen terme. L'autre partie (9 femmes) a été hospitalisée en urgence ou semi-urgence pour raison obstétricale. 3) Les interventions spécialisées pendant la grossesse a) la consultation anténatale du pédiatre 80,5% des femmes ont eu un entretien avec un pédiatre réfèrent du projet dont 11% en libéral au cabinet. La consultation a pu être effective avant 34 SA dans 46,3% des cas et après 34 SA dans 34,1% des cas. b) le conseil social 28% des femmes ont eu besoin que la sage-femme référente du projet organise une orientation vers une assistante sociale.

4 c) la consultation de pédopsychiatrie Proposée en anténatal à 31% des patientes, elle a eu un taux d'acceptation de 70%. Elle a été réalisée en urgence pour 27% des patientes. Les motifs de consultation explicités se sont distribués principalement ainsi: - 8 femmes pour antécédents obstétricaux ou peur irraisonnée de l'accouchement (20% des femmes ont exprimé un vécu traumatique de leurs antécédents obstétricaux, mais l'orientation vers une consultation de pédopsychiatrie n'a pas toujours été possible), - 9 femmes pour angoisse liée à un problème relationnel pendant la grossesse (couple, fratrie, futurs grands-parents,...), - 5 femmes pour une angoisse massive persistante non liée à un événement identifié malgré de liens de confiance et une bonne compliance au suivi. En suites de couches 47,8% des femmes ont pu être adressées au pédopsychiatre, souvent dans une semiurgence. d) la consultation de psychiatrie adulte 15,8% ont eu une consultation psychiatrique dans le cadre de la mise en place ou la poursuite d'un suivi déjà en cours. e) les consultations avec les médecins référents en toxicomanie 75,7% des patientes étaient sous traitement de substitution avant le début de la grossesse : - 62,2% par un médecin généraliste, - 12,2% dans un centre spécialisé, - 3,6% par un service de psychiatrie dont une lors d'un séjour en prison. Pour 20% des patientes la grossesse a été l occasion d une prise en charge de leur toxicomanie. La sage-femme référente du projet s'est mise en contact avec le médecin réfèrent toxicomanie dans : - 92,7 % des cas au moins 1 fois pendant la grossesse, - 65,9 % des cas plusieurs fois pendant la grossesse, - 95,2 % des cas pour organiser la sortie du service de suites de couches. 4) accouchement Des 82 grossesses sont issues : - 82 naissances vivantes dont 2 gémellaires - 1 fausse-couche tardive à 18 SA - 1 mort fœtale à 35 SA En moyenne : le terme était de 38,5 SA, le poids de 2800 g, la taille de 47 cm et le périmètre crânien de 33 cm Seuls 2,4% des accouchements ont eu lieu avant 32 SA, le taux de grande prématurité est devenu proche de celui de la population générale. Répartition des accouchements en fonction du terme Terme Grossesse 22-24 SA 1,2% 30-31 SA 1,2% 32-34 SA 3,75% 35-36 SA 8,75% >= 37 SA 85,1% L hypotrophie reste importante avec surtout trois fois plus de retard de croissance au 3 ème percentile que dans la population générale.

5 Hypotrophie en fonction des courbes de Leroy et Lefort < 10ème percentile < 3ème percentile Poids 18,5% 9,87% Taille 37% 24,7% Périmètre crânien 13,5% 4,93% 5) Après la naissance a ) syndrome de sevrage 71,6% des enfants ont fait un syndrome de sevrage dont 13,6% pris en charge par nursing seul et 58% par nursing associé à un traitement médicamenteux. Aucun enfant n'a convulsé. b) non-séparation mère-enfant 90% (73 mères) sont restées hospitalisées entre 7 et 35 jours sans séparation avec leur enfant grâce à l'apport logistique de l'unité de soins en berceaux. Seuls 8 enfants de 7 mères ont été séparés de façon précoce et prolongée : - 5 pour hospitalisation en réanimation néonatale : 4 naissances prématurées et 1 souffrance fœtale aiguë à 36 SA, - 2 sorties maternelles précoces à J3 et 1 mutation en hôpital psychiatrique à J 2. c) les conditions d'hospitalisation La durée moyenne d'hospitalisation des mères en suites de couches est de 12 jours (extrêmes : 2-35 jours). Pendant ces hospitalisations les équipes médicales et paramédicales se sont senties en sécurité. Seulement deux interventions spécialisées ont été nécessaires en 4 années : -1 consultation psychiatrique -1 consultation pour toxicomanie Toutes les autres réévaluations des traitements de toxicomanie (10 %) ont été gérées par téléphone avec le médecin référent de chaque patiente. 6) la présence du père Si 42,7% des pères étaient toxicomanes aux opiacés, ils ont été présents à toutes les étapes de la prise en charge de leur compagne. Père présent Consultations prénatales 85,7% Accouchement 83,3% Suites de couches 84,5% 7) les modalités du retour à domicile Aucune femme n'est sortie contre avis médical. Seules 3 mères sont sorties précocement (< 3 jours), avec organisation des rencontres avec leur enfant pour 2 d'entre elles malgré la décision de placement verbalisée à la mère. Une mesure judiciaire a été prise pour 4,9 % des enfants, mais dans un seul cas la rupture mère-enfant a été complète. Un relais avec les professionnels de PMI a été accepté par 88,9% des patientes dont 80,2% avaient établi des liens dès l'anténatal contre 11,1% qui l'ont refusé, optant pour un suivi libéral ou hospitalier. Un relais avec la pédiatre qui avait rencontré les parents en anténatal a été accueilli favorablement pour la majorité des parents.

6 CONCLUSION Nos résultats suggèrent fortement que la Cellule Parentalité et Usage de Drogues (CPUD) réponde à la fois aux besoins des femmes enceintes toxicomanes et à ceux des professionnels. La pertinence des résultats présentés nous paraît être assurée par plusieurs critères rarement réunis dans les études de la littérature: homogénéité de l'étude avec personnel identique durant 49 mois, durée de l'observation suffisamment longue, importance du recrutement pour un seul centre, mode de sélection des patientes dans le cadre de l'étude (un seul type de toxicomanie, un seul centre de naissance, une seule modalité de suivi périnatal). L'originalité de cette expérience est qu elle f^t animée par une sage-femme formée à la prise en charge des grossesses à risque, à la toxicomanie et au travail en réseau. Sa place a été d'emblée reconnue par l'ensemble des acteurs intra et extra-hospitaliers. La CPUD était centrée sur la grossesse ; il n y avait pas d inscription dans la filière toxicomanie. Elle utilisait toutes les structures existantes et les personnes ressources non spécifiques sans systématiser les orientations, ni provoquer de ruptures de prises en charge. Le fonctionnement de cette cellule a bénéficié de l'expérience déjà ancienne d'une collaboration entre services d'obstétrique et de pédopsychiatrie. La possibilité pour la sage-femme d'analyser l'évolution de tous les cas avec un pédopsychiatre lui a permis de ne pas être débordée par ses engagements relationnels intenses. Les futures mères et leur conjoint se sont sentis accueillis et ne craignaient plus le jugement et le rejet des professionnels. Ils pouvaient ainsi exprimer leurs peurs et leurs attentes d'une prise en charge. [8, 9]. Les femmes enceintes toxicomanes ont pu alors verbaliser leur prise de toxiques et adhérer à un programme de soins lourds, comme toute grossesse à haut risque. En effet la cellule parentalité et usage de drogues a permis à ces patientes d être considérées comme des grossesses pathologiques et non comme des cas sociaux. Nous avons assisté à une spectaculaire modification du regard des soignants. La toxicomanie est devenue une pathologie obstétricale comme la MAP, le RCIU ou la toxémie gravidique. Nous avons alors observé une diminution d une partie des risques médicaux notamment de la grande prématurité, par contre l hypotrophie reste importante. La visite anténatale du pédiatre a influé sur la dédramatisation du syndrome de sevrage et l armement des parents pour aider leur enfant. L hospitalisation mère-enfant en maternité a permis de traiter le syndrome de sevrage de l enfant mais aussi de soutenir les premières interactions des parents avec cet enfant, de les aider à comprendre ses besoins, et de transmettre les capacités des parents aux professionnels qui les ont accompagné à la sortie de la maternité (services PMI, pédiatres, médecins généralistes ). Aucune mère n est sortie contre avis médical. Nous avons obtenu un effondrement du placement des enfants et surtout une quasi-disparition des ruptures mèreenfant. L'intervention du pédopsychiatre auprès des parents s est fait sur les facteurs de risque et de vulnérabilité spécifiques décelés par la sage-femme de la cellule. Cette consultation prenait alors du sens pour les parents, à condition d'être rapide et pleinement intégrée au reste du suivi médical. Elle a été l'occasion que des perturbations affectives anciennes soient enfin explorées et réorganisées, parfois avec la famille élargie (grandsparents etc..). En particulier, les conditions traumatiques associées à l entrée dans la toxicomanie ont pu être explorées en s'appuyant sur la qualité des liens mis en place grâce au suivi médical, liens qui permettent de canaliser le réveil de l'angoisse. Dès le début de la CPUD, la formation des professionnels médicaux-psycho-sociaux, leur soutien et des liaisons ajustées autour de chaque situation ont été nos priorités. Ainsi notre expérience a pu être transmise et les patientes des secteurs géographiques périphériques ont été prises en charge sur place avec ou sans accompagnement direct de notre part. Nous sommes conscients que les résultats obtenus restent partiels. Ils doivent être élargis par l'étude du devenir psychoaffectif des enfants et par l'appréciation de la sécurité des femmes et de leur conjoint dans l'exercice de leur fonction parentale à long terme.

7 REFERENCES 1 - LAWSON M.S., WILSON G.S. Parenting among woman addicted to narcotics. Child Welcare 1990; 59: 67-79. 2 - SWODER B.J., BURT M.R Children of heroin addicts: an assessment of health, learning, behavioral andadjustment problems New York. Praeger, 1980. 3 - BONGAlN A., HUSS M., GILLET J.Y. Toxicomanie et grossesse. Rev. Prat. l992; 42 (8): 1004-9. 4 - LEJEUNE C., ROPER J.C., MONTANAT S., FLOCH-TUDAL C., MAZY F., WIJKHUISEN N., FROMENT H. Devenir médico-social de 59 nouveau-nés de mère toxicomane. J. Gynecol. Obstet. Biol. Reprod. 1997; 26: 395-404/ 5 - American Academy of Pediatrics. Neonatal drug with drawal. Pediatrics 1998 101: 1079-1088. 6 - MAZURIER E., CHANAL C., MISRAOUI M., TOUBIN R.M. De la femme à l enfant ; les liens interprofessionnels autour de la femme enceinte sous opiacés. Arch Fr Pediatr 2000 ; 7 (suppl. 2) : S281-2. 7 - MOLENAT F. Grossesse et toxicomanie. Eres 2000 (coll Prévention en maternité). 8 - CHANAL C., TOUBIN R.M., BENOS P., MAZURIER E., MISRAOUI M., CLUTIER J., BOULOT P., MOLENAT F.Cellule Parentalité et Usage de Drogues, résultats périnatals et psychosociaux. Arnette 2001(sous presse).

Nom du document : lettre_gynéco.doc Répertoire : C:\Documents and Settings\Maman\Bureau\CPUD Modèle : C:\Documents and Settings\Maman\Application Data\Microsoft\Modèles\Normal.dot Titre : Sujet : Auteur : SLV Mots clés : Commentaires : Date de création : 13/09/2001 10:16 N de révision : 27 Dernier enregistr. le : 27/01/2002 5:15 Dernier enregistrement par : SLV Temps total d'édition : 537 Minutes Dernière impression sur : 05/06/2006 6:07 Tel qu'à la dernière impression Nombre de pages : 7 Nombre de mots : 3 297 (approx.) Nombre de caractères : 18 138 (approx.)